Rien
Nouvelle publiée à Paris dans le Figaro du 29 août au 9 septembre 1884, et en volume dans un recueil de huit nouvelles auquel elle donne son titre chez Havard en 1884. Pendant l’année 1884, tout en composant Bel-Ami, Maupassant écrit trois longues nouvelles, ou romans courts: Miss Harriet, les Sœurs Rondoli, Yvette. L’auteur n’accordait pas grande importance à cette dernière, « faite uniquement pour le public niais du Figaro », « pastiche de la manière élégante de Feuillet et Cie ». Il la jugea en ces termes: « C’est une bluette, mais ce n’est point une étude. C’est adroit, mais ce n’est pas fort. Telle n’est plus notre opinion: on y voit aujourd’hui une rare analyse du moment où la jeune f Synopsis Jean de Servigny, viv p g nné », présente son ami Léon Saval, « un de ces superbes colosses qui font se retourner les femmes dans les rues », chez la marquise Obardi – de son vrai nom Octavie Bardin -, demi-mondaine qui règne sur un salon équivoque. Servigny est obsédé par la fille de la marquise, Yvette, qui lui paraît un « être anormal », incompréhensible: il ne sait si son audace tranquille cache de l’innocence ou de la erversité. La marquise, séduite par le physique avantageux de savai, Sv. ipe to invite les deux hommes à Bougival: Senrigny, malgré les prétendants qui courtisent Yvette, espère bien devenir là-bas son « premier amant » (chap. 1). Pendant que la marquise se donne à Saval, Servigny se déclare à Yvette, mais avec une restriction qui la trouble: « Vous savez bien qu’il ne peut s’agir de mariage entre nous… mais d’amour » Accablée par ce mot qui lui fait entrevoir sa condition, Yvette fait une autre horrible découverte: lle surprend Saval dans les bras de sa mère qui lui avoue, ou plutôt qui revendique avec fierté, son statut de courtisane (3).
Yvette décide de mourir, « pour ne point devenir une fille entretenue », mais le chloroforme la grise au lieu de la tuer, et provoque en elle « une envie forte, impérieuse de vivre, d’être heureuse, n’importe comment, d’être aimée, oui, aimée »: elle enlace Servigny Critique Dans des lieux que l’auteur connaît bien (les « temples de la chair » des salons interlopes, Bougival, le café flottant de la Grenouillère), l nous fait assister à l’éveil douloureux d’une conscience de jeune fille, restée pure et naiVe malgré le milieu corrompu dans lequel elle a grandi.
Elle apparaît d’abord au viveur Servigny comme une enfant « irritante et inexplicable »; il ne sait comment la classer: gamine ou coquine, courtisane ou vierge? Cêtre humain est inconnaissable, la femme encore plus 2 classer. gamine ou coquine, courtisane ou vierge? L’être humain est inconnaissable, la femme encore plus et la jeune fille représente le mystère absolu: « Que c’est drôle, une fillette. ?a a l’air simple comme tout et on ne sait rien d’elle. Yvette est brutalement tirée de sa « jeunesse heureuse » par une double révélation: le désir de l’homme, la condition de sa mère. À la révolte, à l’envie de mourir, succèdent la résignation, l’acceptation d’un destin social héréditaire que le cynique Servigny a d’emblée fixé: « Elle appartient à sa mère, [… l à la prostitution dorée. Elle n’a donc qu’une profession possible: l’amour. Elle ne saurait fuir sa destinée. De jeune fille elle deviendra fille, tout simplement.
Et je voudrais bien être le pivot de cette transformation. Maupassant reprend et développe dans Yvette un thème déjà abordé dans la nouvelle « Yveline Samoris » (le Gaulois, 20 décembre 1882): la fille très ignorante d’une courtisane se suicide après avoir surpris une conversation entre les invités de sa mère. Que le « désir de mourir » cède la place, chez Yvette, au désir de vivre ne prouve pas une conversion à l’optimisme; tout au contraire, l’honnête fille s’abandonne à un destin que seule la drogue lui présente comme enviable. 3