Anthologie Anaelle

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ANTHOLOGIE POÉTIQUE par Anaëlle Saba La mort et la fille par Moritz von Schwind, 1824, mine de plomb. 23×18. 5cm. Romantisme Le titre de l’anthologie est « Pour qui sonne le glas ». Le thème choisi est donc celui de la mort. Ce n’est malheureusement pas un thème qui me touche particulièrement et il faut avouer qu’il n’e l’avoir sélectionné Car c’est un sujet int régulièrement dans lus. Alors pourquoi or 11 Sni* to View revient La mort dans la poésie est donc une id e r currente et abondante malgré le fait qu’elle reste paradoxalement, des plus tabous.

La mort est une chose qui peut être ressentie de façons nuancées par les vivants; la panique, la crainte, l’indifférence, la soif de vengeance, la cruauté. Elle suscite chez l’homme des sentiments forts et c’est principalement ce qui fait d’elle un thème intéressant à aborder. Afin de mener à bien ce travail, j’ai donc réuni un total de dix poèmes. Nous allons analyser dans cette anthologie les poèmes aussi bien dans leur fond que dans leur forme. Nous les comparerons ensuite et en tirerons Aggr’pa d’Aubigné, (1552-1630) Alfred de Musset, (1810-1857) Arthur Rimbaud, (1854-1891)

Charles Baudelaire, (1821-1867) Emile Negillan, (1879-1941) Jean de la Fontaine, (1621-1695) paul Eluard, (1895-1952) Pierre de Ronsard, (1524-1585) Victor Hugo, (1802-1885) Epoque de publication (Par odre chronologique) XVIè siècle : « Je n’ai plus que les os » XVIIè siècle : « La jeune veuve » et « Voici la mort du ciel » XIXè siècle : « Demain dès l’aube », « Sur une morte », « L’horloge » et  » Le dormeur du Val » nè siècle : « Notre vie » Forme du texte : PAG » 1 strophes de quatre alexandrins, égales à un total de vingt-quatre vers, représentent les vingt-quatre heures du cadran d’une horloge.

Quand aux quatre vers par quatrains, c’est aux quarts d’heures du cadran qu’ils correspondent. « Notre vie » est formé de trois quintils d’alexandrins, le tout en prose. « Le dormeur du Val » est construit de deux quatrains d’alexandrins en rimes croisées et deux tercets en rimes plates. « Voicl la mort du ciel » est établi de dix-neuf vers en rimes plates et se termine par trois vers en prose, le tout formant un seul et unique paragraphe. Point de vu du narrateur : Dans certains poèmes, la mort est ressentie par un proche du décédé, « La jeune veuve », « Demain dés l’aube » ou « Notre vie ».

Dans d’autres, elle est décrite d’un point de vue exterieur, « Voici venu la mort du ciel « Sur une morte », « L’horloge’i, « Le dormeur du Val » . Parfois elle est aussi racontée par la victime elle-même notamment dans « Je n’ai plus que les os » comme le montre : ‘]e n’ai Je n’ose Je ne tremble » ANTHOLOGIE POETIQUE Effet produit : Tout d’abord, nous pouvons clairement remarquer que la perception de la mort n’est pas identique à tous les poèmes. Ce ui nous offre donc un ressenti différent ? PAGF30F11 morte »), inéluctable mais remplaçable (« La jeune veuve »), naturelle (« Voici la mort du ciel ») oir même belle (« Le dormeur du val »).

La liste de poèmes qui suit est faite par ordre chronologique, du plus vieux au plus récent. 1- « Je n’ai plus que les os » Lord Byron sur son lit de mort par Odevaere, 1826, huile sur toile. 166×234. 5cm Je n’ai plus que les os, un squelette je semble, Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé, Que le trait de la mort sans pardon a frappé, Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble. Apollon et son fils, deux grands maitres ensemble, Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé, Adieu, plaisant Soleil, mon oeil est étoupé,

Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble. Quel ami me voyant en ce point dépouillé Ne remporte au logis un oeil triste et mouillé, Me consolant au lit et me baisant la face, En essuyant mes yeux par la mort endormis? Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis, je mien vais le premier vous préparer la place. Pierre de Ronsard dans Derniers vers 1586 PAGFd0F11 succes : Heroes. Voici la mort du ciel en l’effort douloureux Qui lui noircit la bouche et fait saigner les yeux. Le ciel gémit d’ahan, tous ses nerfs se retirent, Ses poumons près à près sans relâche respirent.

Le soleil vêt de noir le bel or de ses feux, Le bel oeil de ce monde est privé de ses yeux ; L’âme de tant de fleurs n’est plus épanouie, Il n’y a plus de vie au principe de vie : Et, comme un corps humain est tout mort terrassé Dès que du moindre coup au coeur il est blessé, Ainsi faut que le monde et meure et se confonde Dès la moindre blessure au soleil, coeur du monde. La lune perd l’argent de son teint clair et blanc, La lune tourne en haut son visage de sang ; Toute étoile se meurt : les prophètes fidèles Du destin vont souffrir éclipses éternelles.

Tout se cache de peur : le feu s’enfuit dans l’air, L’air en l’eau, l’eau en terre ; au funèbre mêler Tout beau perd sa couleur. Aggripa d’Aubigné dans Les tragiques, 1616 3- « La jeune veuve » La jeune veuve par Pavel Fedotov, 1851, huile sur toile. 62x47cm La perte d’un époux ne va point sans soupirs On fait beaucoup de bruit, console. 11 mille attraits. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s’abandonne ; Cest toujours même note et pareil entretien : On dit qu’on est inconsolable On le dit, mais il n’en est rien, Comme on verra par cette Fable, Ou plutôt par la vérité. L’Epoux d’une jeune beauté

Partait pour l’autre monde. A ses côtés sa femme Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s’envoler. Le Mari fait seul le voyage. La Belle avait un père, homme prudent et sage : Il laissa le torrent couler. A la fin, pour la consoler, Ma fille, lui dit-il, c’est trop verser de larmes : Quia besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ? Puisqu’il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l’heure l_Jne condltion meilleure Change en des noces ces transports ; Mais, après certain temps, souffrez qu’on vous propose

Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. – Ah ! dit-elle aussitôt, Un Cloître est l’époux qu’il me faut. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe. L’autre mois on l’emploie à changer tous les jours Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure. Le deuil enfin sert de parure, En attendant d’autres atours. Toute la bande des Amours Revient au colombier : les jeux les ris la danse, Ont aussi leur tour à la fin. 6 1 chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle Où donc est le jeune mari Que vous m’avez promis ? dit-elle.

Jean de la Fontaine dans les Fables livre VI, 1668 4- « Sur une morte » Jeune fille endormie par Balthur, 1943, huile sur bois. 79,7×98. 4cm Elle était belle, si la Nuit Qui dort dans la sombre chapelle Où Michel-Ange a fait son lit, Immobile peut être belle. Elle était bonne, s’il suffit Qu’en passant la main s’ouvre et donne, Sans que Dieu n’ait rien vu, rien dit, Si l’or sans pitié fait l’aumône. Elle pensait, si le vain bruit D’une voix douce et cadencée, Comme le ruisseau qui gémit Peut faire croire à la pensee. Elle priait, si deux beaux yeux, Tantôt s’attachant à la terre,

Tantôt se levant vers les cieux, Peuvent s’appeler la Prière. Elle aurait souri, si la fleur Qui ne s’est point épanouie Pouvait s’ouvrir à la fraîcheur Du vent qui passe et qui PAGF70F11 Newburgh Cemetery at dusk photo de Martyn Gornman, 2007. Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. Victor Hugo dans Les contemplations , 1856 6- « L’HorIoge » Tableau à surprise d’un peintre inconnu, mécanisme de Vincenti, XIXe, huile sur toile. Nda : L’horloge sur le tableau n’est autre qu’une véritable montre, fonctionnant réellement, incrustée dans la toile, le mécanisme se trouvant au dos de l’oeuvre. On appelle cela un tableau à surprise.

Qui peut également contenir des boîtes à musique ou autre.. ) Horloge ! dieu sinistre, effra ant im assible, Dont le doigt nous menac Souviens-toi ! E 1 délice A chaque homme accordé pour toute sa saison. Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois, Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor ! (Mon gosier de métal parle toutes les langues. ) Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi. Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi ! Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard, Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge, Où le repentir même (oh ! la dernière auberge l), Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! Charles Baudelaire dans Les fleurs du mal 1869 7- « Le dormeur du Val » L’homme blessé par Gustave Courbet, 1944/1954, huile sur toile, 81 *5×97. 5cm Cest un trou de verdure o PAGF 11 rivière, ans les glaïeuls, il dort.

Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Arthur Rimbaud dans Recueil Demeny , 1888 8- « Le Corbillard » Hommage à Negillan par Jean-Paul Lemieux, 1971, huile sur toile. Par des temps de brouillard, de vent froid et de pluie, Quand l’azur a vêtu comme un manteau de suie, Fête des anges noirs! dans l’après-midi, tard, Comme il est douloureux de voir un corbillard,

Traîné par des chevaux funèbres, en automne, S’en aller cahotant au chemin monotone, Là-bas vers quelque gris cimetière perdu, Qui lui-même, comme un grand mort gît étendu! L’on salue, et l’on est pensif au son des cloches Elégiaquement dénonçant les approches D’un après-midi tel aux rêves du trépas. Alors nous croyons voir, ralentissant le pas, À travers des jardlns rouillés de feuilles mortes, Pendant que le vent tord des crêpes à nos portes, Sortir de nos maisons, comme des coeurs en deuil, Notre propre cadavre enclos dans le cercueil. Emile Negillan dans Eaux-fortes funéraires