Environnement humain et socio-politique à l’époque de la naissance de Ali et Ahmed Kotoko
Dans ce chapitre, il est question de présenter le cadre dans lequel Ahmed Kotoko et Ali Kotoko ont émergé pour avoir plus tard une destinée exceptionnelle hors du commun et en quoi cet environnement a contribué à influencer leur destin. Le chapitre présente concrètement le contexte historique et le cadre humain à la naissance de Ali Kotoko et de Ahmed Kotoko.
A- CONTEXTE HISTORIQUE ET LE CADRE HUMAIN ALA NAISSANCE DE ALI KOTOKO ET DE AHMED KOTOKO Entre l’année 1900 qui marque l’avènement du sultan Djagara au pouvoir à Goulfey et respectivement la nai a 9 décès du Sultan Djag Swape nextp g majorité peuplé de g – Organisation et pa t 1927 qui marquent o, Ali kotoko et le n ce temps là est en et Arabe-Choa. A Haube de l’année 1900 qui cciincide avec la mort de Rabah, la configuration de la région du Lac Tchad et surtout du pays Kotoko va prendre un autre tournant.
Le phénomène de métissage, comme on le verra, est le résultat d’une forte migration des peuples d’origines diverses qui se sont installés çà et là et qui ont par ricochet crée des alliances matrimoniales qui se sont fixées entre différents chefs de tribus afin de sceller une certaine affinité. C’est le cas avec l’origine de Ali Kotoko qu’on étudie dans e travail et qui se trouve être le fruit l’union entre un chef de tribu Arabe-Choa de Mada et la fille du sultan Djagara de Goulfey. o page 1- Le pays Kotoko et son peuple Le pays Kotoko est un ensemble formé de plusieurs principautés constituées dans l’espace du bassin conventionnel du lac Tchad. Elles se trouvent aujourd’hui réparties dans plusieurs Etats différents et souverains en bordure du Lac Tchad : le Cameroun, le Tchad et le Nigéria. La région étant un lieu de passage et de rencontre de nombreux peuples, sont en effet venues s’installer en masse des tribus arabes.
Les travaux de Annie Lebeuf situent e partage de la région dans les termes suivants : « politiquement, le pays Kotoko est partagé entre trois Etats souverains : le Tchad à l’Est, le Nigéria à l’Ouest et le Cameroun au centre où est située la plus grande partie des terres» (Lebeuf, 1969:19). Au Cameroun, le territoire du peuple Kotoko se trouve dans l’actuel département du Logone et Chari et reparti dans les localités de Kousséri, Makary, Logone-Birni, Woulki, Bodo et Goulfey.
Cette dernière requiert une importance et une attention particulière dans ce chapitre, en ce sens qu’elle fut Pune des cités les plus prestigieuses des principautés Kotoko et mieux encore, Goulfey reste le village natal de Ahmed Kotoko et de Ali Kotoko. Au-delà des enjeux liés aux origines, aux migrations des peuples que beaucoup d’ouvrages explicitent ; lesquels n’intéressent pas directement ce travail, nous retenons quand même que le peuplement de la région est très divers et présente des caractéristiques particulières selon qu’on se retrouve dans un groupe ethnique ou dans un autre.
Dans ce travail, le nom Kotoko lui-même désigne à la fois un nom que porte un 2g ethnique ou dans un autre. Dans ce travail, le nom Kotoko lui-même désigne à la fois un nom que porte un peuple : le peuple Kotoko et reste aussi un rénom que portent Ahmed et Ali. Comme nous le verrons dans le prochain chapitre, le prénom Kotoko que porte chacun des personnages ci-haut cités est juste une simple coïncidence et en fonction de chacun d’eux, le prénom a une signification précise.
Quand il faut revenir sur celui qui désigne le peuple Kotoko, Annie M-D Lebeuf a pu analyser l’origine ou la signification de ce mot proposé par plusieurs auteurs. pour Annie Masson-Destourbet Lebeuf, « le mot Kotoko est un terme dont l’étymologie demeure obscure » (Ibid: 20). Il n’y a pas donc lieu de retenir l’opinion de Fresnel qui lui ttribue « une origine peule servant à désigner les habitants de Logone-Birni et par extension de la frontière orientale du Bornou » (Fresnel, 1850: 158).
Lebeuf rejette aussi la confusion faite avec le bruit produit par les pêcheurs frappant le bord de leurs embarcations qui apparait comme fantaisiste encore moins une ressemblance quelconque avec le mot arabe Kay qui désigne les pagaies. « Le terme Kotoko est apparu pour la première fois chez les chroniqueurs du May Idriss Alaoma » (Mahamat, 2006:10). n Furtu écrivait ceci pour désigner les peuples Kotoko et les habitants de Makary selon Taimou Adji en ce sens : « Kataku et es Makary avec assez de précisions pour qu’on ne puisse douter qu’il s’agit des Kotoko » (Taïmou, 1994:17). Pour Mahamat Abba Ousman, « dans la langue Kotoko de Makary, le terme Makary désigne l’ensemble de tous les Kot « dans la langue Kotoko de Makary, le terme Makary désigne l’ensemble de tous les Kotoko » et « proviendrait de Pactivité de pêche que menait ce peuple.
C’est une onomatopée qui désigne le bruit que faisaient les instruments de pêche » (Mahamat, 2006:11). En fin de compte, beaucoup de travaux scientifiques reviennent sur l’origine de ce mot ; peu importe les multiples interprétations ar rapport à l’origine de ce mot, il est clair de retenir que ce peuple est formé d’éléments divers dont l’unité fut assurée par le prestige qu’il accorde à un noyau d’ancêtres communs, les Sao et par l’existence de la grande artère fluviale qui relie entre eux les villes et villages les plus éloignés.
Les Kotoko présentent la particularité d’être commandeurs d’un grand espace géographique sur lequel ils ne constituent qu’une minorité sur le plan démographique par rapport au nombre d’étrangers qui y sont établis et surtout les Arabes ? qui ils ont cédé la savane alentour, car ils résidaient dans des gglomérations nettement circonscrites. 2- La sédentarisation des arabes Contrairement aux Kotoko qui sont considérés comme des populations autochtones dans le Logone et Chari, les Arabes Choa sont pris pour des étrangers, voire des allogènes.
Les Arabes Choa sont des métissés d’Arabes blancs, d’Ethiopiens, de Peuls et de Noirs soudanais originaires de l’ile de choa dans la région du Nil en Egypte. Cest de ce dernier point de départ qu’ils seraient arrivés dans le pourtour du bassin du lac Tchad vers le XVIIIe siècle en passant par les couloirs du Kordofan et le Darfour (Thierno, Saibou 4 2g Tchad vers le XVIIIe siècle en passant par les couloirs du Kordofan et le Darfour (Thierno, Saibou, 1997:280-288).
Les Arabes constituent un peuple qui nomadise dans la région dont la présence fut « signalée dans cette partie du pays autour du XVIIIe siècle » (Mahamat, 2006:11) et qui a fini par se sédentariser dès lors que la recherche du pâturage était garantie dans presque toute la région du Lac Tchad et l’avènement de Rabah à la fin du XIXe siècle dans la région requiert un certain rapprochement avec ce peuple qui se sentait sous le joug des Kotoko.
C’est ce que relève Jean Claude Zeltner en ces termes : « n s’aperçoit que si le conquérant [Rabat] s’est attiré beaucoup de haine, il a aussi très largement, surtout chez les arabes, suscité l’admiration et l’attachement » (Zeltner, 2002:91).
Après avoir longtemps vécu dans l’instabilité et soumis, « l’année 1893 inaugurait pour les arabes une période de prospérité inespérée à la suite des bannières victorieuses du conquérant [Rabat], les arabes se livraient au pillage » (Ibid: 92) ; pillage confirmé par Frank Hagenbucher dans le paragraphe suivant • Après la campagne du Bornu, les premiers auxiliaires Suwa eviennent dans leurs tribus chargés de butin, suivis de nombreux esclaves, vantant les mérites du conquérant dont le prestige ne cessera désormais de grandir en milieu arabe.. lusieurs informateurs âgés rapportent que Rabah convoqua les principaux chefs arabes à Dikwa et leur parla longuement de l’ordre qu’il voulait instaurer dans ses Etats, de la nécessité de s’unir, de mettre fin aux luttes et rivalités entre tribus s g instaurer dans ses Etats, de la nécessité de s’unir, de mettre fin aux luttes et rivalités entre tribus… avant de les convier à un repas qui se prolongea jusqu’à une heure avancée de la nuit.
Il est ertain que le stratège soudanais réservait aux Arabes une place et un rôle de choix parmi les diverses ethnies de l’ancien Bornu, dont il avait renversé les positions traditionnelles de suzeraineté et de sujétion (Hagenbucher, 1973:235). En fait, le rapprochement entre les Arabes et Rabah étaient pour des raisons de sécurité chez les Arabes. Comme le réitère Jean Claude Zeltner, « les arabes reconnurent en Rabëh l’un des leurs. Ethniquement, ils se trompaient, car Rabêh [Rabat] était un fung, d’origine soudanaise donc noble mais arabe, il l’était devenu par la langue, la formation, les affinités » (Zeltner, 2002:90).
Dans tous les cas, les Arabes ont instrumentalisé Rabat en l’adoptant très rapidement comme un élément stabilisateur dans une région où ils ont eu, pendant des siècles, maille à partir avec les premiers occupants qui les ont soumis au cantonnement et aux impôts. Cette situation va contribuer à complexifier les conflits à partir du début du XXe siècle comme le résument les origines de cette difficile cohabitation entre Kotoko et Arabes- Choa par Claude-Richard Mbowou et Herrick Mouafo Djontu en ces termes : Les premiers bénéficient d’un statut d’antériorité dans ‘occupation de cet espace.
Leur présence y prend d’ailleurs des accents mythologiques lorsqu’ils rapportent leur ascendance aux SAO dont le rayonnement de la civilisation, entre le 12e et le 14e 6 g ascendance aux SAO dont le rayonnement de la civilisation, entre le 12e et le 14e siècle, n’a point échappé à l’écriture historique et archéologique. C’est cette antériorité, cette « autochtonie » qui fournirait une légitimité historique et traditionnelle à leur domination sur cette terre.
Une domination qui a commencé par être mise à mal dans leurs rapports avec les Arabes Choa à la in du 19e siècle à la faveur de la percée des cavaleries Arabes, menées par Rabah ((Mbowou ; Djontu, 2001:10). L’assassinat de Rabat qui a coïncidé avec les conquêtes coloniales opère un certain renversement de situation entre Arabes et Kotoko.
Bien que numériquement majoritaires, les Arabes se verront relégués à nouveau sous le joug des Kotoko. Le paragraphe suivant de Jean Claude Zeltner éclaircit davantage ce point de vue. Avec la mort de Rabêh se clôt l’histoire des arabes. Tenus en suspicion par les Européens, peu soucieux eux mêmes de collaborer avec l’occupant, ils se retranchent derrière es chefs Kotoko qu’on leur impose.
Au cours de soixante ans de colonisation qui, parmi bien des humiliations, des incompréhensions et parfois des injustices, se soldent quand même pour l’Afrique centrale par un bond en avant spectaculaire, les arabes forment, plus que jamais, un groupe marginal, replié sur soi-même, stagnant (Zeltner, 2000:95). C’est dans la même logique que Antoine Socpa résume ceci sur la cohabitation Arabe-Choa et Kotoko dans cette région • L’histoire des rapports interethniques entre les Arabes Choa et les Kotoko du Logone-Chari au cours des périodes pré coloniale, coloniale et post
Arabes Choa et les Kotoko du Logone-Chari au cours des périodes pré coloniale, coloniale et postcoloniale est celle des massacres humains à intensité variable. Cohabitant depuis des siècles dans une situation de divorce ethnique larvée matérialisée par des escarmouches jusque là négligeables hormis le massacre de Dollé en 1979, Arabes Choa et Kotoko sont désormais dans une logique de confrontation ouverte.
En effet, la volonté d’extermination réciproque observée à l’occasion de l’affrontement le plus meurtrier de Kousséri (Janvier 1992) et de bien d’autres de moindre importance depuis 1979 montre bel et bien que le orchon brûle entre Arabes Choa et Kotoko En fin de compte, les enjeux liés à la domination des uns sur les autres ou au renversement de situation et Vice versa, n’intéressent pas immédiatement ce travail, mais nous retenons que Arabes et Kotoko furent obligés, et surtout à partir de 1 900, de vivre ensemble.
Malgré les conflits qui n’ont jamais cessé même plus tard avec l’ouverture démocratique qui d’ailleurs, a complexifié la situation, nous retenons un aspect que nous avions annoncé plus haut qui est le métissage Arabe-Kotoko ; fruit des alliances matrimoniales aux sommets des chefferies comme ? a base entre ces deux communautés. Nous insistons sur cet aspect parce que Ali Kotoko qui fait l’objet de notre étude dans les chapitres suivants est issu d’une alliance matrimoniale entre un chef de tribu Arabe-Choa de Mada et la princesse Kotoko de Goulfey.
Ce qui nous permettra d’analyser le silence ou le positionnement de Ali Kotoko, si positionnement il y en a eu, par permettra d’analyser le silence ou le positionnement de Ali Kotoko, si positionnement il y en a eu, par rapport au conflit arabe-kotoko dans le Logone et Chari. C’est donc très difficile de contester le métissage des peuples ixés dans cette région, car la position géographique et la configuration de la plaine tchadienne l’expliquent en grande partie.
C’est surtout une région qui se trouve à la croisée de plusieurs chemins et de civilisations ; chemins qui reliaient, autrefois, les routes subsahariennes aux routes de l’Afrique septentrionales et du Moyen-Orient. Civilisations, parce que le lac Tchad constitue aussi un pont entre PAfrique noire et l’Afrique blanche et aussi, le Chari et le Logone, eux-mêmes, forment un couloir d’activités propices à la VIe de plusieurs communautés qui dépendent de l’eau, bref de l’environnement.
D’autres groupes ethniques qui complètent le tableau des peuples de la région est composé des Kanuri, des Sara, des Massa, des Moulai, des Barma, des peuls… avec lesquels les dirigeants des sultanats ont contracté des accords particuliers (Lebeuf, 1969:23). Comme le remarque Vallois, il n’existe pas une langue communément partagée à l’ensemble des populations Kotoko, mais plusieurs dialectes qui les répartissent en trois grands groupes. La carte linguistique du pays kotoko reproduit dans ses grandes lignes sa carte politique telle qu’elle existait avant l’installation des grandes puissances coloniales.
A chaque dialecte correspond une zone sur laquelle s’exerçait l’autorité d’une ville donnée. La diversité de ses parlers souligne [‘hétérogénéité de s’exerçait l’autorité d’une ville donnée. La diversité de ses parlers souligne l’hétérogénéité de leur peuplement et surtout l’isolement des communautés les unes par rapport aux autres. Désormais, le développement économique de certaines villes n’entraine pas une plus grande diffusion de leur langue et la multiplication des échanges et des relations n’a pas, jusqu’? présent, favorisé l’unification linguistique de la région.
Bien au contraire le particularisme des citadins est démesuré tel que plutôt que d’user du dialecte de leurs voisins, les Kotoko préfèrent adopter une langue étrangère et c’est l’arabe qui est parlée par l’ensemble de la population ; c’est en tout cas la langue qui est communément parlée dans la région. La forte migration et infiltration des Arabes dans la région est au point où la « langue arabe, à l’origine langue du commerce, est devenue la principale langue de communication entre toutes les communautés et même entre les Kotoko dont l’unité ethnique masque une iversité dialectale » (Mbowou ; Djontu, 2001:9). – L’Islam : religion dominante de la région L’Islam introduit progressivement dans la région et puis à Goulfey depuis le XVe siècle a pu faire un chemin et imposer son projet de société au moment où toute la région était en effervescence et influencée par les conquêtes de Rabat d’un côté et aussi et surtout l’amorce des conquêtes coloniales et le partage de l’Afrique en général et du bassin du lac Tchad en particulier. Mais comme le relève Mahamat Abakaka, « le fait que la population accepte l’Islam n’implique pas l’abandon de la vis 0 9