Andrei Makine Le Testament Francais
ANDREi MAKINE Le Testament français, 1995 Cest le hasard d’un lapsus qui me révéla cette réalité déroutante: le français que je parlais n’était plus le même.. Ce jour-là, alors que je posais une question à Charlotte, ma langue fourcha. Je dus tomber sur l’un de ces couples de mots, un couple trompeur, comme il y en a beaucoup en français. Oui, c’étaient des jumeaux du genre «percepteur-précepteur», ou «décerner- discerner».
De tels duos perfides, aussi risqués que ce «luxe- to page luxure», provoquaien quelques moqueries Charlotte. Cette fois, il ne s’agis une seconde dhésita p g adresses verbales, tions discrètes de mot juste. Après -même. Mais bien plus fort que ce flottement momentané, fut cette révélation foudroyante: j’étais en train de parler une langue étrangère! Les mois de ma révolte ne restèrent donc pas sans conséquence.
Non que j’eusse dorénavant moins de facilité pour m’exprimer en français. Mais la rupture était là. Enfant, je me confondais avec la matière sonore de la langue de Charlotte. J’y nageais sans me demander pourquoi ce reflet dans « herbe, cet éclat coloré, parfumé, vivant, existait tantôt au masculin et avait une identité crissante, fragile, cristalline imposée, semblait-il, pa