Les Origines Culturelles De La R Volution Fran Aise

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Fanny Arama Conférence d’histoire – Sciences-po – 2002-2003 FICHE DE LECrURE Les origines culturelles de la révolution française, Roger Chartier Roger Chartier Né à Lyon en 1945, éminent historien du livre, directeur d’études à l’Ecole des Hautes or 14 études en sciences s al le professeur Roger Sni* to View Chartier est un spéci de l’histoire culturell du prix Augustin Thie I fut membre du jury (en 1999), prix qui récompense l’auteur d’un ouvrage d’histoire ayant contribué de façon remarquable aux progrès de la recherche historique ou à sa diffusion.

Il a reçu le grand prix ‘histoire « prix Gober » de l’Académie française en 1992. Il travaille plus particulièrement sur l’histoire de la lecture et l’épistémologie historique. Il s’est récemment concentré sur la relation entre la culture écrite et la littérature en France, en Espagne et en Angleterre.

Parmi ses œuvres, il faut citer: Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime (1 987), Le livre en révolutions (1997), Histoire de la lecture dans le monde occidental (2001) et senti en devoir d’écrire Les origines culturelles de la Révolution française s’explique par l’évident grand laps de temps qui s’est écoulé depuis : des echerches plus poussées ont été faites, (dans les trente dernières années qui ont précédé 1990 la trajectoire historiographique s’est attaché aux recherches de sociologie culturelle plutôt qu’à l’histoire traditionnelle) et Roger Chartier a tenu à ce que ses connaissances soient exploitées (notamment en ce qui concerne le livre et son évolution, son influence dans les mœurs)dans un livre comme celui-c L’auteur ne prétend aucunement au cours de son livre établir les causes de la Révolution française.

Celles-ci sont dailleurs bien plus que culturelles. S’il s’est concentré sur le fait u’il existe des origines culturelles qui ont engendré (partiellement) la Révolution, c’est parce que la société de l’avant-révolution a fait en sorte d’établir les conditions qui l’ont rendu possible et surtout pensable. Ainsi, Chartier ne dévertuera pas de réécrire ou de compléter Mornet, mais de poser les questions qui ne pouvaient être les slennes. L’argumentation de l’historien s’étale sur huit chapitres, qui comportent chacun plusieurs sous-parties au sein desquelles sont développés plus profondément les thèmes proposés en tête de chapitre.

Roger Chartier se concentre sur une période ien déterminée, celle qu- précède la Révolution française, c’est à dire les quatre premiers cinquième du XVIII ème siècle, mais il ira chercher dans le XVII ème finissant pour évaluer quelques aspects de la désacralisation monarchiq cement de la montre, à travers l’évolution des attitudes et des pratiques, qu’il existe un accord en profondeur entre le Siècle des Lumières et la Révolution : à travers le développement la diffusion du livre, l’amorce d’une désacralisation de la personne royale, la laïcisation progressive.. Comme l’affirme François Furet dans Histoire culturelle de la France, Lumières t libertés, « L’histoire culturelle du XVIII ème est sans doute la plus riche qui soit D.

Ainsi, Roger Chartier cherche à nous plonger dès les premières pages du livre dans la Révolution en fonction des Lumières. Effectivement, il semble que le terme de « Lumières » suppose celui de « révolution Il postule donc un lien obligé entre la progression des idées nouvelles au XVIII ème et le surgissement de l’événement révolutionnaire. Cependant ce raisonnement, ? l’origine celui de Daniel Mornet, qui était ainsi posé l’était peut- être mal. Effectivement, les Lumières constituent avant tout une évolution idéologique. Ce que veut montrer Roger Chartier, c’est qu’au-delà de l’idéologie, du politique et du littéraire, c’est un monde forgé par la culture populaire qui constitue une des innombrables conditions de la Révolution.

La référence incessante de l’auteur à divers historiens contemporains dont les œuvres l’ont largement instruit et inspiré ne l’empêche aucunement de se limiter à eux : les historiens de l’époque ont aussi leur place dans une réflexion qui s’arrête largement sur l’historiographie révolutionnaire. Hippolyte Taine et Alexis de Tocqueville sont deux références inévitables ans la mesure où ils rappellent ue l’esprit classique a fourni son armature à la pensée PAGF pensée philosophique en même temps qu’il a sapé les fondements coutumiers et historiques de la monarchie. On dispose par conséquent des origines des origines, et Roger Chartier n’en affirme pas moins les déchirures que la Révolution a entamé (ou achevé ? ) et les causes de ces déchirures.

La fin du premier chapitre évoque déjà la fin du processus historique menant au soulèvement du peuple et c’est de ce fait que l’auteur assure les conséquences simultanées, dans la France d’après 1750, d’une affirmation populaire et de la olonté des Lumières (ou des philosophes) de l’accroître par l’avènement d’une culture politique. La remise en cause de l’ordre établi s’effectue dans la mesure où, rejetée hors de la sphère du gouvernement, la vie politique ne peut se faire qu’à l’initiative des notables d’abord, du peuple ensuite (nous verrons le processus de la translation de « la chose publique » plus loin). C’est ainsi qu’au détriment de la Cour se créé une aristocratie de substitution au sein de laquelle des hommes de lettre, des écrivains, des « philosophes » assument une responsabilité uparavant dévolue aux « dirigeants naturels » de la vie publique.

Une nouvelle légitimité politique donc, incompatible avec celle, hiérarchique et corporative, qui ordonnait l’édifice monarchique, est née. Petit à petit, va se fonder, grâce ? un déplacement de la critique vers des domaines auparavant interdits (mystères de la religion, de l’État) une sociabilité intellectuelle où s’exercent le jugement et la raison, les deux principaux matériaux nécessaires à la désacralis e établi. Cependant il ne PAGF d OF l’esprit philosophique : il faut qu’il s’affirme de telle manière que l’opinion du peuple y soit réceptive. C’est seulement à partir de l? qu’apparaîtra une nouvelle réalité conceptuelle et sociale fondamentale : l’opinion publique. l.

L’apparition d’un espace public et ses conséquences A partir du second chapitre, l’auteur entre véritablement dans le vif du sujet dans la mesure où il commence l’explication du processus de transformation de l’espace public, auparavant inexistant ou réservé car étouffé par une autorité sacralisée et intouchable. En se référant au philosophe et au sociologue allemand Jürgen Habermas et à son œuvre L’espace public, Roger Chartier affirme l’apparition d’une nouvelle classe : celle qui eut être qualifiée de « bourgeoisie » (sociologiquement, elle se différencie de la Cour et du peuple, qui n’a point accès au débat critique, pour Pinstant). Elle s’appropriera le nouvel espace public.

A partir de l’idée de l’apparition d’une sphère publique un concept fondamental est formulé : celui de l’égalité des participants de cette même sphère ; la sphère politique publique ne connaît pas les distinctions d’ordre et d’états qui hiérarchisent la société. En son sein, chacun vaut par son discours et sa pertinence. Néanmoins, pour nous rappeler que le peuple n’a pas encore accès ? et espace si convoité l’auteur introduira ensuite l’opposition entre le public et le populaire, distinction primordiale dans la mesure où elle insiste sur la définition d’un peuple qui dans les dictionnaires du XVIII ème est encore celui qui dans la tragédie était prompt à tous les revirements, docile ou furi moments mais toujours moments mais toujours manipulé.

Ainsi il semblerait que le peuple ne soit pas encore suffisamment instruit et éclairé pour faire partie de cette sphère. C’est plus tard dans un chapitre consacré à la décrépitude de l’autorité et au Roi que le euple (celui des paysans et des artisans, des masses) reviendra ? la surface. Au niveau littéraire, la Cour perd l’exclusivité du gouvernement des normes esthétiques. La sphère publique littéraire qui naît alors s’appuie sur des institutions productrices d’une nouvelle légitimité : les cafés, les salons, les journaux. L’élection de d’Alembert marque, par exemple, le début de la conquête de l’Académie par le parti philosophique, qui emporte le bastion de la légitimité intellectuelle dans la décennie 1760.

Roger Chartier confie donc à une nouvelle classe la mise en place d’un espace public politique et au peuple e rôle de récepteur d’une nouvelle représentation du pouvoir royal qui réunis, constitueront les fondements de la polltisation de la population et entraineront la chute de l’Ancien Régime. Aussi, pour expliquer et introduire le thème de l’effondrement de l’Ancien Régime, Roger Chartier s’attaque à la relation qui associe l’émergence de l’espace public et la circulation de textes imprimés. Spécialiste de la transformation de l’usage du livre et des mutations qu’il entraîne sur les mœurs, l’auteur s’étend sur son thème favori et approfondit plus ou moins le régime de la librairie et son processus évolutif de libéralisation.

Tout d’abord, il est pertinent d’analyser les crises qui scandent la décennie 1750 et qui contribuent à la crise de l’autorité. Il s’agit premièrement de la crise janséniste du refus d crise janséniste du refus des sacrements. A travers elle, sont révélées les incohérences du fonctionnement de la censure royale (celle-ci oppose l’Archevëque de paris et le parlement de Paris) et les prétentions du Parlement qui s’arroge le droit de juger et de condamner un livre dont le privilège pourtant été préalablement révoqué par le Roi. Cette affaire a un fort impact puisque son enjeu est la épartition même des pouvoirs à Pintérieur de rétat monarchique et la crainte majeure d’un empiètement du Parlement sur les prérogatives légitimes de l’adminlstration.

De plus, dorénavant les mystères de l’État sont portés sur la place publique par les divers partis qui tentent de capter l’évolution de l’opinion. Cinstauration de la publicité du débat et de la critique sont liés selon Roger Chartier à la censure et au droit d’auteur dans la mesure ou ces derniers introduisent des polémiques et délimitent l’espace de liberté dont les auteurs disposent (et correlativement l’espace d’indépendance assigné ux hommes de lettres). Les livres font-ils pour autant les révolutions ? Tocqueville, Taine et Daniel Mornet semblent répondre positivement à cette question alors que Roger Chartier s’évertuera de faire la synthèse de ces trois visions.

Plusieurs facteurs, d’après lui, ont permis le façonnement pré- révolutionnaire de l’opinion comme un processus d’intériorisation des manières de penser proposées par les textes philosophiques : en premier lieu, les lecteurs sont de plus en plus nombreux, la production s’est transformée, la circulation des livres philosophiques est la demande toujours plus élevée de la ittérature clandestine qui dénonce et met en cause l’aristocratie et le monarque. C’est donc, pour Roger Chartier, parce que les français commencent à se considérer comme les victimes d’un état arbitraire et avili que les mythes sont minés et les symboles désacralisés.

En continuant dans cette logique, il arrive à la conclusion qu’effectivement la Révolution a « fait » les livres, et non I ‘inverse, puisque c’est elle qui a donné une signification prémonitoire et programmatique à certaines œuvres. C’est également à cause des transformations des pratiques de lecture qu’il y a eu mutation de lus grande envergure, mutation que les historiens ont pris l’habitude de caractériser comme un processus de désacralisation. Il. Le processus de désacralisation et son impact sur la représentation royale. La seconde grande ligne directrice du livre se consacre à la constatation de la transformation majeure des comportements collectifs.

Roger Chartier impliquera dans cette partie la totalité de la population et donc le peuple, qui par un désengagement progressif vis-à-vis de la religion se détachera tout aussi progressivement du Roi et de son autorité, autorité qui puise a légitimité dans la tradition et le mystère qu’elle évoque. Ici l’historien confère ? l’expérience dévalorisée et stigmatlsée du sacré une place centrale dans la transformation des comportements individuels. Les individus ne se définissent plus en fonction de leur religion mais en fonction de leurs com ortements en public et par conséquent de leurs com sans sous-évaluer l’importante et constante religiosité de la société française au XVIII ème). Toutefois, en 1789, l’amour des français pour leur Roi semble inentamé.

Les cahiers de doléances sont habités par un esprit de ferveur et d’épique onarchique. Ce paradoxe n’est pourtant pas étrange dans la mesure où le Roi n’est plus seul ? être « sacré » dans l’ordre du politique ( la Nation, les députés, les droits de la personne le sont aussi), et d’autre part sa sacralité n’est plus nécessairement tenue comme d’inspiration divine, mais pensée comme lui étant conférée par la Nation. C’est ainsi la relation même du ROI ? ses sujets qui avant 1789 se transforme en relation beaucoup plus distante à cause de facteurs aussi divers que les progrès d’une mentalité critique ou la représentation symbolique qu s’efface tout au long du Siècle et ême avant.

Enfin, c’est tout le système de la représentation monarchique élaborée sous Louis XIV qui est entrée en crise. On pourrait se demander pourquol, au-delà de la désacralisation, le peuple français du XVIII ème siècle est beaucoup plus critique, réactionnaire envers l’autorité que ses ancêtres. Si les pièces (écrites) politiques touchent en priorité non plus les lecteurs réguliers, mais ceux dont le sort social est directement dépendant de l’événement. La manière d’exprimer leurs revendications a complètement changé, car dorénavant elles se manifestent à travers des écrits de plus en lus nombreux, qui circulent en ville comme à la campagne.

C’est avec le surgissement de l’événement révolutionnaire, et donc des contrariétés et injustices im osés aux plus démunis que la politique arrive dans le arrive dans le monde rural, effaçant une ancienne bibliothèque, immobile et archaïque, au profit de la littérature éphémère, polémique, qui introduit au village l’actualité des conflits qui divisent la Nation. C’est en fait par l’étendue progressive de ces écrits que Chartier constate l’irruption de « la politisation effective de la culture populaire La conséquence de cette politisation est névitablement l’apparition de révoltes ouvertes, résistance nouvelle aux abus de l’autorité, car la population est dorénavant peu encline à accepter sans examen les dépendances anciennes, et elle est soucieuse de se soumettre à la révision critique ce qui, pendant longtemps, avait paru appartenir à l’ordre immuable des choses.

En revenant aux cahiers de doléances et à leur importance quant à leur qualité informative, on peut constater que du début à la fin du XVIII ème siècle, les équilibres de la protestations ont beaucoup changé : la doléance fiscale est encore première, mais elle est succédé de evendications antiseigneuriales, qui revêtent une importance inédite. Par exemple, les cahiers du bailliage de Troyes révèlent l’aspiration des populations à participer aux décisions concernant immédiatement leur existence. Il s’agit surtout de revendications fiscales, qui introduisent au sein de la société une nouvelle manière de se penser par rapport des institutions. Au sein de la société « bourgeoise » apparaissent également de nouveaux modes de revendication, comme par exemple les sociabilités intellectuelles nouvelles, la franc-maçonnerie étant la plus importante. En son sein s paGF onstitution du lien social