Therese desqueyroux
Mais, dès la nuit de noces, elle ressentit la déception de l’amour charnel, le dégoût de cet époux égoïste et mesquin, homme fruste, trop différent d’elle. Et elle souffrit de l’asphyxie par le milieu, méprisant de toute sa lucide intelligence cette belle-famille dans laquelle elle avait cru trouver un refuge. Elle accoucha d’une petite fille, Marie, et continua à mener une vie extérieurement tout unie, alors qu’en fait cette maternité sans joie lui donnait la nausée. Année s’était brusquement amouracher d’un voisin, Jean sauvera.
Bouleversée par cet amour fou dont la jeune fille ui avait confié par lettre les plus intimes transports, éthérées accepta le rôle que ses beaux-parents et bernera lui proposaient de jouer pour les séparer. Le séducteur, trouvant en elle un auditoire à sa mesure, lui tint un discours qui n’était pour lui qu’une jonglerie, mais qui, pour éthérées, était tint un discours qui n’était pour lui qu’une jonglerie, mais qui, pour éthérées, était une ouverture au monde de la pensée en accord avec les actes. Cependant, avec bernera, elle combina pour Année un mariage de raison et d’argent avec un autre voisin, « le fils déguenillé ».
Elle vit bernera, qui souffrait du c?Ur, prendre par inadvertance, dans l’affolement provoqué par un incendie, une dose trop forte de médicament, ce qui le rendit très malade. Elle réitéra alors volontairement le même geste. Il frôla la mort, et tout alors se dénoua brutalement : le pharmacien produisit des ordonnances falsifiées au moyen desquelles elle s’était procuré des produits toxiques ; une instruction criminelle fut ouverte, à laquelle mit fin le non- lieu. A argileuse, où le e espère trouver le pardon, être enfin comprise et aimée, éthérées fait face à un justicier qui reste ourdi à ses explications.
La « confession » s’avère impossible, et bernera fait connaître la sentence familiale : elle vivra désormais en recluse dans la maison solitaire, l’honneur familial exigeant qu’le eu demeure afin de sauver les apparences ; son départ, qui accréditerait la thèse de l’empoisonnement, ferait échouer le mariage d’année, entacherait le destin de Marie, dont on la sépare. Reléguée dans une chambre à l’étage, elle y vit dans une solitude totale, car elle est abandonnée de son père, tandis que bernera, rassuré, déserte bientôt le domaine.
Elle ombre dans une prostration où elle se livre aux rêves d’amour et de gloire les plus fous, jusqu’ ce que sa douleur devienne où elle se livre aux rêves d’amour et de gloire les plus fous, jusqu’ ce que sa douleur devienne sa seule raison d’être et sa seule occupation. Elle songe au suicide, mais son geste est empêché par la mort imprévue de sa vieille tante. Se voyant bientôt interdire ce pâle réconfort que constitue la messe dominicale, à l’image de la nature automnale qui se glace peu à peu, elle se laisse dépérir tant physiquement que moralement.
Son allure fantomatique inquiète la mille qui est venue, peu avant Noël, présenter le fiancé d’année. Le régime de séquestration est alors adouci et bernera promet une libération après e mariage d’année. Le dernier chapitre laisse éthérées, libérée par bernera, auquel elle a définitivement renoncé à expliquer son acte, se fondre, anonyme, dans la foule parisienne : « Elle riait seule comme une bienheureuse». Analyse (la pagination est celle du Livre de poche) Genèse L’inspiration du roman provient d’un choc que mourrai éprouva en découvrant, dans la chronique judiciaire, un fait divers et un procès.
Il l’évoque dans une adresse à éthérées qui figure en tête du roman Adolescent, je me souviens d’avoir aperçu, dans une salle étouffante d’assises, livrée aux avocats moins féroces que les dames empanachées, ta petite figure blanche et sans lèvres. » À Bordeaux, en juin 1905, les révélations d’un pharmacien au médecin qui soignait un riche négociant pour un mal étrange entraînèrent des soupçons contre Blanche cancan, son épouse, qui, grâce aux ordonnances d’un docteur des Blanche cancan, son épouse, qui, grâce aux ordonnances d’un docteur des Landes, s’était fait délivrer des toxiques.
Interrogée, elle prétendit que les ordonnances lui avaient été apportées par un inconnu (qu’on ne retrouva pas) et qu’elle s’était procuré les toxiques pour rendre service au médecin lançais, un ami de la famille, qui voulait faire des expériences. Le médecin mis en cause protesta que les ordonnances étaient des faux, et porta plainte. Cependant, les examens et les analyses auxquels on procéda sur le malade laissèrent croire à un empoisonnement par l’arsenic. Évidemment, cela provoqua un scandale dans la bonne société de Bordeaux, où l’on s’interrogea sur la part prise l’affaire» par « l’ami du foyer », compagnon d’enfance de la femme, revenu à Bordeaux en 1904 et volontiers reçu par les époux. Mais toute la famille fit front pour défendre celle que l’on soupçonnait et qui fut officiellement accusée de faux et d’usage de faux en octobre et qui, après d’interminables interrogatoires et confrontations avec des domestiques qui l’accusaient, fut mise en état d’arrestation en février 1906 pour tentative d’empoisonnement.
Le procès en cour d’assises eut lieu e 25 mai 1906. Grâce l’émouvante déposition du mari, à peine convalescent, ‘épouse fut acquittée du crime d’empoisonnement ; mais, pour faux, elle fut sévèrement condamnée à quinze mois de prison et à cent francs d’amende. La famille qui, jusqu’ sa sortie de prison, avait si nettement et publiquement défendu pour l’honneur du nom celle que la justice office avait si nettement et publiquement défendu pour l’honneur du nom celle que la justice officielle accusait, par la suite, en privé, la condamna à se retirer dans une solitude complète jusqu’ sa mort en 1952.
Rappeler cette histoire, c’est mettre en lumière tout ce que a mémoire de français mourrai avait conservé vivant pour le roman. Pourtant, « éthérées deux-roues » ne se laisse pas réduire au souvenir du procès de Bordeaux, et l’auteur a eu raison de le souligner dans « Le romancier et ses personnages » : « Entre plusieurs sources de « éthérées deux-roues », il y a eu certainement la vision que j’eus, dix-huit ans, d’une salle d’assises, d’une maigre empoisonnées entre deux gendarmes.
Je me suis souvenu des dépositions des témoins, j’ai utilisé une histoire de fausses ordonnances dont l’accusée s’était servie pour se procurer les poisons. Mais là s’arrête mon emprunt direct la réalité. Avec ce que la réalité me fournit, ?e vais construire un personnage tout différent et plus compliqué. Les motifs de l’accusée avaient été, en réalité, de l’ordre le plus simple : elle aimait un autre homme que son mari.
Plus rien de commun avec ma éthérées, dont le drame était de n’avoir pas su elle-même ce qui l’ava?t poussée à ce geste criminel. » Intérêt de l’action Le texte est précédé d’une épigraphe intrigante : « Seigneur, ayez pitié, ayez pitié des fous et des folles ! Ô Créateur ! Eut-il exister des monstres aux yeux de celui-l seul qui sait pourquoi ils existent, comment ils se sont faits, et comment ils auraient pu ne pas se qui sait pourquoi ils existent, comment ils se sont faits, et comment ils auraient pu ne pas se faire… (charges baudrier). Elle est empruntée à un texte des « Petits poèmes en prose » de « Spleen de Paris » (SAILLI). Le roman est précédé d’une adresse à « éthérées ». Divisé en treize chapitres numérotés et non titrés, il est l’un des plus significatifs de mourrai par sa brièveté, sa concision, la clarté de sa composition très élaborée, entrée sur un moment de crise, l’unité de l’action autour d’un personnage. Les repères de temps et d’espace sont pauvres. On ne se déplace que d’un « B. Énigmatique (vraisemblablement, bazars) à des localités des Landes : « Sainte-Claire » et « argileuse On ne trouve aucune date, aucune allusion l’actualité, pas même, à la guerre, qui doit cependant être d’une dizaine d’années antérieure à l’action du roman ; mais bernera, qui a vingt-six ans lorsqu’ se marie (page 32), se souvient de l’affaire de « La Séquestrée de Poitiers » (page 1 62) qui eut lieu alors qu’il était enfant ; d’autre part, laques détails de la vie quotidienne (éclairage au pétrole ou à la bougie [page 155] ; prix de la résine [page 166] ; automobile [page 159]) permettent de situer l’action à peu près vers l’époque à laquelle le roman a été écrit (1927) ; mais les indications les plus fréquentes (climat, saisons) mettent plutôt l’accent sur son interromprait. La construction narrative est remarquable par l’habile maniement du temps du souvenir au regard du temps de l’histoire proprement dite.
On suit d’abord un long déplacement dans l’espace (le voyage nocturne de éthérées ui occupe presque les trois quarts du roman [chapitres I EX]) accompagné d’un long déplacement dans le temps où s’opère en elle une remontée des souvenirs parfois cahotante (à l’image en cela des moyens de transport utilisés), mais qui suit pour l’essentiel l’ordre chronologique, déplacement spatial et parcours temporel intérieur se rejoignant donc et venant tous deux buter sur argileuse, cette « extrémité de la terre », lieu du crime naguère commis, lieu où l’attend bernera. L’affrontement entre les deux époux se trouve donc ainsi magistralement préparé et mis en valeur. Suit une immobilisation (la « mise aux arrêts » de éthérées [chapitres X à SI]), avant l’évasion finale, dans le chapitre SI où le temps est remarquablement étiré (la réponse à la question de bernera : « éthérées… Je voulais vous demander… [… Je voudrais savoir… C’était parce que vous me détestiez? Parce que je vous faisais horreur? Est retardée pour qu’elle prétende enfin : « Il se pourrait que ce fût pour voir en vos yeux une inquiétude, une curiosité – du trouble enfin : tout ce que depuis une seconde j’ découvre. » (pages 173-175), cette seconde ayant donc subi une norme extension ! ) et qui se déroule selon un mouvement inverse de celui du début, puisqu’ lieu d’un retour on assiste à un départ et qu’au lieu d’une plongée dans le passé a lieu un élan vers l’avenir. Mais c’est une étonné lieu d’une plongée dans le passé a lieu un élan vers l’avenir.
Mais c’est une étonnante fin en queue de poisson qui allait d’ailleurs obliger mourrai à reprendre son personnage dans deux nouvelles, « éthérées chez le docteur » et « éthérées à l’hôtel » et dans un roman « La fin de la nuit », où s’acheva son parcours. Le resserrement temporel et spatial est celui des tragédies. Cette atmosphère de huis clos baigne la seconde partie du roman, jusqu’ rebondissement du chapitre SI. Le dernier chapitre, qui voit éthérées s’enfoncer « au hasard » dans la foule parisienne est une fin ouverte, grosse de virtualités narratives qu’exploita le « cycle » de éthérées, mais qui demande également à être appréciée comme métaphore de l’incomplètes, de l’ensevelissement qui constituent le fond même du roman.
Ce n’est pas un hasard si le rythme des chapitres évoque le cours d’une rivière brutalement endigué, la retenue des eaux, un barrage qui saute et le débordement hors du lit auteur. AI contribue à donner au roman une linéarité qui n’exclut ni les méandres de l’introspection, ni ces affluents que sont les autres personnages, tous convergeant cependant vers éthérées, dont e destin se fraie à travers le roman une voie qui la mènera elle-même au bord du « flot humain » parisien (page 172). On pourrait croire pouvoir trouver au roman un côté policier par la construction qui ménage un certain suspense, par la question qui se pose de la réalité du crime de éthérées à partir d’indices, de preuves, d’arguments.