technologie

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Présentation du numéro Les impacts sociaux des nouvelles technologies MATHIEU POULIN-LAMARRE Maîtrise en Anthropologie Université Laval mathieu. poulin-lamarre. l@ulaval. ca NICOLAS SAUCIER Maîtrise en Sociologie nicolas. saucier. 2@ulaval. ca Cet article a pour but de présenter ce numéro spécial d’Aspects Sociologiq nouvelles technologi en or 2′ notions indirectemen – de ce numéro.

Nous notion de « nouvelles ux des usieurs ents auteurs ntendu par la ssi, il sera question de la frontière entre le virtuel et le réel, de la place de ses nouvelles technologies dans nos sociétés et de a place de l’individu dans ces nouveaux espaces qu’elles créent et des impacts négatifs que peuvent avoir ces nouvelles technologies Aspects Sociologiques Les chercheurs en sciences sociales s’intéressant à ce que l’on appelle communément les nouvelles technologies peuvent-ils encore être considérés comme des opportunistes, des «geeks» ou des gens asociaux?

Sans surprise, avec la révolution technologique qui est en cours, comprendre la prudence de certains chercheurs qui, face à la rapide désuétude des innovations «technologiques», préfèrent éviter de travailler sur ce eur apparaît comme des phénomènes passagers, d’autant plus que nombreux sont ceux qui ont vu leur objet de recherche s’écrouler instantanément, pensons au «minitel» en France (Luzzati, 1991) «vidéoway» au Québec (Lacroix, Tremblay et Pronovost, 1993).

Or, qu’il faut reconnaitre avec la révolution technologique qui nous intéresse, et ce avant toute autre chose, c’est plutôt l’impossibilité, dans les années 2010, peu importe où l’on soit dans le monde, de réaliser une recherche strictement hors ligne, en s’imaginant être à même d’observer tout ce qu’il y a à attendre d’un terrain de recherche. L’erreur nous rappelle celle, canonique, d’anthropologues masculins d’une certaine époque et leur totale myopie face aux mouvements et à l’importance politique, symbolique et économique des sphères féminines à l’intérieur sociétés qu’ils étudiaient.

De la même manière, les sphères réelles et virtuelles ne sont pas des vases clos, et ce qu’il y a à explorer dans le virtuel est souvent le prolongement des dynamiques du monde réel, leurs aboutissants ou leurs points de dé art. Dès lors, parler du virtuel PAGF OF qu’il s’agisse de l’écriture, de l’imprimerie ou du gramophone (Boellstorff, 2008). Ainsi, la dite disparition des frontières entre l’homme et la technologie n’a aucune consistance historique tant cette dualité n’a jamais été vécue comme telle qu’avec la nouveauté, alors que les technologies déjà présentes faisaient plutôt partie du monde donné.

Telles qu’elles sont comprises par les auteurs de ce numéro, ? savoir comme productrices d’un troisième espace à mi-chemin entre ici et làbas, ces «nouvelles technologies» liées au réseau internet sont de moins 2 en moins l’apanage d’une seule classe sociale, ou même du seul monde occidental. Leur appropriation massive ainsi que leur influence sur tous es aspects du social nous poussent à considérer leur prégnance dans le monde contemporain comme un nouveau basculement ontologique, qui, à travers les contextes particuliers et choses.

Loin des analyses pessimistes heideggeriennes qui considèrent la technologie comme un processus d’assujettissement de la pensée à la domination métaphysique de la technique, les auteurs de ce numéro refusent d’attribuer à la technologie une valeur morale, ou des effets unilatéraux, soient-ils libérateurs comme le pensaient les Lumières, ou PAGF 3 OF Sahlins (1999), indigénisé, transformant dans le processus le sens et l’usage.

De la même manière, internet ne doit pas tellement être considéré comme un village global homogénéisant, mais peut-être plutôt comme un ensemble de « chalets personnalisés produits globalement et distribués localement 1 » (Castells, 1996 : 341). Ainsi, plutôt que d’y voir « une humanité envahie par logique destructive de la technologie 2 » (Stevenson, 2002 : 209), internet doit plutôt être compris comme nécessairement impliqué dans une dynamique complexe de négociations entre la structure et l’agent Que sont les nouvelles technologies ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet et de discuter longuement sur a raison d’être des nouvelles technologies, nous devons nous demander qu’est-ce que l’on entend par «technologie» ? À quoi ce concept réfère-til ? Le mot «technologie» vient de la racine grecque anclenne CÉxurl (téchnè) ou techné qui se rapporte à l’art dans le sens d’un savoir dans un domaine, un artisanat. Plus que la science (ért10Thpn (epistêmê)), la techné est un ensemble de savoirs qui a la capacité de rendre possible, de créer : « Aristote considère que la techné a pour misslon de créer ce que la nature est dans l’impossibilité d’accomplir.

De l’ordre du «savoir» et ntre la nature et Phumanité une sorte de médiation créative » (Guattari, 1991: 78). Donc, est technologie tout ce qui n’est pas un produit de la nature mais bien un produit d’un ensemble de savoirs humains, d’un art, permettant à [‘humain daller audelà de ce que la nature lui a fourni. Se déplacer à raide de ses jambes ne relève pas de la technologie, bien que la marche ou la course impliquent certains savoirs.

Toutefois, c’est la technologie qui permet ? l’humain d’aller plus vite que ce que la nature lui permet, par l’usage de la roue et grâce à la domestication des animaux, de la maîtrise de la vapeur éveloppement du moteur, et même de se déplacer sur l’eau et dans les airs. Pareillement, l’humain étant dépouwu de griffes ou de dents acérées, les armes et techniques de chasse ou de lutte lui permettent de s’élever au rang de prédateur et de ne plus être à la merci des bêtes physiquement mieux équipées par la nature. Les technologies créent, transforment le monde et façonnent en retour l’humain qui les a creees.

Il est tout de même clair que nous ne parlons pas, dans ce numéro, de la roue, de l’agriculture ou de l’écriture. Nous parlons bien des «nouvelles» technologies. Mais encore une fois, définir la rontière entre une «nouvelle» technologie et une «ancienne» s’avère une tâche plutôt ardue : est-ce que la télévision est une nouvelle technologie ? Ou seulement les médias de adio ? Qu’en est-il de la PAGF s OF Si l’on prend la radio comme exemple, pourquoi est-elle si rarement considérée comme une nouvelle technologie alors que son apparition (fin XIXe siècle) est très récente pour ‘humanité ?

Il est difficile de déterminer ce qui doit être considéré comme une nouvelle technologie et ce qui ne l’est pas car la change d’une époque à l’autre, d’une culture à l’autre et même d’un ndividu à l’autre. La définition la plus juste et qui explique en meme temps ce flou autour de la technologie est celle d’Alan Kay, informaticien états-unien, qui la définit ainsi : « La technologie, c’est tout ce qui n’était pas commun quand vous êtes nés. ? 3 Ainsi, puisque la définition des nouvelles technologies est propre à la position du sujet dans la structure sociale et, par conséquent, subjective, les objets d’analyse présents dans ce numéro seront liés Traduction libre de: « Technology is anything that wasn’t around when you were born. » Alan Kay , Alan Kay quotes : [en ligne] ttp://en. wikiquote. org/wiki/Alan_Kay 4 principalement aux pratiques et discours émergeant des technologies informatiques, numériques et de télécommunications.

Ainsi, internet et le entre individus qui marquen l’émergence de ces troisièmes lieux sur lesquels nous porterons notre attention dans ce numéro. Petit historique Bien des efforts ont été déployés pour décrire la période historique qui correspond à la nôtre. Postmodernité (Lyotard, 1979), surmodernité (Augé, 1992), hypermodernité (Lipovestky, 2004), seconde modernité (Beck et Grande, 201 0), modernité liquide (Bauman, 2000), odernité tardive (Ciddens, 1991 ) ou société du réseau (Castells, 1996).

Dans ce mouvement collectif visant à saisir son époque, que ce soit en termes de discontinuités, d’accélérations ou de bouleversements, peu interrogent ce rapport particulier à l’histoire qui fonde l’analyse du moment présent «comme étant précisément dans l’histoire celui de la rupture, ou celui du sommet, ou celui de l’accomplissement, ou celui de l’aurore qui revient» (Foucault, 1983 : 1267). Foucault est bien placé pour le savoir, ayant lui-même annoncé cavalièrement la mort de l’homme, qui serait provoquée par l’émergence du courant tructuraliste.

Les années passèrent, et le structuralisme, n’ayant été qu’un épisode dans l’histoire intellectuelle des sciences sociales françaises, peu à peu s’effaça, «comme à la limite de la mer un visage de sable» aurait Foucault. Comment savoir en effet PAGF 7 OF ions que l’on constate courriels, du clavardage et des forums. Le Web 3. 0 est le nom donné à un internet en devenir qui place l’interaction au centre de ses fonctions et de ses buts marqué, pour certains par l’arrivé des réseaux sociaux à grande échelle.

Parallèlement, le Web 1. 0 était un internet d’informaticiens avec beaucoup ‘encodage, le Web 2. 0 est un internet simplifié pour le public en général et le Web 3. 0 serait un internet instinctif, navigable facilement du bout des doigts. télécommunications correspondent en effet à un changement de paradigme, voire d’épistémè ? Le regard que l’on porte sur l’arbre nous empêche sans doute de voir la forêt derrière.

Nous nous garderons donc, par prudence, de nous coller de trop près à une théorie du moment présent, proclamant la «société de ceci» ou la «génération cela». Imaginons si, en 1995, nous avions annoncé la «société du fax» ou, en 011, la «génération apolitique»… Bref, un coup d’œil à l’évolution technologies de communication et des pratiques de mises en réseau nous donnera un meilleur coup dœil sur les objets évanescents que l’on tente maladroitement de réunir sous le terme «nouvelles technologies».

Du réseau a internet, au virtuel Faire l’histoire des technol PAGF 8 OF tiques nous peine de faire, ne gagne en intérêt pour les auteurs de ce numéro qu’à partir du moment, très récent, où l’informatique s’est mise à avoir des effets concrets sur la vie des gens, au-delà des cercles fermés d’informaticiens. L’avancée majeure de ces echnologies et le début de son intérêt pour les penseurs du social est sans aucun doute la mise en réseau informatique. En cela, on pourrait dire que le réseau informatique est Phéritier direct du téléphone, beaucoup plus que de la radio ou de la télévision.

En s’attardant aux pratiques plutôt qu’aux technologies en elles-mêmes, on remarque effectivement ligne continue dans ce qu’on pourrait appeler les technologies du réseau (des routes à la poste, du téléphone à Internet) où les utilisateurs sont impliqués horizontalement dans les échanges, alors que d’autres technologies (radio et télévision par exemple) ont été ajoritairement marquées par un usage vertical, d’un petit nombre démetteurs vers de multiples récepteurs.

Le réseau informatique, donc, comme technologie militaire, s’est développé durant la Seconde Guerre mondiale aux États- Unis, avec les premiers SAGE (Semi Automatic Ground Environment) qui reliaient des superordinateurs à des radars postés aux quatre coins du pays. Suite aux avancées militaires, des étudiants universitaires décidèrent de connecter ensemble les r atiques de différents PAGF du réseau en 1995, de pair avec l’extraordinaire expansion de la micro-informatique a jeté les bases d’internet, comme on e connait aujourd’hui. our Manuel Castells, bien que dans les faits internet se soit développé sur près de 40 ans, «pour les entreprises et pour la société en général, internet est né en 1995» (Castells, 2002 • Le virtuel, terme qui s’est peu à peu associé aux technologies informatiques, aux jeux vidéo et aux opérations se déroulant en ligne, étant utillsé comme substantif fourre-tout pour marquer l’opposition au monde réel, n’est bien sûr pas l’apanage dinternet. our Fornas (2002 :30), l’homme a de tout temps construit des univers virtuels constitués de symboles, ce qui rappelle l’image de Geertz (1973) ‘homme comme animal suspendu dans des toiles de Signification. La réduction du virtuel aux troisièmes lieux émergeant de la mise en reseau informatique peut s’avérer pernicieuse lorsqu’elle est opposée au mande réel, représentant une «réalité divorcée du monde» (Slouka, 1995) ou un simulacre (Baudrillard, 1981).

Ce déterminisme technique qui «repose sur une stricte séparation entre le réel et le vlrtuel» (Doel et Clarke, 1999) conduit à penser que «l’irruption du virtuel dans le quotidien coïncide avec le progrès technologi ue» Breton et Proulx, 2002 : 298). À la suite