Violence

essay A+

Observations inattendues.. et capricieuses de la santé La violence C’est parfois en prenant connaissance du malheur des autres que l’on parvient ? comprendre, un peu mieux et sous un jour différent, sa propre condition. Jacques Sémelinl La violence met en jeu les droits fondamentaux de tous, le droit ? la sûreté et à la sécurité, tels que stipulés dans l’article 3 de la Déclar droit à la vie, à la libe e or 49 personne.

En France, depuis que le texte a des Nations Unies, le me – tout individu a s par la Constitution, énérale is au Palais de Chaillot, a été intégré en 1971 in extenso dans le bloc de constitutionnalité2. Le phénomène de la violence est d’une grande complexité : un effort de réflexion est indispensable pour en comprendre les multiples composantes. Lorsque cette violence prend forme dans un univers particulier, il faut comprendre le phénomène de vlolence lui-même et aussi le mllieu dans lequel il s’incarne, sans éviter d’en examiner les conséquences.

Identifiée comme un véritable fléau mondial, « un défi planétaire » selon les termes de l’organisation Mondiale de la Santé, la violence est maintenant considérée comme l’une des questions les plus essentielles de la santé publique internationale. La violence : définitions sychique pour mettre en cause dans un but de domination ou de destruction l’humanité de l’individu4. La violence est ainsi souvent opposée à la force, celle-ci faisant un usage contrôlé, légitime et mesuré de celle-là, qui ne connaît pas de limites et tend vers la destruction totale.

Le sens commun définit la violences comme une action brutale – physique ou morale – envers quelqu’un. Elle a comme synonyme « agression Le Code pénal, quant à lui, la définit comme ce qui représente des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne. Au sens du droit civll, la violence est un acte délibéré ou non, rovoquant chez celui qui en est la victime, un trouble physique ou moral comportant des conséquences dommageables pour sa personne, sa santé donc, ou pour ses biens.

Dans le domaine contractuel, la violence exercée sur une personne avec pour résultat de l’amener ? s’engager ou à renoncer à un droit, constitue un vice du consentement. Quand elle s’applique aux choses et qu’elle est faite sans droit – par exemple la coupe d’un arbre planté sur un fond voisin ou la saisie d’un bien faite en vertu d’un jugement qui n’est pas devenu exécutoire -, la violence constitue alors une voie de fait. 1 • Historien et politologue français.

Les différentes approches de la violence La définition de la violence est complexe de par les différentes formes qu’elle revêt et la façon dont le phénomène est conce tualisé. De ce fait, il existe plusieu PAGF OF lence et des définitions types de violence). Pour le philosophe Jean-François Malherbe, on ne pourrait ? proprement parler de violence Obser vatoire Régional de la Santé Nord — Pas-de-Calais 2011 2 • Le bloc de constitutionnalité désigne l’ensemble des normes de valeur constitutionnelle.

Celles-ci sont protégées par le Conseil constitutionnel et englobent tant le droit à la sûreté que le droit à la santé. Jean-François Malherbe (Docteur en philosophie de l’Université catholique de ouvain (depuis 1968) et en théologie de l’Université de paris), ln Violence et démocratie. Cahier de recherche 2003 ; 25. 4 • Kriegel g. La violence à la télévision. Rapport de la Mission d’évaluation, d’analyse et de propositions relative aux représentations violentes à la télévision.

Paris : Ministère de la Culture et de la Communication, 2002. 5 Synonymes : agression, agressivité, brutalité, contrainte, férocité, force, fureur, furie, impétuosité, sauvagerie, sévices, torture, véhémence, virulence. orsque l’on évoque l’absence de conscience de cette violence les Grecs de l’Antiquité considéraient que la question de la violence (bia) ne se pose pas pour les animaux (zôoi) mais seulement dans le domaine de la vie humaine (bios). » Alnsl, la question de la violence peut être reliée à la parole qui est le propre de l’humain.

Les animaux ne sont donc pas, à proprement parler, violents : leurs La question de la violence comportements obéissen PAGF a OF ux lois inexorables de la extraits de la littérature portant sur la violence, on remarque, entre autres, que l’intérêt pour Les types de violence e thème se concrétise le plus souvent sot par un regard plus centré sur l’individu, soit par un regard centré sur le travail a violence entre les personnes ou interpersonnelle (ou sur l’organisation du travail) ou encore la dimension elle désigne un comportement faisant emploi de la intersubjective inhérente à la violence. orce, physique, verbale (injure), ou psychologique D’après Michel Maffesoli8, la violence réactionnelle d’en bas (harcèlement), dans un mllieu proche. s’oppose à la violence instituante et instituée.

Dans ce cas, les • La violence de rÉtat : les États revendiquant, selon la elations sociales évoluent dans le cadre de rapports de force définition célèbre de Max Weber6, le « monopole de généralement inégalitaires qui se traduisent par des impositions la violence légitime s’en servent pour exécuter les et l’établissement temporaire d’un statu quo fondé sur cette déclsions de justice, assurer l’ordre public ou en cas de violence initiale. guerre (on tente alors de la légitimer par les doctrines de la « guerre juste h).

Celle-ci peut dégénérer en Toutes les étapes du développement Toutes les étapes du terrorisme d’État, devenant alors l’une des formes de humain montrent que notre liberté éveloppement humain violence les plus extrêmes (génocide, etc. ). s’est acquise par la force et dans la montrent que notre liberté • a violence criminelle, qui peut avoir des causes violence et c’est avec elles avec elles encore que s’est acquise par la force et sociales, économiques, ou découle de pathologies nous défendons ce prlvilège.

Dans la psychiatriques (schizophrénie, etc. ). Elle est, selon dans la violence. communauté humaine, la force a pour certains auteurs, l’envers d’une violence étatique et/ objet d’imposer l’organisation d’un ou symbolique. certain ordre social dans lequel une minorité gouverne et la violence politique, c’est-à-dire tout acte violent violence tendrait à la destruction de cet ordre. ont leurs auteurs revendiquent la légitimité au Néanmoins, des causes psychiques internes peuvent être nom d’un objectif politique (révolution, résistance ? juridiquement invoquées pour décharger la responsabilité l’oppression, droit à l’insurrection, tyrannicide, « juste de l’auteur des violences : un traitement psychiatrique peut cause »). La violence est pourtant justifiée en cas de alors être requis.

Dans l’approche de beaucoup de praticiens légitime défense ou d’état de nécessité par la loi, en as de résistance à Foppression d’une tyrannie selon de la psychologie, de l’aide sociale ou du droit (côté défense), la doctrine des droits de l’homme. la plupart des personnes adoptant des comportements de prédation et/ou de violence relèvent de la sociopathie au • a violence symbolique, qui désigne à son tour plusieurs sortes de vlolence : ce peut être la violence d’une problématique sociale et/ou économique. erbale, dont on peut considérer qu’elle est la D’autres approches – menées notamment en éthologie première étape vers un passa e à l’acte ; ou une appliquée à l’espèce hum ins chercheurs, dont PAGF S l’acte ; ou une appliquée à l’espèce humaine et par certains chercheurs, dont violence invisible, institutionnelle : c’est la violence Konrad Lorenz, ainsi que par beaucoup de behavioristes structurelle7.

Celle-ci désigne plusieurs phénomènes estiment que les personnes adoptant des comportements différents qui favorisent la domination d’un groupe de prédation et/ou de violence ne le font pas forcément par sur un autre et la stigmatisation de populations, manque de ressources, d’éducation, d’émotion ou d’empathie. stigmatisation pouvant aller jusqu’à la création d’un Les séducteurs et les manipulateurs n’en manquent souvent bouc émissaire. as, soulignent-ils, mais par choix narcissique, en vertu du • La violence de la nature : la violence du vent, des principe du plus grand plaisir et/ou de la plus grande facilité/ tempêtes et autres catastrophes naturelles et la rentabilité. D’autres spécialistes de l’éthologie humaine, tels violence animale (instinct) sont encore d’autres types de violence avec pour caractéristique de ne pas avoir Boris Cyrulnik et les cognitivistes, nuancent ces points de vue de conscience, de volonté. et récusent tout héritage génétique de la violence.

Il existe donc plusieurs explications du terme « violence », mais toutes convergent à définir l’action d’intervenir sur quelqu’un en le faisant agir contre sa volonté, en employant la force et la brutalité. Pour Michel Wieviorka9, lorsque la modernité est pensée et voulue comme une progression dans l’histoire de l’humanité, comme l’avancée de la raison et le recul des traditions, deux conceptions principales de la violence trouvent leur place, quasi naturellement. 6 • Weber M, 6 OF deux conceptions 6 Weber M, Freund J, trad. , Fleischmann E, trad. De « La première lui accorde une immense légitimité, en attendant elle qu’elle joue, le cas échéant, un Dampierre E, trad. Le Savant et le politique (1919). Paris : Plon, 1959. rôle révolutionnaire et qu’elle soit l’accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans 7 GaltungJ. Peace by Peaceful means: Peace and Conflict Development and Civilization. London: SAGE ses flancs, qu’elle soit l’instrument grâce auquel le mouvement social l’emporte et met en pièces des Publications, 1996. formes politiques figées et mortes. 8 • Maffesoli M. La Violence totalitaire. Paris : PUB, 1979.

La deuxième, au contraire, considère qu’elle ne peut que égresser au fur et à mesure que s’impose 9 • Wieviorka M. La violence. Paris : Hachette littératures, 2005. 2 la raison Obser vatoire Régional de la Santé Nord La violence pour la paix ? — Pas-de-Calais Si la vlolence est présente à chaque moment de l’histoire, c’est qu’à l’origine, elle suppose une incapacité à se parler, une impossibilité à utiliser le langage Si la violence est présente ? au lieu des armes. Ceci a PAGF 7 OF que la paix construction, de la détermination des bonnes volontés. La diplomatie à utiliser le langage. st l’art d’éviter la vlolence. Elle est un moteur puissant, bien qu’elle travaille ans l’ombre. On passe le cap de l’acte violent et on le légitime par le constat d’échec de la dissuasion et de la diplomatie. Encore qu’utiliser la diplomatie pour faire pression peut être considéré comme une autre forme de violence. Lorsqu’on emploie le terme de « force de dissuasion » pour parler d’un processus qui se veut pacifiste, fest-on toujours ? Beaucoup de formules sont ainsi utilisées pour recouvrir pudiquement des actes d’extrême violence : bavures, erreurs d’appréciation, frappes chirurgicales, dommages collatéraux, etc. comme si les hommes qui les commettaient avaient eux-mêmes du mal ? es assumer pleinement. Dans certains pays, lorsque les gouvernements violent les libertés et les droits, la résistance, sous toutes ses formes, reste le plus sacré de tous les droits et le plus grand des devoirs. Ce type de résistance a été incarné par les hommes et femmes de certains pays, qui n’ont pas fait l’économie de sang sur leurs mains pour libérer leur pays et leurs compatriotes.

On ne peut parler de violence sans adjoindre le terme de « légitime » qui se définit comme le caractère de ce qui est reconnu conforme au droit, à Péquité, qui est justifié par le bon droit, la aison, le bon sens IO. Le plus souvent, l’état de droit, conçu afin d’éradiquer la violence et les guerres, dépend pour sa survie des instruments de la violence. Il apparaît essentiel d’app de démarche les PAGF 8 OF les clarifications nécessaires et de bien cibler ainsi les enjeux en cause, dans l’étude d’un phénomène fort complexe et abordé sous différents angles par de nombreux auteurs.

Son approche, en santé publique comme dans d’autres disciplines, tend à évoluer profondément depuis les années 2000 Penser la guerre et la santé La guerre est violence. Dans la société française pourtant, comme ans bien d’autres états développés, la guerre est devenue extérieure après avoir été récurrente depuis la première guerre mondiale jusqu’au terme du conflit algérien. La disparition de la conscription et la réorientation des armées vers la projection des forces en sont les matérialisations les plus tangibles.

La guerre chez nous est devenue incompréhensible, dans la mesure où ce que nos ancêtres ont perçu en termes de patriotisme, du sens de la guerre et de la mort à la guerre, ne peut plus être compris, ressenti ou approché. De plus en plus de travaux ont abordé cette question, ce mystère. Ceux e Stéphane Audoin-Rouzeau en sont les plus éclairants et les plus exemplaires et l’analyse sous un angle incarné, bien Iain de l’histoire militaire traditionnelle. Avant que la guerre ne s’éloigne de nous, un évident puritanisme a pesé sur la recherche universitaire, quelle que soit la discipline.

L’histoire ou la Pourquoi ‘historiographie de sociologie ont eu des esquives, des absences, ont commis la guerre ‘est-elle à ce point des erreurs très significativesl 1. Pour uoi l’historiographie désintéressée de la violen déployé essentiellement l’approche sociale ou politique, des champs de bataille, et t s’est-elle à ce point désintéressée de la violence des des hommes qui s’y sont champs de bataille, et des hommes qui s’y sont affrontés, des affrontés, des souffrances souffrances qui furent les leurs et de ce qu’ont ressenti ceux qui furent les leurs et de qui tentaient d’y sun,’ivre12 ? ? ceux-ci il faut ajouter tous les ce qu’ont ressenti ceux qui civils des territoires occupés dont une large part du Nord – tentaient d’y survivre. Pas-de-Calais, qui eurent à connaitre bombardements, blocus, camps d’internements, déplacements forcés et représailles. La première guerre mondiale marqua l’industrialisation de la uerre et des combats ainsi que l’abandon des conventions les plus admises – les brancardiers ? partir de 1914-1918 devaient aller chercher les blessés sur les champs de bataille sous la mitraille puisque les trêves sanitaires n’avaient plus cours.

Rien ou si peu de tout ceci ne fit l’objet d’analyses. 10 • Le Petit Larousse. 11 • Fournier M. Paroles d’historiens : Silence, on tue ! Les Grands Dossiers des Sciences Humaines 2008-9 ; 13. Audoin-Rouzeau S. Combattre. Paris : Le Seuil, 2008 ; 319 p. Audoin-Rouzeau S, Becker A. 14 – 18, retrouver la Guerre. Paris : Gallimard, 2000 270 12 • Cinématographiquem teven