Vote Obligatoire Novembre 2010

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POUR OU CONTRE LE VOTE 1 La liberté du citoyen OBLIGATOIRE ? Rim Ben Achour Novembre Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles 2010 Introduction 2 ors2 Sni* to View Les fondements théo L’obligation de vote en philosophie du droit . 1 . Théorie de l’électorat-droit 2. Théorie de l’électorat-fonction 3. L’électorat en tant que droit et fonction 4. Démocratie de protection versus démocratie de développement 5 2.

Arguments développés à l’encontre le vote obligatoire 6 3 4 Le vote obligatoire : une question de rapport de force politique… Belgique 26 17 Contexte international . 1. En Australie 3. Autres Etats . Contexte historique du vote obligatoire en Belgique 20 19 Positionnement contemporain des partis politiques belges . 22 Conclusion : l’avenir du vote obligatoire en Institut Emile Vandervelde – www. iev. be – iev@iev. be Parmi les démocraties représentatives, la Belgique fait figure d’exception en imposant, depuis 1 893, l’obligation d’exercer le droit de vote.

A l’époque, il s’agissalt pour les uns, de s’assurer que la classe ouvrière ne « gâche » pas un droit acquis de haute lutte en s’abstenant et pour les autres, de s’assurer que les ?léments modérés de l’électorat ne délaissent pas le vote au profit des éléments PAGF OF maintenir ou non le vote obligatoire a refait surface, à l’initiative du MR et du VLD. Cest dans ce contexte de remise en question que nous souhaitons situer notre propos. Dans un premier temps, nous examinerons les fondements théoriques du vote obligatoire. En philosophie du droit, on oppose habituellement l’électorat-droit ? l’électorat-fonction.

En philosophie politique, deux conceptions de la démocratie libérale sont généralement invoquées : la démocratie de protection et la démocratie de développement. Nous examinerons ces différents concepts théoriques et la place qu’ils ont dans la question du vote obligatoire. Nous analyserons ensuite les arguments les plus souvent invoqués par les opposants et les partisans du vote obligatoire, notamment la liberté du citoyen face à la représentativité de rélectorat et la responsabilisation de l’électeur face ? la nécessaire légitimité des élus.

En tout, ce seront huit arguments qui seront ainsi examinés. Nous verrons ensuite, à traves trois exemples historiques (l’Australie, les PaysBas et la Belgique), en quoi les rapports de force politique ont permis ‘instauration ou l’abolition du vote obligatoire. Nous terminerons enfin Panalyse en se penchant sur le positionnement contemporain des partis politiques belges avant de conclure sur les perspectives d’avenir du vote obligatoire dans notre pays. ue l’on oppose souvent à la notion d’électorat-droit selon lequel le droit de vote n’est pas uniquement un droit, que le citoyen est libre d’exercer ou pas, mais également une fonction que la Nation attribue aux citoyens. Elaborées au dix-huitième siècle, ces deux théories majeures de l’histoire du droit public sont l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau our ce qui est de l’électorat-droit, et de PAbbé Sieyès pour rélectorat-fonction. Dans un premier temps, nous examinerons ce que ces deux théories apportent à la questlon du vote obligatoire.

Dans un second temps, nous distinguerons deux conceptions importantes de la démocratie dans la philosophie libérale : la démocratie de protection, basée sur le principe absolu de liberté individuelle, et la démocratie de développement ou d’épanouissement, davantage axée sur l’égalité des chances. De la seconde découle la légitimité du vote obligatoire. Théorie de l’électorat-droit Dans le Contrat social (1762)1 , Jean-Jacques Rousseau rattache le vote non pas à la nation, mais à l’individu. La nation est constituée de la réunion des individus qui, chacun, possède une parcelle de la souveraineté nationale.

Elle ne peut être considérée comme un ensemble distinct de la somme de ses composantes. Dans cette optique, le vote devi aliénable dont dispose composant la nation. Tous devront être consultés, tous devront voter, car si un seul était exclu de cette consultation générale, on ne pourrait plus dire qu’on a réuni toutes les opinions. 2 C’est donc la volonté générale qui fait la loi mais vu qu’elle n’est que la réunion des volontés individuelles, il est nécessaire que tous les individus concourent au vote de la loi. Cette définition de la souveraineté populaire conduit directement au suffrage universel égalitaire.

Ramenée à la question de l’obligation de vote, cette théorie basée sur la primauté de l’individu sur la nation ne permet pas l’instauration d’un devoir électoral dans la mesure où l’intérêt supérieur de la nation saurait justifier la restriction de la liberté de l’individu. ? [Cette théorie] fait de l’électorat un droit inhérent à la qualité de membre de l’Etat, un droit dont Voir notamment cette réédition : Jean-Jacques ROUSSEAU, Du Contrat social, Hachette, paris, 2005. William BENESSIANO, Le vote obligatoire, Revue Française de Droit Constitutionnel 2005/1, n061, PUF, p. 79. a jouissance ne peut être PAGF s OF à aucune condition appartient donc à la nation, qui détermine quels citoyens peuvent remplir cette tâche. L’électorat n’est qu’une fonction et tout citoyen ne peut donc exiger de disposer du droit de vote. « Le vote onsisterait en une délégation de souveraineté faite par la société à une fraction plus ou moins considérable de ses membres. Les électeurs votent en quelque sorte par permission de la nation dont ils sont les organes. »5 Cette théorie a permis de justifier la mise en place du suffrage censitaire au lendemain de la Révolution française.

Selon de nombreux juristes, cette théorie de l’électorat-fonction justifierait la mise en place du vote obligatoire. En effet, si la nation confie ? certains de ses membres, plus ou moins nombreux, le soin de constituer l’électorat, eux-ci sont investis d’une fonction essentielle, d’un devoir, qu’ils doivent impérativement de remplir. Ainsi, le grand juriste français Raymond Carré de Malberg écrivait dans sa Contribution à la théorie générale de l’Etat6 que l’électorat « n’est pas l’exercice d’un pouvoir propre du citoyen mais l’exercice du pouvoir de la collectivité.

N’ayant qu’une compétence constitutionnelle, le citoyen ne peut exercer cette compétence que dans les limites et sous les conditions que la Constitution a elle-même déterminée. » En rappelant la théorie classique de Hélectorat-fonction, Carré de Malberg se PAGF 6 OF exprimées, il est évident que ces deux théories sont trop radicales, exclusives et éloignées de la réalité. Le vote est en effet un mandat social mais constitue dans le même temps un droit individuel attaché à la personne de l’électeur.

On peut croire au devoir de l’électeur sans nier son droit. Ces deux notions essentielles du droit et du devoir ne s’excluent pas, elles se complètent. Raymond Carré de Malberg encore lui, exprima cette idée : « l’électorat est successivement un droit Individuel et une fonction étatique : un droit en tant qu’il ‘agit pour l’électeur de se faire admettre au vote et d’y prendre part ; une fonction, en tant qu’il s’agit des effets que doit produire l’acte électoral une fois Ibidem, p. 79.

Voir notamment réédition : SIEYES, Qu’est-ce que le Tiers-Etat, Champs Classique, pa is, 2009. Ibidem Raymond CARRE de MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’Etat spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, paris, 1920-1922, éd. Sirey, réédition CNRS, 1985, p. 463. 7 7 OF contrario, on peut admettre le droit individuel tout en rendant obligatoire l’exercice du droit de vote en considérant omme un devoir civique envers la société le fait de donner à la loi et aux élus la plus large légitimité possible.

La question du caractère obligatoire du vote est ainsi fonction de la mise en balance des intérêts respectifs de la société et de l’électeur. Cette mise en balance est incarnée par deux théories opposées de la démocratie libérale : la démocratie de protection et la démocratie de d’épanouissement ou de développement. 4. Démocratie de protection versus démocratie de développement Selon le philosophe Macpherson10, on peut distinguer dans la tradition hilosophique libérale deux conceptions de la démocratie.

Pour les uns, la démocratie est avant tout un moyen de protection de l’individu face à la puissance publique. Dans ce modèle, la valeur privilégiée est la liberté individuelle, la sauvegarde de la sphère d’indépendance privée des individus. Pour les tenants de la « démocratie de protection » ainsi définie, « ni la particpation effective des citoyens aux processus de la décision publique ni l’avènement d’une société plus égalitaire »1 1 ne constituent des préoccupations majeures. Dans cette conce tion il ne saurait être question ‘obliger le citoyen ? PAGF 8 OF cardinales.

De ce point de vue, le vote est davantage un devoir civil, au même titre que le paiement des impôts, la participation à un jury, l’obligation scolalre ou, auparavant, l’obligation de servir dans l’armée. Il n’y a donc aucune contradiction entre d’une part, les principes démocratiques de liberté individuelle et d’autre part, l’obligation de vote instaurée au nom de l’intérêt supérieur de la société. Le sénateur canadien Mac Harb traduit ainsi le propos : « l’exercice du droit de vote est un devoir que les citoyens ont à l’égard de la société. Ces 8 Carré de Malberg, op. it. , p. 463. William BENESSIANO, op. cit. , p. 81. 10 C. B. MACPHERSON, Principes et limites de la démocratie libérale, Paris-Montréal, La Découverte-Boréal Express, 1985. Le résumé ici fait des propos de cet auteur est emprunté à H. DUMONT et F. TULKENS, « Citoyenneté et responsabilité en droit public La responsabilité, face cachée des droits de I’Homme, sous la dir. de H. Dumont, F. Ost et S. Van Drooghenbroeck, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 199-202. Ibidem, p. 200. 12 PAGF g OF opposants au vote obligatoire dans les partis à tendance libérale, oire libertaire.

En Belgique, l’Open VLD, la N-VA et Groen ! sont les principaux adversaires du vote obligatoire, tandis que le MR est davantage partagé. Nous examinerons ici leurs principaux arguments, à savoir la liberté du citoyen, la responsabilisation de l’électeur, le travail des partis et la prise en compte du message abstentionniste. La liberté du citoyen L’argument le plus répandu parmi les opposants au vote obligatoire est la liberté de vote dans le chef du citoyen. Selon eux, le vote ne peut être considéré comme un devoir civil, mais plutôt comme un droit de caractère

CIVil. Or exercer un droit civil, comme se marier, former une association, etc. , est une faculté et nullement une obligation. Il en irait de même pour le droit de voter. Suivant cette conception, le vote obligatoire est considéré comme une atteinte à une liberté fondamentale du citoyen qu’aucune démocratie ne peut briser. Le vote obllgatoire irait ainsi à l’encontre du principe même de l’élection libre. Concernant cette dernière remarque, la Commission Européenne des Droits de l’Homme a examiné à deux re rises en 1965 et 1972, la compatibilité du vote