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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE L’émergence d’une nouvelle convention ? Denyse Rémillard et Dominique Wolff Lavoisier Revue française de gestion 2009/4 – no 194 pages 29 à 43 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l’adresse: – —–http• -2009-4-page-29. htm francaise-de-gestion or2s Sni* to View —RémiIlard Denyse et Wolff Dominique,« Le développement durable » L’émergence d’une nouvelle convention ? , Revue française de gestion, 2009/4 no 194, p. 29-43. Distribution électronique Cairn. nfo pour Lavoisier. C) Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n’est autorisée que dans les limites des 13h11. C Lavoisier Document téléchargé depuis www. cairn. info- – 105. 140. 102. 125 – 12/04/2015 13h11. C Lavoisier pour citer cet article : RSE DENYSE RÉMILLARD Université de Sherbrooke, Québéc, Canada DOMINIQUE WOLFF Document téléchargé depuis www. cairn. info – – – 105. 140. 102. 125 – 12/04/2015 13h11. Lavoisier Le développement durable Cette contribution a pour objet de montrer que la notion de responsabilité sociale de l’entreprise est devenue de plus en lus prégnante dans la gestion des entreprises et que cette évolution peut être interprétée comme la résultante d’une mutation de la convention actionnariale vers celle du développement durable (noté DD). Une étude exploratoire basée sur la méthode des cas, reprenant le référentiel SD 21000 sur le management et le DD, sera menée afin de rendre compte de ce phénomène.

DOI:10. 3166/RFG. 194. 29-43 0 2009 Lavoisier, paris * Cet article fait partie d’un programme de recherche recevant un appui financier de la chaire Desjardins en gestion du développement durable de la faculté d’administration de ‘université de Sherbrooke ( uébec Canada). PAGF OF conduites sur les parties prenantes, les dirigeants des grandes entreprises sont désormais tenus d’agir de manière responsable et pour cela, soupeser les incidences économiques, environnementales et sociales de leurs décisions.

Ces nouvelles exigences en faveur d’une responsabilisation accrue des entreprises et d’un développement économique durable s’accompagnent de mécanismes de régulation, notamment de règles, normes et conventions venant baliser les pratiques de gestlon et orienter les conduites des dirigeants. De natures xplicites ou implicites, internes ou externes, ces règles gagnent en légitimité auprès de l’ensemble des parties prenantes et acquièrent une influence réelle sur la sphère productive des entreprises. ? ce titre, le DD apparaît comme une nouvelle convention « responsable », qui oriente les conduites des entreprises selon une perspective de création de valeur à long terme. Dans cette étude, nous analysons l’évolution que connaît le DD selon une perspective conventionnaliste. En première partie, nous exposons l’approche théorique conventionnaliste et ses avenues pour justifier l’émergence et ‘évolution du DD dans les entreprises.

En deuxième partie, nous présentons l’approche méthodologique choisie et les résultats de trois études de cas menées sur des entreprises francaises cotées en Bourse, œuvran PAGF théorie des conventions : une nouvelle approche du concept de DD appliqué aux entreprises Dans l’optique économico-financière, l’entreprise a comme objectif de maximiser la richesse de ses actionnaires ; étant entendu qu’en cherchant à atteindre cet objectif, elle contribue du même coup à la création de la richesse collective.

Selon Jensen (2001) « 200 years’ worth afwark in conomics and finance indicate that social welfare is maximised when all firms in an economy attempt to maximise their own total firm value ». Cette conception financière de la finalité de la firme constitue rassise du modèle de développement économique actionnarial qui s’est imposé depuis le début des années 1970 et plus explicitement dans les années 1980 et 1990.

Malgré ses nombreux bienfaits, la prédominance des intérêts des actionnaires, qui est au cœur de ce modèle de croissance, a été fortement critiquée ces dernières années du fait qu’elle aurait exacerbé les comportements court-termistes et ela, au détriment du bien-être de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise. Parmi les détracteurs du modèle actionnarial, notons Freeman, qui dans son ouvrage fondateur intitulé The Strategic Manage- Document téléchargé depuis www. cairn. nfo – 30 Le développement durable justification Une convention constitue une solution à un problème de coordination répétitif qui, ayant réussi à concentrer l’attention d’un certain nombre de parties prenantes, tend ? se reproduire régulièrement (Dupuy, 1989). Elle est une référence normative indiquant une « bonne » manière de se comporter en ituation d’incertitude stratégique, mais elle possède un caractere incomplet et arbitraire du fait qu’elle n’est pas optimale ; une alternative peut toujours lui être opposée.

La convention réfère à une représentation normative partagée et c’est en cela qu’elle possède une force régulatrice importante. Sa force réside aussi dans son efficacité ; pour qu’une convention se perpétue, les individus doivent être convaincus qu’il s’agit de la « meilleure » manière de se comporter dans les circonstances et que cette manière est en cohérence avec la représentation qu’ils se font de la conduite souhaitable.

Cette conviction est essentielle pour qu’une convention persiste et soit adoptée par un grand nombre d’individus. La convention est donc une référence normative qui suggère une finalité souhaitable. Ainsi, le DD, dans une telle optique, pourrait être interprété comme une nouvelle convention et à ce titre, constituer le reflet du consensus actuel quant à la « manière Document téléchargé depuis www. cairn. info PAGF s OF society, in order to develop objectives that stakeholders would support. This support is necessary for long term success ».

Cette théorie suggère une meilleure prise en ompte des intérêts des multiples parties prenantes dans les décisions et la gestion afin d’assurer la compétitivité à long terme des entreprises et ultimement, leur pérennité. Elle pose, en quelque sorte, les assises théoriques d’un modèle de gestion plus « responsable L’approche par les parties prenantes apporte de nombreuses justlfications, qu’elles soient éthiques ou encore stratégiques, légitimant les principes de DD appliqués à la gestion des entreprises. Toutefois, elle n’est pas la seule.

Il apparaît que d’autres approches alternatives, comme l’approche conventionnaliste, suscitent un ntérêt particulier pou expliquer les raisons justifiant la prise en compte et de la diffusion du concept de DD dans la gestion des entreprises. En vertu de rapproche conventionnaliste, nous pouvons interpréter l’évolution des comportements des entreprises, dans le sens d’une plus grande responsabilité relativement à la société civile, comme la résolution d’un phénomène conventionnel et comme la manifestation d’un nouveau consensus quant à la manière « convenable » de diriger les entreprises.

Le DD trouverait sa légitimité auprès des parties prenantes parce qu’il permet une meilleure onciliation de leurs intérêts dans une perspective de création de valeur à long terme. En mobilisant aussi des justifications des de la valeur économique dans une perspective de long terme. Cette nouvelle conviction partagée pourrait expliquer en grande partie la propension toujours plus grande des entreprises à intégrer les principes de DD à leur gestion.

Dans une situation complexe de coordination comme celle des dirigeants et des actionnaires, il est intéressant de s’interroger sur la manière dont les conventions existantes peuvent évoluer et éventuellement être remplacées, et e, malgré le fait qu’elles ne soient pas toujours des solutions efficaces. Selon Amblard (2003), plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’émergence d’une convention. Certains sont de nature exogène, tels que la réglementation publique et le « contact particulièrement celui entre deux populations ne partageant pas les mêmes conventions.

D’autres sont plutôt de nature endogène, c’est le cas notamment de la dissidence, de la dissonance ainsi que de l’intention stratégique. Vue sous cet angle, l’émergence de la convention du DD dans les entreprises pourrait être liée à plusieurs éléments Premièrement, à la dissonance, qui selon Amblard (2003), se révèle lorsqu’apparaît une inadéquation du discours délivré par la convention face aux transformations contextuelles.

L’émergence du DD comme alternative à la convention actionnariale pourrait être en partie tributaire de ce facteur. Deuxièmement, à l’intention stratégique, qui correspond à un comportement conscient ou souhaité de la art de certains acteurs ou eroupes d’acte ent PAGF 7 OF De plus, l’apparition d’une nouvelle convention donne lieu, en règle générale, ? deux types de comportement . es réactions de coopération, où l’on peut constater soit la cohabitation des deux conventions, soit le recadrage de la première par la seconde , – des réactions d’affrontement, où l’on assiste à la résistance ou à l’effondrement de l’ancienne convention (Amblard, 2003). En général, les conventions ne sont pas des prescriptions en tant que telles. Elles indiquent des grandes orientations sans toutefois préciser les comportements ? adopter.

Ainsi, elles doivent être accompagnées de dispositifs matériels indiquant les manières dont elles peuvent se décliner pratiquement dans les entreprises. Une convention est donc généralement assortie d’un appareillage conventionnel permettant son opérationnalisation. Pour attester de l’émergence et de la légitimité d’une nouvelle convention, il faut en première analyse aller au-delà des engagements de principe et voir de quelle manière, s’il en est, la nouvelle convention s’instrumente concrètement dans les pratiques et la gestion des entreprises.

Pour ce faire, notre étude fera référence aux publications institutionnelles de sociétés françaises cotees en Bourse, sur la période 2002-2007, et fera le point sur les évolutions des comportements notamment en termes de gouvernance et de management – ainsi que sur l’appareillage conventionnel et normatif développé afin de supporter les entreprises dans leur « gestion durable h. Document téléchargé dep PAGF E OF . nfo— nouveaux référentiels normatifs pour opérationnaliser le DD Qu’ils soient du registre privé, comme ce fut le cas pour le World Business Council of Sustainable Development (WBCSD) et la Global Reporting Initiative (GRI), ou relatifs à la contribution d’organismes de normalisation comme l’International Standardization Organization (ISO), ces dernières nnées, des guides en lien avec le DD, ont fleuri un peu partout à travers le monde.

Ainsi, la GRI a développé des lignes directrices pour la reddition des comptes ainsi que des indicateurs de performances économiques, environnementales et sociales pour les entreprises – idée d’une triple reddition des comptes ou Triple Bottom Line (Elkington, 1997). De même, du point de vue social, de nouvelles normes internatlonales, comme OHSAS 18001 – pour la santé et la sécurité au travail – ou la certification SA 8000 sur les droits de l’homme se sont largement démocratisées.

Par ailleurs, ‘un point de vue environnemental, des normes sur le management et l’analyse du cycle de vie des produits et des services ont été développées : les normes de la série ISO 14000. Enfin, et pour répondre aux demandes des entreprises, de nombreux travaux normatifs furent ou sont actuellement engagés sur ces sujets.

Certains auront une ortée internationale, comme le futur référentiel ISO référentiels en DD semble déjà être un début de preuve de l’évolution de la convention dominante, la convention actionnariale, vers d’autres formes tacites de comportements. L’évolution de l’appareil ormatif doit également être accompagnée de changements effectifs dans les comportements afin d’attester d’une évolution conventionnaliste.

Afin d’en rendre compte, nous allons présenter, dans la suite de cette contribution, trois études de cas sur l’évolution du comportement de grands groupes français relativement aux prlnclpes du DD sur la période 2002-2007. 2. Études de cas Aspects méthodologiques Les entreprises constituant cette étude ont été identifiées relativement à un double degré d’exigence : ne retenir que les sociétés les plus capitalistiquesl et pouvoir catégoriser leurs comportements, esponsables ou non, pour une période donnée, en l’occurrence 2002-2007.

Afin de satisfaire à ces exigences, les entreprises du CAC 40 ont été classées relativement à leur nombre de référencement dans les quatre principaux indices socialement responsables : le FTSE4Good Europe, le DJSI Stoxx, le DJS’ world et l’ESI 2. 1. pour leur potentiel de résonance et parce qu’elles jouent ainsi un rôle de levier dans l’évolution des comportements. 2. L’indice ASPI Eurozone n’a pas été retenu du fait de son manque de sélectivité sur le CAC40 : 90 % du CAC40 compose Vindice ASPI Eurozone.