projet

essay A+

http://ethiquepublique. revues. org/361 Éthique publique Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Top of Form Bottom of Form Légiférer en matière d’éthique : le difficlle équilibre entre éthique et déontologie Luc Bégin p. 39-61 Résumés FrançaisEngIish L’Assemblée nationale du Québec a adopté en décembre 2010 deux projets de loi e premier s’adresse au ore déontologie : le lée nationale, le second s’adresse aux • Ge municipaux et a Sni* to View également des incide son texte, rauteur m unicipaux.

Dans ont ces initiatives législatives distinguent et actualisent l’ thique et la déontologie. Après avoir souligné les insuffisances de ces lois en ce qui concerne leur volet éthique, l’auteur suggère de repenser l’équilibre entre « éthique » et « déontologie » en accordant une prépondérance aux dispositifs relevant de l’éthique. ln December 2010, the Québec National Assembly passed two bills on ethics and rules of professional conduct.

The first bill is intended for the Members of the National Assembly and the second, for municipal council members; the second bill also has implications for municipal employees. ln this article, the author questions the distinction drawn between ethics and rules f professional conduct in these two pieces of legislation, as well as the way they translate these concepts into action. After highlighting the shortcomings of the bills in regar regard to ethics, the author suggests that we rethink the balance between « ethics » and « rules of conduct » by giving precedence to mechanisms that can address ethical issues.

Entrées d’index Mots-clés . infrastructures de régulation, éthique des organisations, lois Keywords . regulation Infrastructures, ethics of organizations, laws Plan Distinguer l’éthique et la déontologie Quels moyens pour l’éthique ? L’éthique avant la déontologie ? Concluslon Haut de page Texte intégral PDF 284kSignaler ce document Il n’y a rien qui tende davantage à discréditer ou à annuler les bons moyens d’influencer la conduite humaine que d’avoir recours aux pires. John Stuart Mill, De la liberté (1859). Le lecteur intéressé pourra se référer directement aux travaux des commissions parlementaires qui 2 Sur ces questions, le lecteur pourra notamment lire les textes rassemblés dans Boisvert (2007) et ) 1 En décembre 2010, « Assemblée nationale du Québec adoptait deux importants projets de loi en matière d’éthique et de déontologie : le projet de loi 48, Code d’éthique et de déontologie es membres de l’Assemblée nationale et le projet de loi 109, Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale.

Entre le dépôt des premières versions de ces projets de loi et l’adoption de leur version définitive par le législateur, des travaux en commissions parlementaires ont permis aux députés et aux ministres responsables de ces projets de loi d’entendre les représentations de différents regroupements, associations et experts ayant des intérêts particuliers à faire valoir PAGF 3 différents regroupements, associations et experts ayant des intérêts particuliers à faire valoir relativement aux objets devant ?tre couverts par ces législations.

Parmi ces voix, quelques universitaires et consultants travaillant dans le domaine de l’éthique appliquée ont soulevé des objections quant au type dassociation entre l’éthique et la déontologie que l’on retrouvait dans ces projets et que l’on retrouve toujours dans les lois maintenant adoptées. Je ne reprendrai pas ici l’ensemble des objections qui se sont fait entendre sur cette questionl .

Je tiens simplement à souligner, pour l’instant, qu’il ne va pas de soi pour quiconque a développé une expertise dans le domaine de l’éthique appliquée de voir ainsi associées l’éthique et la éontologie dans des initiatives législatives. pour le dire d’une manière aussi sobre que possible, l’idée d’une telle association fait généralement problème.

La littérature québécoise spécialisée en éthique appliquée s’est beaucoup employée depuis de nombreuses années à mettre en garde contre des incompréhensions fréquentes au sujet de ces deux termes et qui mènent trop souvent à confondre les visées de l’éthique et de la déontologie et les façons qu’elles impliquent de penser la relation de l’agent moral – minimalement, toute personne apte à poser des actions de manière intentionnelle et réfléchie – aux normes t aux règles qui définissent des attentes à son endroit2. Je préfère l’expression « infrastructure de régulation des comportements » à l’expression « infras (… ) 2Je m’inscris dans un courant de pensée qui considère 43 l’expression « infras 2Je m’inscris dans un courant de pensée qui considère qu’il s’avère néanmoins possible de faire coexister l’éthique et la déontologie dans une infrastructure de régulation des comportements3, mais selon laquelle l’on ne peut escompter de bénéfices de cette cohabitation que dans la mesure où certaines conditions sont respectées.

Comme je l’expliquerai plus loin, a réussite de cette cohabitation nécessite notamment que soient prises au sérieux les exigences propres à l’atteinte des visées de l’éthique, ce qui implique que l’on distingue bien, dans l’infrastructure mise en place, ce qui relève de l’éthique et ce qui relève de la déontologie. 3Cest dans cette perspective que je propose une réflexion sur les récentes initiatives du gouvernement québécois en matière de législation sur l’éthique.

Je voudrais montrer que, malgré le fait que le Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationaleet la Lai sur l’éthique et la déontologie en atière municipale se présentent comme des lois sur l’éthique et la déontologie, ils s’avèrent incapables d’établir un équilibre adéquat entre leurs visées éthiques et déontologiques. Avec pour résultat qu’il n’y a non seulement pas beaucoup à espérer de ces léglslations en matière d’éthique, mais qu’il y a aussi bien peu ? espérer en matière de régulation déontologique. Dans une première section de mon texte, j’introduirai quelques distinctions entre l’éthique et la déontologie, en soulignant notamment le fait que le législateur insiste sur une de ces distinctions dans ses deux lois. Toutefois, 3 le fait que le législateur insiste sur une de ces distinctions dans ses deux lois. Toutefois, nous verrons que les visées générales de ces lois ne traduisent pas cette distinction posée par le législateur.

Ces 1015, en effet, ne permettent pas une actualisation suffisante de ‘éthique pour que l’on puisse considérer que l’infrastructure mise en place contribue adéquatement à l’éthique des agents publics (en l’occurrence, les députés, ministres, élus municipaux et employés municipaux visés par les deux lois). Je suggérerai ensuite que c’est pourtant du côté de mécanismes elevant de réthique, et non de la déontologie, que le législateur aurait gagné à investir le plus.

Je m’appuierai pour cela sur des études évaluant Pefficacité des diverses approches de régulation et des mécanismes qui y sont associés. 4 Cette hypothèse est en effet peu généreuse en ceci qu’elle laisse entendre que l’usage du terme ét 5Si l’on pense à associer deux termes dans le titre d’une loi, c’est que Von juge que ceux-ci ne sont pas identiques. Sinon, dans le cas qui nous occupe, pourquoi parler d’éthique et de déontologie ?

Si les deux termes étaient interchangeables, ourquoi ne pas se contenter d’en utiliser un seul ? Par simple effet de mode ? parce qu’il serait de bon ton aujourd’hui d’employer le vocable éthique et non simplement déontologie ? Si l’on écarte cette dernière hypothèse peu généreuse à l’endroit du législateur » il faut bien reconnaître que le choix de retenir les deux termes repose sur l’admission d’une distinction entre ceux- PAGF s 3 que le choix de retenir les deux termes repose sur l’admission d’une distinction entre ceux-ci.

Cette distinction se doit d’être suffisamment significative pour que les deux termes retenus dans e titre de la loi entraînent des répercussions différentes quant à ce que vise la loi. À la lecture des deux lois ici examinées, on constate que le législateur pose effectivement une distinction entre l’éthique et la déontologie, ce à quoi nous nous attarderons à l’instant. Nous verrons ensuite, toutefois, que cette distinction n’entraîne pas les répercussions que l’on serait en droit d’attendre. S’il n’offre pas de définition des deux termes qui nous occupent, le législateur laisse néanmoins entendre dans les Notes explicatives qui précèdent les articles de chacune de ces lois ue l’éthique et la déontologie relèvent de registres distincts. par exemple, les Notes explicatives de la loi édictant le Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale posent que « [IIe code affirme d’abord les principales valeurs auxquelles adhèrent les députés et édicte des principes éthiques précisant la portée de ces valeurs » (Assemblée nationale du Québec, 201 Da).

Les mêmes Notes précisent ensuite que « [Ile code édicte également les règles de déontologie que doivent respecter les députés et qui ont trait notamment aux incompatibilités de fonctions, aux conflits d’intérêt, Les registres des valeurs et des principes seraient ainsi le propre du domaine de l’éthique alors que le registre des règles caractériserait la déontologie. Sans grande surprise, les Notes explicative 6 3 registre des règles caractériserait la déontologie. Sans grande surprise, les Notes explicatives de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale reprennent une semblable distinction.

Cette loi, qul crée cette fois une obligation aux municipalités d’adopter un code d’éthique et de déontologie applicable aux élus et d’en adopter également un autre applicable ux employés municipaux, « édicte que ces codes doivent énoncer les principales valeurs de la municipalité en matière d’éthique et des règles déontologiques qui doivent guider, selon le cas, les élus ou les employés municipaux » (Assemblée nationale du Québec, 201 Ob). Les valeurs relèveraient ici aussi de l’éthique et les règles, de la déontologie. La distinctlon genérale ainsi posée entre l’éthique et la déontologie rejoint assez largement ce que l’on retrouve dans la littérature québécoise en éthique appliquée aux organisations. Il est devenu courant en effet d’associer le registre des valeurs ? l’éthique et celui des règles à la déontologie (Legault, 1999 ; Boisvert et 2003). Sans entrer dans le détail des raisons qui justifient cette distinction, on pourra comprendre aisément l’importance de celle-ci en prenant pour exemple la déontologie professionnelle.

Au Québec, toutes les professions reconnues par le législateur sont constituées en ordre professionnel. L’article 23 du Code des professions stipule que la fonction première des ordres professionnels est la protection du public et l’article 87 les oblige à se doter d’un code de déontologie. Cette visée de protection du public est posée comm 3 oblige à se doter d’un code de déontologie. Cette visée de protection du public est posée comme étant nécessaire du fait que le professionnel se retrouve dans une position où il lui serait posslble, s’il le désirait, de causer des préjudices à son client.

Le code de déontologie est un des mécanismes mis en place pour garantir au public que le professionnel agira de façon compétente et intègre. On y retrouve l’ensemble des devoirs et obligations imposés aux professionnels dans l’exercice de leur profession. Ces devoirs et obligations sont autant de règles dont le respect st impératif ; le défaut de s’y conformer entraîne une sanction, s’il est porté à la connaissance des autorités compétentes (en Poccurrence, ici, le syndic de l’ordre auquel appartient le professionnel fautlf).

Dans ce contexte, la déontologie consiste donc en une codification qui se rapproche du modèle juridique où sont énoncées des règles contraignantes et où sont mis en place des mécanismes d’enquête et de sanction. 5 L’intervention déontologique emprunte la logique inhérente ? une approche de commandement. Selon c 8Évidemment, on souhaitera que le professionnel se conforme ux règles qui s’imposent à lui par souci de bien servir ses clients et le public en général. On souhaitera également qu’il soit animé par des motifs autres que la simple crainte de subir des sanctlons s’il lui arrivait de contrevenir à ces règles.

Toutefois, il est essentiel de le souligner, la déontologie est animée par une visée de conformité comportementale. Ce qui importe par-dessus tout, pour ce mode de régulation des a 3 de conformité comportementale. Ce qui importe par-dessus tout, pour ce mode de régulation des actions, c’est que le destinataire de la règle – le professionnel – se comporte de la façon dont ‘exige la règle. La déontologie pense donc le rapport de l’agent moral à la règle selon un modèle que l’on qualifie de command and control.

Il n’est attendu et exigé qu’une seule chose • l’obéissance à la règles. 6 Sur ces questions, voir Bégin (2008). 9En deçà, ou au-delà, de la déontologie se posent des questions d’éthique professionnelle. C’est là que les règles de la déontologie se voient interrogées de façon à en dégager le sens, la pertinence et la validité. L’éthique professionnelle se présente comme la discipline qui propose une réflexlon sur les règles de la profession t sur les pratiques professionnelles de façon, dans la mesure du possible, à les rendre meilleures.

De façon analogue, on parlera aussi de l’éthique des professionnels en référence aux valeurs auxquelles ils adhèrent et qui les motivent à agir dans un sens ou dans un autre. On attendra ainsi de l’agent moral, de manière générale, qu’il décide d’agir non par simple obéissance à la règle qui s’impose à lui, mais parce qu’il valorise certaines manières d’être et de faire les choses. Pour le dire autrement, l’éthique fat appel à la capacité de réflexion et à l’autonomie des gents qui devraient dès lors être en mesure de choisir les actes qu’ils poseront en fonction des valeurs que ces comportements incarnent.

Ainsi comprise, l’éthique est animée par une visée d’autonomie et d’expression des capacités réflexives comprise, l’éthique est animée par une visée d’autonomie et d’expression des capacités réflexives des agents moraux ; d’autre part, le rapport de ces agents à la règle est pensé en fonction d’une médiation par des valeurs. Dans une perspective éthique, en effet, s’il y a obéissance à la règle, c’est parce que celle-ci ou les comportements qu’elle exige actualisent une ou plusieurs aleurs qui sont jugées importantes par l’agent6. Cette possibilité n’est toutefois pas une nécessité. Un agent moral exerçant son autonomie et ses 100n voit par là que la déontologie et l’éthique (professionnelle) ont des visées différentes, mais qu’elles ne sont pas pour autant d’emblée incompatibles. La première vise une conformité comportementale à la règle énoncée et s’en remet à l’autorité de la règle et à la menace de sanction pour arriver à ses fins. La seconde vise une adhésion librement consentie à des valeurs qui donneront sens aux comportements de l’agent moral et aux règles qu’il respectera.

Elle s’en remet pour cela à l’autonomie et aux capacités réflexives des agents moraux. Ces visées ne sont pas d’emblée incompatibles dans la mesure où il est possible qu’un agent moral se conforme à la règle (visée déontologique) parce qu’il considère que ces règles font sens et qu’elles rej01gnent ce qu’il juge être valable de faire compte tenu de son rôle et de sa fonction sociale (visée éthique)7. Elles ne sont pas incompatibles, également, dès lors que l’on reconnaît le fait que les règles – aussi précises et détaillées puissent-elles être – ne parviennent pas à prévoir et à baliser