Eluard

essay A+

Mots-clés : aliénation – quête d’identité – mythe des origines. « Au Mythe du colon défricheur, Kateb opposera celui de l’ancêtre next page fondateur.  » Djaider-Khadda, 1983 Né à cheval entre de génération que les c époque auront forte appartient à une ociales de son Enfant, il sera jeté dans la « gueule du loup c’est-à-dire à l’école française, où il apprendra la langue de l’occupant et sera introduit à sa culture.

Loin d’y voir un enrichissement, Kateb considérera cela comme le début de l’aliénation linguistique et culturelle: Dès l’âge le plus tendre, à l’école, des Algériens de ma génération ont connu le déchirement entre ce qu’ils étaient et ce qu’ils apprenaient. Avides d’absorber cette culture française qui s’offrait à nous comme LA CULTURE, la f Sv. ‘ipe to fenêtre ouverte sur le monde moderne, nous n’en ressentions pas davantage tout ce qui la séparait de notre place au sein de nos familles dans la communauté des vaincus, des humiliés, des pauvres.

Je découvrais que ce que j’avais appris pendant la journée m’isolait lentement de mon milieu. Je devenais l’intrus, presque l’ennemi. Dans ma bouche, les miens retrouvaient le langage du vainqueur… Ainsi je vivais sans répit le heurt de deux mondes. » (Témoignage Chrétien, 04-04-1958) Les manifestations nationalistes de mai 1945, auxquelles, alors jeune lycéen, il participera, seront pour lui une expérience douloureuse et le marqueront pour le restant de sa vie : arrêté, il sera emprisonné, torturé, et, une fois libéré, il se retrouvera exclu du lycée.

La naveté de l’adolescent disparaîtra et une prise de conscience aura lieu qui lui fera découvrir sa condition de colonisé, d’aliéné, d’exploité. Alors commencera une longue quête d’identité, accompagnée d’un questionnement et d’une évaluation du passé : Qui suis-je ? Qui sommes-nous ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi tant de défaites séculaires ?

Ce qui singularisera la quête et la démarche de Kateb, c’est qu’elle se fera au niveau de l’imaginaire : doué pour l’écriture, ou plutôt « écrivain-né », il transposera sa quête dans le monde de la littérature afin d’en faire une épopée, celle de l’Algérie, son pays meurtri, « une patrie en gestation qui n’en finit pas de venir au monde La quête commencera par une plongée dans le passé, celui de la famil 2 finit pas de venir au monde ». amille, de la tribu : « Ce n’est pas revenir en arrière que d’honorer notre tribu, le seul lien qui nous reste pour nous unir et nous retrouver, même si nous espérons mieux que cela. » (Nedjma, 1956 : 123) Faute de faits historiques suffisants, Kateb procédera à une fonctionnalisation du mythe des origines à des fins littéraires, et qui sera fondé sur deux éléments : le nom et le lieu. – Keblout, l’ancêtre éponyme de la tribu, personne historique, era transformé en un personnage mythique « qui représente(ra) à la fois une sauvegarde historique (et) une référence culturelle, philosophique, ethnique. (Mireille Djaider, Lucette Hedroug 1973 : 3). – Quant au Nadhor, terre de la tribu, que Kateb ne visitera pour la première fois qu’en 1966, soit dix années après la parution de Nedjma, il deviendra dans le roman le but d’un voyage initiatique et spirituel à la recherche de la vérité et de l’absolution, rappelant beaucoup la selva scura du début de La Divine Comédie de Dante Alighieri, où le « personnage-narrateur » s’égare pour entamer sa escente aux enfers puis son ascension au paradis.

Keblout et le Nadhor prendront ainsi une dimension a-historique l’ancêtre Keblout, « aux yeux sombres et malins », deviendra une figure mythique dont l’origine remonte à la nuit des temps, et le Nadhor, « où se trouvent encore les dernières épaves de la tribu deviendra un microcosme, symbole et ersatz du paradis perdu. 3 dernières épaves de la tribu », deviendra un microcosme, symbole et ersatz du paradis perdu.

La dimension nationale de la quête sera atteinte grâce à une amplification du mythe des origines par le recours à deux autres igures historiques et symboliques de l’Algérie : Jugurtha et l’Emir Abdelkader, à qui Kateb donnera également une dimension mythique en faisant d’eux des ancêtres fondateurs. Au niveau du roman, c’est surtout à travers le personnage de Rachid que se fera la quête.

Il est celui qui se distingue le plus des autres protagonistes : au caractère problématique, il est hanté par le passé, l’histoire, les légendes, les mythes. Sinterrogeant sans cesse sur les raisons des défaites séculaires, les déboires du présent et les difficultés à envisager l’avenir, il est e «Sphinx aux lunettes noires, aveuglé par le mystère originel, prisonnier de Khadda,1983 : 95) C’est par Si Mokhtar, figure proche de la légende, qu »il sera introduit dans les secrets de la tribu.

Si Mokhtar symbolisera de sa génération ceux qui ont accepté la défaite et se sont compromis avec le colonisateur en se laissant fasciner par son luxe: « Et les fils des chefs vaincus se trouvaient riches d’argent et de bijoux ; ils n’étaient pas sans ressentir l’offense, sans garder au fond de leur retraite le goût du combat qui leur était refusé ; il a allu boire la coupe, dépenser l’argent, et prendre place en dupe au banquet : alors s’allumèrent les feux de l’orgie. » (Nedjma, p. 03) Arrivé en fin de vie, Si Mo 4 banquet : alors s’allumèrent les feux de l’orge. » (Ned]ma, p. 103) Arrivé en fin de vie, Si Mokhtar veut se réconcilier avec lui- même, avec le passé et réparer ses fautes, car la malédiction des ancêtres continuait à poursuivre les descendants. Il rêve également de réconcilier HAIgérle avec son passé. Elle sera symbolisée dans le roman par le personnage de Nedjma qu’il avira avec l’aide Rachid, pour les ramener tous les deux au Nadhor, dans l’espoir de les unir par les liens du mariage et réaliser par là l’unité perdue.

Arrivé à destination, il sera « atteint par la foudre » et succombera à ses blessures (on remarquera ici la symbolique du feu comme élément purificateur mais aussi « punificateur Y, (si l’on peut se permettre le terme à côté de purificateur). Il sera enterré dans la terre des ancêtres par les gens de la tribu, trouvant enfin la paix. Nedjma sera accueillie et acceptée par la tribu conformément la volonté de Keblout, parce que victime et non responsable de ce qui est advenu.

Quant à Rachid, il sera refoulé et chassé du territoire de la tribu par Le Nègre, messager des ancêtres et gardien du sanctuaire et qui semble symboliser ici la dimension africaine de l’Algérie : « Keblout a dit de ne protéger que ses filles. Quant aux mâles vagabonds, dit l’ancêtre Keblout, qu’ils errent par monts et par vaux, eux qui n’ont pas su défendre leur terre. » (Nedjma, p. 151) Cette étape, qui est cruciale, est précédée par le voyage de Rachid et Si Mokhtar à la Mecque, pèlerinage manqué qui ne

S est précédée par le voyage de Rachid et Si Mokhtar à la Mecque, pèlerinage manqué qui ne dépassera pas le port de Djeddah, et qui sera présenté par l’auteur comme un périple au cours duquel Rachid ne risquait pas de trouver ce qu »il cherchait. Ce ne sera d’ailleurs qu’au retour, par un soir de tempête, que Si Mokhtar, en transes sous l’effet du mal de mer et d’une éruption de fièvre, fera ses révélations à Rachid et lui livrera les secrets de la tribu.

C’est aussi au cours de ce même retour que Keblout apparaîtra pour la première fois en rêve à Rachid. Ce retour s’avérera être le vrai départ, celui d’un voyage initiatique vers le lieu où se trouve la Vérité, à savoir le Nadhor. Ce sera en quelque sorte le « vrai pélerinage b, un « pélerinage paien b, pour utiliser les termes de Mourad Bourboune, vers le lieu symbole, le sanctuaire où se trouve le mausolée de la tribu, entre ciel et terre, entre réel et imaginaire, entre Histoire et mythe. épisode du Nadhor, comme l’a souligné Zoubeida Boutaleb, est le noeud du récit, mais il est aussi celui du dénouement : c’est là que Si Mokhtar essayera en vain de reconstituer l’unité t la pureté perdues, et c’est là aussi que l’Histoire prendra sa revanche sur le mythe, par le refoulement de Rachid qui «échoue au fond du foundouq entre ciel et terre, troglodyte submergé par l’Histoire et l’herbe de l’oubli, [témoignant] indirectement de l’échec de la parole ancestrale. (Khadda-Djaider, 1983 : 95). Roman symbolique, Nedjma est caractérisé par l’interférence de de ancestrale. » (Khadda-Djalder, 1983 : 95). deux discours: l’un transitif, tourné vers le réel, l’autre intransitif, centré sur les contradictions des personnages ; et de deux ordres : l’un hronologique, relevant du temps de l’Histoire, et l’autre, que Ricardou appelle « morphologique et qui est lié au temps du mythe.

La rupture avec le temps du mythe sera consacrée, après l’échec de Rachid, par l’entrée en scène et en action du personnage de Lakhdar, qui s’échappera de sa cellule (au sens propre et au figuré), pour réagir et agir contre la réalité coloniale, représentant l’Homme responsable, maître de ses actes, acteur face à l’Histoire. Bibliographie Boutaleb, Zoubeida. 1982. Réalité et Symbole dans Nedjma de Kateb Yacine, Mémoire de Maîtrise, Université d’Alger, Alger, OPIJ. Djaider, Mireille et Lucette Herdroug. 1973.