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LES QUARTIERS DURABLES EN EUROPE : UN TOURNANT URBANISTIQUE ? Emelianoff Cyria, maitre de conférences à l’Université du Maine, GREGUM ESO, UMR 6590 CNRS Mots clés . urbanisme durable, villes européennes, développement urbain durable, quartier durable, éco-quartier Références bibliographiques EMELIANOFF C„ 2005. « La ville durable en quête de transversalité ln N. Mathieu, Y. Guermond (dir. ), La ville durable, du politique au scientifique. Ed Cemagref, INRA, pi 29-142.

EMELIANOFF C„ 200 et Politique no 29, Syl s oru Abstract • Depuis une décennie jour en Europe, souv Sni* to View urable ? Ecologie durables voient le d’expositions internationales, pourvoyeuses de fonds et d’exemplarité. Héritiers des premiers quartiers écologiques, ils en diffèrent par leur taille (quelques milliers ou dizaines de milliers de logements et d’emplois) et une de leur finalité : offrir une forte qualité de vie in situ et freiner l’étalement urbain.

Les villes nordeuropéennes, notamment scandlnaves, en offrent les premiers exemples, où prédominent les préoccupations environnementales et la recherche de performances écologiques, comme à Helsinki, Stockholm ou Malmb. Les expériences allemandes intègrent mieux des exigences sociales elles que la mixité, lorsque les villes gardent la maîtrise du foncier, comme à Hanovre. L’urbanisme durable reste un courant urbanistique assez peu théorisé, si on le compare à l’urbanisme moderne et des effets vitrines.

Une caractéristique originale de ces opérations est leur insertion dans une écologie conçue à l’échelle planétaire . diminution des émissions de gaz à effet de serre, gestion écologique des eaux pluviales et biodiversité, matériaux écologiques. La compacité, la mixité fonctionnelle et la mobilité douce traduisent en termes urbanistiques ces exigences, a priori plus écologiques que sociales.

Ces quartiers ont pourtant l’ambition de constituer de nouveaux morceaux de ville et de réhabiliter l’habitat urbain, qu’il soit collectif ou individuel (maisons de ville), en le rendant attractif, désirable, soclalement accessible.. défi pour le moins très ambitieux si l’on considère que la fabrique urbaine obéit à des processus difficilement planifiables où jouent en chaîne les prix fonciers, les subventions à la mobilité, la dévalorisation de l’environnement urbain, la concurrence entre les collectivités.

A défaut de pouvoir agir sur l’ensemble de ces variables, les urbanistes cherchent à modifier Fimage et les eprésentations de la densité. La réinvention d’un rapport de proxlmité à la nature devient un élément central pour faire accepter la densité. Une écologie sensible s’impose ainsi à côté de paramètres plus abstraits (consommation d’énergie, d’eau, émissions de C02… ). Ces quartiers pilotes, dont il faudra examiner les contradictions, dessinent-ils un tournant urbanistique ?

L’urbanisme durable connaît à son actif un petit nombre de réalisations. Il se diffuse néanmoins selon différents gradients d’exigences : les quartiers durables, pour Pexemplarité, qui sert aussi le marketing territorial, les uartiers « amicaux pour l’environnement », dans les villes qui cherchent à éviter les surcoûts, à l’exem cherchent à éviter les surcoûts, à l’exemple des villes néerlandaises, et enfin, la « haute qualité environnementale » et ses variantes, lorsque l’éco-conditionnalité s’impose dans la construction ou la réhabilitation.

Si l’on considère ces multiples figures, on peut penser qu’un tournant urbanistique est enclenché. Mais quelle est la figure dominante de ce tournant ? Notre hypothèse est que les contradictions qui traversent les quartiers durables témoignent d’une tension au sein de ‘urbanisme durable entre une écologie qui s’attache ? une nouvelle manière d’habiter la Terre et la nouvelle compétition ouverte à récole de la performance environnementale. LES QUARTIERS DURABLES EN EUROPE .

UN TOURNAN GREGUM ESO, IJMR 6590 CNRS Résumé : La diffusion de l’urbanisme durable en Europe annonce-t-elle un tournant urbanistique, et si oui, de quelle nature ? L’article expose les principales caractéristiques des quartiers durables, en s’appuyant sur des études de terrain réalisées en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède. L’hypothèse est que les contradictions qui traversent es quartiers sont dues à une recherche de compétitivité et de performance environnementales, qui réduit leur contenu politique, s’attachant à une nouvelle manière d’habiter la Terre de faire société.

Depuis une dizaine d’années, des quartiers « durables » s’édifient en Europe en donnant un second souffle ? l’éco-construction. Héritiers des remiers quartiers écologiques ou éco-villaees qui ont o PAGF l’expérimentation (Ruano, 1999), à partir des années 1960, ils en différent par leur taille (en général quelques milliers de logements et d’emplois), leur mulfonctionnalité, et une e leur finalité : offrir une forte qualité de vie en milieu assez dense afin de freiner l’étalement urbain.

Ils s’installent souvent sur des friches ou bien prolongent l’urbanisation dense en périphérie. Les villes nord-européennes, notamment scandinaves, en offrent les exemples les plus caractérisés, où prédominent les préoccupations environnementales et la recherche de performances écologiques, comme à Helsinki, Stockholm ou Malmb. Les expériences allemandes intègrent mieux, en général, des exigences sociales telles que la mixité, lorsque les villes gardent la maîtrise du foncier.

Ces quartiers, dont les habitants sont parfois mais rarement ? l’origine, ont l’ambition de constituer de nouveaux morceaux de ville, de réhabiliter l’habitat urbain, qu’il soit collectif ou individuel (maisons de ville), en jouant sur la qualité de vie. Ce défi est pour le moins ambitieux si l’on considère que la fabrique urbaine obéit à des processus difficilement planifiables, où s’enchaînent la pression foncière, les subventions à la mobilité, la dévalorisation de l’environnement urbain, la demande d’un habitat plus spacieux. a concurrence entre les collectivités. On le sait, l’immobilier comme placement financier endant de plus en plus inaccessibles les centres urbains, le désir d’accession à la propriété et l’insuffisance des régulations intercommunales à réchelle des réglons urbaines Oouve et al. 2004) rendent déterminante la variable des prix fonciers, conduisant à la détente spatiale des agglomérations, à ‘hypermobilité et l’engorgement, la détente spatiale des agglomérations, à l’hypermobilité et l’engorgement, à l’urbanisation de zones à risques.

En réponse à ces tendances lourdes, rurbanisme durable s’affirme mais est pris entre deux feux : face à un autre mode d’habiter la terre, s’impose la performance écologique ou ?co-technologique ; face aux besoins de réhabilitation de Phabitat existant, la compétition est déclarée ouverte entre les nouveaux quartiers modèles, dits durables. On peut se demander dès lors si la diffusion de l’urbanisme durable en Europe dessine un tournant urbanistique, et s’interroger sur sa nature.

Après avoir mis en relief quelques unes de leurs caractéristiques, nous aborderons les contradictions ouvertes par ces nouvelles orientations. L’analyse s’appuie sur des études de terrain réalisées en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède de 2002 à 2006. 1. Une diffusion par paliers L’urbanisme durable est un courant urbanistique peu théorisé, si on le compare à l’urbanisme moderne marqué par l’autorité de ses chefs de file.

Des architectes aussl différents que Lucien Kroll ou Richard Rogers ont bien sûr contribué à construire la problématique, aux côtés de nombreux professionnels, sans toutefois imposer un cadre théorique de référence. L’urbanisme durable est essentiellement expérimental. Non seulement il existe plusieurs appréhensions de l’habitat et du développement urbain durables (Haughton, 1997), mais surtout l’importance du contexte national et local interdit ‘application d’une grille de lecture unique.

Ce type d’urbanisme s’appuie donc sur des expériences pilotes, qui se veulent démonstrativesl. Il connaît à son actif un nombre limité mais croissant de réalisations, et se diffuse selon différents gradients ou paliers d’exl en PAGF s OF différents gradients ou paliers d’exigences. Les quartiers durables réalisés à l’occasion d’expositions internationales, dont ils constituent un projet de démonstration (le Kronsberg à Hanovre, Vastra Hamnen ? Malmô), en constituent une première figure, médiatisée.

Ces quartiers ont contribué à ouvrir l’urbanisme à des réoccupations nouvelles, telle que la voir l’ouvrage de Dominique GAUZIN-MÜLLER (2001). réduction des émissions de COZ avec des résultats substantiels : autonomie énergétique, faible dépendance aux énergies fossiles. Objets de maintes visites, ils participent aussi d’une attractivité écologique des villes et d’un marketing ter itorial dans la compétition ouverte entre les métropoles européennes. Ce sont essentiellement des vitrines des nouvelles technologies environnementales et savoir- faire architecturaux, paysagers et urbanistiques.

Les subventions européennes, orientées depuis le début des nnées 1990 vers la question énergétique et climatique, ont stimulé ces projets mais ont induit un « forçage » vers les éco-technologies et la compétitivité écologique. Le surcoût occasionné par ces recherches expérimentales est justifié par la reproductibilité des mesures mises en œuvre. Les standards de construction écologique mis au point au Kronsberg sont devenus ainsi obligatoires pour tous les bâtiments neufs d’Hanovre. n transfert et une diffusion de certaines innovations s’opèrent par ce biais. Cette diffusion nécessite aussi des dispositifs d’évaluation, reposant sur des indicateurs et arfois des équipes de recherche, comme à Malmô. En regard, les innovations sociales, autofinancées, constituent le parent pauvre de l’ex érimentati PAGF OF regard, les innovations sociales, autofinancées, constituent le parent pauvre de l’expérimentation. Le quartier du Kronsberg a néanmoins réussi à articuler les mesures écologiques et sociales.

Une seconde figure de l’urbanisme durable correspond aux principales programmations urbaines de villes qui se positionnent dans le champ d’innovation du développement urbain durable. Conçus pour une ou deux dizaines de milliers d’habitants au moins, ces quartiers ont le érite de déployer à plus grande échelle de nouveaux principes de construction et d’urbanisme. Pour des raisons économiques, les exigences écologiques ne peuvent être tout à fait aussl élevées, bien qu’elles restent peu ordinaires.

On trouve ces nouveaux morceaux de ville à Stockholm, Helsinki, Fribourg, Munich ou Amersfoort, par exemple. On peut ensuite que certaines caractéristiques de l’urbanisme durable -l’efficacité énergétique, la gestion des eaux pluviales à ciel ouvert, la compacité et la mobilité douce- s’imposent couramment dans les programmes neufs, comme aux Pays-Bas. Avec des ambitions plafonnées par une exigence de rentabilité économique, ces quartiers se réclament encore d’un développement durable, en visant des paliers moyens d’efficience écologique.

Plusieurs opérations réalisées dans le cadre de la 40 loi néerlandaise de planification spatiale, le plan VINEX, comme Leidsche Rijn à Utrecht ou Wateringse Veld à La Haye, illustrent la recherche d’un compromis entre durabilité et surcoûts. Ce type d’opération généralise, banalise et normalise la prise en compte du développement durable dans les politlques urbaines, en misant sur des mesures que les promoteurs rivés peuvent intégrer avec l’appui de quelques subventions nationales ou e promoteurs nationales ou européennes.

Ils participent de la diffusion d’un habitat durable, dans une version minimaliste. Une figure plus atypique de quartier durable est due à des groupes d’habitants qui se constituent en association, cherchent un terrain pour bâtir et sont en général aidés par une municipalité pour mener à bien leur projet. Souvent inspirés par le mouvement des écovilIages2, ces activistes transposent en milieu urbain une certaine conception de la communauté de vie, du rapport ? ‘environnement immédiat, où la quête de développement personnel, voire de spiritualité, n’est pas absente.

Ils sont à [‘origine de réalisations souvent exemplaires, comme le quartier Vauban de Fribourg ou les 200 maisons construites à Culemborg, dans le quartier EVA-Lanxmeer, appuyé par le programme COST et le gouvernement néerlandais. Installé sur une zone de protection de champs captant, l’écologie de ce quartier se devait d’être rigoureuse. Bien au-delà, la gestion en bien commun et l’investissement peu ordinaire des habitants inventent une nouvelle forme de responsabilité écologique.

Les projets de quartiers durables peuvent être également portés par des promoteurs écologistes, qui ont la tentation de livrer « clés en mains » un habitat durable, sans que les innovations proposées ne soient toujours bien appropriées (Bierens de Haan et al. 2006). Cette approche est encore rare en Europe mais courante dans le contexte nord-américain, pour les quartiers dits « amicaux pour l’environnement Le petit quartier de Bedzed (244 habitants), construit à Sutton dans la banlieue londonienne, en constitue un exemple fameux. La municipalité est connue pour sa politique d BOF