Ce que les réformes constitutionnelles font au Parlement
Cette conception s’efforce de faire du Roi, un Calife de droit grand pontife, joignant à son autorité spirituelle une autorité temporelle illimitée. Sous l’angle de la tradition islamique, la suprématie royale trouve sa raison d’être et sa justification dans Pimpératif d’unité et de cohésion des musulmans autour du Calife dont la piété. L’article 19, qui a traduit le maintien dans la constitution marocaine de la suprématie califale, est le tronc unificateur indispensable pour défendre la religion et garder la communauté musulmane dans la voie ordonnée par Allah et son Prophète.
Ainsi, les apports de la révision constitutionnelle de 1996 ont bien situation de subordinations vis-à-vis de l’institution royale qui fixe les règles du jeu institutionnel et garde la main haute sur l’opération constitutionnelle. Mais, avec la dernière réforme constitutionnelle annoncée par le Roi Mohamed VI en juin 201 1, les rédacteurs du nouveau texte constitutionnel ont bien voulu définir le pouvoir législatif. Ce nouveau texte est plus détaillé que la constitution de 1996 : les pouvoirs du parlement se voient largement étoffés par les dispositions de la nouvelle mouture.
Cinstitution parlementaire acquiert désormais une existence propre qui doit grande chose au nouveau texte constitutionnel. Le réaménagement de l’espace législatif génère une situation particulière qu’on désigne ici comme la « naissance d’une institution Le présent article se veut un essai de description analytique de la place du parlement dans le système constitutionnel marocain à la lumière des réformes constitutionnelles de 1996 et de 2011 Cette description analytique nous permet aussi de mettre implicitement en comparaisons deux conceptions royales de la réforme constitutionnelle.
A- La réforme constitutionnelle de 1996 : retour au bicaméralisme Avec la révision constitutionnelle de 1996, le Parlement se voit divisé en deux chambres. La Chambre des représentants sera élue désormais pour cinq ans et dans son ensemble au suffraee universel direct. L s conseillers sera élue 2 5 représentants : 3/5 de ses membres élus dans chaque région par un collège électoral composé de représentants des collectivités locales, 2/5 élus dans chaque région par des élus des chambres professionnelles et l’échelon national par des représentants des salariés.
La constitution renvoie à la loi organique pour fixer notamment le nombre de représentants et de conseillers et pour les répartitions au sein des collèges électoraux qui élisent les conseillers. Les deux chambres participent à l’élaboration de la loi. Représentants et Conseillers ont l’initiative des lois et le droit d’amendement. Ils peuvent aussi proposer des révisions. Le Premier ministre peut déposer une loi devant l’une ou l’autre chambre. Le Parlement dans son ensemble peut habiliter le gouvernement à prendre par décret des mesures législatives puis, il les ratifie.
Les propositions et projets sont examinés par les deux chambres pour parvenir l’adoption d’un texte identique. Toutefois, en cas de désaccord persistant après la réunion d’une commission paritaire, le gouvernement peut donner le dernier mot à la Chambre des représentants qui doit alors se prononcer à la majorité absolue de ses membres (article 58). Au total donc, la Chambre des Conseillers ne se réduit pas au rôle d’alimenter le travail législatif par les considérations concrètes et pragmatiques liées aux intérêts locaux, régionaux et professionnels.
Elle détient un pouvoir éminemment politique, ssentiellement en matière de contrôle du gouvernement, ainsi qu’un pouvoir de veto législatif auquel Hassan Il a donné l’explication suivante : « L’ signifie que les membres 3 5 donné l’explication suivante : « L’avertissement signifie que les membres de la seconde chambre sont extrêmement mécontents du comportement du gouvernement qui n’a pas pris en compte leurs conseils et leurs points de vue.
Si la chambre des conseillers et le gouvernement ne parviennent pas à une solution qui donne satisfaction à la chambre des conseillers, celle-ci peut, après avoir adressé l’avertissement écrit et après avoir couté le gouvernement, le faire 2 tomber par un vote de deux tiers de ses membres »1. La motion d’avertissement doit être signée par le tiers au moins des conseillers, et doit être votée à la ma]orité absolue des membres composant la Chambre (article 77).
Cela signifie que la responsabilité du gouvernent ne peut être décelée seulement à travers l’article 75 du texte constitutionnel de 1996 qui fait de la Chambre des représentants, le seul organe jouissant du privilège de voter les questions de confiance sur le programme présenté par le Premier ministre après sa nomination par le rol
Ce but de sauvegarde de l’équilibre entre les deux chambres peut conduire à un régime caractère parlementaire avec une majorité nettement et incontestablement élue à la Chambre des représentants, la Chambre des conseillers demeurant chambre de réflexion et d’approfondissement d’un travail parlementaire et d’une action de concert majoritégouvernement qui respecte le cadre général défini par le roi.
Dans cette ers ective, Hassan a ouvert le leu en souhaita reprises une utilisation 4 25 entretien avec la presse française de 1 996, il pense (le roi) que « tout marocain, conscient, omme je l’ai dit tout à l’heure de sa marocanité et de son patriotisme, confronté à la responsabilité de gouverner, est capable de mener ce pays à bon port Je ne pense pas qu’une partie de la population de ce pays puisse prétendre pouvoir gouverner et l’autre avoir la crainte de gouverner.
Tous sont capables de le faire »2. La constitution de 1 996 a été établie dans la perspective de répondre à une double exigence : assurer la maîtrise du roi sur le système constitutionnel et donner une consécration au rapprochement politique entre la monarchie et les partis de la Koutla démocratique3, tout n maintenant la constitution implicite, qui est seule capable de permettre au roi, en sa qualité de Commandeur des croyants, de définir et de délimiter les contours du jeu politique.
Le développement des pouvoirs implicites atteste qu’une modification explicite des règles « Discours royal du 20/08/1996 21/08/1996. 3 e Matin du Sahara du La constitution de la Koutla Démocratique (Bloc Démocratique) est une conséquence de la coordination des divers partis dits d’opposition pour unifier l’ensemble de leurs activités politiques concernant la participation au gouvernement. Au niveau politique, le travail unitaire des partis ‘opposition officielle s’est limité avant tout aux parti de l’Istiqlal (Pl) et l’Union Socialiste des Forces Populaires (IJSFP).
Il convient d’évoquer ici les ra orts historiques liant ces deux litiques depuis la s 5 constitution de Front National en 1970. Mais la différence entre les décennies quatre vingt dix et la décennie soixante dix réside dans le fait que les deux grands partis (Pl et IJSFP) ont pu rallier à eux d’autres petites formations, en l’occurrence le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), l’Organisation d’Action Démocratique et Populaire (OADP) et l’Union Nationale des Forces Populaires (UNFP).
Dans la déclaration finale de fondation du Bloc Démocratique, qui a eu lieu le 26 mai 1992, tous les partis de la Koutla Démocratique ont insisté sur ce qu’ils pourront réaliser à travers ce trava I : « Le bloc, d’après ses fondateurs comme d’après les populations pauvres de ce pays, est un projet de travail pour une renaissance nationale et démocratique il n’est pas au contraire une force électorale » constitutionnelles règne sans altérer les pouvoirs implicites du Roi en tant qu’Amir Al Mouminine.
Si ces pouvoirs s’expliquent par une nouvelle lecture e la constitution de 1996, il nous est possible de les saisir et de les comprendre au regard de la conception royale de la monarchie constitutionnelle et de la séparation des pouvoirs. Dans le domaine législatif, les pouvoirs et le rôle du roi tirent leur validité et leur force du texte constitutionnel et de l’Islam.
Nous savons qu’en réalité, conformément aux interprétations dominantes de la religion islamique, le titulaire du pouvoir législatif reste limité dans l’exercice de ses fonctions puisque le Coran a tout prévu. Toute modification serait considérée comme une innovation qui aux yeux des octeurs de la loi islamiqu 6 25 yeux des docteurs de la loi islamique n’est qu’un « bidâ » (hérésie).
Cependant, si la volonté du souverain ne doit jamais contredire une règle fondamentale du Coran, c’est-à-dire de l’Islam, le roi a le droit, voire même le devoir d’interpréter afin de suppléer la shari’a. Le pouvoir législatif du roi est limité par les grands principes de l’Islam ; dans les faits, ce rôle est plutôt important car le monarque aura parfois recours à des règles à caractère « profane » dans une certaine mesure pour réglementer les institutions.
En vertu des articles de la constitution de 1996, le roi dispose d’un certain nombre de moyens d’action dans le domaine législatif : – L’orientation du travail législatif : elle peut être précisée dans le discours que le roi prononce à l’ouverture de la première session parlementaire (article 40), elle peut aussi être saisi sous forme de message royal au parlement dont le contenu ne peut faire l’objet d’aucun débat (article 28). – Il demande par un message au parlement, une nouvelle lecture de tout projet ou proposition de loi (article 67). – La sanction royale : elle s’est traduite par le pouvoir d’empêcher ans deux cas.
Premier cas : celui de rentrée en vigueur de la loi votée par le parlement, dans la mesure où le roi promulgue la loi sans qu’un délai ait été prévu à cet effet (rarticle 26 de cette constitution de 1972). A partir de la réforme constitutionnelle de 1992, Farticle 26 prévoit que la promulgation devra intervenir « dans les trente jours qui suivent la transmission au gouvernement de la loi dé doptée ». Second cas : 25 définitivement adoptée Second cas : celui de l’adoption de la 101 par le parlement selon la voie référendaire et les modalités prévues par l’article 69 de la 4 onstitution de 19964.
Ici, le pouvoir d’empêcher du roi peut aller jusqu’à sanctionner le parlement par sa dissolution (article 71). A cela s’ajoute, le droit de suppléance conféré au roi par les articles 102 et 71 de la constitution de 1972 est maintenu par Particle 72 de la constitution de 1996 5 . Selon les termes de l’article 102, les mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions constitutionnelles, au fonctionnement des pouvoirs publics et à la conduite des affaires de l’Etat seront prises par Sa Majesté le Roi jusqu’à l’installation de la Chambre des représentants.
Quant à l’article 71, il stipule que « félection de la nouvelle Chambre des Représentants intervient trois mois au plus tard, après la dissolution. Le Roi exerce entre temps, pour pallier le vide, outre les pouvoirs qui lui sont reconnus par la présente constitution, ceux dévolus à la Chambre des Représentants Mais, en recourant à l’article 19, au lieu des articles 71 et 102, pour suspendre les travaux du parlement de 19776, le roi a préféré la logique califale qui fait de lui, le législateur de droit commun et du parlement « législateur d’attribution »7.
On rappelle que ce dernier n’exerce es fonctions qu’en vertu d’une délégation, somme toute réversible 8. Le parlement marocain n’a ni cette gam 8 5 la doit à un texte constitutionnel, d’autant plus que ce texte a été élaboré et soumis au référendum par le roi lui-même. Un autre événement témoigne du caractère incontestable de l’autorité suprême du roi. C’est le message que le roi Hassan Il adresse à la nation le 22 novembre 1989 pour l’informer de sa décision de soumettre au référendum populaire un projet permettant la prorogation du mandat de toutes les institutions élues, aussi bien locales que nationales, de deux ans.
La décision Le Roi peut, après une nouvelle lecture, soumettre, par dahir, au référendum tout projet ou proposition de loi, hormis le cas où le texte du projet ou de la proposition de loi soumis à la nouvelle lecture aurait été adopté ou rejeté par chacune des deux Chambres à la majorité des deux tiers des membres la composant ». 5 « L’élection du nouveau Parlement ou de la nouvelle Chambre intervient trois mois, au plus tard, après la dissolution.
Le Roi exerce entre-temps, outre les pouvoirs qui lui seront reconnus par la présente Constitution, ceux dévolus au Parlement en matière législative Cf. l’article 72 e la constitution de 1996. 6 L’article premier du « dahir qui a suspendu les travaux du parlement de 1977 déclare que « Notre honorable Majesté « exercera » le pouvoir législatif à partir du 7 moharrem 1404 (14 octobre 1983), jusqu’à l’ouverture de la première session parlementaire qui suit les élections législatives prochaines 7 Casablanca, Toubkal, 1985, pp. 7-67. 8 Cette interprétation est explicitement invoquée par le roi Hassan Il qui a rappelé à l’occasion de la fête de la Révolution du Roi et du Peuple (20 août 1992) que « le fait que je délègue certains pouvoirs au gouvernement et u parlement ne signifie point cession ». Cf. copinion du 21 août 1992. royale prise par dahir 9 est justifiée par des considérations politiques relatives à la question du Sahara Occidental.
A cette occasion, le monarque a déclaré qu’ « au cours de l’été prochain, devraient avoir lieu les élections législatives et municipales. Ces élections devant obligatoirement concerner le territoire marocain, d’El Gouira Tanger, il serait anormal que nous disions « puisque le référendum va avoir lieu dans les provinces sahariennes, cellesci ne devraient pas élire leurs députés et conseillers municipaux. Aussi Nous avons décidé d’ajourner de deux années les élections sur tout le territoire marocain.
Comme tu le sais, cher peuple, la constitution a fixé la durée du mandat pour chacun des parlementaires et que seul un référendum peut réduire ou proroger la durée de ce mandat. Notre constitution ne prévoit pas d’autre procédure de révision constitutionnelle que le recours au peuple »10. Si ron se réfère aux dispositions de la constitution marocaine de 1972, on constate qu’elles ne prévoient pas d’autres mo ens de révision constitutionnelle l’exception du référendu 0 5