enjeux économiques de la mondialisation

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www. cidob. org Afers Internacionals, nüm. 50, pp. 173-184 Enjeux économiques de la mondialisation Les mondes sociaux de l’entreprise marocaine et ses ajustements culturelles. Jalons pour une enquête *Noureddine El Aoufi Aujourdhui l’entrepri 1. lieu de production d’organisation des pr lieu d’innovation soci Pour ce qui est du M or 18 de essus triple configuration: ique; 2. ieu en évidence deux marqueurs stratégiques des nouvelles trajectoires de l’entreprise: a) la clôture des négociations du GATT à Marrakech en 1994; b) la signature de l’Accord d’Association avec l’Union Européenne en 1996 avec la perspective de partenariat et de one de libre-échange en ran 2010. L’entreprise marocaine se trouve ainsi soumise à un nouveau jeu stratégique où les « mondes sociaux », internes et externes à l’entreprise, jouent un rôle déterminant dans la mise à niveau concurrentielle.

D’où la nécessité de reconfigurer l’entreprise en termes de gestion sociale des ressources humaines. d’interdépendance qui structurent, en cette fin de siècle, les formes d’articulation des économies nationales sont en passe de définir de nouvelles territorialités en termes de mondialisation ou de globalisation productive, financière, commerciale, etc. Boyer, Chavance, Godard, 1991 et se définissant par rapport à des sentiers de dépendance (path dependancy) pesant fortement sur la marge de manoeuvre des politiques économiques nationales.

Par rapport à l’entreprise, les effets d’une telle évolution se traduisent en termes de limites entachant la visibilité des indicateurs et la lisibilité des « états du monde » posslbles et contribuent, par conséquent, à alourdir les coûts de transaction liés à l’incertitude peu probalisable (Coriat, Weinstein, 1995). technologiques, organisationnelles.. Le nouveau paradigme technologique, fondé sur la flexibilité, mplique une réorganisation de l’entreprise au niveau à la fois des modes fonctionnels et des modes opérationnels.

De fait, la flexibilité des dispositifs techniques est impraticable si elle n’infère pas (ou n’est pas inférée par) des arrangements compatibles au niveau de l’appareillage organisationnel (Miller, 1991). Plus concrètement, une plus grande adaptabilité du système productif suite à une introduction de machines plus flexibles peut s’obtenir de deux façons différentes ayant trait aux « mondes sociaux », internes et externes, de l’entreprise (Boyer, 1986): 1 . r des procédures défensives: desserrement des contraintes juridiques gouvernant le contrat de travail et en partlculier les décisions de licenciement; indexation des salaires (nominaux et/ou réels) sur la situation propre à chaque entreprise ou concernant de façon générale le marché du travail; enfin, possibilité d 18 propre à chaque entreprise ou concernant de façon générale le marché du travail; enfin, possibilité donnée pour les entreprises de se soustraire à une partie des prélèvements sociaux et fiscaux et plus généralement de s’affranchir des réglementations publiques ui limitent leur liberté de gestion 2.

Par ailleurs, les nouveaux appareillages organisationnels sont consubstantiels de modes de fonctionnement plus centralisés. Des structures légères et réactives (externalisation) constitutives d’un maillage de rapports interentreprises (gouvernance, réseau) 174 Afers Internacionals, 50 Noureddine El Aoufi et limitant les coûts de transaction (Coase, 1937; Williamson, 1991) définissent un modèle plus offensif de flexibilité. géo-économiques… Il y a lieu de souligner que les processus de globalisation son connivents, non sans paradoxe, de fortes tendances à la régionalisation.

Cette double trajectoire géo-économique apparait même comme la dynamique la plus pertinente induite par les mutations de cette fin de siècle. Une telle logique spatiale et territoriale (globalisation/régionalisation) n’est cependant pas auto- renforçante: elle s’lnscrlt dans une perspective constructiviste d’élaboration d’articulations plus efficientes et d’avantages compétitifs plus négociés. Pour le Maroc, les nouvelles interdépendances liées au partenariat avec l’Union Européenne et aux accord nales Marocaines PAGF 18 déterminantes: 1 . Redéfinir de nouveaux rôles et fonctions de l’État.

Plusieurs ormules furent lancées (comme on lance une lessive): État stratège, État prospectif, État facilitateur, État régulateur et tutti quanti. Au-delà des formules, ce qui est fondamental c’est d’établir de nouveaux rapports entre l’État et l’économie. L’analyse économique de l’État met en évidence une variété de comportements et de choix publics définissant plusieurs configurations étatiques: État circonscrit versus État inséré (Delorme, André, 1983), État fisco-financier (Théret, 1 992), État subsidiaire (Millon-Delsol, 1992).

Au Maroc, les vicissitudes de l’ajustement structurel (1983) n’ont as manqué de révéler la nécessaire imbrication entre fonctionnalité de l’État et objectifs de développement. Le modèle standard de désengagement de l’État, prôné par les organismes financiers internationaux (Banque Mondiale, FMI), semble en porte-à-faux pour au moins deux raisons essentielles: la première concerne la trajectoire historique de ‘État Makhzen. une forme particulière d’exercice du pouvoir s’est construite, en longue période, de façon immanente à l’appareil étatique.

La notion ad hoc de Makhzen désigne, en effet, les deux catégories de « chose en soi » et de « chose pour soi ». Une telle épaisseur n’a pas été sans susciter des comportements inertiels et des irréversibilités l’Administration publique (Banque Mondlale, 1995) qui ne semblent pas tendre ? réduire les artefacts de la modernisation et de la rationalisation des modes de gestion publique et / ou politique (décentralisation, régionalisation etc. ).

La seconde raison réside historique du mode de 8 historique du mode de développement. De fait, une optimisation d’arbitrages intertemporels entre les priorités de développement F-undati6 CIDOB, 2000 175 Enjeux économiques de la mondialisation mplique une mobilisation durable de l’État. Cette dernière observation s’appuie sur les contraintes imposées précisément par les limites du marché et du secteur privé au déploiement sur une plus grande échelle du « ‘libéralisme à la marocaine ». n dépassement du dilemme État/ajustement (Akesbi, 1993) doit passer nécessairement par un rebouclage de l’État sur ses fonctions monopolistes de régulation des formes institutionnelles majeures: la monnaie, le rapport salarial, la concurrence, l’insertion dans le régime international. 2. La régulation est appréhendée dans cette optique sous la ouble contrainte interne et externe, sous la double rationalité nationale et mondiale. Dès lors, la notion d’autocentrage implique, « une dialectique subtile où il s’agit de chercher dans la dépendance les moyens de progresser vers l’indépendance » (Ominami, 1986; Tiano, 1981).

Au Maroc, la mise en oeuvre d’une stratégie de régulation du mode de développement doit d’emblée initialiser deux processus indissociables: L’attrait économique à la fois pour l’interne et pour l’externe. Limité et coûteux en comparaison internationale, semble influencé par une série de facteurs structura investissement étranger direct hère » (au sens de A. s 8 instabilité et imprévisibilité du cadre législatif et réglementaire; e) diverses « pollutions » (corruption, contrebande, dysfonctionnements de la justice). ‘attrait institutionel et formel.

Ily a lieu de noter les améliorations introduites par la Charte de l’investissement de 1 995: a) simplification des procédures administratives; b) ouverture par les entreprises étrangères et leurs employés de comptes en dirhams convertibles ou en devises étrangères; c) acquisition par les Étrangers de parts sociales, y compris dans les entreprises publiques; d) rapatrlement automatique des apitaux et de bénéfices et rémunération des investissements autres que les prises de participation; e) transfert des revenus avant obtention de l’autorisation de l’Office des Changes; f) crédits d’impôts, etc.

Mais l’attrait institutionnel et formel est surdéterminé par l’attrait économique et réel, ce qui renvoie à la fiabilité des décisions publiques. La crédibilisation des politiques publiques passe notamment par l’institution de la transparence comme fondement des modes de régulation (macro-économique) et de gestion (micro- économique) et par l’établissement de la confiance dans les rapports de l’État t de l’économie comme modèle génerique inspirant et anticipant les comportements interpersonnels des agents.

Le thème de la confiance (Orléan, 1994) mérite d’être exploré plus avant car le pouvoir explicatif que le concept semble fonder peut s’avérer crucial pour expliciter les logiques et les stratégies qui animent le jeu interactif des acteurs au plan macro-économi ue les entreprises face à l’État, les syndicats face au patro en interaction avec PAGF 6 8 avec l’interne, etc. ) et au plan micro-économique (les salariés face aux employeurs, les clients face aux fournisseurs, etc. ). 176

On propose d’incorporer cette thématique, centrale dans la nouvelle sociologie économque (Granovetter, 1994), à l’analyse du jeu stratégique de l’entreprise marocaine. On considère sous cet angle que les « jeux sont faits », c’est à-dire que la prise en charge des nouvelles normes et routines est pour l’entreprise marocaine une condition d’insertion active dans le régime international. JEUX STRATÉGIQUES: INTÉRÊT ET CONFIANCE Encastrer l’économique dans le social On postule l’existence d’une congruence dynamique entre l’économique et le social, entre l’efficacité et l’équité.

Un tel postulat peut être inféré d’un paradigme, en asse de devenir « science normale » (Kuhn, 1983), combinant ? partir du modèle standard étendu (Favereau, 1989) plusieurs bifurcations théoriques: la théorie de la régulation, l’économie des conventions, la nouvelle économie institutionnelle, l’approche évolutionniste. Une construction analytique mettant en exergue, de façon normative, la procédure d’un « compromis » élaboré entre efficacité et équité est redevable à A.

Okun (1975) et pourrait tenir dans la formule « faire sa place au marché, maintenir le marché à sa place ». L’ana procède elle-même d’un rigidités sociales et économiques doivent remplir deux onditions: – en premier lieu, elles doivent être attachées à des fonctions et ? des positions, ouvertes à tous, dans des conditions de juste égalité des chances; -en second lieu, elles doivent être au plus grand avantage des membres les plus défavorisés de la société ».

Dans la même perspective, les nouvelles théories du marché du travail (Perrot, 1992), du salaire (Reynaud, 1994) et de l’entreprise (Coriat, Welnstein, 1995) établissent, sur un plan strlctement micro- économique, une causalité réciproque entre tendance de la productivité et comportements incitatifs du travail théories du contrat incomplet, de l’information asymétrique, de la négociation, etc. ).

Par ailleurs, une mise en perspective historique du capitalisme fait apparaître une correspondance de phase entre enchainements micro et macro- économiques vertueux et processus d’enchâssement de l’économique dans le soclal (Polanyi, 1983; Shonfield, Fundati6 CIDOB, 2000 177 1965). C’est d’ailleurs en référence à la grande transformatlon de K. Polanyi que les institutions de la théorie de la régulation ont pu conduire à une incorporation de la logique des formes institutionnelles dans la macro-économie ordiste et sa crise. bservations semblent trouver un point d’appui dans la trajectoire mise en oeuvre par le PAS. En effet, parallèlement à l’équilibre financier qui semble avoir été, en gros, restauré, l’accroissement de la pauvreté, l’envol du chômage (notamment des jeunes et des femmes), l’élargissement des espaces de marginalité n’ont pas manqué de réactiver, tout au long de la période d’ajustement (1983-1993), voire au-delà, les facteurs structurels d’involution de l’économie et de la société (Annales Marocaines d’Économie, 1994) et d’amplifier, dans le même mouvement, les effets induits ar les années de sécheresse.

Ce sont les limites imposées au plan social par le sentier de dépendance associé au P. A. S qui ont été à l’origine des évolutions perverses que traduisent les phénomènes volatils de contrebande, de sous- activité, d’économie informelle, de corruption ainsi que les comportements de passager clandestin (Olson, 1965), d’opportunisme, etc. De tels « états du monde » sont, en perspective stratégique (OMC, partenariat avec l’UE), désavantageux pour l’entreprise et incapacitants en terme de compétitivité.

L’entreprise marocaine: les jeux sont faits, rien ne va plus? Le jeu stratégique s’organise désormais autour des catégories positives d’intérêt et de confiance. Deux hypothèses se rapportant au modèle d’entreprise marocaine. D’abord, une prise en compte des jeux stratéglques d’intérêt commande de recontextualiser l’entreprise marocaine par rapport aux nouveaux « états du monde ». Ensuite l’incorporation du jeu stratégique de confiance implique de reconfigurer l’entreprise sur les « mondes sociaux ». arocaine Deux faits stylisés peuvent être inférés des nouveaux « états du monde » au sein desquels l’entreprise marocaine est appelée ? s’engager en cette fin de siècle (El Aoufi, 1996). premier a trait à la matrice de la compétitivité: une mise en perspective stratégique des logiques de concurrence fondées sur l’avantage hors coût implique une optimisation des modes de gestion des ressources humaines et un resserrement de l’objectif de performance autour de la rationalisation de l’organisation du travail et de l’amélioration du contenu qualitatif du travail. . En second lieu, l’efficacité productive et l’efficience organisationnelle sont de plus en plus fonction des modes de gestlon des relations professionnelles. De fait, l’or- 178 ganisation scientifique du travail peut s’avérer sous-optimale si lle n’est pas prolongée en termes de valorisation des ressources humaines et d’implication du personnel. Les « mondes sociaux » de l’entreprise tendent à déterminer les critères de performance.

Au Maroc, une réorganisation du système des relations professionnelles peut se justifier, d’un point de vue strict, en termes d’efficience et d’amélioration des résultats de l’entreprise. Le jeu de confiance: coopère pour que l’autre coopère une interprétation de la théorie des jeux (Guerrien, 1993) conduit à poser que l’intérêt, structurant l’interaction des artenaires sociaux, commande d’opter pour