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@ 2013 — IS Edition Marseille Innovation. 37 rue Guibal. 13003 MARSEILLE wvm. is-edition. com Couverture : IS Edition Illustration de couverture : Fotolia Direction d’ouvrage : Marina Di Pauli – IS Edition Retrouvez toutes nos actualités sur Facebook et Twitter : wvm. facebookcom/i www. twitter. com/lS Sni* to View Remerciements Si ce livre avu le jour, c’est avant tout gr ce Dieu. Merci aussi à Harald Bénoliel d’avoir cru en ce livre. Merci ? ma famille et mes amis qui m’ont toujours soutenue et encouragée dans mes démarches d’écriture, et en particulier ? ma mamoune.
Un hommage à mon défunt papounet – que Dieu it son âme – qui m’a transmis l’amour des livres et qui me manque un peu plus chaque jour qui passe. S’ajoute à cela le soutien inconditionnel de mes lecteurs présents depuis le début, qui m’ont poussée à chaque fois ? aller au plus loin dans mon histoire. Je tenais à leur dédicacer ce livre car sans eux, rien de tout cela n’aurait été possible. Merci à vous d’avoir fait vivre ce récit car les écrits n’ont de sens qu’à travers les yeux d’un lecteur. Enfin de toi à moi, ce livre est à cause de toi et pour toi. s’adressant à Dieu. J’ouvre les yeux difficilement.
Le visage onflé, la bouche pâteuse, je me tire enfin de mon pieu. Quinze heures et j’entends déjà sa petite voix qui se plaint de moi. J’ai honte. Yemma2, si tu savais comme je souffre de toutes les contradictions avec lesquelles je vis. Tu penses que la vie est aussi simple qu’à ton époque, mais notre génération est pourrie Jusqu’? la moelle. On cherche la caillasse Yemma, y a que ça pour s’en sortir… J’aimerais te prendre dans mes bras, mais j’ai les mains trop sales pour oser te toucher à nouveau. J’ai fait des choses dont je ne suis pas fier et aujourd’hui, j’en ai le cœur carbonisé de toutes ces slatas3.
Tu persistes à y semer des graines Yemma, mais rien n’y pousse, rien n’y vit. Une journée de plus à tenir les murs, discussions entre cas soc’, chicha, habta4, on se checke, on se parle avec les mains et avec les mots on est plein de « hachek5 On remanie la langue « Lève-toi ! Maman. Salades, histoires. 4 Alcool. « Sauf ton respect ». 2 de Molière, « on la plie à notre vouloir dire comme dirait Aimé Césaire6. C’est nos vies ; elles ne prennent de sens qu’autour de ces discussions, ou lors de ces soirées où l’adrénaline monte et que le butin est acquis, Yemma. rade nos vies pour utin est acquis, Yemma. Ces soirs-là, on brade nos vies pour pas grand-chose, on risque les quinze piges fermes pour seulement cinq mille euros… Mals c’est uniquement ainsi qu’on se sent vivre. C’est chaud à dire, mais malheureusement il n’y a que dans le hlam7 qu’on se sente épanouis. L illicite nous offre tout ce qu’on n’a jamais eu : des thunes, des frères, mais surtout un sens à nos vies. Tu sais Yemma, j’aurais voulu que tu sois fière de moi, que tu marches la tête levée par l’idée que ton fils s’en soit sorti. J’aurais voulu faire de toi une reine.
Et pourtant, voilà vingt-cinq années ue je suis sur Terre, vingt-cinq années que je fais tout de travers… Je n’ai rien changé, nl dans ma vie, ni dans la tienne. Enfin, si. À toi, je t’ai apporté tous les maux qu’un fils peut amener à sa mère : les conseils de discipline, les exclusions, puis les perquisitions à la maison, les G. A. V8, les maisons d’arrêt, la prison… Je t’ai fait vivre le pire alors qu’au fond je cherchais pour toi le meilleur ; j’aurais voulu faire de toi une « vraie » dame… Mon esprit était plein de bonne volonté, mais ma vie est vide d’acquis, vide d’action.
Vingt-cinq piges et j’en suis toujours au ême point : comprendre qui je suis. Si je te racontais nos vies Yemma, tu n’en reviendrais pas ; tu n’en dormirais plus, tu ne nous croirais pas OF nos vies Yemma, tu n’en reviendrais pas ; tu n’en dormirais plus, tu ne nous croirais pas, toi qui t’es battue pour venir ici et nous offrir la chance de construire un réel avenir. Ça a commencé par la déscolarisation, des profs qui ne comprenaient pas que depuis le berceau on avait la rage. La Poète et homme politique français (1913 – 2008). Interdit au sens religieux. Garde à vue. 6 7 haine grouillait en nous et on n’y pouvait rien : elle nous ruinait e cœur. Y avait la vie qu’on nous montrait à la télé et et y avait cette putain de réalité en bas des tours ; dès le plus jeune âge, on était les spectateurs de la déchéance des spectres de la tess9, ces morts-vivants qui déambulaient entre les tours de ciment à la recherche de quelque chose – une lueur peutêtre — mais qui n’ont trouvé que la came pour les combler. Nos seuls modèles étaient ces jeunes déchirés, ivres morts de s’être espérés libres.
Le temps d’une soirée, on les voyait à bout de souffle – hantés par un passé qui les détruisait à petit feu – trouver eur seule issue dans la drogue et ne plus voir la limite entre suicide et overdose. Alors que faire ? Que dire, Yemma, quand à la rentrée on te demandait « Comment se sont passées tes vacances ? » et que toi, à part tes aller-retours au supermarché du coin, t’avais jamais quitté ta cité ? Et que que toi, à part tes cité ? Et que ta vie oscillait entre tes foots sous le cagnard estival et tes visions d’horreur nocturnes ?
Hein, Yemma, comment trouver sa place à l’intérieur de ce fossé qui séparait leur monde du nôtre ? On essaie tant bien que mal de s’insérer, de se poser ; on est ous pleins de projets et remplis de bonne volonté. Mais wallah10, Yemma ! la réussite, elle nous esquive, elle nous feinte, y a que l’illicite qui tend les bras. Comme le dit Kery Jamesll : « On a palpé le fric, des sommes astronomiques, et comme ça, un jour on te demande de travailler comme un iench pour le SMIC… j’pourrais te parler de nos vies pendant des heures, de nos tourments, de nos tracas, de nos cauchemars, mais à quoi bon ?
Cité. Jurer sur Dieu. Jeune rappeur français né en 1977 et converti à l’Islam après qu’un de ses ams alt été assassiné. 12 Chien. IO ? quoi bon si ce n’est pour surcharger d’autant plus ton fardeau d’avoir enfanté une vermine ? Pingouin m’appelle • — Wai Pingouin. Bien ou quoi ? — J’me lève zerh13, tu veux quoi ? Y a un plan ce soir, j’te tiens ‘uste au jus — Un plan à l’arrache14 ? us pour moi wallah ! PAGF s 2 wallah ! Faut que j’arrête ces trucs, mon frère. — Fais pas ta mouille16 frère, y a trop de love17 à la clef, on a besoin de toi. — Nan frère, wallah je dev…
Ah, mais d’ac, tranquille la famille ! Wallah, je retiens. — Qu’est-ce t’as ? u fais ta vieille meuf énervée ? Tu parles de meuf? Alors qu’à cette heure-ci t’es une acrée mouille ? Y a besoin de toi, les frères ils t’appellent tranquille pour faire partager la galette et toi, tu fais la salope. Bah, vas-y tchô ! — C’est toi la salope ! Azy la famille appelle vers minuit, j’ai deux trois missions à falre avant. — J’savais que t’allais pas faire ta pute ! Vas-y tchô la feumi18, y a ma mère qui m’attend. Onomatopée marquant l’énervement. Fait précipitamment. 15 Vas-y. 16 Ne fals pas ton peureux. 17 Argent. 8 Famille. 13 14 Voilà, Yemma. Voilà ce qui m’entoure : mes frères de la rue, d’autres soldats déchus, des vermines au cœur aussi now que du harbon, mais… qui possèdent en eux quelque chose. Une richesse insoupçonnée. Minuit passé, Yemma dort dé »à. Elle ne m’a pas adressé la parole de la journée ; elle é une assiette dans le PAGF 6 OF trois frères en bas des blocs ; on fume à s’enfumer le cerveau. Topo de ce qui se passe la cité ses derniers temps. Fard va se marier avec cette michto 19 de Selma. Wallah, c’est un des rares mecs bien de la tess et il a fini avec une professionnelle de la hachekalité20. ?a fait mal au cœur, mais on n’y peut rien, c’est la vie. Shab, on va lui dire quoi : « Ta meuf c’est une Vr621 » ? Et après quoi ? Il va la plaquer et revenir se poser sur un banc avec nous en se lamentant sur sa vie ? Nan nan, tire-toi mon frère ! Si tu peux t’en sortir, fonce wallah. C’est toujours mieux que de te déchirer la gueule tous les soirs et finir par insulter tout ce qui t’entoure, même ces putains d’étoiles qui nous éclalrent. parce que dans le fond, on le salt • jamais on aura la chance de briller comme elles, même pour une nuit.
Deux heures du matin. On va se poser dans un appart’ où crèchent deux, trois meufs… Musique, habta, petites go fraîches, mais toujours pas de signe de vie de Pingouin. On déguste du bon son la mine plus bas que terre, on grille le temps à abuser des plaisirs charnels de la vie. C’est crade.. Six heures du matin, un coup de fil anonyme. Michtonneuse. Tout ce qui a trait à la sexualité. 21 Fille facile, en référence à une marque de voiture sportive. 20 — Ouais, ouais c’est bien moi ; je suis son 7 OF à une marque de voiture sportive. 9 — Ouais, ouais c’est bien moi ; je suis son pote, enfin son ami quoi. Si… je l’ai eu au téléphone vers euh.. quinze heures hier je crois, mais il allait très bien ; on devait se rejoindre dans la soirée. Hein ? Quoi ? Comment ça ? Arrêtez, wallah… Nan… Nan ils n’ont plus le téléphone chez eux. Mais wallah, nan, ce n’est pas possible… mon frère… Le cellulaire se fracasse sur le sol et ma voix se brise en un sanglot qui m’étrangle.. Bâtarde de vie ! Jusqu’au bout, elle nous encule. Pingouin s’est fait descendre vers quinze heures cet après-midi de fin janvier…
Peu de temps après mon coup de fil, il a été retrouvé dans une cave, une des plus glauques de la cité. Histoire d’héroine qui s’est mal finie d’après la Police. Il devait rejoindre sa madré. Je crois même que c’était son anniversaire. Et bordel ! C’est à moi de leur annoncer, à elle et à sa fille, que le seul homme de leur vie s’en est allé pour une autre… Mon frère. je sens le sol faillir sous mes pieds. Mon frère s’est fait buter et moi j’continue d’exister dans le néant de cette vie, à la lueur de cette funeste liste des martyrs du ghetto dont je ne tarderai pas à rejoindre les noms.
Yemma, y a pas d’issue ; on est condamnés à périr, damnés pour la vie. On nait poussière et on finira poussière. 8 OF d’issue ; on est condamnés à périr, damnés Chapitre 1 Il suffit d’y croire Je marche dans la rue, capuche sur la tête pour me protéger u froid de l’hiver. J’passe incognito, une bouteille de « 1622 » ? la main. J’essaie d’étouffer ma peine dans ce putain de poison. Dix heures du mat’ et déjà habate23. En sortant de chez le baveux24, ton image me revient. Pingouin, depuis ton enterrement, dix fois que tu viens dans mes putains de cauchemars.
Wallah mon frère, j’ai mal quand je te vois, parce que… parce que tes pas bien ! T’es pas serein, pourquoi bordel ? Pourquoi quand les autres ils parlent des rêves de leurs morts, c’est des trucs positifs ? Pourquoi quand je te vois, tas une sale mine wallah, visage noirci par je-ne-sais-quoi mon rère ? Pourquoi tu me regardes avec tes heynesses25 comme si t’avais envie de chialer toutes les larmes de ton corps ? Pourquoi mon frérot ? Même la mort n’est pas du répit pour nous, hein mon frérot ? Wesh, mais j’ai jamais demandé à exister moi !
Ni Référence à la bière « 1 664 Saoul. 24 Avocat. 25 Yeux. 22 23 la mort ni la vie comme soulagement ; c’est quand qu’on aura notre part de bonheur, hein mon frérot ? Tu sais, mes histoires avec le bled ne m’ont pas permis de venir à ton enterrement. Un co PAGF g 2 sais, mes histoires avec le bled ne m’ont pas permis de venir à ton enterrement. Un coup de plus dans mon moral : ne pas être là lorsque de terre ton corps fut recouvert. Tourmenté par mon propre esprit, y a plus personne pour évacuer, plus personne pour m’entendre te pleurer.
Au final, ta mort fait partie de ces choses qui ne se disent pas, de ces choses tellement hard que tu les vis seul, en silence. À l’aéroport, de loin, j’ai guetté ta famille. Mais je n’assumais pas, je ne pouvais pas les accompagner jusqu’à la porte d’embarquement sans monter avec eux dans l’avion. Je n’assumais pas le mutlsme dans lequel ta sœur était tombée après avoir appris ta disparition. Je n’assumais pas les larmes de ta ère, les cris des voisines, le regard faussement affecté des hypocrites, la peine de tous, ma propre douleur.
Je n’assumais rien de ta mort. J’suis resté là, planqué dans un café de l’aéroport, à les regarder embarquer au loin. un jour, j’y arriverai. Tu sais, les frères du quartier m’esquivent gravement. Mes paroles empestent la mort, au sens premier du terme. Je n’ai pas d’autre sujet en tête. Mes mots, ce sont des putains de coups de shlasse26 dans leur moral wallah. Ils ne font plus le poids face ? la lourdeur de mes larmes. Mes peines sont comme des armes qui viennent braquer leur quotidien… C’est des lâches, ils n