Chartreuse de parme
LES ILLUSIONS PERDUES Lecture analytique – Texte 16 « Fabrice à Waterloo Introduction Dans le monde de la littérature, Stendhal se place souvent comme un auteur à part : il a commencé sa carrière en défendant le romantisme dans Racine et Shakespeare et a participé ? « la Bataille d’Hernani » ; son autobiographie, Vie de Henry Brulard ne reprend pas son véritable nom qui est Henri Beyle ; il était également ambassadeur en Italie, pays qui lui inspirera des nouvelles, mais aussi Notre extrait est tiré To the happy few »2, un cercle restreint d’i Stendhal n’imaginait org Sni* to View e de parmel 1842 et dédiée « prendre la valeur : pour ce roman qui pr sente la vie de Fabrice Del Dongo, jeune noble de Milan, rêvant de grandeur militaire et admirateur de Napoléon et qui tombera amoureux de la fille de son geôlier3, Clélia Conti. Dans l’extrait que nous allons étudier, Fabrice souhaite se battre avec l’armée de Napoléon, mais il ne peut être enrôlé officiellement. Il arrive malgré tout à trouver un cheval et à se jeter dans la bataille de Water1004. NB : n’oubliez pas de reprendre la problématique donnée. l. UN ANTI-HÉROS Définition . un anti-héros est un personnage principal qui ne ossède pas les caractéristiques habituelles du héros. Il est généralement un être banal, dans un quotidien souvent morne et dans une société où il ne trouve pas forcément sa place. Son apparence physique peut aussi être prise en comptes. 1.
L’étranger ‘k le langage « le conseil de ne point parler » + « une petite phrase bien française » > le premier élément qui place Fabrice à part est sa nationalité. La précision « bien française » pour tourner sa phrase souligne un désir de paraitre comme étant l’un d’entre eux. Le langage apparait aussi comme porteur de danger « conseil de ne point arler » puisqu’il révèlerait sa nationalité et donc le signalerait comme ennemi potentiel. // « qui gourmande6 » : bien que français, le terme (qui est vieilli de nos jours) appartient à un registre de langue soutenu, en décalage avec le langage familier militaire employé par son interlocuteur, comme en témoigne « bêta », « pardi » et « ah çà ! » > échec : Fabrice ne parle donc pas comme les autres militaires. ne action sur laquelle il n’a pas de prise « I n’y comprenait rien du tout > renforcement de « rien » avec « du tout » : absence totale de sens ? Et d’abord Fabrice ne comprenait pas » > l’expression « les habits rouges » est dépourvue de sens pour lui : révélateur de sa 1 Le titre renvoie à un couvent abritant des moines, situé dans la ville de Parme en Italie et qui a une importance à la fin du roman (au cas où vous devriez llre l’oeuvre, je ne vous donne pas de détails supplémentaires afin d’éviter tout « spoiler » l). 2 Cette dédicace se trouve à la fi de détails 2 Cette dédicace se trouve à la fin du roman. 3 Un geôlier est celui qui garde les prisonniers. Fabrice sera effectivement prisonnier de la citadelle de Parme pendant une grande partie du roman. A l’usage de ceux qui ont oublié leurs cours d’Histoire : la bataille de Waterloo est une défaite de Napoléon en 1815 contre les troupes alliées anglaises et beldo- hollandaises. Elle signe la chute de l’Empereur. Elle a aussi été rendue célèbre par un poème de Victor Hugo qui commence par « Waterloo, Waterloo, morne plaine… » 5 Le corrigé de la dissertation de la séquence 3 contient de très nombreux exemples et explications sur les trois types de héros : le héros, le héros négatif et l’anti-héros. Je rappelle qu’il existe un quatrième type e héros, le héros collectif, que nous n’avons pas traité, mais qui est évoqué dans votre axe d’étude « Le roman engagé et le roman à thèse 6 Gourmander = réprimander vivement en adressant des paroles méconnaissance du conflit. épétition de « comprendre » en phrase négative à deux endroits distincts de l’extrait : Fabrice est donc étranger non seulement par la langue, mais aussi parce qu’il ne possède pas le référentiel nécessaire7. 2. Un militaire maladroit Les dénominations de Fabrice « blanc-bec » et « bêta » + interjection « Pardi ! qui marque une ?vidence et la surprise de l’énonciateur que son interlocuteur ne connaisse pas cette évide marque une évidence et la surprise de l’énonciateur que son interlocuteur ne connaisse pas cette évidence8. > termes péjoratifs qui le placent à part par son ignorance militaire. ‘k un zèle9 en décalage « ils criaient évidemment pour demander du secours, et personne ne s’arrêtait pour leur en donner.
Notre héros, fort humain, se donnait toutes les peines du monde pour que son cheval ne mît les pieds sur aucun habit rouge. L’escorte s’arrêta ; Fabrice, qui ne faisait pas assez d’attention à son evoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé. « IO > « fort humain « ne mît les pieds sur aucun » « en regardant un malheureux » : insistance sur la compassion de Fabrice pour les blessés. Mais en décalage avec le lieu : une bataille n’est pas le moment où montrer de la pitié pour l’ennemi > « toutes les peines du monde », « ne faisait pas assez d’attention à son devoir de soldat » : la qualité d’humanité de Fabrlce est aux dépens de l’attitude militaire nécessaire.
Donc un anti-héros puisque n’a pas les qualités guerrières, mais sympathique uisque montre une véritable attention aux blessés. 3. L’ironie du narrateur * L’épisode du cheval « Ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée, en engageant ses pieds dans ses propres entrallles ; il voulait suivre les autres : le sang coulait dans la boue. »11 > effet de réel avec « sanglant b, « entrailles « sang » : insistance sur Ihorre boue. « 11 > effet de réel avec « sanglant « entrailles », « sang » : insistance sur l’horreur renforcé par l’annonce « horrible Mais décalage, puisque ce qui marque Fabrice est plus la douleur du cheval ue les deux hussards précédemment touchés.
La compassion de Fabrice ne porte pas vers ceux envers qui il devrait sentir un lien mais vers un animal. * utilisation d’une métalepse narrative « Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment » > manifestation de la présence du narrateur par la 1ère personne du pluriel. Jugement porté sur le statut de son personnage : « fort peu héros Admet un décalage entre « héros » et « fort peu héros renvoie donc à l’anti-héros. > renvoie également à l’expression « fort humain » suivante permet à nouveau de marquer le écalage entre les valeurs guerrières épiques du héros traditionnel et les valeurs de Fabrice.
Le point de vue de Fabrice est débordé par un point de vue supérieur, celui du narrateur qui permet de nous avertir du ridicule du personnage, en décalage avec l’action. Mais Fabrice reste malgré tout un personnage sympathique. Il. LA DÉSILLUSION 7 Pour essayer de « traduire » : en fait Fabrice est dans l’exacte situation quand vous rencontrez un groupe de personnes qui sont amis et qui se connaissent depuis très longtemps et qul se mettent brusquement tous à rire ensemble de quelque chose car cela leur rappelle utre chose, et vous êtes le/la seul(e) à ne pas comprendre… e car cela leur rappelle autre chose, et vous êtes le/la seul(e) à ne pas comprendre… et vous vous sentez très seul(e) ! 8 On pourrait traduire « Pardi ! » en langage contemporain par « Bah ! ? 9 Attention : contrairement à une croyance répandue le terme de « zèle » n’est pas péjoratif ! 10 Exemple très voire trop long que l’analyse va fractionner et que vous ne devez pas citer en entier à l’oral. Mentionnez plutôt les lignes tant à tant. 11 Encore une fois un exemple très long, cf. note précédente. . L’horreur de la bataille « une boucherie héroïque »12 « frisson d’horreur b, « cadavres » (x 2), « blessé Y, « tout sanglant « le sang « atteints par des boulets », « horrible », « entrailles » > champ lexical très riche et qui insiste sur la mort. La répétition des termes renvoyant au sang ou « entrailles » donnent une vision exacte de la réalité d’une bataille et dépourvue de romanesque. la boue « terre labourée » (x 3), « terre fort humide « petits fragments noirs « boue » > réalisme de la bataille avec insistance sur ce qui sera en effet un nconvénient majeur et une des causes de la défaite de Napoléon13. Mais surtout détail trivial, qui évacue le romanesque de la bataille avec l’idée de saleté, d’inconvénient. 2. La confusion de la bataille * la difficulté à voir « Il avait beau regarder « il voyait la fumée blanche » > aucune vision d’ensemble : la focalisation interne nous transmet la vision parcellaire de Fabrice. L’espace d vision d’ensemble : la focalisation interne nous transmet la vision parcellaire de Fabrice.
L’espace de la bataille est donc incompréhensible non seulement parce qu’il ne comprend pas raiment ce qui se passe, mais aussi parce qu’il ne voit pas bien. ‘k la difficulté à entendre « scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles » > on retrouve ici la paff de ridicule de Fabrice : décalage de l’aristocrate, peu habitué aux champs de bataille. Le terme « scandalisé » renvoie à ce qui suscite l’indignation : or, pourquoi être scandalisé du bruit d’un canon lorsqu’on est sur un champ de bataille et que c’est sa place ? « ronflement égal et continu », « des décharges beaucoup plus volslnes » > impression d’un espace sonore assourdissant et chaotique. Une vision parcellaire, renforcée par le fait que nous ne voyons de Waterloo que ce que Fabrice en voit : le lecteur ne voit pas les mouvements des armées et ignore les stratégies des généraux que Fabrice n’entend pas. 3. La desacralisatlon des idoles * le maréchal Ney le portrait est construit en décalage « le plus gros de ces généraux » 4 « il jurait » « ce fameux prince de la Moskova, le brave des braves » > le portrait objectif (càd avant de savoir de qui il s’agit) est trivial avec défaut physique mis en avant (et qui sous-entend en plus que tous les généraux sont ros, ce qui sous-entend aussi que ce ne sont plus des guerriers) et manque d’élégance14. Le portrait subjectif est constitué pa sont plus des guerriers) et manque d’élégance14.
Le portrait subjectif est constitué par le référentiel de Fabrice : « fameux prince » et « brave des braves » avec deux descrptions hyperboliques 4 rappel cruel et ironique du narrateur omniscient avec opposition de la victoire de la Moskova15 évoquée dans un extrait qui présente la défaite de Waterloo. + « admiration enfantine » > l’illusion de Fabrice est naïveté. L’expression met en avant le écalage entre le récit épique fait à Fabrice en tant qu’enfant et la réalité. On constate qu’il reste toutefois dans cette illusion puisque plus tard « sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal « le feu » « Ah ! m’y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J’ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. ? 12 13 14 Cette expression vient de Candide de Voltaire, dans le chapitre Ill. La boue empêcha l’artillerie de Napoléon de fonctionner à pleine puissance. Pour rappel « jurer » veut dire « proférer des injures ». Bataille lors de la campagne de Russie qui ouvrit la voie vers Moscou à l’armée française. A noter : les Russes considèrent, eux, ne pas avoir perdu la bataille de la Moskova ! > utilisation de l’expression « le feu », jargon militaire qui désigne la bataille. NalVeté de Fabrice qui identif ie ce baptême avec sa transformation en « vrai militaire ». Or, le reste de l’extrait n reste de l’extrait nous prouve au contraire son inaptitude à agir comme un militaire. impression d’enthousiasme enfantin, souligné par les points d’exclamation et l’expression « avec atisfaction en décalage avec l’horreur de la réalité dépeinte. > passage qui laisserait supposer un registre épique, mais qui n’est pas présent dans le reste de l’extrait. Le décalage créé donc une désacralisation des batailles et de l’héroïsme : les batailles ne sont pas le lieu du registre épique (càd grandeur, hauts faits, patriotisme, etc. ) mais le lieu de la boue, du bruit et du sang. La désacralisation et la désillusion se font donc par l’intervention du narrateur. Fabrice est encore pris dans ses illusions, malgré sa confusion et son horreur.
Conclusion Ainsi, nous avons pu constater que cet extrait de La Chartreuse de Parme nous donnait à voir un anti-héros, naïf dans ses illusions guerrières et qui se retrouve confronté à une réalité bien loin de tout héroïsme épique. 16 pour Stendal, « le roman est un miroir que lion promène le long d’un chemin b. Il utilise ainsi à la fois le réalisme et l’ironie pour nous dépeindre cette scène, dans un procédé assez proche de celui de Flaubert que nous avons pu voir dans l’extrait de Madame Bovary. Tout comme chez Flaubert, le roman se fait le dénonciateur des illuslons romanesques. 16 Répondez à la problématique donnée.