Dialnet LeDomeurDuValDeRimbaudEtLorientationTragiqueDuTopo 3325135 1
Anales de Filolog(a Francesa, n. 0 17, 2009 JUAN HERRERO CECILIA Le dormeur du val de Rimbaud et l’orientation tragique du topos littéraire du « locus amoenus »: analyse énonciative et communicative du poème Juan Herrero Cecilia Universidad de Castilla-La Mancha Resumen: Abstract: orq2 Sni* to View « ‘Le dormeur du val d trégica del topos literario del « locus amoenus »: anélisis enunciativo y comunicativo del poema ». (suprimir) Este art(culo se propane realizar una anélisis estético y comunicativo soneto « Le Dormeur du val » de Rimbaud estudiando la dimensiôn enunciativa, temética, etérlca y ritmica del poema. no de los objetivos principales consiste en observar c6mo funciona en el texto la « poética del espacio » y la orientaciôn trégica del tôpico literario del « locus amoenus » como estrategia retérica para sorprender al lector. Esta estrategia va unida a una estética « parnasiana » que Rimbaud ha cultivado de manera brillante en su primera época, antes de convertirse en un poeta « voyant ». expectations. Such strategies are associated With Rimbaud’s former Parnassian aesthetics, prior to his becoming a visionary poet. Anélisis del discurso estético de la poesia. La retôrica del « locus amoenus ». Rimbaud. La estética « parnasiana ».
Poes(a francesa del sigla XIX. Aesthetic discourse in poetry. Rhetorics of ‘locus amoenus’. Rimbaud. Parnassian aesthetics. XXth century French poetry. Palabras-clave: Key-words: 153 Anales de Filolog{a Francesa, n. 0 17, 2009 LE DORMEUR DU VAL DE RIMBAUD ETE L • ORIENTATION TRAGIQUE DU TOPOS Le dormeur du val C’est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent; où le soleil, de la montagne fière, Luit: c’est un petit val qui mousse de rayons. 4 Un soldat ieune, bouche o PAGF 2 ici quelques précisions sur le moment de l’écriture et de la publication de ce poème de Rimbaud.
Le sonnet intitulé Le Dormeur du val fait partie des vingt-deux textes contenus dans un cahier que Rimbaud a confié à son ami Paul Demeny en octobre 1870. Le recueil de Demeny est connu aussi avec le nom de Recueil de Douai. Selon l’Autographe (British Library) du Recueil de Douai2, ce sonnet est daté d’octobre 1870, à l’époque des errances 2 Rimbaud (1972: 79-80). pour le Recueil de Douai, voir http://abardel. free. fr /tout_rimbaud/recueil_de_douai. htm . On peut voir aussi Les « Cahiers de Douai » analysés par Pierre Brunel: http://abardel. free. fr/recueil_de_douai/brunel. htm. 54 de Rimbaud au début de la guerre franco-prussienne. Le texte sera publié pour la première fois en 1888 dans l’Anthologie des Poètes français (Éd. Lemerre) avec le titre « Le dormeur au val ». Dans un texte poétique, la dlmension énonciative est fondamentale parce que le poème est d’abord un discours. Mais il s’agit d’un discours esthétique et artistique spécial, qui est le résultat de l’activité d’imagination et d’écriture d’un sujet créateur. Dans l’énoncé qui onstitue le poème se pro- ee, en effet, la sensibilité PAGF 3 9 dans la recherche de ce qui fait de lui un être de signification.
C’est pour cette raison que le poème a pu être le lieu privilégié de l’émotion, manifestation historique du sujet’ (1991 : 30). Mais comme la poésie est un discours esthétique et imaginatif, il faut tracer une différence pertinente entre fauteur créateur du poème et la voix du sujet qui énonce le discours spécifique du poème. Cette voix intratextuelle est une énonciation représentée artistiquement, qui a été mise en scène par ‘imagination et l’écriture de l’auteur créateur.
Celui-ci a choisi la parole qui énonce le poème et il l’a mise en relation avec une situation communicative déterminée (d’euphorie ou de tristesse, de joie ou de douleur, etc. ). Cette situation motive le ton et Vintentionnalité du discours. Elle se projette et se révèle dans l’énoncé par le type de prise en charge énonciative que le texte véhicule (marques linguistiques de la personne, modalisations énonciatives, interaction communicative, actes de discours) et par l’intentionnalité qui dirige l’orientation argumentative du thème tralté et les ffets recherchés chez le destinataire ou chez le lecteur du poème.
La voix du sujet énonciateur dont la parole trace le parcours thématique, émotif et rythmique du poème correspond un Je lyrique idéalisé et imaginaire, qui a été inventé par l’auteur pour prendre en charge ce qui est dit dans le discours spécifique du texte. L’auteur peut s’identifier ou se distancier de ce Je textuel. Il s’agit donc d’une voix associée à l’énoncé du poème. Cette voix, que [‘on perçoit à travers pacte de lecture, se situe main 2 associée à Hénoncé du poème.
Cette voix, que l’on erçoit à travers Pacte de lecture, se situe maintenant au-delà du temps existentiel de l’auteur, et le lecteur qui la découvre peut s’ldentifier avec elle. Le « Je » lyrique intratextuel peut se manifester à travers la marque subjective de la première personne ou à travers la marque objective de la troisième personne. Dans Le dormeur du val, la voix du sujet qui énonce l’univers thématique configuré par le discours, adopte les marques de la troisième personne.
II ne se projette pas subjectivement dans l’énoncé. Il prend une distance adoptant un type « délocutif’ d’énonciation (sauf quand l recourt à l’impératif) pour offrir au lecteur un spectacle contemplé comme un fait « objectiff qui semble s’imposer par lui-même ici et maintenant (recours au présent de l’indicatif). Le spectacle surgit d’un acte de description (accompli d’une manière esthétique et rythmique) d’un « petit val » où il y a une « rivière » à côte de laquelle semble « dormir »‘ un jeune « soldar’.
Le lecteur n’est pas alors le destinataire intratextuel du message, mais un destinataire externe 155 LE DORMEUR DU VAL DE RIMBAUD ETE L ‘ORIENTATION qui suit le parcours que trace la parole-regard du sujet ?nonciateur ici et maintenant. Le vrai destinataire ou interlocuteur interne est un Tu (signalé par le vocatif et par la deuxième er sonne de l’impératif) auquel s’adresse la voix énonciatr rs 11: « Nature, bercele PAGF s 9 chaudement: il a froid ».
L’énonciateur interpelle la Nature et la personnifie en la transformant en une force mythique (une Mère cosmique) comme nous l’observerons plus loin. Dans son parcours descriptif et contemplatif, le sujet énonciateur (apparemment impersonnel) se laisse emporter par une activité de rêverie devant le spectacle décrit. Cette rêverie ontemplative est « orientée » en fonction d’un but communicatif déterminé.
Elle part, en effet, de la description d’un lieu idyllique qui actualise le topos ou le cliché littéraire du locus amoenus, présenté ici comme un espace euphorique qui forme un « lit vert » dans lequel semble dormir paisiblement un jeune soldat. Mals, peu à peu, la voix énonclatrice va tracer une opposition entre la luminosité vivante de la nature cosmique et la couleur pâle du visage du soldat qui semble annoncer le froid et la rigidité du sommeil de la mort.
Le petit val éclatant de lumière et de fraîcheur devient le berceau d’un « enfant alade » et, finalement, une espèce de cercueil naturel qui contient le cadavre d’un jeune soldat qui a été tué par deux balles. Le lieu idyllique s’est transformé alors en un espace dysphorique et tragique. Tous les éléments de la description et de la configuration thématique étaient donc orientés vers la révélation brutale du dénouement.
La parole descriptive opère ainsi une métamorphose qui cherche à produire chez le lecteur une impression de choc, de surprise et de stupeur, parce que la fin du poème révèle que le sommell paisible du jeune soldat dans son « lit vert » est, en éalité, le sommeil de la mort, et que cette mort (sugg 6 9 soldat dans son « lit vert » est, en réalité, le sommeil de la mort, et que cette mort (suggérée par les « deux trous rouges au côté droit’ a été le résultat d’un acte d’agresslon violente et meurtrière qui demeure implicite et que le lecteur pourrait imaginer.
S’agit-il d’un déserteur3 qui a été exécuté? , ou bien ce jeune soldat a-t-il été grièvement blessé dans les combats et serait-il venu dans ce lieu idyllique pour mourir tranquillement Que ce soit l’une ou l’autre possibilité, l’annonce de la mort iolente du jeune soldat prend un aspect absurde et inattendu, parce qu’il est « jeune » et a trouvé une mort tragique dans la fleur de la vie, et parce que le lieu où il repose est en contradiction avec la mort, ce lieu étant présenté sous le signe du dynamisme vivant de la nature et du cosmos.
En tout cas, l’effet de contraste et de surprise se produit parce que le sujet énonciateur a caché dès le début au lecteur l’information sur la mort violente du jeune soldat. Cette information sera donnée à la fin marquant ainsi une forte opposition sémantique entre le premier « C’est n trou de verdure où chante une rivière », et le dernier « Il a deux trous rouges au côté droit ». Ces « deux trous rouges » tracent, en effet, un lien rétrospectif antithétique (sous la forme d’un écho) avec le « trou de verdure » qui ouvrait le poème.
La visée communicative du texte ne cherche pas, par conséquent, à éblouir le lecteur avec la richesse plastique des images mais à le faire percevoir et sentir, par le moyen d’une L’hypothèse du « déserteur » a été adoptée par le chanteur Serge Reggiani qui a récité ce 7 9 d’une Reggiani qui a récité ce poème de Rimbaud omme une espèce d’introduction à la chanson Le Déserteur, composée par Boris Vian. 56 Anales de Filolog(a Francesa, n. D 17, 2009 description esthétique et par le choc de la révélation du dernier vers, la réalité tragique de la mort d’un jeune soldat. Cette réalité renvoie, par implication logique, aux horreurs de la guerre où des jeunes soldats trouvent la mort d’une manière fatale et absurde. L’auteur n’a pas voulu préciser Fidentité du soldat ni les circonstances concrètes de sa mort.
Il laisse cet aspect dans l’impréclsion et l’ambiguïté, parce que ce poème n’est as un document social ou historique, mais une vision plastique, émotive et rythmique d’un spectacle qui prend un pouvoir spécial d’illumination et d’évocation é travers le parcours esthétique tracé par la parole poétique. Ainsi, adoptant une voie allusive et imaginative, la description esthétique implique et contient un acte de dénonciation sociale. Rimbaud a réalisé directement l’acte de dénonciation des horreurs de la guerre dans un autre poème intitulé Le Mal, qui appartient aussi au Recueil de Douai4. . 2. La poétique de l’espace et l’orientation tragique du topos ittéraire du « locus amoen atéeie rhétorique pour PAGF B9 malaise et de surprise chez le lecteur, parce que ce contraste implique, de la part de l’énonciateur, une transformation ou une inversion du symbolisme euphorlque de l’espace associé au topos ittéraire du « locus amoenus ». Dans son parcours thématique, le sujet énonciateur va orienter, en effet, ce lieu commun vers une signification tragique qu’ produit un effet inattendu et frappant.
Le topos du « locus amoenus » est un procédé rhétorique et descriptif très ancien. Il se présente dans la tradition littéraire comme la description ‘un endroit idéalisé, confortable et protecteur (une espèce de verger traversé par une rivière ou situé au milieu d’un bois). Ce lieu commun stéréotypé a été cultivé dans la littérature occidentale de l’Antiquité. On le trouve chez Homère, et il a acquis une place très significative dans les genres bucoliques et pastoraux de certains poètes comme Théocrite et Virgile.
Horace en fait le commentaire dans son Ars poetica. Ce type de paysage idéalisé sera repris comme un lieu commun par les écrivains de la littérature européenne du Moyen Âges et de la Renaissance adoptant la forme du pré verdoyant et plein de fraîcheur ou la forme d’un bois impressionnant avec des arbres gigantesques. À l’époque du Romantisme, ce lieu commun littéraire sera re-orienté sous la perspective de la mélancolie ou sous la perspective de la mystérieuse communion entre l’âme sensible du sujet et l’âme de l’univers (le dynamisme vital cosmique). our les poètes parnassiens postromantiques, la relation entre le paysage Ce sonnet est un acte de PAGF g 9 irulente, sarcastique et entre le paysage Ce sonnet est un acte de dénonciation virulente, sarcastique et blasphème. Voici le premier quatrain: « Tandis que les crachats rouges de la mitraille ‘Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu;/ Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,’ Croulent les bataillons en masse dans le feu etc. Rimbaud, 1972:77) Voir à ce sujet l’ouvrage de Curtius (1 955), et le commentaire de Lida de Malkiel (1 975: 271-286) que l’on peut trouver dans la web: http://www. geocities. com/urunuela31 /lidamalkiel/euroliteundilatemitte. htm 157 LE DORMEUR DU VAL DE RIMBAUD ETE L ‘ ORIENTATION idyllique ou bucolique et l’être humain devient un thème significatif pour cultiver un type de oésie qui refuse le lyrisme personnel et qui valorise le travail plastique et rythmique de la forme.
Les poètes parnassiens sont les disciples de Leconte de Lisle et de Théophile Gautier6. Ils poursuivent l’idéal de « l’art pour l’art » privilégiant une poésie descriptive qui doit égaler, par sa perfection, la beauté de l’objet choisi. Chez les poètes parnassiens, on trouve souvent le topos de la description ou de la contemplation esthétique d’un spectacle macabre ou tragique dans un lieu idyllique. Le poète évoque d’une manière rythmi ue le m stère de la fatalité du destin en mettant en relie