Olivier Schwartz : le monde privé des ouvriers.
Olivier Schwartz : Le monde privé des ouvriers, hommes et femmes du Nord (1990) 27249 caractères L’objet du livre d’Olivier Schwartz est l’étude de l’organisation de la vie privée des ouvriers par le biais de l’ethnographie urbaine. Pour cela, il a séjourné pendant 5 ans, entre 1980 et 1985 au sein de la Clté HLM des Ilots, située dans l’ancien bassln minier du Nord Pas De Calais, et a tissé des liens forts avec environ quatre- vingts-dix personnes qui forment son échantillon d’étude. Pour effectuer une or 18 compte dans cet ouv e. harpente de l’ouvra (la po osée et la méthode résultats obtenus et ail dont il rend présenter la la problématique s pencher sur les en être faite. Cadre géographique et économique de l’ouvrage Le choix de la région n’est pas anodin. Les anciennes régions minières sont un exemple très particulier de restructuration du monde ouvrier. Depuis le XIXème siècle, les générations d’ouvriers s’y succèdent dans des structures paternalistes : les mineurs et leurs familles vivent en communauté dans les corons, avec tous les services nécessaires à proximité, et surtout le logement gratuit.
La concentration de cette classe populaire et sa mise à l’écart de la societé est aussi bien le fruit d’une logique patronale de rentabilité, que d’une acceptation de cette situation par les mineurs et leurs familles qui se transforme progressivement en une méfiance de l’extérieur l’extérieur et un attachement à leur communauté. Dans les années 60, les mines ont fermé et des usines se sont installées. Les nouvelles générations ont été déplacées vers des cités HLM neuves.
Dans cette période de crossance économique, au cœur des Trente Glorieuses, ces jeunes familles (80% de la opulation des Ilots a moins de 35 ans) ont pu trouver du travail et accéder à de meilleures conditions d’existence que leurs parents, ce qui se traduit pour certain par l’accession à la propriété. Mais après deux décennies de croissance, les années 1980 marquent le désenchantement avec le début des fermetures d’usines, des licenciements et l’explosion du chômage.
Ce contexte a formé ainsi au sein de la Cité des Ilots de Laimericourt trois « strates » que distingue l’auteur. Ces trois strates sont ont une localisation caractéristique dans la cité D’abord, ceux qu’il appelle les « prolétaires qui perpétuent une identité de classe. Malgré la restructuration géographique et professionnelle, ils conservent les schémas familiaux traditionnels et ont en commun un même niveau de vie modeste. Ils conservent de leurs parents des caractères typiques . enfermement social, soumission au travail, et communauté de classe.
La plupart d’entre eux vit dans les barres de HLM de deuxième génération, plus salubres que les premières. Ensuite, il y a les ouvriers qui ont profité de la diversification des activités industrielles et ont pu améliorer sensiblement leur evenu et leur niveau de vie, ce qui se traduit par l’adoption de certaines normes bourgeoises (par exemple, la fécondité restreinte 18 l’adoption de certaines normes bourgeoises (par exemple, la fécondité restreinte et le rapport stratégique à l’avenir).
Ce qui les distingue de leurs voisins, c’est l’accession à la propriété. une partie de la Clté est en effet faite de pavillons indlviduels. Le statut de propriétaire génère des situations compliquées pour les personnes concernées, car bien que liés à leur communauté, ils se distinguent d’eux par un mode de vie différent. Ainsi, ils auront pour certains tendance à couper complètement leur univers privé du reste du monde par pudeur.
Enfin, il y a les « ouvriers précarisés » qui subissent de plein fouet la stagnation économique (15% de chômage dans la région). Le chômage et la précarité s’étendent et ne sont plus uniquement synonymes d’exclusion, il se crée au sein de ces ouvriers une forme propre de sociabilité pour lutter contre les dangers du déclassement.
Se retrouver dans cette situation délicate est gérée par plusieurs tactiques différents selon les familles : alors que ertains adoptent une conduite d’ascétisme (se plier à la privation et tout faire pour s’en sortir), d’autres adoptent une conduite tactique (se priver, mais sans se mobiliser) qui revient à attendre, se contenter des allocations, et préférer le « système D » ? l’endettement. Néanmoins, beaucoup de familles s’engagent sur le cercle vlcleux des tactiques de fuite (refus de se priver de certains biens) : dépenses irresponsables, loyers impayés, surendettement, etc…
Ces difficultés peuvent s’expliquer par la brutalité de l’arrivée de la société de consommation : les familles e mineurs, malgré leur vie de mineurs, malgré leur vie pénible, ne connaissaient pas le mode de vie qu’impose le paiement d’un loyer. Plus globalement, la monétisation de la vie leur était assez étrangère. Maintenant que nous avons dressé le portrait de la population étudiée, intéressons•nous à la problématique abordée par l’ouvrage, puis à l’élaboration et la justification de la méthode ethnographique pour y répondre.
Définition de l’objet d’étude : Qu’est-ce que le « monde privé » ? Dans sa volonté d’étudier le monde privé, l’auteur se retrouve ace une difficulté sur la définition de ce terme et sur ses points communs et différences avec la notion de famille. En fait, que lion parle de « famille » ou de « monde privé on a affaire à deux concepts proches mais qui pourtant amènent à des biais d’études contradictoires : L’axe de la famille conduit à l’étude d’un « corps » composé de divers individus.
L’enjeu sera alors de comprendre les logiques et les mécanismes qui lui permettent de fonctionner comme une structure structurante : on s’intéresse à l’action du collectif sur l’individu. Cette perspective organique nie un pan entier de la éalité : dune part il faut considérer que la famille est avant tout un espace de liberté pour les individus, et d’autre part chaque individu amène sur le terrain familial des problématiques externes qui diffèrent grandement selon les personnes.
Cest pourquoi l’auteur est favorable à un modèle plus « atomiste Ce terme est particulièrement pertinent car l’individu, tout comme l’atome est indivi 8 Ce terme est particulièrement pertinent car l’individu, tout comme l’atome est indivisible et indépendant, mais il subit des dynamiques qui lui sont externes et il se retrouve impliqué ans la formation de structures plus grandes. De cette manière on peut s’intéresser aux actions individuelles des acteurs, en différenciant (c’est l’objet central du livre) les modalités masculines et féminines d’intégration sociale.
Ainsi, bien que l’espace privé, par opposition à l’espace public, réside essentiellement dans la famille, il ne peut pas s’y réduire exclusivement. L’auteur nous invite à veiller à bien considerer ce monde privé à la fois comme ce qui relève de l’intimité et du secret être » ce qui relève de la propriété avoir »), et ce ui relève de la liberté (dans le sens de marge d’écart à la norme). Le fait d’étudier ce monde privé par le biais d’une structure forte comme la famille évite de tomber dans les excès du tout- interactionniste.
On peut ainsi résumer l’étude de la famille, car c’est bien le principal matériau d’étude pour l’auteur, à deux questions (bien que la deuxième soit en fait ce qui intéresse réellement l’auteur) Quels sont les rapports qui gouvernent la micro-communauté familiale ? (point de vue organique) Comment les individus mascullns et féminins se représentent et organisent ce qui leur ppartient en propre ? Réflexion préalable sur la méthode : Quelle est la pertinence de l’ethnographie ?
Pour l’auteur, il est évident que pour aborder cette question et y répondre, il faut aller sur le terrain étudier la vie des individus. Cette popu ation (le PAGF s 8 question et y répondre, il faut aller sur le terrain étudier la vie des individus. Cette population (les descendants de mineurs, devenus ouvriers d’industrie, qui font désormais face au chômage) étant très récente, il est conscient qu’elle n’a guère été étudiée, contrairement à la population des mineurs sur laquelle a littérature est tres fleurie.
L’auteur a donc une ambition scientifique de recherche et même de découverte d’un nouvel univers sociologique. Même si, en tant qu’enseignant dans le région et membre actif du Parti Communiste, il n’est pas étranger aux dynamiques locales, il ignore ce que va pouvoir lui révéler une étude ethnographique de la population de Laimericourt. II se pose donc ainsi fort logiquement la question : quelle est la portée scientifique de cette méthode ethnographique ?
Pour être introduit au près des habitants et pour nouer des contacts avec eux, l’auteur est passé par plusieurs canaux D’abord, l’Association des Locataires des Ilots, très active dans la Cité, lui permit de rencontrer la quasi-totalité des habitants. Ensuite, il a effectué la majorité de ses rencontres grâce au voisinage et au porte-à-porte : il commençait par solliciter les personnes pour répondre à un questionnaire avant de revenir les voir pour des questions plus précises.
C’est donc lors de la seconde rencontre qu’il présentait ce que sa demande avait de personnel et d’importun : au vu du nombre de personnes avec qui il a pu nouer un bon contact, il a compris qu’en général les nterlocuteurs se livraient à lui lorsqu’ils y trouvaient un intérêt si, dans la majorité des cas, i 6 8 se livraient à lui lorsqu’ils y trouvaient un intérêt : si, dans la majorité des cas, il avait pour eux la même utilité qu’un psychologue, il lui est aussi arrivé plusieurs fois d’être mêlé ? des affaires très personnelles (aveux d Infidélité, procédures de divorce, etc… ). ar peur de voir son travail biaisé par la proximité qu’il entretient avec ces personnes qui furent ses voisins et ses amis pendant cinq années, l’auteur veille à toujours conserver un regard neutre ‘observateur tout en tenant compte et en jouant de sa position de participant. Il construit ainsi sa méthode d’observation participante autour de deux stratégies qui permettent d’obtenir des résultats significatifs : la « perturbation utilisée » et la « perturbation réduite La perturbation utillsée considère que la rencontre avec l’ethnologue crée chez des personnes des comportements perturbés significatifs. ar exemple, les personnes interrogées auront tendance à vouloir faire approuver par l’ethnologue leurs désirs les plus inavouables (du moins ? eurs yeux), ce qui fournit des informations très pertinentes sur les normes incorporées par ces personnes et leurs rapports ? celles-ci. L’autre méthode, la perturbation réduite, consiste ? essayer d’effacer le plus possible la barrière entre l’enquêteur et son sujet. our cela, il faut multiplier les contacts avec les personnes et chercher à déritualiser les échanges, notamment par l’abandon progressif du magnétophone et de la prise de notes, ce qui n’est pas sans compliquer la retranscription ultérieure des réponses. Malgré la rigueur de sa méthode, l’auteur se pose de 7 8