Amour mort pipoz

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Pipoz Lauriane! Quartier Neuf 241 1963 Vétroz! 078. 609. 75. 00! lauriane. pipoz@unil. ch! or2A Sni* to View en un transfert réciproque entre les cœurs de deux amants dans une certaine phase de leur amour5. ! Nous approcherons dans ce travail la fin’amor au cœUr de son issue tragique avec son rapport au cœur. Pour ce faire, nous nous pencherons sur deux romans, a savoir La Châtelaine de Vergy (milieu du XIIIème siècle) et Le Châtelain de Couçy et la Dame de Fayel (fin du XIIIème siècle – début du XIVème siècle) de Jakemès.

Ces deux œuvres majeures présentent des similitudes de par leur fin tragique avec a mort d’amour des amants. Le thème du cœur est également fortement présent chez l’un et l’autre. Après une brève présentation de la mort de chacun des amants, il s’agira de les mettre en relation afin d’en extraire leurs points communs et leurs différences.! Danielle RÉGNIER-BOHLER, « L’amour courtois », in Dictionnaire raisonné de l’occident médiéval, éd. par Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Paris, Fayard, 1999, p. 3. 2 Marie-Noëlle TOIJRY, Mort et Fin’Amor dans la poésie d’oc et d’Oil aux XIIe et XIIIe siècles, paris, Champion, 2001, p. 7. 3 142-53, p. 143. Machio OKADA « L’échange des cœurs ou le thème du cœur mangé dans Le Châtelain de Coucy et la Dame de Fayel Etudes de lange et littérature françaises, 36, 1980, p. l . La mort d’amour dans La Châtelaine de Vergy  » La scène de la mort de la Châtelaine se trouve être le monologue le plus long du récit6.

Elle déclame ce discours car son amant aurait violé son devoir de garder leur baison secrète, essentiel à la fin’amor selon sa définition occitane7. Le quiproquo réside dans le fait que son amant n’ait pas révélé leur amour à la Duchesse, mais au Duc dont il est le vassal. Au fil de son discours, elle dévoile toute l’ampleur de son amour d’une manière pathétique8. A travers son jeu d’hyperboles fortes9, elle s’épanche sur ses sentiments avec des vers tels que « Et je l’amoie tant / Comme riens peust autre amer de pensser, quant je bel veoie! ? qui montrent que son ami était la prunelle de ses yeux. De plus, elle est convaincue de l’existence d’une liaison plus forte que la leur entre le Chevalier et la Duchesse comme le montrent les vers 740 à 743 : « Ne ce ne li deïst il ja / Sa li n’eüst grant acointance, / Et s’il l’amast sanz doutante / Plus que moi qui il a trahie Les entiments qu’avaient la Châtelaine sont tous décrits au temps passé : leur histoire est pour elle bel et bien terminée10.

Son discours ne comporte aucun temps futur car la Châtelaine sait qu’elle n’e Ile ne peut pas vivre sans PAGF 93 amour (« Ne puis vivre ne je ne vueil vers 818)11 Le discours du Chevalier avant sa mort (vers 885 à 895) démontre que son amour pour la Châtelaine était sincère. Par des oppositions entre « La plus cortoise et la maillor la plus loial» (v. 886-887) pour décrire son amante et « trichierres desloial » (v. 888), il met en lumière à quel point il l’aimait et se sent responsable de sa ort. Il choisit donc délibérément de s’ôter la vie (v. 96 à 900). la raison qui le pousse à commettre cet acte tragique est qu’il possède un cœur pur, désireux de lui rendre justice (v. 894).! Afin de faire ressortir le thème du cœur, les cœurs de quatre personnages sont mis en scène: celui de la Châtelaine, celui du Chevalier, celui de la Duchesse, ainsi que celui du Duc. Le terme est cité explicitement à de nombreux endroits du roman. Il éclôt pour la 6 Edelgard DUBRUCK, « La rhétorique du désespoir. Didon et la Châtelaine de Vergy », in Relire le Roman d’Eneas, éd. r Jean Dufournet, paris, Champion, 1985, p. 37. 71dem. 81bid, p. 40. 3 au sens de « siège des sentiments », ne lui appartient par conséquent plus entièrement puisque ses pensées sont tournées vers la Châtelaine12. Ce dernier élément amène à la thématique de ‘ « échange des cœurs » entre les deux protagonistes principaux. Ainsi, au vers 406, par « M’amor, mon cuer, ma druërie il qualifie leur relation de si fusionnelle qu’elle serait son cœUr13, affirmation qui sous-entend qu’elle représente toute sa vie.

De plus, « M’esperance et tout quanques j’aim » insinue qu’elle est a seule source de sentiments, son inspiration, souffre, seule chose qul fait battre son cœur. IJne comparaison est faite avec le Châtelain de Couçy (nom se référant indéniablement à un poète et n’ayant aucun lien avec la seconde que nous allons analyser14) et, plus particulièrement, le vers 301: « Comment me puet li cuers ou cors durer? », l’auteur laisse entendre qu’il serait difficile, voire impossible pour lui de vivre sans son amante, selon Glyn S.

Burgess: « the latteras heart is Said to share the situation of the Chastelain de Coucy whose heart contains nothing but love »15 (v. 292-293). Le lien intrinsèque entre cœur et mort est ici incontestable. Plus loin dans le récit, Fauteur écrit à propos du Chevalier: « Cele a cui son cuer s’otroie » (v. 844), ce qui fait évidemment référence à la thématique de l’ « échange des cœurs » entre les amants16. D’ailleurs, pour mettre fin ? ses jours, le Chevalier décide de se blesser symboliquement au « cuer » (v. 98).! PAGF s 3 symboliquement au « cuer » (v. 898).! Sa bien-aimée, celle qu’il appelle « ma douce amor (v. 885), la Châtelaine de Vergy, est elle aussi intensément caractérisée par le thème du cœur. Ainsi, lle est touchée au cœur au moment où la Duchesse lui annonce la « trahison » du Chevalier (« Ce dont ele ot au cuer grant ire v. 696)17: le terme est certes entendu ici dans son sens fonctionnel, celui 12Glyn 13 S. BURGESS, op. cit. , p. 40 Ibid, p. 42. 4 Luminita DIACONU, L’imaginaire médiéval de la sexualité: le topos du « cœur mangé Bucarest, Editura universitatii din Bucuresti, 2006, p. 160. 15 Glyn S. BURGESSE, op. cit. , p. 41 16 Ibid, p. 46. 17 Ibid, p. 45. est émotionnel (une fois de plus, le « cuer p). Le cœur est ? nouveau traité comme une entité indépendante, capable de savoir des choses, t dans son sens affectif. Lorsqu’elle déclare:! « Ne je ne penssaisse a nul fuer! Qu’il peüst trover en son cuer! Envers moi courroux ne haine » (vers 793-794)!

Il est à nouveau traité comme siège de l’affection ainsi que comme indépendant. Ce discours met en lumière le fait que les pensées de la Châtelaine dans ses derniers moments se dirigent tout de même au Chevalier. Elle pensait, comme toute amante, que les seuls sentiments que le Chevalier pouvait avoir en son cœur étaient positifs. Or, elle imagine, suite à la déclaration de la Duchesse, qu’il lui veut du mal, malgré le fait qu’elle ui a fait don de son cœur métaphoriquement A mon cure prenoie le suen v. 98): voilà pourquoi cette dernière explique qu’elle se préfèrerait morte que de vivre sans lui Estre morte o lui me fust mieux », v. 805). La mort de la Châtelaine fait écho à cette répétition du terme « cuer » : « Li cuers li faut » (vers 836). Selon Glyn S. Burgess: . « Medieval writers knew that a bad cardiac output, in exemple, heart-failure, led to death. ! 7 3 cit. , p. 40-41. 19 Idem. En opposition avec ces cœurs mus par la force positive de la fin’amor, le cœur de l’amoureuse éconduite peut être considéré comme poussé par la orce négative de l’invidia latine.

La Duchesse, perfide, outrée, désire en effet se venger et ruiner le bonheur des amants comme le montrent les vers 104 à 105 : « Més grant courroux et grant deshait / En ot au cuer, et si penssa Le cœur apparait ici à nouveau explicitement pour exposer ses sentiments profonds: la colère dont l’intensité est soulignée par des adjectifs tels que « irie » (v. 107) ou « grant » (v. 104 et 1 14) s’empare d’elle20. Les vers 557 à 559 sont eux aussi témoins de la fourberie qui l’anime:! « Que ja ne l’en tendra defensse,! Quar en son cuer engin porpensse! Qu’ele le porra bien savoir. ? Quar en son cuer engin porpensse » explicite encore son désir de vengeance et donc les sentiments négatifs pr ncrés en son cœur. « Que PAGF E 3 Vous amer de cuer loial »), ainsi qu’aux vers 601 et 602 (« Mes cuers riens ne vit ne ne sot/ Que ne seüssiez ausi tost Cuer » revient enfin au vers 607 afin de mettre en lumière cette confiance désormais perdue. Notons que ce terme est répété à trois reprises dans sa réplique, certainement dans l’objectif de simuler d’honnêtes intentions. ! Quant au cœur du Duc, son cœur transparaît au vers 243 lors de ntre Ce dernier et le Chevalier : « de fin cuer b.

Comme le souligne Glyn S. Burgess: ! « The duke’s desire is to behave nobly and honourably, and his allusion to his « fin cuer » is a sign of his intension. His judgement concerning the knight was, of course, correct, so his heart had in this case acted as a sound guide to reality. His heart has been taken over by the positive force of ! love, for his wife and for his vassal. »22 1 20Glyn PAGF 3 destin de ses protagonistes. Ainsi, la scène de la mort de Renaut, le Châtelain de Couçy, intervient alors qu’il est en Terre- Sainte.

Il se bat en effet contre les Sarrasins pendant deux ans mais finit par être blessé d’une flèche empoisonnée. Dans un dernier espoir de revoir sa bien-aimée avant de mourir, il embarque sur un navire pour la rejoindre en France. Or, il pousse son dernier soupir ? bord du bateau. Avant d’expirer, il charge un clerc présent sur le bateau d’écrire une lettre et de la remettre à son amante, dont voici un extrait (vers 7761 ? 7668):! e sai et cori! Que vo coer emportai o moi,! Quant je me parti de Faiiel! Et me donnastes le juyel,! Qui mout fu blaus et avenans,! De vos nobles chevaux lui