Peinture Et Usage De La Photographie

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PEINTURE ET USAGE DE LA PHOTOGRAPHIE Dominique Marin ERES I L’en-je lacanien 2012/2 – no 19 pages 91 à 107 Document téléchargé depuis www. cairn. info – Biblioth? que Municipale de Lyon 193. 48. 136. 254 – 14/03/2015 14h40. @ ERES Article disponible en ligne à l’adresse: ——-http: -2-page-91 . htm article : or26 Sni* to View I-en-je-lacanien-2012 —Pour citer cet –Marin Dominique,« Peinture et usage de la photographie », L’en-je lacanien, 2012/2 no 19, p. 91-107. DOI : 10. 3917/enje. 019. 0091 Distribution électronique Cairn. info pour ERES. @ ERES. Tous droits réservés pour tous pays. n vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. ISSN 1761-2861 La peinture entretient un rapport étroit avec la vérité du désir, c’est pourquoi elle nous intéresse. La psychanalyse doit son invention à la « vérité menteuse selon l’expression de Lacan, que Freud a dénichée dans les formations de l’inconscient et les rêves. L’intérêt du rêve est de figurer la vérité censurée du désir par des images. Les rêves nocturnes sont avant tout des images, que Freud, le premier, déchiffre comme des rébus. s signifiants refoulés se déchiffrent par la lecture des Images, ce ue Freud appelait, faute d’outils linguistiques adéquats, représentations de choses. L’inconscient, comme savoir insu, réside en ceci que la verité ne se livre jamais que partiellement, pastoute parce qu’elle a structure de fictlon de passer par la voie de la représentation. Durant le séminaire qui sert de fil directeur à cet abord, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Lacan rapporte l’histoire de ces deux peintres grecs d ntJ. -C. Zeuxis et PAGF photographique. Municipale de Lyon – 193. 48. 136. 254 – 14/03/2015 14h40. C Dominique MARIN de la photographie * Peinture et usage 193. 48. 136. 254 – 14/03/2015 14h40. L’excès de la peinture 92 L’en-je lacanien no 19 Municipale de Lyon – La peinture trompe, tout en livrant le fait qu’elle trompe. Il importe que l’on sache que le drap est un leurre. La vérité a toujours une structure de fiction pour la psychanalyse, contrairement à la religion pour laquelle elle est révélée ou à la science qui ne veut nen en savoir.

La fonction du tableau 1 Si la peinture trompe et montre qu’elle trompe, si elle incarne si bien la vérité trompeuse, il convient encore de s’interroger sur ce qu’elle trompe PAGF 3 OF élidé, non sans raison. Toujours il convient de le tenir à une certaine distance ême lorsqu’il est recherché. Nous savons combien de temps et d’ingéniosité use une femme pour se parer à cet effet : attirer le regard. Si le regard d’un homme répond à ses efforts, il convient qu’il reste discret. Car une femme eprouve d’ordinaire une certaine satisfaction à se savoir regardée… à la condition qu’on ne le lui montre pas ! n regard trop insistant peut provoquer malaise, voire dégoût. L’objet regard reste extérieur au sujet, non localisable et source d’inquiétude, voire d’angoisse. 1 . J. Lacan, Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 93. 2. Ibid. , p. 69. demande alors à Parrhasios de lui montrer ce que cache le drap posé sur son travail avant de saisir que le motif de son adversaire n’est autre que ce qu’il a pris pour un véritable tissu. Si Zeuxis a trompé des oiseaux par son art, il reconnaît sa défaite devant celui qui est parvenu à le tromper lui, un peintre de l’excellence.

Peinture et usage de la photographie — — 93 Document téléchargé dep . info – Biblioth? que PAGF OF répandue depuis la nuit des temps des fresques pariétales préhistoriques, joue un rôle essentiel : dompter, apprivoiser, réduire à presque rien le regard, soit à un point lumineux ui irradie le tableau et qui nous observe. « Il y a dans la peinture du dompte-regard » au point que celui qui regarde est toujours amene a « poser bas son regard ». Lacan parle encore de piège pour le regard, qu’il faut entendre dans ce même sens de voilement-dévoilement qu’opère toute peinture.

Celui qui regarde, en déposant son regard devant la toile, se « reconnaît » lui-même comme tableau, il devient tableau, c’est-à-dire qu’il advient comme sujet divisé en ce que le tableau le regarde. L’aspect évident du dompte-regard dans le trompe-l’œil classique peut encore nous servir. Quand Zeuxis demande à Parrhasios de oulever le drap peint en trompe l’œil, Zeuxis témoigne bien de ce qu’il a mis bas son regard en ce sens que non seulement il n’y voit que du feu, mais qu’en plus il entre lui-même dans la scène.

La demande qu’il adresse ? Parrhasios, « enlève ce drap fait de lui « une vraie tache » comme on dit. On peut imaginer les spectateurs de leur affrontement braquant alors leurs yeux moqueurs sur la mine déconfite de Zeuxis. Il devient semblable à ce drap qui désigne sa méprise et le met dans de beaux draps, lui qui pensait avoir gagné. L’enseignement de la peinture met en évidence la fonction du tableau. Elle sert à réduire lants du reeard. Dans PAGF s OF sentiment d’être souvent représenté par les yeux des personnages peints fixés sur le spectateur, même lorsqu’il se déplace.

Même en lui collant des moustaches, les yeux de la Joconde fixent l’admirateur et semblent le suivre lorsqu’il passe ? ses côtés. Dans d’autres toiles plus sophistiquées, la place du regard Municipale de Lyon – – 193A8. 136. 254 – 14/03/2015 14h40. C L’expérience du voyeur surpris au moment où il regarde par le trou de la serrure l’indique aussi bien. Ce qui déstabilise le regardeur est non pas simplement la conscience soudaine convoquée par la résence d’autrui, comme le pense Sartre, mais, comme le dit Lacan, le surgissement d’un regard imaginé au champ de l’Autre. ncarnée par une représentation discrète du peintre dans son tableau, comme dans Les Ménines de Vélasquez, dont Lacan a fait ailleurs si grand cas. D’autres fos encore, l’objet propre à incarner le regard du spectateur est limité à un point de lumière nettement distingué du point géométral du tableau. Dans certains tableaux. on peut voir comme un petit miroir rond dans lequel se reflète toute la scène peinte ou encore représente deux respectables ambassadeurs entourés de divers bjets des sciences et des arts : planisphère, livres, cithare… Au-devant de la flotte un objet oblong non identifié.

Il s’agit d’une anamorphose que fon obtient par un procédé optique ingénieux. Celui-ci ne livre son en. gme que lorsque l’on quitte le tableau et que l’on se retourne avant de sortir : il s’agit d’un crâne. Extrêmement difficile à percevoir, ce crâne est fait pour illustrer la fonctlon du regard comme un objet extérieur, insaisissable, qui ne touche à rien de moins qu’à la part manquante du sujet. Le tableau des Ambassadeurs nous rappelle que nous vivons un mande iche d’arts et de connaissances entièrement organisé sur l’oubli de notre déchéance certaine, la mort.

La peinture rappelle sans cesse que pour voir il faut perdre cet objet regard, qu’il faut concevoir comme un objet de chair. « Tu veux voir ? demande le peintre. CYaccord Mais payes-en le prix qui est ta mutilation, vois ce que tu es, vois ton regard comme la dépouille de ce que tu es vraiment ! Non pas un drap propret peint en trompe l’œil, ni un crâne à peu près acceptable en anamorphose, mais une tache, une souillure. Voilà ce que tu es véritablement. » L’enjeu de la peinture Outre que la peinture assure une fonction de dompte-regard comme nous l’enseigne le séminai semble nécessaire de PAGF 7 OF www. airn. info – Biblioth? que Municipale de Lyon 19348. 136. 254 – 14/03/2015 14h40. C ERES 94 – 193. 48. 136. 254 – 14/03/2015 14h40. FRES La fréquentation de longue date des œuvres puis de l’atelier de Serge Grggio ne peut que rendre sensible à son humanité. Elle ne s’exprime pas seulement au travers de ses multiples sujets : les fresques disparues de Pompéi, les modestes ateliers de peintres, les gens en détresse, les malades mentaux ou les sans-abris, les fauteuils désertés par ‘ami disparu, les poubelles, les sujets de la mythologie.

Elle est dans ce qui depuis longtemps, une vingtaine d’années, habite bon nombre de ses toiles : souillures, coulures. Toutes ces coulures, toutes ses apparentes salissures regardent le spectateur comme sa part d’être Irréductible. une exposition récente en Italie, Portraits de femmes, va dans ce sens dune épure, où il ne reste des visages, au-delà des regards et des têtes sculptées, que des dépouilles, des masques flasques ainsi que des crânes vides ? peine esquissés sur la toile.

Il y a dans la peinture de Serge Griggio l’aiguillon écessaire pour échapper à la fascination esthétique du tableau. À quoi répond cet excès de peinture qui se répand en taches évoquant aussi bien l’écoulement du fruit pour int toute une série, que PAGF 8 OF concerne sûrement plus d’un peintre. La peinture montre à qui veut bien l’entendre que le tableau est comme la fresque de Parrhasios : il représente un drap que l’on ne perçoit pas d’emblée parce qu’il est la dépouille même du corps du peintre et de celui qui en est le spectateur.

Si l’on considère un tableau comme le résultat d’un nombre fini de touches, soit comme autant de signifiants déposés sur la toile par e geste du peintre mille fois répété, il faut tenir le reste de cette opération qui se livre sous la forme de taches et de coulures chez Griggio comme le résidu de la part d’être impossible à représenter. Ce rebut de la représentation du sujet s’écrit d’une lettre, l’objet petit a très exactement, pour souligner qu’il échappe à toute représentation et qu’il ne saurait en aucun cas être nommé.

Impossible à nommer, impossible à peindre, cet objet a pousse néanmoins le sujet à tenter d’en cerner les contours. Dans cette voie, le peintre rejoint l’analysant qui dépose dans la cure, touche après ouche, les signifiants maîtres de son aliénation à l’objet. Mais là où le peintre se sert de l’objet a, il est proposé à l’analysant de s’en dessaisir et d’user de son lâchage. photographie n’a rien à voir avec la peinture mais peut tout aussi bien intéresser la psychanalyse.

Si le roman d’Annie Ernaux, L’usage de la photo, témolgne des vicissitudes de la sexualité féminine, de ce qui peut s’en écrire ou pas, il engage à une réflexion sur les photographies présentées. Quel peut être l’enjeu de la photographie, pour une femme, pour celle-là qui parle de photos écrites, soulignant que a photographie consiste en une véritable graphie ? Considérer la photographie dans sa parenté avec l’écriture engage à penser son écart avec la peinture.

Ce n’est pas mon corps un exemple suffit pour donner un aperçu du style de l’ouvrage d’Annie Ernaux. Nous laisserons de côté les chapitres écrits par l’amant, dénommé d’une lettre, M. , et qui renvoient à Marc Marie. Le chapitre intitulé « Ce n’est pas mon corps » s’ouvre par une description « rédigé[e] de façon clinique 3 » selon le style d’Annie Ernaux. Elle tient ce propos pour parler d’un autre roman, Passion simple, qui a mis le feu aux oudres dans le milieu littéraire.

Elle y relate ses amours avec un homme plus jeune, une passion envahissante qu’elle livre sans les oripeaux du pathétisme amoureux. L’usage de la photo est écrit dans la même lignée. « Ce n’est pas mon corps » commence par la description d’un tas de vêtements abandonnés après une effusion amoureuse. La photo est prise après l’amour, parfois le lendemain, selon un protocole décidé par les amants : les vêtements ne doivent pas être déplacés afin d’être photographiés dans l’état initial, c’est-à-dire chaotique de leur abandon. Si par hasard l’un d’entre