Relation entre le droit et la religion
RAPPORT INTRODUCTIF par François TERRE. Droit et Religion. La relation est immémoriale, inépuisable en termes de composantes, de concepts, d’idéaux si fondamentalement porteurs de transcendances et d’espérances. Chacun sait que les définitions mêmes du droit sont singulièrement malaisées : ses frontières, son inachèvement, son inauguration. Aussi bien l’histoire des peuples, des sociétés et des Etats religions. Rien d’éton n s or 17 ée par celle des a lieu de rappeler un n – d s comparés et les Snipe to religions comparées. Lambert, Mircea Elia Pour le droit, ici n’insistons pas.
Pour la religion, quelques preclslons sont necessalres. On ne tiendra pas compte des religions polythéistes, antiques ou modernes. Ni sur le panthéisme, le déisme, et même le théisme. A titre d’abord méthodologique, ou épistémologique, il convient de s’en tenir à ce qu’il est fait état ? tort ou à raison, plutôt à tort théologiquement qu’à raison, selon nous, des « trois religions du Livre », lesquelles ne se comprennent bien que comme des religions du salut, convenant à des civilisations du péché, non à celles de la honte.
Au reste l’Occident, et tout ce qu’il a entrainé dans son sillage, est i loin du chrysanthème et du sabre dépeints par Ruth Benedict. religions prophétiques, ce qui ne signifie pas que tout se constitue dans l’avenir, ou plutôt dans l’ordre illimité d’une intemporalité à laquelle le nirvana permet d’aboutir. Il ne faut d’ailleurs pas confondre l’indifférence et la différence, la compassion et la charité, si tant est dailleurs que le bouddhisme puisse être considéré comme une religion.
Traits communs ou singularités, constantes et variables des trois religions dites du Livre, «ce qui, observe Charles Hélou, rend si difficile la recherche d’une olution à la question du Proche-Orient est que chacune des parties y défend sa part de sol et sa part de ciel » . Audelà des diversités des écoles ou des rites, des schismes et des hérésies, des controverses théologiques et des interprétations juridiques, la considération variable tant du sol que du ciel rejoint encore des réflexions d’ampleur universelle.
L’aspiration ? une part du sol peut, dans les sociétés mélanésiennes, correspondre à la nécessité, d’ordre tellurique, d’une communicatlon vitale avec la divinité par rintermédiaire des arbres, relation que la propriété e type romaniste ne pouvait rompre. Les juristes d’Occident ont d’ailleurs mis longtemps ? comprendre la leçon des « argonautes du pacifique occidental Quant au ciel, il peut aussi être perçu autrement qu’en termes de paternité : fils du ciel, l’empereur chinois gouverne l’univers en se comportant comme un modèle, lui-même soumis à des exigences d’ordre cosmique.
Eternel PAG » 7 comportant comme un modèle, lui-même soumis à des exigences d’ordre cosmique. Eternelle question : gouverne-t-on les hommes par les hommes, ou les hommes par les lois ? Si réduit que soit son rayonnement autant que ses acines lointaines, telluriques ou cosmiques, on admet volontiers que le droit est médiation ou médiateur et qu’? ce titre, il est nécessairement affecté par la religion. Ce qui, présentement, essentiellement même, nous retient est, ? ce sujet, le coefficient religieux.
Car, observait récemment un auteur, « c’est, plus encore que d’un des éléments du débat, d’un coefficient qu’il s’agit, autrement dit, s’il faut en croire le dictionnaire, d’un « nombre qui, mis devant une quantité algébrique, en multiplie la valeur C’est signifier que, dans l’opération spécifique dont nous nous occupons ujourd’hui, une chose, un fait, un Membre de l’Institut, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris Il). ?vénement quels qu’ils soient ne sont pas seulement cette chose particulière, ce fait ou cet événement précis mais, affectés par le coefficient dont je viens de parler, qu’ils sont simultanément repris et représentés dans la conscience collective des uns et des autres – voire au niveau de l’inconscient collectif dans son ensemble «La position de l’islam sunnite», par Salah Stéitié, in Le facteur religieux dans les conflits du Moyen-Orient, Colloque Fondation Singer-Polignac, 1998 1 1 Dans l’histoire du Proche- Colloque Fondation Singer-polignac, 1998, p. 1) Dans l’histoire du Proche-Orient, l’influence du coefficient religieux a été de pair avec celle de relations internationales singulièrement troublées : Babylone, guerres médiques, conquêtes romaines, empires d’orient, Islam et croisades, colonisation et décolonisation. Les conflits mondiaux au XXe siècle ont bouleversé les frontières, opposé les croyances, favorisé les ambitions politiques. La première guerre mondiale a recouvert le facteur religieux sans supprimer son influence. La seconde, du fait de la Shoah et de ses répercussions immenses et durables a été la cause de catastrophes.
Il est bien évident que cette évolution a entraîné, notamment par terrorismes et prises d’otages, attentats et représailles, une réflexion renouvelée sur les relations entre la violence et le droit. Parce que celui-ci, ONU interposée ou médiatrice, attribue des territoires, reconnaît des souverainetés et consacre des prérogatives, il ne se veut pas simplement irénique, il est aussi polémogène_ Lieu de distinction, il est en même temps lieu de rencontre et forcément générateur de ces ntagonismes et de ces conflits qu’il est, par conséquent, seul ? même de résoudre.
Et là où il se place, de par son essence même, il entretient des rapports nécessaires avec la révélation et avec la théologle. Droit, religion et révélation ? ce dernier mot permet de circonscrire le champ de la réflexion et de négliger ici la religion des païens 13 mot permet de circonscrire le champ de la réflexion et de négliger ici la religion des païens qui est « naturelle Le facteur religieux que nous voyons à l’œuvre, écrit un auteur (G. de Broglie, Colloque précité, p. 9), n’est pas la raduction pure de l’idée religieuse.
Les trois religions monothéistes ne sont pas, par fondation, antagonistes. Elles peuvent au contraire entretenir des relations conformes à leur idéal. Le symbole de leur parenté pourrait être Jérusalem. Mais les forces religieuses qui agissent empruntent des formes religieuses dégradées. C’est du moins l’opinion des plus hautes autorités dans les trois religions D’où, de diverses manières, rexistence d’une délimitation encore plus précise par rapport à diverses formes de croyances collectives. Tout d’abord, par rapport au déisme, qui reconnaît rexistence d’ « un
Dieu ordonnateur, voire créateur, mais qui n’est que « grand horloger » ou, pour reprendre la formule maçonnique, « grand archltecte de l’univers » » (P. Chaunu, in Danse avec l’Histoire, éd. de Fallois, 1998, p. 120). Créateur mais non pas Providence, il est « l’intelligence qui explique l’univers, sans être vraiment le Dieu des hommes Voltaire hésitera : fut-il déiste ? ou théiste ? Car une autre distinction s’impose ici. « Les Théistes, qui ont besoin d’un juge, d’un gendarme, d’un bourreau, s’efforcent de faire croire que leur Dieu est providence.
Rémunérateur et vengeur, il punit et récompense selon la ormule de Robespierr formule de Robespierre… Mais le théisme a échoué dans l’opinion publique car ; soclalement, aucune religion philosophique purement rationnelle ne peut réussir à se substituer à une religion révélée, même si celle-ci a intérêt à s’appuyer aussi sur une philosophie religieuse, une philosophia Christi, que défendait Erasme. La philosophie religieuse s’adresse à la raison : elle peut saper, ruiner la fides, mais elle ne peut convaincre suffisamment au point d’aider à affronter la mort.
La religion révélée, avec un au-delà, s’adresse au cœur (P. Chaunu, op. it. p. 121). La Révélation n’a pourtant pas eu, sur les droits présentement envisagés, la même portée. On ne peut tout d’abord écarter, quant à la référence à la « nature » une distinction entre la tradition judéo-chrétienne et ou la tradition Islamique, dans la mesure où l’on a pu considérer que l’islam est la religion naturelle du Dieu révélé (A. Besançon). La révélation n’en demeure pas moins essentielle par rapport au droit, qu’il s’agisse de la lettre ou de l’esprit. « La loi mosaïque a constitué le droit public et privé d’une société et même dun Etat » (J. Carbonnier, La « Bible et le droit » in La Révélation chrétienne et le droit, Dalloz, 1961 p. 120). En d’autres termes, nombre de dispositions de l’Ancien testament ont pu constituer un Corpus iuris. II est vrai , les règles de la hora ont constituer un Corpus juris. Il est vrai que, « très tôt, les règles de la Thora ont été tempérées, corrigées, adaptées par des interprètes. A côté du relativement petit nombre de préceptes strictement bibliques, il y a rextrême richesse du Talmud » (J.
Carbonnier, op. Cit. , p. 125). En dépit de cet apport des interprètes, la relation entre la religion, a théologie et le droit est alors très forte en termes d’instauration, voire de transplantation dun ensemble de règles dans le milieu social. Lien si étroit et si direct qu’il a obtenu ultérleurement une vertu exemplaire, au temps de la Réforme tout simplement parce qu’il aboutissait à supprimer tout intermédiaire entre l’Ecriture et le Chrétien : « par la Réforme, l’homme, qu’il soit magistrat ou citoyen, a recouvré un contact immédiat avec la Bible.
En retour, la Bible semble s’imposer à lui avec la même force contraignante qu’elle avait jadis pour Israël et partout où es prescriptions avaient un caractère juridique pour l’Israélite, elles auront le même caractère juridique pour le Chrétien » (J. Carbonnier, op. cit. , p. 121). La suite a pourtant montré le particularisme d’une religion qui se veut celle d’un peuple – le peuple élu — appelé à retrouver la terre promise, ce qu explique l’existence d’une religion nationale gouvernant les relations entre les « juifs et les nations » (J. Nantet) et même un nationalisme juridique.
C’est ce qui, précisément, conduit à envisager de manière différente le Christ PAGF70F17 juridique. différente le Christianisme, puis ‘Islam. La Révélation chrétienne n’a, en effet, aucunement abouti à l’instauration d’un Etat chrétien en ce sens qu’on trouverait dans le Nouveau testament un corps de règles apte à se transmuer en dispositions juridiques. D’ailleurs la perception des exigences de droit comprises comme telles par les communautés juives n’a pas rejailli, sauf institutions éparses (repos du septième jour, droit d’asile, sacre, glanage… ), sur les systèmes des pays christianisés.
Quant aux préceptes découlant du Nouveau Testament et des Evangiles, ils purent d’autant moins donner naissance à du droit qu’à maints ?gards ils en apparaissaient comme des modes de subversion, à commencer par le Sermon sur la montagne (l. Carbonnier, op. cit. , p. 127et sr). Du côté de l’Islam, il faut remarquer qu’est désignée comme « Loi » toute révélation, ce qui conduit à considérer qu’au sens proprement juridique du mot, on envisage de multiples prescriptions, exprimées par l’intermédiaires d’un envoyé, lequel doit être distingué d’un prophète.
Le Coran compte essentiellement trois Lois : celle de Moise, qui a été altérée par les juifs, celle de Jésus, qui l’a été par les chrétiens et celle de Muhammad, qui a, en onséquence, abrogé les deux précédentes. Mais, si l’on trouve dans le Coran des versets explicitement juridiques, ils n’en sont pas moins assez rares. Dès lors les juristes ont été cond PAGF conduits à construire le droit musulman au moyen de commentaires du Coran, d’argumentations à partir de faits et gestes du prophète, de diverses méthodes de raisonnement.
Roger Arnaldez résume bien le processus : « En fait, les spécialistes de « principes du droit » se sont contentés d’islamiser les règles de droit empruntées à des systèmes non musulmans (droit romano-byzantin, persan, voire rabbinique). Il suffit pour s’en convaincre de comparer les nouveaux titres des questions traitées dans les ouvrages des grands juristes, avec les maigres données du Coran et de la tradition, du point de vue tant du fond que du vocabulaire. C’est donc ce procédé d’islamisation qui a permis en fait au fiqh musulman de se constituer dans le passé et de se développer de nos jours.
Il semble qu’il restera le seul vraiment utile et praticable. On se demande comment les orientations islamistes, qui veulent se contenter des données coraniques et prophétiques, pourraient permettre de légiférer pour un Etat moderne et résoudre par lles seules, sans emprunts plus ou moins camouflés, tous les problèmes si complexes qui se posent de nos jours à nos sociétés » « La loi musulmane à la lumière des sciences coraniques », in Droit et religion, Arch. Phil. Droit, t. 38, 1993, p. 83 ; rappr. M.
Charfi, Islam et liberté, Le malentendu historique, éd. Albin Mich Charfi, Islam et liberté, Le malentendu historique, éd. Albin Michel, 1998). Ainsi, quant à la lettre, des ordonnancements différents sont opérés par rapport à un concept commun de Révélation. Mais il y a tout naturellement plus, car l’esprit esprit des ois ou état d’esprit – imprègne de maintes manières les suites juridiques quant à la genèse des lois et quant à leur destinée. En termes de genèse, est essentielle la détermination des acteurs et des modèles.
Mis ? l’écart les mandarins de la Chine traditionnelle ou les technocrates européens, on constate aisément les différences, ce qui distingue les docteurs des lois juive ou musulmane et l’importance variable des traditions orales ou écrites. Une interrogation centrale porte sur le rôle et la signification de la casuistique. Elle conduit à établir une comparaison entre talmud et fiqh, entre droit romain et common law. Des histoires différentes expliquent les variétés.
Il a fallu quatre siècles après la destruction du Temple pour que le talmud se constitue ; le droit romain aura exigé près dun millénaire ; il aura suffi d’un siècle pour le fiqh. A partir de ces données, et non sans tenir compte de l’approche de la Grèce antique, puis de la distinction ultérieure entre fas et jus, on observe au moins deux sortes de casuistiques : celle du droit romain tend, à partir des cas, mais faute d’organisation logique, ? saisir la totalité de ceux-ci. Ailleurs on peut discerner, plus en profondeur, une aspirati 17