Nature et culture
Notre destin est évidemment exceptionnel par rapport à celui des animaux, y compris les primates, que nous avons domestiqués, réduits, refoulés, mis en cage ou en réserve ; nous avons, nous, édifié des villes de pierre et d’acier, Inventé des machines, créé des poèmes et des symphonies, navigué dans l’espace ; comment ne pas croire que, bien qu’issus de la nature, nous ne soyons désormais extra-naturels et surnaturels ? Depuis Descartes, nous pensons contre nature, assurés que notre mission est de la dominer, la maîtriser, la conquérir.
D’autre part : alors que tous les hommes relèvent de la même spèce, Homo sapiens, ce trait commun de nature n’a pas cessé d’être dénié à l’homme par l’homme qui ne reconnaît pas le semblable en l’étranger, ou qui s’accapare la pleine qualité d’homme. Même le philosophe grec voyait dans le Perse un barbare et dans l’esclave un outil animé. Et si nous avons été contraints à admettre aujourdhui que tous les hommes sont des hommes, nous en excluons aussitôt ceux que nous nommons « inhumains Vidéo NC n02 E.
Morin, Le paradigme de la nature humaine (Durée) Travail Na 2: Proposer une BD sur le m he de Prométhée 3 2 enevois de langue française. Il est l’un des plus illustres philosophes du siècle des Lumières et l’un des pères spirituels de la Révolution Mais sur cette différence de l’homme et de l’animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation c’est la faculté de se perfectionner; , au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans.
Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? N’est-ce point qu’il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n’a rien acquis et qui n’a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme, reperdant par la vieillesse ou d’autres accidents, tout ce que sa perfectibilité * lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ?
Il serait triste pour nous d’être forcés de convenir que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l’homme ; que c’est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire dans laquelle il coulerait des ours tranquilles et innocents ; que c’est elle, qui faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même, et de la nature.
Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’InégaIité parmi les Hommes, Première Partie 2. 2. 1 ETUDEALA LOUPE La thèse de Rousseau (à retenir) Pour Rousseau l’homme à « une ualité très spécifique c’est qu’il est le seul à pouvoir « 4 2 très spécifique », c’est qu’il est le seul à pouvoir « se L’animal reste toute sa vie identique à lui-même erfectionner » . et l’espèce à laquelle il appartient n’évolue pas non plus.
Mais cette perfectibilité de l’homme est aussi la source de ses malheurs car non seulement il peut perdre cette capacité à évoluer (vieillesse, maladie) mais c’est aussi à elle qu’il doit de se « dénaturer », et de devenir « le tyran de lui-même ». C’est-à- dire que l’homme, en s’éloignant de son état naturel perd sa tranquillité, sa liberté, son innocence. On voit donc que pour Rousseau cette aptitude au progrès n’est pas une source de bonheur et dépanouissement 5 2. TEXTE FRANÇOIS JACOB : LE BIOLOGIQUE ET LE CULTUREL François Jacob, biologiste, prix Nobel de médecine en 1965 pour ses travaux sur la génétique. Il est notamment l’auteur de Le Jeu des possibles, 1981 Tout enfant normal possède à la naissance la capacité de grandir dans n’importe quelle communauté, de parler n’importe qu’elle langue, d’adopter n’importe quelle religion, n’importe quelle convention sociale.
Ce qui paraît le plus vraisemblable, c’est que le programme génétique met en place ce qu’on pourrait appeler des structures d’accueil qui permettent à l’enfant de réagir aux stimuli enus de son milieu, de chercher et repérer des ré ularités, de les mémoriser puis de réassortir les élém s 2 de l’enfant que peuvent mûrir et s’organiser les structures nerveuses qui sous-tendent les performances mentales. Dans ces conditions, attribuer une fraction de l’organisation finale à l’hérédité et le reste au milieu n’a pas de sens. pas plus que de se demander si le goût de Roméo pour Juliette est d’origine génétique ou culturelle.
Comme tout organisme vivant, l’être humain est génétiquement programmé, mais il est programmé pour apprendre. Tout un éventail de ossibilités est offert par la nature au moment de la naissance. Ce qui est actualisé se construit peu peu pendant la vie par l’interaction avec le milieu. Quelle est la thèse de F. Jacob ‘homme est un être biologique mais c’est par l’apprentissage qu’il peut utiliser ses capacités naturelles. « L’homme est programmé pour apprendre » mais cet apprentissage se fait et varie en fonction du milieu.
Vidéo NC n03 Cortex academy 6 2. 4 TEXTE CAMUS : ABSURDE ET CONSCIENCE- MYTHE DE SISYPHE Vidéo 6 2 légende grecque, les dieux avaient condamné Sisyphe à rouler un lourd ocher jusqu’au sommet d’une montagne. Après quoi le rocher retombait jusqu’au bas et devait être éternellement remonté. La punition ainsi infligée insistait sur l’inutilité d’un travail absurde puisque sans espoir et voué l’échec. « Les dieux avaient condamné Sisyphe rouler sans cesse un rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait par son propre poids.
Ils avaient pensé avec quelque raison qu’il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir. On a compris déjà que Sisyphe est le héros absurde. Il l’est autant par ses passions que par son tourment. Son mépris des dieux, sa haine de la mort et sa passion pour la vie, lui ont valu ce supplice indicible où tout l’être s’emploie à ne rien achever. C’est le prix qu’il faut payer pour les passions de cette terre. On ne nous dit rien sur Sisyphe aux enfers. Les mythes sont faits pour que l’imagination les anime.
Pour celui-ci, on voit seulement tout l’effort d’un corps tendu pour soulever l’énorme pierre, la rouler et l’aider gravir une pente cent fois recommencée; on voit le visage crispé, la joue collée contre la pierre, le secours d’une épaule qui reçoit la masse ouverte de glaise, d’un pied qui la cale, la reprise à bout de bras, la sûreté toute humaine de deux mains pleines de terre. Tout au bout de ce long effort mesuré par l’espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d’où il faudra la remonter ets.
II redescend dans la 62 inférieur d’où il faudra la remonter vers les sommets. Il redescend dans la plaine. C’est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m’intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même! Je vois cet homme redescendre d’un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. A chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s’enfoncé peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur son destin.
Il est plus fort que son rocher. 7 Si ce mythe est tragique, c’est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l’espoir de réussir le soutenait? L’ouvrier d’aujourd’hui travaille, tous es jours de sa vie, aux mêmes tâches et ce destin n’est pas moins absurde. Mais il n’est tragique qu’aux rares moments où il devient conscient. Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté connaît toute l’étendue de sa misérable condition: c’est à elle qu’il pense pendant sa descente.
La clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. Il n’est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris. A. Camus, Le Mythe de Sisyphe, 1942 $Quelle est la thèse de Camus ? Sisyphe incarne pour Albert Camus le héros absurde par excellence. II symbolise tout à la fois révolte, liberté et passion : condamné par les dieux à accomplir pour l’éternité une action absurde qui n’a aucune chance d’aboutir (mettre le rocher sur le sommet de la monta ne) Sisyphe est sans espoir. Et pourtant il continue.
Et t de Si 8 2 montagne) Sisyphe est sans espoir. Et pourtant il continue. Et c’est ce qui fait de Sisyphe un héros. Sisyphe a conscience de sa situation. Mais il transmue le châtiment, comme une forme de FI Sisyphe par Franz von Stuck, 1920 victoire. Nous devons imaginer Sisyphe heureux d’accomplir son devoir ‘homme, celle de continuer à vivre malgré l’absence de sens du monde. Plus tard, Camus appellera à la révolte contre l’ordre métaphysique du monde. Cette photo de Garcin s’appelle La déception de Sisyphe. Comment justifieriez-vous ce titre ?
Travail na3: Réalisation d’une bande annonce sur Sisyphe 8 NATURE ET/OU CULTURE ? « Chacun de nous est vêtu de la civilisation, il ne se connait point dans la nudité de l’animal Alain Claude Lévi-Strauss ne croit pas à l’inexistence d’une nature humaine, mais souligne qu’il est difficile de distinguer les domaines respectifs de la nature et de la culture. I propose une définition méthodologique des deux termes : • la nature est caractérisée par l’universalité, • la culture est caractérisée par la règle.
L’homme est, en effet, le seul être ui s’impose des règles, qui exige la règle pour la règle un fait avait retenu l’attention des anthropologues avant Lévi- Strauss : il existe une règle universelle, un interdit universel…. 3. 1 TEXTE LEVI-STRAUSS Claude Levi Strauss Ethnologue français Né à Bruxelles en 1908, mort le 30 octobre 2009 à Paris. anthropologue et ethnologue français qui a exercé une influence décisive sur les ciences humaines. Un des penseurs importants du XXe siècle. Après des études de philosophie, se tourne vers l’ethnologie: Il va notamment étudier les tribus indiennes de l’Amazonie. Posons donc que tout ce qui est universel, chez l’homme, relève de l’ordre de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. Nous nous trouvons alors confrontés avec un fait, ou plutôt un ensemble de faits, qui n’est pas loin, à la lumière des définitions précédentes, d’apparaître comme un candale: nous voulons dire cet ensemble complexe de croyances, de coutumes, de stipulationsl et d’institutions que l’on désigne sommairement sous le nom de prohibition de l’inceste.