Droitdela famillebelge: le couple
Université Saint-Louis – Bruxelles Faculté de Droit Baccalauréat en droit 3ème année DROIT DES PERSONNES, DE LA FAMILLE ET DES REGIMES MATRIMONIAUX Syllabus Il Jean-Louis Renchon 2013-2014 TITRE III LE MARIAGE ET LE DI CHAPITRE or 272 Sni* to View CONSIDERATIONS GENERALES SECTION I – LE CODE CIVIL DE 1804 1) Le Code Napoléon réglementait au Titre V de son Livre premier une seule forme juridique d’union d’un couple : le mariage.
Le mariage, s’il était parfois aussi présenté comme un contrat parce qu’il ne pouvait être que librement conclu par les deux époux, était cependant surtout ne institution organisée par la société à laquelle l’homme et la femme qui voulaient contraire aux bonnes mœurs (art. 1133 C. civ. de « faire naître, maintenir ou rémunérer » des relations sexuelles hors mariage étaient nuls de nullité absolue, tandis que la prétention qu’un concubin aurait voulu faire valoir à la réparation du préjudice matériel et moral causé par le décès de son partenaire procédant de la faute d’un tiers (par exemple un accident de circulation) était illégitime (voir infra, p. 1 1) et ne pouvait dès lors être prise en considération par les cours et tribunaux.
Le mariage, dans la première famille moderne, commandait dès lors, sur le plan juridique, une distinction radicale entre la sexualité licite et la sexualité illicite, et on sait par ailleurs les précautions qui étaient prises, sur le plan social ou familial, pour faire respecter l’interdiction des relations sexuelles avant le mariage, même entre fiancés. 2) Indépendamment de toute considération religieuse, le mariage, dans la société laïcisée par la Révolution françalse, était toujours perçu comme étant, par essence, indissoluble.
C’était un statut contracté pour la vie entière et, dès ors, selon l’expression consacrée, « pour le meilleur et pour le pire 2 Cette affirmation de l’indissolubilité du mariage était, dans une perspective laïque, liée aux fins économiques et sociales du mariage : la nécessité de la subsistance de chacun des époux, l’organisation de la vie quotidienne en fonction d’une répartition des tâches entre l’homme et la femme, n et l’éducation des enfants, la préservation et la transmission du patrimoine familial.
Le mariage était, en effet, selon la définition donnée par PORTALIS dans les travaux préparatoires du Code civil, « la société de l’homme et de a femme qui s’unissent pour perpétuer l’espèce, pour s’aider, par des secours mutuels, ? porter le poids de la vie, et pour partager leur commune destinée ».
Sans doute, à la différence des autres législations européennes du début du XIXe siècle, le Code Napoléon avait-il admis le divorce, même si, en France, il fut supprlmé dès la Restauration (1816) pour n’être rétabli qu’en 1884. Mais la conception et l’organisation du divorce divorce pour faute ou divorcesanction – pouvaient elles-mêmes être appréhendées comme une forme de consécration juridique du principe de l’indissolubilité du mariage.
Le divorce ne devait être prononcé que lorsqu’un des époux pouvait démontrer que son conjoint avait violé les devoirs fondamentaux du mariage, c’est-à-dire, en dautres termes, lorsqu’il avait porté atteinte ? l’institution du mariage, et le divorce constituait dès lors une peine civile, imposée ? l’époux dit « coupable au point d’ailleurs que, sur le plan juridique, la compréhension ou l’interprétation des règles de la procédure en divorce furent souvent inspirées des règles applicables dans une procédure pénale.
Le divorce n’était par allleurs pas « l’affaire » des époux mais « ‘affaire » de la société, en ce que le mariage n’était dissous, à travers l’intervention obligatoire du juge, que par la que le mariage n’était dissous, a travers Pintervention société elle-même. ) Les effets personnels du mariage — c’est-à-dire les obligations et les droits qui lient les époux dans leurs relations personnelles (obligation de cohabitation, devoir de fidélité, devoir de secours et d’assistance) — étaient totalement soustraits à l’autonomie de la volonté des époux et imposés par la société parce que c’était la société qui trouvait ellemême intérêt à leur accomplissement.
C’est la raison pour laquelle on avait toujours enseigné – jusqu’aux remises en question récentes – que les obligations personnelles du mariage étaient « d’ordre public Y, ce qui impliquait non seulement que les époux ne disposaient d’aucune possibilité juridique de déroger à ces obligations lors de la célébration du mariage, n même de les modaliser, mais aussi qu’ils ne pouvaient pas davantage convenir de s’y soustraire, aussi longtemps que durait le mariage, même en cas d’échec affectif de leur union. ) Il n’y avait, à propos du mariage, d’autonomie de la volonté – encore qu’elle n’était pas omplète – que dans le domaine patrimonial, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’organiser et de régler les effets de la conclusion du mariage sur les patrimoines des époux et, éventuellement, de leurs familles respectives.
C’est ce qui expliquait d’ailleurs la distinction classique opérée, dans l’enseignement du droit civil de la famille, entre le droit des effets personnels du mariage — appartenant au droit des personnes et ré e premier du Code civil – droit des personnes et réglé dans le Livre premier du Code civil – et le droit des effets patrimoniaux du mariage – c’est-à-dire le droit des régimes atrimoniaux et, complémentairement , le droit des successions – appartenant au droit patrimonial de la famille et réglementé dans le Livre III du Code civil avec Pensemble des dispositions légales relatives aux actes juridiques patrimoniaux.
Il est au demeurant particulièrement significatif qu’on avait, dans le Code civil, qualifié « contrat de mariage » le contrat que les futurs époux (et éventuellement leurs parents) choisissaient de conclure à propos des effets patrimoniaux de leur mariage, car on ne concevait précisément de « contrat » en matière de mariage que dans le domaine des relatlons patrimoniales. En ce qui concernait le régime matrimonial, le Code civil consacrait le principe de la liberté de choix des futurs époux : ils pouvaient, selon l’expression de l’ancien article 1387 du Code Napoléon qui a été reprise telle quelle dans l’actuel article 1387 du Code civil, régler « comme ils le jugent à propos » leurs conventions matrimoniales.
Si le Code Napoléon Instituait un réglme supplétif de droit commun – le régime de la communauté légale des revenus, des meubles et des acquêts, inspiré du régime matrimonial des pays de droit coutumier – qui était applicable aux époux qui n’avaient ommunauté – la communauté réduite aux acquêts ou la communauté universelle – ou pour un régime inspiré des pays de droit écrit : le régime de la séparation de biens, le réglme sans communauté ou le régime dotal.
Afin de permettre aux époux de choisir ou de régler les dispositions de leur régime matrimonial en se préoccupant de la « survie » du conjoint survivant, le Code laissait également aux futurs époux la faculté d’instituer, dans leur contrat de mariage, ce que l’on a appelé des « avantages matrimoniaux » ou « gains de survie Ce sont des dispositions spécifiques qui ont pour objectif et pour ffet que lors de la dissolution et de la liquidation du régime matrimonial au décès d’un des époux, le conjoint survivant puisse recueillir une part plus importante des biens de la communauté conjugale que celle – la moitié – qu’il aurait recueillie selon le droit commun. b) En ce qui concernait le droit des successions, le Code civil organisait aussi la possibilité pour les époux et pour les parents des époux de prendre, dans le contrat de mariage, des dispositions réglant leurs successions respectives (voir respectivement les articles 1091 et 1093 – pour les époux – et 1081 et 1082 – pour les parents – du Code CIVil qui sont jusqu’à ce jour restés inchangés).
Une telle possibilité – qui faisait clairement apparaître l’importance du mariage, au début du XIXème siècle, dans la politique de transmission des patrimoines familiaux – e général de constituait une excepti pactes sur succession future, puisque c’est par un contrat que les époux ou leurs parents s’engageaient à instituer les époux et/ou les enfants ? naître de leur mariage en tant qu’héritiers, au jour de leur décès, de leur succession ou de tel ou tel bien de leur succession. 4 On qualifiait dès lors (et on qualifie toujours) d’ « institution ontractuelle » une telle disposition contenue dans le contrat de mariage des futurs epoux. 5) La famille créée par le mariage était, dans le Code Napoléon, une famille hiérarchisée au sein de laquelle les places et les rôles respectifs étaient clairement répartis et catégorisés. C’est que, sans même tenir compte de la pesanteur historique de la longue tradition culturelle de la soumission de la femme à l’homme, on raisonnait dans la perspective de la nécessité d’une direction unique du ménage et de la famille.
Un tel raisonnement exprimait clairement la prééminence de l’intérêt collectif sur ‘intérêt individuel et traduisait le « holisme familial » caractéristique de la première famille moderne. Un auteur belge aussi réputé qu’Henri DE justifiait encore en 1939, dans la deuxième édition de son traité de droit civil ‘existence de la puissance maritale dans les termes suivants : « La société conjugale… su ose nécessairement un pouvoir de direction, si on stabilité du mariage. Si les époux étaient juridiquement égaux, tout conflit tournerait nécessairement à la discorde et à l’anarchie. Toute solutlon serait pratiquement bloquée, ou ne pourrait se réaliser qu’au prix de la scission entre époux.
La stabilité du mariage, son existence même, en dépendent. Instaurer l’égarté complète entre époux, c’est ouvrir la porte à la rivalité, à la dyarchie. Il faut un pouvoir modérateur, une suprema lex, dont dépendront à la fois, en cas de divergence entre époux, la déclsion à prendre et l’avenir de la société conjugale. S’imagine-t-on une femme ayant le droit absolu et sans contrôle de se livrer, par exemple, à la profession d’artiste dramatique, dont les dangers sont évidents au point de vue de la bonne tenue du foyer conjugal et de l’intérêt des enfants ? S’imagine-t-on une femme frivole u dépensière pouvant mener « sa vie » ?
Autant supprimer du coup l’institution du mariage C’est une telle conception qui permettait d’expliquer et de justifier : le devoir dobéissance de l’épouse dans les relations personnelles au sein du couple marie ; l’incapacité, sur le plan patrimonial, de la femme mariée ; la « puissance » maritale du mari qui conférait au mari des droits sur la personne de son épouse et qui lui permettait de suppléer à l’incapacité de son épouse ; C’est en raison de la même conception que le mari exerçait aussi de manière exclusive la direction de l’éducation des enfants du mariage. La puissance maritale » était complétée par la « puissance paternelle H. DE , Traité élémentaire de droit civil belge, t. Bruylant, Bruxelles, 1939, p. 780, no 771.
Cette hiérarchisation juridique des places de l’homme et de la femme se doublait par ailleurs d’une vision précise de la répartition des rôles au sein de la famille conjugale. Alors que le mari exerçait la fonction de direction et assumait toutes les tâches externes au ménage, Pépouse était, a priori, confinée dans son rôle de femme au foyer et de mère. SECTION II – LA RUPTURE PROCEDANT DE LA « REVOLUTION » FAMILIALE INDIVIDUALISTE La révolution familiale individualiste — qui s’est donc produite ? partir des années 60 – a progressivement bouleversé la conception socio-culturelle et la régulation juridique de la relation de couple telles qu’elles s’étaient concrétisées dans le Code Napoléon.
La caractéristique fondamentale de l’évolution ou plus exactement de la rupture opérée par cette révolution est, comme on fa déjà indiqué, la désinstitutionnalisation du mariage et de la relation de couple et, par voie de conséquence, sa privatisation, sa contractualisation et sa précarisation. L’entrée en couple, le n couple, le statut champ de la ie privée et de l’autonomie de la volonté des individus, qui y voient donc une « affaire personnelle » échappant aux exigences du « principe d’ordre collectif » Le couple, écrit la sociologue Irène THÉRY, « se trouve désormais fondamentalement responsable de sa temporalité. Lui accorder sens suppose de penser la vie commune comme un itinéraire partagé, une conversation continuée, sous l’égide de la liberté sans laquelle il n’est pas de reconnaissance de l’autre, pas de questionnement sur soi.
Rien n’est plus contraire à ce nouvel idéal du couple qu’un statut préservant le statu quo quoiqu’il arrive »2. Cette désinstitutionnalisation s’est traduite dans les faits sociaux par : la reconnaissance progressive de l’égalité fondamentale des époux dans leurs relations réciproques ; le rejet progressif de l’interdit social des relations sexuelles et, de manière plus générale, d’une vie en couple hors les liens du mariage , la diminution du nombre de mariages et l’augmentation des situations dites de concubinage ou, aujourd’hui, de « cohabitation de « compagnonnage » ou de « partenariat » ; la libéralisation du divorce et l’augmentation du nombre des mariages se dénouant par un divorce ; l’émergence du couple homosexuel. PAGF OF