français
Séquence 1 La question de l’altérité Elle porte sur la question de l’altérité : les textes étudiés nous permettront de comprendre comment, en dessinant sa modernité, l’homme européen considère autrui, celui qu’il rencontre notamment en découvrant le Nouveau Monde, à la Renaissance, et comment ce regard sur l’autre évolue. Et nous verrons enfin que, par cette évolution, l’homme parvient à se redéfinir. Ainsi, en confrontant deux notions, altérité et modernité, nous pourrons voir se dessiner un homme nouveau.
L’altérité d’abord : pour le TLFI, elle est définie comme « aractère, qualité de tardif « alteritas », qui gni or27 latin classique – le pr Sni* to View L’altérité, ainsi com à la fois mon rapport me vient du latin vient lui-même du latin « l’un et l’autre ie, met donc en jeu rencontre avec l’étranger, et le sentiment que j’en retire de ma différence. On peut donc le mettre en relation avec la découverte du Nouveau Monde, survenue à partir de la fin du XVe siècle avec l’arrivée de Christophe Colomb aux Bahamas (1492).
Cette rencontre de l’Autre pose à l’homme européen de nombreuses questions Les indigènes des Amériques sont-ils des hommes ? Comme leur apparence et leurs modes de vie sont profondément différents des miens, puis-je considérer que je leur suis supérieur ? – Ma culture est-elle légitime, puisque le développement de ces populations a abouti à d’autres pratiques que les miennes ? – Que Swlpe to vlew next page Quelle confiance puis-je accorder à ma religion, notamment, puisqu’elle n’est pas répandue sur ces terres jusqu’alors inconnues ?
Ce bouleversement, c’est ce que l’on a coutume de considérer comme le début des temps modernes : pour les historiens, l’époque moderne commence à la Renaissance ; le mouvement ulturel qui s’épanouit alors, l’humanisme, jette les bases de cette modernité N’oublions pas cependant que l’apparition de ce mouvement n’est pas seulement due à la découverte du Nouveau Monde, mais ? un ensemble de facteurs Et la question de PAutre et du rapport entre les Européens et les peuples qui leur sont étrangers est l’un des fondements de la modernité.
Un parcours de la Renaissance au XXe siècle Comment la pensée européenne a-t-elle considéré l’Autre depuis l’aube des temps modernes ? Et en quoi cette réflexion sur PAutre entraine-t-elle une nouvelle conception de l’Homme ? Cette séquence débute depuis le XVIe siècle, époque de l’humanisme, jusqu’au XXe siècle.
Montaigne inteNient avec ses Essais à la fin du XVIe siècle, et exprime une position critique sur la façon dont les Européens de son temps considèrent les indigènes d’Amérique. Dans Les cannibales, chapitre des Essais reservé à cette question, il examine ainsi la notion de sauvagerie, et celle de barbarie qui lui est corollaire. Sa réflexion, nous le verrons, inaugure une position toute nouvelle, celle du relativisme.
Et c’est cette conception nouvelle voire révolutionnaire du oint de vue de la pensée que le libertin Cyrano de Bergerac prolonge, au XVIIe siècle, à travers l’ouvrage fantaisiste intitulé L’autre monde ou les états L’autre monde ou les états et empires de la lune : la rencontre du narrateur, voyageur intrépide, et des Sélénites, habitants de la lune, est l’occasion d’un récit où le divertissement le dispute à une critique sévère de l’ethnocentrisme.
Au XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, le succès des récits de voyage se confirme et donne lieu à des créations littéraires toujours divertissantes et de plus en plus critiques : les Lettres ersanes de Montesquieu raconte ainsi le voyage de deux Persans, Uzbek et Rica, qui, au cours de leur voyage, parviennent à Paris ; ce roman épistolaire met en scène le regard du Na•lf, ou de l’Ingénu, qui sera beaucoup exploité en ces temps de censure, et qui donne à la satire une efficacité nouvelle.
Un demi-siècle plus tard, Bougainville, voyageur réel à qui la France doit la découverte de Tahiti, narre son expédition autour du monde dans un ouvrage qui remportera un grand succès ; Diderot voit dans le navigateur un vrai « philosophe des Lumières » et nous verrons effectivement en quoi son récit permet de ransmettre une vision nouvelle du monde et de l’homme, toujours dans la perspective de son rapport à l’Autre.
Enfin, nous ferons un bond jusqu’au XXe siècle, où il sera intéressant de découvrir, à travers un extrait, l’œuvre et le regard de Nicolas Bouvier, autre grand voyageur, dont les écrits connaissent actuellement un notable succès. le XIXe siècle est absent : non pas que les hommes de cette époque ne se soient pas intéressés à l’Autre, mais parce que, sous l’influence du romantisme, la littératu 3 OF se soient pas intéressés à PAutre, mais parce que, sous rinfluence u romantisme, la littérature se centre sur l’expression du Moi • les questions relatives à l’altérité passent donc au second plan.
Les études menées en lecture analytlque alternent entre des récits de voyage réel et des récits de voyage imaginaire ? l’exception de Montaigne, qui n’est pas allé sur les territoires américains mais s’inspire de ses lectures. 1 Découverte d’un continent et découverte de l’Autre La découverte de l’Autre, un événement fondateur dans l’histoire de la pensée occidentale En 1492 Christophe Colomb découvre l’Amérique cette découverte géographique n’est qu’un des facteurs qui ont mené la Renaissance en Europe elle participe à la redéfinition par l’homme de sa position dans le monde, et donc contribue à l’essor de l’humanisme.
Il faut aussi compter parmi eux la redécouverte des textes antiques, consécutive aux Croisades. Les savants byzantins affluent notamment à Florence, riche cité marchande à l’époque ; et leur arrivée apporte un renouveau profond de la pensée. Par l’intermédiaire de ces savants, l’Europe redécouvre donc la llttérature antique, en particulier certains textes grecs auxquels elle n’avait pas accès jusqu’alors.
C’est ainsi que l’homme devient un objet d’émerveillement, uisqu’on redécouvre ses œuvres inscrites dans le temps et donc la puissance de sa culture, et l’objet aussi de toutes les préoccupations : l’anthropocentrisme, cette position de « centre » accordée à l’homme (anthropos en grec), qualifie cet intérêt pour tout ce qui concerne l’homme. parmi les ouvrages anciens (anthropos en grec), qualifie cet intérêt pour tout ce qui concerne l’homme. armi les ouvrages anciens redécouverts pendant la Renaissance réside celui d’Hérodote, qu’on intitule l’Histoire L’activité d’Hérodote consiste à la fois à narrer les expériences u’il a vécues, à rapporter les anecdotes qu’il a collectées lors de ses voyages, et à les commenter en osant des interprétations personnelles : son ouvrage fonde, par ces trois aspects, ce qu’on appelle la littérature de voyage. ?tude d’un corpus : Comment est perçu le Nouveau Monde lors de sa découverte ? point Méthode : La question sur le corpus Remarque d’entrée : tout sujet d’ÉAF1 présente un corpus, c’est-à-dire un ensemble de textes réunis par le concepteur de l’épreuve sur un principe commun – en général, les textes présentent un thème commun, par exemple comme ici, la découverte du Nouveau Monde.
Principe fondamental : pour construire la réponse, il est impérativement demandé au candidat de construire une synthèse ; toute observation doit permettre de rapprocher les Ce principe fondamental entraîne trois conséquences : Le candidat doit constamment avoir à l’esprit la nécessité d’établir le dialogue entre les textes. Cest pourquoi on évitera absolument de construire pour répondre un plan du type . A) Christophe Colomb ; B) Jean de Léry ; C) Montaigne. L’objectif est de saisir les points communs mais aussl les écarts entre les textes.
Il est donc impératif de construire une réponse rganisée et argumentée, qui mettra en évidence les idées majeures du corpus. Conseil : Pour bien comparer les texte PAGF s OF en évidence les idées majeures du corpus. Conseil : Pour bien comparer les textes, il faut d’abord les lire attentivement en surlignant dans chacun d’eux les expressions importantes. Ces expressions seront ensuite reprlses soit en substance, soit entre guillemets. Dans tous les cas, la lecture de la réponse doit restituer une connaissance exacte des textes ; on n’acceptera donc aucune lecture approximative.
Après ce premier travail de lecture avertie, on passe à l’analyse. !! Structure de l’introduction et de la conclusion L’introduction a deux objectifs : présenter le corpus, en inscrivant chaque texte dans son époque on rappelle ainsi le demi-siècle auquel il appartient, et le mouvement culturel qui caractérise cette époque ; rappeler la question . contrairement à ce qui est exigé dans une dissertation, il n’est pas nécessaire de la reformuler ; on se contentera de la reprendre avec exactitude, telle qu’elle est libellée dans le sujet.
Remarques : On introduit le corpus par une phrase qui présente les caractéristiques communes aux textes du corpus qui permettent e valider la question posée. Compte tenu de la brièveté de l’exercice (qui n’excédera pas deux pages sur une copie au baccalauréat), il n’est pas nécessaire d’annoncer le plan du développement. La conclusion répond également à deux objectifs : répondre exactement à la question ; ouvrir une perspective, en mettant par exemple en relation le corpus avec l’objet d’étude dont il relève.
Lecture analytique no 1 : Montaigne, « Des cannibales Essais A retenir car texte de lecture analytlque à Porale C Lecture analytique no 1 . OF Essais A retenir car texte de lecture analytique à Porale !!! C Lecture analytique no 1 : Montaigne, « Des cannibales Essais On peut reconnaître [‘influence de Jean de Léry sur [‘essai de Montaigne, « Des cannibales Mais, malgré la similitude de sujet, les deux auteurs ont des buts différents : Montaigne idéalise les « sauvages » d’une façon abstraite, tandis que Léry fonde son propos sur une expérience personnelle.
Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté : sinon que chacun appelle barbarie, ce qui n’est pas de son usage; comme de vrai, il semble que nous n’avons utre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses.
Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, a la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l’ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses, les vraies et plus utiles et naturelles vertus et ropriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons accommodées au plaisir de notre goût corrompu.
Et si pourtant la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l’envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là, sans culture. Ce n’est pas raison si on les confronte aux nôtres. que l’art gagne le point d’honneur sur notre grande et pu on les confronte aux nôtres. que l’art gagne le point d’honneur sur notre grande et puissante mère nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos nventions, que nous l’avons du tout étouffée.
Si est-ce que, partout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises. Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. Leur guerre est toute noble et généreuse, et a autant d’excuse et de beauté que cette maladie humaine en peut recevoir ; elle n’a autre fondement parmi eux, que la seule jalousie de la vertu.
Ils ne sont pas en débat de la conquête de nouvelles terres, car ils jouissent encore e cette uberté naturelle, qui les fournit sans travail et sans peine, de toutes choses necessaires, en telle abondance qu’ils n’ont que faire d’agrandir leurs limites. Ils sont encore en cet heureux point, de ne désirer qu’autant que leurs nécessités naturelles leur ordonnent ; tout ce qui est au delà est superflu pour eux. Ils s’entr’appellent généralement ceux de même âge, frères ; enfants, ceux qui sont au dessous ; et les vieillards sont pères à tous les autres.
Ceux-ci laissent à leurs héritiers en commun, cette pleine possession de biens par indivis, sans autre titre que elui tout pur que nature donne à ses créatures, les produisant au monde. Montaigne, « Des cannibales Essais, Livre l, Chapitre 31 INTRODUCTION À la fin d’un XVIe siècle mouvementé, l’humanisme est mis à mal par les guerres de religion. émoin de son temps, Michel Eyquem de Monta BOF l’humanisme est mis a mal par les guerres de religion.
Témoin de son temps, Michel Eyquem de Montaigne se retire dans sa librairie, où les lectures alimentent sa méditation. De cet échange avec les auteurs antiques et de son temps naissent les Essais, œuvre d’une vie centrée sur une question majeure : que ais-je ? Et si la réponse à cette question ne déroge finalement pas de la pensée d’un Socrate, qui affirmait en son temps : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien la méditation de Montaigne débouche sur une réflexion personnelle qui touche à tous les domaines.
Ainsi, dans le premier livre des Essais, paru en 1580 (première édition), l’auteur s’interroge sur le regard que l’Europe porte sur les indigènes du Nouveau Monde, souvent qualifiés de « sauvages ou de « barbares Sans avoir voyagé mais instruit par son secrétaire qui, lui, avait participé à une expédition vers ces ouvelles terres, et par ses lectures, Montaigne remet en cause cette vision européenne de l’Autre. Nous montrerons ainsi ce que met en jeu l’interrogation sur le Nouveau Monde.
Après avoir analysé comment il prend en compte l’Autre, nous montrerons que la forme même de fessai lui permet de remettre en cause les éventuels prejugés de son lecteur, que cette remise en cause touche à l’identité des Européens eux-mêmes et qu’il le fait avec une grande conviction. L’attitude humaniste : la prise en compte de l’Autre Cest en humaniste que Montaigne aborde la question de l’Autre : cette question est pour lui ‘occasion de renouveler le champ des interrogations que la découverte du Nouveau Monde a suscitées. ) L’intérêt bienveill PAGF champ des interrogations que la découverte du Nouveau Monde a suscitées. a) L’intérêt bienveillant envers les habitants du Nouveau Monde Dès les premiers écrits de Christophe Colomb, la découverte du Nouveau Monde stimule une curiosité qui, chez les humanistes, est teintée de bienveillance. Les humanistes reprennent notamment à leur compte la célèbre phrase de Térence, dramaturge latin du IIe siècle avant Jésus-Christ : « Je suis homme, t rien de ce qui est humain ne m’est étranger Le texte de Montaigne témoigne ici de cet intérêt bienveillant.
Il désigne ainsi par des démonstratifs ces terres nouvelles ‘ . « cette nation » ces contrées-là Ces démonstratifs manlfestent l’éloignement en même temps qu’ils mettent en relief les « nouvelles terres ». L’ensemble du texte est construit sur un élargissement progressif du champ de vision. On observe une gradation dans la désignation du Nouveau Monde : Montaigne emploie d’abord le singulier cette nation puis le pluriel nouvelles terres »), t choisit finalement une expression de portée universelle : « au monde » (derniers mots). ) L’interrogation sur la culture Nous avons vu, dans les cours d’introduction, l’intérêt et la confiance que les humanistes accordent à la culture, le moyen qui permet la promotion de l’homme. Cest dans cette perspective que Montaigne aborde le thème de l’Autre, considéré sous l’angle d’une question : les « cannibales » sont-ils moins hommes parce qu’ils ne partagent pas la culture europeenne ? Ce thème est majeur dans le texte, il renvoie aux « opinions et usages » d’un pays, c’est-à-dire à ses mœurs et à ses croyances