Anthologie poétique sur le thème de la folie
ophélie d’Arthur Rimbaud (1854-1891) Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles… On entend dans les bois lointains des hallalis. Voici plus de mille ans que la triste Ophélie passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir. Voici plus de mille ans que sa douce folie Murmure sa romance à la brise du soir. ors Le vent baise ses sei et Ses grands voiles ber s moll Les saules frissonnan Sur son grand front r al r le aux ; le, aux. Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
Elle éveil e parfois, dans un aune qui dort, Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile : – Un chant mystérieux tombe des astres d’or. Commentaire Le poème Ophélie, écrit par Arthur Rimbaud, extrait du recueil « poésies » reprend le thème shakespearien de l’héroïne d’Hamlet, Ophélie. Dans Hamlet, Phéroine de Shakespeare est amoureuse du prince, mais incapable de comprendre sa folle quête de la vérité, finit par sombrer dans la folie, quand elle se la fin sur la parole étranglée, sur un ultime et définitif silence, celui de l’enfant noyé, celui du « pauvre fou », celui du poète, ictime de son « rêve ».
De manière plus symbolique, il n’est pas faux d’avancer que la triste Ophélie ne peut que deriver sur le fleuve de la folie. Cauchemar, de Paul Verlaine (1844-1896) J’ai vu passer dans mon rêve Tel l’ouragan sur la grève, – D’une main tenant un glaive Et de l’autre un sablier, Ce cavalier Des ballades d’Allemagne Qu’à travers ville et campagne, Et du fleuve à la montagne, Et des forêts au vallon, Un étalon Rouge-flamme et noir d’ébène, Sans bride, ni mors, ni rêne, Ni hop ! ni cravache, entraîne parmi des râlements sourds Toujours ! toujours !
Un grand feutre à longue plume Ombrait son oeil qui s’allume Et s’éteint. Tel, dans la brume, Éclate et meurt l’éclair bleu D’une arme à feu. Comme l’aile d’une orfraie Qu’un subit orage effraie, par l’air que la neige raie, Son manteau se soulevant Claquait au vent, « poèmes saturniens » où ces derniers font appel aux thèmes du fantastique pour créer un univers différent relatif au rêve ou au cauchemar. Le romantisme affirme la primauté de l’émotion, exalte l’imaglnaire. Verlaine à cette époque comme tous les artistes commence par s’imprégner des poètes qui l’ont précédé t qu’il admire.
Verlaine apparait un peu comme l’héritier de ce mouvement et Cauchemar répond au goût du romantisme « noir » pour le fantastique. On remarque que de cette noirceur émane un certain engouement pour la folie onirique, l’étrange, l’inexplicable, le fantastique, l’irrationnel. Bien avant Verlaine, les romantiques avaient pressenti tout ce que l’inconscient avait de « fou », d’incontrôlable. Cette histoire rocambolesque de revenant incarne cette même vision de l’homme. L’Amour et la Folie, de Jean de la Fontaine (1621-1695) Tout est mystère dans l’Amour,
Ses flèches, son Carquois, son Flambeau, son Enfance. Ce n’est pas l’ouvrage d’un jou Que d’épuiser cette Science. Je ne prétends donc point tout expliquer ici. Mon but est seulement de dire, à ma manière, Comment l’Aveugle que voici (Cest un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière ; Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ; Jien fais juge un Amant, et ne décide rien La Folie et l’Amour jouaient un jour ensemble. Celui-ci n’ét Amant, et ne décide rien. Celui-ci n’était pas encor privé des yeux. une dispute vint : l’Amour veut qu’on assemble
Là-dessus le Conseil des Dieux. L’autre n’eut pas la patience , Elle lui donne un coup si furieux, Qu’il en perd la clarté des Cieux. Vénus en demande vengeance. Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris ; Les Dieux en furent étourdis, Et Jupiter, et Némésis, Et les Juges d’Enfer, enfin toute la bande. Elle représenta l’énormité du cas. Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas ; Nulle peine n’était pour ce crime assez grande. Le dommage devait être aussi réparé. Quand on eut bien considéré L’intérêt du Public, celui de la Partie,
Le résultat enfin de la suprême Cour Fut de condamner la Folie A servir de guide à l’Amour. L’Amour et la Folie est la quatorzième fable du livre XII de Jean de La Fontaine situé dans le troisieme et dernier recueil des Fables de La Fontaine édité pour la première fois en 1693. II semble que ce dernier trouva l’inspiration dans les « Œuvres de Louise Labé Lyonnaise » (1555) : « Débat de Folie et d’Amour ». La Fontaine élabore une fable allégorique en vue d’éclairer l’adage « l’amour est aveugle » et de prouver que la folie sert de guide à l’amour;
Voltaire étaye cet aspect : « La plus PAGF prouver que la folie sert de guide à l’amour; Voltaire étaye cet aspect : « La plus jolie (fable) parmi les modernes fut celle de la Folie, qui, ayant crevé les yeux à l’Amour, est condamnée ? lui servir de guide. » (Voltaire : « Dictlonnaire philosophique ») car l’amour véritable est dénué de toute lucidité. La Folie, de Léo Ferré (1916-1993) La chaise de Van Gogh où tu ne t • assieds pas Les souliers de Vincent que tu ne chausses pas L’ oreille de ce mec qui ne t’ écoute plus Ces corbeaux dans le blé d’ une toile perdue
Je ne m’ arrête plus quand je vois la folie Je fais ses commissions et couche dans son lit Les larmes de cet arbre inquiet dans la forêt La chaise de Vincent, de quel bois elle était? Les moutons de la rue se cachent en cache-nez Les ouvriers changent de disque sans débrayer Je ne m • arrête plus quand je vois la folie Les pas de cette enfant dans enfer de la fac Son sexe, sa vertu, sa pilule et son trac Quand le vertige la pénètre et la dépasse Sous I ‘ œil double et glacé d’ un vieux miroir de passe C’ est à ce moment-là que je perds la folie Et que je reste seul avec mes eux de fou