La verite est bonne à dire

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On vante les vertus de la lumière : éclairer la vérité crue, ne plus rien laisser dans l’ombre, permettrait une meilleure compréhension des choses. La véritable connaissance élargit nos horizons : ne nous cachons rien ! La morale réclame l’honnêteté, vien « ext cela va de soi. Cepen principes. Nous sommes libres et ce pouvoir est for très utile. Elle peut sa 7 S p w not page ine fait fi des beaux prenons la parole, mentir peut s’avérer l’assassin, la vérité a les mêmes vertus, qu’elle soit entre les mains d’une volonté de nuire ou de protéger.

Les hommes de pouvoir s’entourent de secret : seuls détenteurs de certaines vérités, ils peuvent maintenir chacun dans l’illusion et ils sont prêts à asséner leurs révélations aux moments propices. Le droit de savoir devient un vœu pieux. La vérité ne doit pas omber entre n’importe quelle main ! On se ment donc. Dilemme : les secrets sont autant dangereux que les vérités. Ils sécrètent leurs poisons (les secrets de famille, par exemple, peuvent pourrir de nombreuses existences) quand certaines vérités sont insupportables…

Toute révélation a des conséquences, qui peuvent être aussi bien bonnes que néfastes. Nous pouvons résoudre le problème à notre guise. Mais comment ? Selon quel critère préfèrera-t-on mentir ou parler vrai ? On ne mentira pas pour mentir mais pour en tirer profit. Ce n’est donc ni la vérité ni le mensonge qui sont choisis, mais les fins ont ils sont les moyens. La bonne volonté peut choisir la malhonnêteté pour la bonne cause. On peut mentir innocemment, gentiment, mentir même « de bonne fol » (selon l’expression de Bernard Tapie devant les juges) pour sauver les meubles.

Le médecin, sachant qu’une mauvaise nouvelle aggraverait l’état de son patient, préfère « attendre qu’il soit prêt à entendre la vérité » pour la lui divulguer. ly a des moments de vérité. II n’y a guère, hélas, que des moments de vérité. Qui veut la fin veut les moyens. Et se passe de principes. l,’ hélas, que des moments de vérité. Perverse éthique, elle renie la morale, et même la condamne ! Adieu la belle morale universelle, qui aurait permis à tous les hommes de vivre sans cachotteries.

Inutile de rappeler les principes sacro-saints : le tu ne mentiras point se transforme en fais ce qu’il te plaît de la vérité. Faut-il le déplorer ? Suivies à la lettre, les belles maximes morales nous mèneraient la robotisation de notre conscience : nous choisissons de mentir ou pas, pour éprouver notre liberté en nous faisant juge et partie, plutôt que de nous borner à obéir à des principes moraux comme à un programme. La vertu louée devient celle du bon menteur, ou de celui qui sait se taire.

Le menteur n’est pas forcément méchant : il n’est pas mauvais, il ne ment pas pour être immoral, quand son souci de ne pas nuire le contraint à mentir. Libres ( ? ) de dire n’importe quoi plutôt que la pure vérité en nous arrogeant le droit de « choisir notre vérité », nous acceptons que des questions restent sans réponse, et nous nous attendons qu’on nous raconte des fables. Nous nous raccrochons des certitudes illusoires. Le droit à l’erreur (à la faute pour le moraliste) se revendique comme un droit à l’inconscience : laissez nous dans Perreur puisque ça nous arrange l ».

Pourquoi parler vrai à qui se contente d’illusions ? Le monde n’est plus qu’un théâtre : il s’agit d’y bien jouer, quand perdre la confiance est pire que de connaître certaines vér s’agit d’y bien jouer, quand perdre la confiance est pire que de connaître certaines vérités. Étrange et factice confiance basée sur le leurre : nous choisissons d’être complices et nous nous compromettons ! Est-ce bien dans ce choix que s’éprouve notre liberté Jouer publiquement la comédie n’empêche pas de se retrouver chez soi avec la vérité.

Tel Galilée répétant aux inquisiteurs que la terre ne tourne pas, puis marmonant dans sa barbe qu’elle tourne tout de même, nous faisons de beaux discours publics convenus, en dépit de la réalité. Voilà le prix à payer pour vivre dans une société de convenances. Douillets que nous sommes : la vérité ferait trop mal ! Pris dans la nécessité de parler, nous tergiversons. En parlant pour ne rien dire (ou ne dire que des mensonges), nous dévalorisons la parole même. Autant se taire.

La rétention d’information mène à la mauvaise conscience : ne pas dire qu’une personne est dangereuse revient à se rendre omplice de ses méfaits. Est-il respectable de respectant la 101 du silence, qui permet à toutes sortes de mafias de nous pourrir la vie ? N’est-ce pas la lâcheté plutôt que l’éthique, qui nous retient d’endosser le rôle du mouchard ? De la complicité procède la compromission. pour cafter, il faut se désolidariser de tout un groupe uni par cette immorale complicité. Il faut affronter une collectivité soudée par de multiples connivences.

C’est se mettre en péril grave. Qui ose dénoncer parle qu’une morale peut valoir envers et contre tout. pari très risqué. Aucune aut 4 OF l,’ se dénoncer parie qu’une morale peut valoir envers et contre tout. pari très risqué. Aucune autorité ne nous garantit notre droit à la vérité. Dans la plupart des groupes constitués, la solidarité est telle que les « affaires » n’éclatent que quand il n’est absolument plus possible de les étouffer. La divulgation d’une information capitale peut être suivie de représailles : le « délit d’initié » est puni !

En droit, le mensonge est inacceptable, en fait il est exigé. Alors on s’arrange : on ne fait pas de morale. On magouille. Pour rester solidaire on accepte d’avoir les mains sales : c’est encore our la « bonne cause ». Il faut être très courageux pour être honnête. Il faut aussi être très courageux pour falsifier la réalité au nom de la vie sociale. ENCORE FAIM ? LISEZ ! Platon : Hippias mineur 367c : montre que paradoxalement celui qui ment (en connaissance de cause) est meilleur que celui qui est bêtement dans l’erreur. Étonnant.

Le menteur cherche toujours le bien. Le menteur est instruit et a besoin de vérité : il sait, lui, que la possession du vrai est bonne. Corneille : Le Menteur : le héros accumule les mensonges sans paraître immoral. Conclusion : « Vous autres qui doutiez s’il en ourrait sortir / Par un si rare exemple apprenez à mentir » Kant : Projet de paix perpétuelle, Fondements de la métaphysique des mœurs ; et particulièrement Sur un prétendu droit de mentir par humanité Le mensonge est toujours intolérable, même quand on prétend qu’il ne nuit pas à autrui. Il nuit en effet toujou est toujours intolérable, même quand on prétend qu’il ne nuit pas à autrui. « Il nuit en effet toujours à autrui ; même s’il ne nuit pas à un autre homme, il nuit à l’humanité en général en ce qu’il rend impossible la source du droit.  » Le mensonge nuit à l’humanité n tant qu’il ruine la communication sans laquelle la notion d’humanité perd sa signification. « Celui qui ment, quelque bien intentionné qu’il puisse être, doit répondre des conséquences de son mensonge devant la cour de justice civile, et en payer le prix, quelque soit leur caractère imprévisible.

Car dire la vérité constitue un devoir qui doit être considéré comme la base de tous les devoirs qui sont à fonder sur un contrat, et dont la loi, si on y tolère ne serait-ce que la plus petite exception, est rendue chancelante et vaine. C’est donc un commandement de la raison acré, absolument impératif et que ne peut limiter aucune convenance, que d’être honnête dans toutes ses affirmations.  » « IJn exemple historique de conflit de devoirs nous est fourni par le débat entre Benjamin Constant et Kant sur le mensonge.

Kant se jugea visé par un passage d’un article de B. Constant en 1797 et rédigea, pour lui répondre, son écrit Sur un prétendu droit de mentir par humanité. La question débattue s’énonce faut-il se soumettre sans condition à l’interdiction de mentir, au point de dire à un meurtrier poursuivant un de nos amis et nous interrogeant, si celui-ci s’est réfugié dans une maison voisine ? En répondant négativement, Benjamin Constant subordon 6 OF l,’ celui-ci s’est réfugié dans une maison voisine ?

En répondant négativement, Benjamin Constant subordonnait la règle formelle de véracité absolue à la considération des conséquences réelles de son application et s’appuyait sur la thèse que le devoir est corrélatif du droit et que, par suite, nous ne devons la vérité qu’à ceux qui y ont droit parce qu’ils parlent et pensent eux- mêmes conformément au devoir. Au contraire, Kant répond positivement en alléguant cette vérification morale que le mensonge rend le menteur responsable des conséquences du ensonge en tant que mensonge.

Sil arrivait que notre ami fût sorti de la maison sans que nous le sachions et qu’à la suite de notre réponse le meurtrier, le rencontrant au dehors, le tuât, nous serions, par notre mensonge, intervenu comme cause dans la série des événements, complice de ce meurtre; d’autant plus qu’il aurait très bien pu se faire que l’assassin, entrant dans la maison à la suite de notre réponse, y fût mis hors d’état de nuire.

On voit qu’en alléguant d’autres possibilités réelles que celle qu’avait admise Benjamin Constant, ce que Kant cherche, c’est iscréditer la considération de ces conséquences matérielles pour né retenir que celle du devoir formel, dont la lésion nous rendrait responsable. Le devoir de l’individu est de ne pas se tacher dune faute, quoi qu’il arrive : la considération de la dignité de l’agent supprime celle de l’efficience de l’acte.

Mais, pense Benjamin Constant, le souci de conserver cette innocence morale doit-il Mais, pense Benjamin Constant, le souci de conserver cette innocence morale doit il entraîner un mal réel, et, il ajouterait, certain, car il suppose la connexion nécessaire de la réponse faite au meurtrier et du meurtre ?

Comme conclusion à ce débat, type des débats de cette famille, nous marquerons que le formel et le réel, et généralement deux règles, comme «il faut dire la vérité» et «il faut protéger les innocents contre les criminels» ne sont en contradiction nécessaire qu’à raison de la condition, reconnue par Kant, suivant laquelle est exclu tout autre parti que oui ou non. ‘ René Le Senne, Traité de morale générale. P. IJ. F. (1942), 2e éd. 1947, pp. 618-619.

QUAND MENTIR ? « En s’écartant, même sans le vouloir, de la vérité, on contribue beaucoup à diminuer la confiance que peut inspirer la parole umaine, et cette confiance est le fondement principal de notre bien-être social actuel ; disons même qu’il ne peut rien y avoir qui entrave davantage les progrès de la civilisation, de la vertu, de toutes les choses dont le bonheur humain dépend pour la plus large part, que l’insuffisante solidité dune telle confiance.

C’est pourquoi, nous le sentons bien, la violation en vue d’un avantage présent, d’une règle dont l’intérêt est tellement supérieur n’est pas une solution ; c’est pourquoi celui qui, pour sa commodité personnelle ou celle d’autres individus, accomplit, sans y être orcé, un acte capable d’influer sur la confiance réciproque que des hommes peuvent accorder à leur parole, les privant a d’influer sur la confiance réciproque que des hommes peuvent accorder à leur parole, les privant ainsi du bien que représente l’accroissement de cette confiance, et leur ‘nfligeant le mal que représente son affaiblissement, se comporte comme l’un de leurs pires ennemis.

Cependant, c’est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle même, aussi sacrée qu’elle soit, peut comporter des exceptions : ainsi – et c’est la principale – dans le cas où, pour préserver quelqu’un (et surtout un autre que soi- ême) d’un grand malheur immérité, il faudrait dissimuler un fait (par exemple une information à un malfaiteur ou de mauvaises nouvelles à une personne dangereusement malade) et qu’on ne pût le faire qu’en niant le fait. Mais pour que l’exception ne soit pas élargie plus qu’il n’en est besoin et affaiblisse le moins possible la confiance en matière de véracité, il faut savoir la reconnaître et, si possible, en marquer les limites.  » John Stuart Mill, L’utilitarisme Un esclave n’a pas le droit de dire la vérité SI elle n’agrée pas ses maîtres. EURIPIDE, Fragments.