La fausse suivante marivaux

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Résumé Une «demoiselle de Paris », jeune fille riche et belle, «maîtresse d’elle-même», a rencontré, à l’occasion du carnaval, celui, Célio, que son beau-frère lui destine pour époux. Pour le mettre ? l’épreuve, démasquer la fausseté de ses sentiments, et défendre légitimement son bien, elle se présente à lui, qui ne la connaît pas, déguisée en chevalier prétendument sans fortune, mais avec son nouveau valet, Trivelin, homme sarcastique et philosophe, qui tombe sous le charme de son maître, mais qui va montrer aussi son avidité, en tentant de tirer son épingle du jeu en mentant et n louvoyant.

Le faux chevalier se f demoiselle de Paris» Frontin et Arlequin, q travestissement, se lui parle de sa nouvel or 10 uivante de «la es de Lélia, lio, dupé par le i ouvre son cœur ; et riche comtesse, qu’il entretient dans l’illusion d’un mariage venir, car ce libertin calculateur ne s’intéresse à elle que par pur intérêt financier, parce qu’il a des dettes. Ils ont conclu un engagement : au cas où l’un refuserait d’épouser l’autre, il lui verserait la somme de dix mille écus.

Mais il est tenté aussi de s’unir à «la demoiselle de Paris», car elle est plus riche encore. Lui vient alors l’idée de demander au chevalier de séduire la comtesse, et d’ainsi l’en débarrasser : si elle tombe sous le charme du jeune Swipe to View next page homme, il remportera «la demoiselle de Paris» sans avoir à payer le «dédit». Le faux chevalier, qui se rend compte à quelle espèce d’individu il a affaire, et décide de « punir ce fourbe-là» et d’en débarrasser la comtesse, continue de jouer son rôle, et accepte le stratagème.

Pour mieux manigancer et atteindre ses objectifs, la «fausse suivante» qu’il est par ailleurs tente de s’allier les sewiteurs de Lélio, Frontin et Arlequin. Il-elle suit Lélio à la campagne chez la comtesse. Le stratagème fonctionne d’abord à merveille : la comtesse s’enflamme pour le chevalier, et se déprend de Lélio. Mais les serviteurs ont appris que le prétendu chevalier est une femme, et ne parviennent pas longtemps à garder l’information secrète. ?La demoiselle de paris» doit dévoiler son sexe à la comtesse, mais cherche toujours à cacher sa réelle identité. Elle trouve un prétexte pour se faire remettre le «dédit». Plus tard, elle le déchire devant la comtesse et Célio, tous deux dépités d’apprendre qu’ils ont été trompés. Puis le faux chevalier révèle sa véritable identité, justifiant ses actes en affirmant son indépendance. Le «fourbe» Lélio se trouve donc finalement confondu, bafoué, et puni de ses mensonges et de ses intrigues.

Mais le faux chevalier inflige aussi une leçon exemplaire à la comtesse, lui reprochant sa frlvolité. Analyse Intérêt de l’action « La fausse suivante » n’est ni une de ces comédies romanesques ni une de ces «surprise de l’amour» habituelles à Marivaux, mais bien une comédie d’intrigue sans am 10 bien une comédie d’intrigue sans amour, au ton très proche de la omédie de mœurs, car il n’est question que d’argent, la muflerie, le cynisme et la cruauté s’exerçant à partir de calculs sur des livres de rente, des billets, des « dédits».

Cette pièce troublante et d’une efficacité redoutable est entièrement placée sous le signe du simulacre. Dans ce jeu de masques, on assiste une véritable escrime, serrée, nerveuse, chacun y allant de sa petite intrigue, de ses pièges. Sont multiples les rapports en porte-à-faux, les labyrinthes d’apparences, les mensonges plus ou moins avoués et les demi-vérités.

Il y a, dans ce petit monde, tellement de ensonges et d’escroqueries que la découverte d’un traquenard débouche sur un marché plutôt que sur une souffrance. Avec ce mélange détonnant de poker menteur, de bal costumé tragi-comique et de «thriller» sentimental, on est loin des douceurs du marivaudage. On parle beaucoup d’amour, mais on n’en trouve guère la trace. Le tendre sentiment cède le pas à l’argent, qui conditionne les manœuvres de séduction des personnages. Les masques tombent peu à peu.

Mais, contrairement à ce qui se passe dans les comédies d’amour de Marivaux, s’ils révèlent les désirs véritables de chacun des personnages, ils font écouvrir une réalité peu plaisante et glaçante, une réalité qui se reflète magnifiquement sur le visage défait de la comtesse. Le dénouement est sans joie et même amer. Personne n’a rien gagné, tous les personna comtesse. Le dénouement est sans joie et même amer. Personne n’a rien gagné, tous les personnages restent avec un petit goût d’amertume propre aux défaites amoureuses. L’espoir serait de garder un peu d’humour par rapport à tout ça.

Les spectateurs ne peuvent pas s’être amusés tout au long du spectacle des déboires amoureux de chacun sans être passés par l’effet de iroir, et s’y être reconnus, sans avoir ri d’eux-mêmes en riant des personnages, pour repartir avec une cruelle et doucereuse mélancolie, un tremblement nécessaire, un regard fébrile et tendre sur leur propre parcours amoureux. La cruauté finale de ce jeu de la cupidité et de l’intrigue accuse la fausse légèreté de cette fable sarcastique et désespérée, difficile, noire, déconcertante, l’inquiétude affleurant dans cette dialectique de fripons.

On n’est pas loin des « Liaisons dangereuses », Lélio étant une pâle esquisse d’un Valmont fat et suintant de cupidité, «la demoiselle e Paris» se faisant les crocs à la façon de Madame de Merteuil, orgueil, trahison, corruption, manipulation, tous les leviers chers ? Choderlos de Laclos s’y trouvant en prémisses. Pourtant, la pièce se terminait sur un «divertissement» écrit par Marivaux en collaboration, sans doute, avec l’aîné des frères parfaict, sur une musique de Jean-Joseph Mouret. Elle ne compte pas parmi les plus grandes pièces de Marivaux.

Intérêt littéraire Dans cette pièce bien écrite, spirituelle, on trouve, sous le langage fleuri et précieux, d’une beauté parfaite, un texte en fait dérou 0 pirituelle, on trouve, sous le langage fleuri et précieux, d’une beauté parfaite, un texte en fait déroutant d’implications, de sens multiples, d’équivoques constantes. C’est léger en apparence, mais il y a des coups de scalpel à chaque réplique. Aussi peut-on voir l’intérêt principal de la pièce dans la langue. On remarque en particulier le dialogue diabolique qui se déroule entre Trivelin, et Célio, et qui prend les dimensions d’un duel.

Intérêt documentaire « La fausse suivante », qui est plus une peinture réaliste (Marivaux anticipant Balzac) qu’un exposé de beaux sentiments, qui jette ne lumière crue sur les rapports d’argent, de sexe et de pouvoir, nous révèle curieusement certaines des orientations de la société du temps. On constate que la spéculation l’emporte sur la pâmoison, qu’on parle plus d’argent que d’amour, que tout est évalué, chiffré. On comprend que l’appât du gain prédomine chez Trivelin, Frontin, Arlequin. Mais il anime aussi les maîtres.

Les différences sociales, qui ne disparaissent jamais complètement (nous sommes sous l’Ancien Régime, et la comtesse peut, ? cause de son haut rang, commettre de graves erreurs, et ne pas s’en sentir affectée), ont néanmoins tendance à s’estomper sous ‘effet des multiples métamorphoses du personnage central. Aussi la pièce est-elle intéressante pour l’histoire des moeurs. On peut même considérer que Marivaux se fit visionnaire en décrivant un monde qui se délite et se décompose, un monde curieusement proche du nôtre !

La détermination du ra PAGF s 0 délite et se décompose, un monde curieusement proche du nôtre ! La détermination du rapport qualité-prix à laquelle on assiste est toujours d’actualité. Intérêt psychologique Aucun personnage de la pièce n’est véritablement sympathique ou rassurant, qu’il s’agisse des valets, Trivelin, Frontin ou Arlequin, leins de vices et de débauche, ou des maîtres, Célio, le chevalier, la comtesse, en proie à la confusion des sexes, des sentiments et des valeurs.

La capricieuse, riche et sédulsante comtesse, qui donne à ramour une grande importance (tout en étant prête à négocier ses élans pour ne pas trop perdre au change), est, pitoyable comme une Iphigénie conduite au bûcher, l’innocente victime expiatoire des stratagèmes, comme si sa volonté farouche d’aimer Lélio puis le chevalier la condamnait implacablement au malheur. Elle est trop volage, et son inconstance la perd, malgré le raffinement de ses sentiments. On peut toutefois se demander si elle ne pourrait pas être simplement flattée de séduire le chevalier sans raimer.

Tous les autres personnages semblent détachés des sentiments, fonctionnent par intérêt, n’agissent que pour des questions d’argent, de promotion sociale, n’ont que des amours intéressées, jouent pour tromper. Le véritable «picaro» qu’est Trivelin, valet d’occasion très manipulateur mais, à tout prendre, plus honnête que son maitre, tient dans cette pièce une place importante. Il est, pour l’histoire des moeurs et du théâtre, le personnage le plus intéressant. De valet de comédie, il 0 pour l’histoire des moeurs et du théâtre, le personnage le plus intéressant.

De valet de comédie, il est devenu le porte-parole hardi, intrigant et cynique d’une classe qui revendique. Dans une scène avec Célio, Marivaux lui prête une hardiesse de parole inhabituelle dans ce rôle : il fait la satire des conditions sociales, dénonce l’inégalité des classes, se porte témoin d’un «monde ? l’envers», où la société ne rend pas au mérite ce qui lui est dû, réclame des droits qu’il présente en philosophe ; le caractère polémique de cette scène est évident, et annonce le Figaro de Beaumarchais : «Lélio : Je t’entends ; tu me demandes quelque argent pour récompense de l’avis que tu vas me donner?

Trivelin : Vous y êtes ; les âmes généreuses ont cela de bon, qu’elles devinent ce qu’il vous faut et vous épargnent la honte d’expliquer vos besoins ; que cela est beau 1» (Il, 3). Le libertin Lélio est une sorte d’homme à bonnes fortunes, un Don Juan sans panache, un coureur de dots cupide, pragmatique, calculateur, hypocrite et sans scrupule, qui choisirait la femme la plus fortunée sans cas de conscience, qui ne veut que s’approprier la dot la plus importante : «En fait d’amour, j’en ais assez ce que je veux.

J’aimais la comtesse, parce qu’elle est aimable ; je devais ‘épouser, parce qu’elle est riche, et que je n’avais rien de mieux à faire ; mais dernièrement, pendant que j’étais à ma terre, on m’a proposé en mariage une demoiselle de Paris, que je ne connais point, et qui me donne douze mille livres de rente ; la 7 0 demoiselle de Paris, que je ne connais point, et qui me donne douze mille livres de rente ; la comtesse n’en a que six.

J’ai donc calculé que six valaient moins que douze. Oh ! l’amour que j’avais pour elle pouvait-il honnêtement tenr bon contre un calcul si raisonnable? Cela aurait été ridicule. Six doivent reculer devant douze ; niest-il pas vrai? » (l, 7). Il montre le même égoÉrne froid, le même cynisme dans la manière dont il pense traiter sa femme après le mariage (l, 8). Il brille donc davantage par sa fourberie (même envers les valets) que par la beauté de ses sentiments.

Mais, en voulant duper la comtesse, il se retrouve lui-même dupe (en amour et en argent). «La demoiselle de parls», à rabrl sous son travesti de chevalier bondissant comme un lutin, obstiné et rusé, et de «fausse suivante» malicieuse, joue un audacieux triple jeu, à la dimension équivoque, trouble. Sous son déguisement, elle essuie des déclarations d’amour de plusieurs hommes et fait une cour poussée, souvent équivoque, à une personne de son sexe. Sa liberté entre les deux sexes est éblouissante.

Lorsqu’elle lance ? Lélio : «Je suis fille assez jolie, comme vous voyez, et par-dessus le marché, presque aussi méchante que vous», ce qui est une véritable déclaration de guerre entre les sexes, on comprend qu’elle n’aura de cesse que de le démasquer, que toute cette histoire finira bien mal pour tout ce petit monde. Vibrant d’une saine colère et se montrant féroce, elle se révèle comme une orte d’ange exterminateur, provoquant la crise 0 colère et se montrant féroce, elle se révèle comme une sorte d’ange exterminateur, provoquant la crise et l’hystérie chez tous ceux qui croisent son chemin.

Son éducation amoureuse ne fait point de quartier : elle vise tout le monde, hommes et femmes, valets et maîtres. Mais, une fois sa mission accomplie, ce pivot des intrigues rentre dans le rang. C’est l’une des plus singulières parmi les héroïnes de Marivaux. Intérêt philosophique Cette pièce enlevée et subtile qu’est « La fausse suivante » est bien loin d’un marivaudage convenu, mais reprend les thèmes ssentiels du théâtre de Marivaux.

Elle invite à suivre une seconde intrigue, plus abstraite, où les idées dansent toutes ensemble, en un véritable ballet philosophique. Se fait jour le féminisme de Marivaux : les femmes ne veulent pas faire de mariages sans amour, et la jeune fille est prête à tout pour connaître son mari, même changer (temporairement) de Pour Bernard Dort : «Comme toujours chez Marivaux, « La fausse suivante » est une éducation : une éducation par l’amour, mais, cette fois, il s’agit d’une éducation sauvage, presque brute, où le désir compte plus que les sentiments. ? Cette éducation se fait à travers le jeu des masques qui apparait encore une fois comme le plus sûr moyen de découvrir la vérité des sentiments, cette vérité donnant la réplique au mensonge, comme l’être au paraître, comme l’amour à l’égoiSme.

Marivaux semble poser cette question : Que deviendrait une société entièrement vouée au cynisme et à l’hypoc PAGF 10 poser cette question : Que deviendrait une société entièrement vouée au cynisme et à l’hypocrisie, dont le vernis social craquerait de toutes parts, et laisserait libre cours à l’expression des égoïsmes indlviduels, au mépris de toute bienséance et de toute umanité? Aussi faut-il bien constater que le monde qui est dépeint dans la pièce n’est pas dénué de ressemblances avec le nôtre.

Dans « La fausse suivante ou Le fourbe puni » apparurent la mascarade universelle et l’hypocrisie qu’il s’agissait de démasquer. Destinée de l’œuvre « La fausse suivante » fut représentée pour la première fois le samedi 8 juillet 1724, par les «comédiens italiens ordinaires du roi », au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. Elle eut treize représentations, et fut, selon « Le Mercure », «très bien reçue» par le public, Silvia plaisant beaucoup dans le rôle principal. La pièce fut même donnée devant la Cour, à Fontainebleau, en novembre de la même année.

Elle fut publiée en extraits dans « Le Mercure ». Elle fut reprise en 1 729 et 1741. puis elle fut oubliée pendant plus de deux siècles : est-ce le dénouement sans joie, la lumière crue jetée sur les rapports d’argent, de sexe et de pouvoir qui, entre autres raisons, l’éloignèrent de la scène? Cest en tout cas cette incroyable modernité qui la fit redécouvrir à partir du milieu du XXe siècle. Et elle déconcerta d’abord ceux qui s’étaient fait une idée traditionnelle du théâtre de Marivaux.