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essay A

La scène est à Naples. Scène 1 Une rue devant la maison de Claudio. MARIANNE, sortant de chez elle un livre de messe à la main et CIUTA l’abordant. CIUTA — Ma belle dame, puls-je vous dire un mot ? MARIANNE — Que me voulez-vous ? CIUTA — un jeune homme de cette ville est éperdument amoureux de vous ; depuis un mois entier, il cherche vainement l’occasion de vous l’apprendre ; son nom est Coelio ; il est d’une noble famille et d’une figure distinguée. En voilà assez.

Dites à celui qui vous envoie qu’il MARIANNE perd son temps et sa entendre une second 01 or 11 ce de me faire « en instruirai mon mari. Elle sort. COELIO, entrant Sni* to View dit ? CIUTA — Plus dévote et plus orgueilleuse que jamais elle instruira son mari, dit-elle, si on la poursuit plus longtemps COELIO —Ah ! Malheureux que je suis, je n’ai plus qu’à mourir ! Ah ! La plus cruelle de toutes les femmes ! Et que me conseilles tu, Ciuta ? Quelle ressource puis-je encore trouver ? CIUTA — Je vous conseille d’abord de sortir d’ici, car voici son mari qui la suit.

Ils sortent. – Entrent Claudio et Tibia. CLAUDIO — Es-tu mon fidèle serviteur, mon valet de chambre dévoué ? Apprends que j’ai à me venger d’un outrage. TIBIA — Vous, Monsieur ? CLAUDIO — Moi-même, puisque ces impudentes guitares ne cessent de murmurer sous les fenêtres de ma fe femme. Mais, patience ! Tout n’est pas fini. – Écoute un peu de ce côté-ci : voilà du monde qui pourrait nous entendre. Tu m’iras chercher ce soir le spadassin que je t’ai dit. TIBIA — pour quoi faire ? CLAUDIO — Je crois que Marianne a des amants. TIBIA — Vous croyez, Monsieur ?

CLAUDIO — Oui ; il y a autour de ma maison une odeur d’amants ; personne ne passe naturellement devant ma porte ; il y pleut des guitares et des entremetteuses. TIBIA — Est-ce que vous pouvez empêcher qu’on donne des érénades à votre femme ? CLAUDIO — Non, mais je puis poster un homme derrière la poterne et me débarrasser du premier qui entrera. TIBIA — Fi ! Votre femme n’a pas d’amants. – C’est comme si vous disiez que j’ai des maîtresses. CLAUDIO — Pourquoi n’en aurais-tu pas, Tibia ? Tu es fort laid, mais tu as beaucoup d’esprit. TIBIA — J’en conviens, j’en conviens.

CLAUDIO — Regarde, Tibia, tu en conviens toi-même ; il n’en faut plus douter, et mon déshonneur est public. TIBIA — Pourquoi public ? CLAUDIO — Je te dis qu’il est public. TIBIA — Mais, Monsieur, votre femme passe pour un dragon de ertu dans toute la ville ; elle ne voit personne, elle ne sort de chez elle que pour aller à la messe. CLAUDIO — Laisse-moi faire. – Je ne me sens pas de colère après tous les cadeaux qu’elle a reçus de moi. – Oui, Tibia, je machine en ce moment une épouvantable trame et me sens prêt à mourir de douleur. TIBIA — Oh ! Que non.

CLAUDIO — Quand je te dis quelque chose, tu me ferais plais PAG » 1 mourir de douleur. CLAUDIO — Quand je te dis quelque chose, tu me ferais plaisir de le croire. Ils sortent. COELIO, rentrant — Malheur à celui qui, au milieu de la jeunesse, s’abandonne à un amour sans espoir ! Malheur à celui qui se livre à une douce rêverie avant de savoir où sa chimère le mène et s’il peut être payé de retour ! Mollement couché dans une barque, il s’éloigne peu à peu de la rive, il aperçoit au Iain des plaines enchantées, de vertes prairies et le mirage léger de son Eldorado.

Les vents l’entraînent en silence et, quand la réalité le réveille, il est aussl loin du but où il aspire que du rivage qu’il a quitté ; il ne peut ni poursuivre sa route ni revenir sur ses pas. (On entend un bruit d’instruments. ) Quelle est cette mascarade ? N’est-ce pas Octave que j’aperçois ? Entre Octave. OCTAVE — Comment se porte, mon bon Monsieur, cette gracieuse mélancolie ? COELIO — Octave ! Ô fou que tu es ! Tu as un pied de rouge sur les joues ! – D’où te vient cet accoutrement ? N’as-tu pas de honte en plein jour ? OCTAVE — O Coelio ! Fou que tu es !

Tu as un pied de blanc sur les joues ! – D’où te vient ce large habit noir ? N’as-tu pas de honte en plein carnaval ? COELIO — Quelle vie que la tienne ! Ou tu es gris, ou je le suis moi-même. OCTAVE COELIO — OCTAVE — COELIO Ou tu es amoureux, ou je le suis moi-même. Plus que jamais de la belle Marianne. Plus que jamais de vin de Chypre. J’allais chez toi quand je t’ai rencontr PAGF30F11 OCTAVE — Plus que jamais de vin de Chypre. COELIO — J’allais chez toi quand je t’ai rencontré. OCTAVE — Et moi aussi j’allais chez moi. Comment se porte ma maison ?

Ily a huit jours que je ne l’ai vue. COELIO — J’ai un service à te demander. OCTAVE — parle, Coelio, mon cher enfant. Veux-tu de l’argent ? Je n’en ai plus. Veux-tu des conseils ? Je suis ivre. Veux-tu mon épée ? Voilà une batte d’arlequin. Parle, parle, dispose de moi. COELIO — Combien de temps cela durera-t-il ? Huit jours hors de chez toi ! Tu te tueras, Octave. OCTAVE — Jamais de ma propre main, mon ami, jamais j’aimerais mieux mourir que d’attenter à mes jours. COELIO — Et n’est-ce pas un suicide comme un autre que la vie que tu mènes ?

OCTAVE — Figure-toi un danseur de corde, en brodequins d’argent, le balancier au poing, suspendu entre le ciel et la terre ; à droite et à gauche, de vieilles petites figures racornies, de maigres et pâles fantômes, des créanciers agiles, des parents et des courtisans ; toute une légion de monstres se suspendent ? son manteau et le tiraillent de tous côtés pour lui faire perdre l’équilibre ; des phrases redondantes, de grands mots enchâssés avalcadent autour de lui ; une nuée de prédictions sinistres l’aveugle de ses ailes noires.

Il continue sa course légère de l’orient à l’occident. S’il regarde en bas, la tête lui tourne ; s’il regarde en haut, le pied lui manque. Il va plus vite que le vent, et toutes les mains tendues autour de lui ne lui fero PAGFd0F11 manque. Il va plus vite que le vent, et toutes les mains tendues autour de lui ne lui feront pas renverser une goutte de la coupe joyeuse qu’il porte à la sienne, voilà ma vie, mon cher ami ; c’est ma fidèle image que tu VOIS.

COELIO — Que tu es heureux d’être fou ! OCTAVE — Que tu es fou de ne pas être heureux ! Dis moi un peu, toi, qu’est-ce qui te manque ? COELIO — Il me manque le repos, la douce insouciance qui fait de la vie un miroir où tous les objets se peignent un instant et sur lequel tout glisse. Une dette pour moi est un remords. L’amour, dont vous autres vous faites un passe-temps, trouble ma vie entière. Ô mon ami, tu ignoreras toujours ce que c’est qu’aimer comme moi !

Mon cabinet d’étude est désert ; depuis un mols j’erre autour de cette maison la nuit et le jour. Quel charme j’éprouve, au lever de la lune, à conduire sous ces petits arbres, u fond de cette place, mon chœur modeste de musiciens, ? marquer moi-même la mesure, à les entendre chanter la beauté de Marianne ! Jamais elle n’a paru à sa fenêtre ; jamais elle n’est venue appuyer son front charmant sur sa jalousie.

OCTAVE — Qui est cette Marianne ? Est-ce que c’est ma cousine ? COELIO — C’est elle-même, la femme du vieux Claudio. e ne l’ai jamais vue, mals à coup sûr elle est ma OCTAVE — J cousine. Claudio est fait exprès. Confie-moi tes intérêts, Coelio. COELIO — Tous les moyens que j’ai tentés pour lui faire connaître mon amour ont été inutiles. Elle sort du couvent ; elle aime s 1