AAI
INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES DE PARIS 1er semestre 2012-2013 Conférence d’Éric BUGE et Alban GENAIS Droit public – Séance no 6 Comment une autorité administrative peut-elle être indépendante ? Éléments de cadrage Les autorités administratives indépendantes sont nées, dans les années 1970, afin d’a une fonction de régul Ion or 19 centrale. La première e »t,•- to View elles fut le Médiateur n’est que pour la CNI ‘administration n 1973.
Mais ce 1978), que le terme d’autorit administrative indépendante (AAI) sera employé pour la première fois dans la loi. Une AAI est une autorité autonome, distincte de l’administration, ais appartenant à l’État et chargée, en son nom, d’assurer la régulation de secteurs ou marchés considérés comme essentiels et pour lesquels le Gouvernement veut éviter dintervenir directement.
Les AAI sont une catégorie juridique nouvelle car, contrairement à la tradition administrative française, elles ne sont pas soumises à Vautorité hiérarchique d’un ministre. Les AAI participent en fait d’un vaste mouvement, commun aux grands pays démocratiques, qui tend à un nouveau mode de répartition et d’exercice du plus large place à la médiation ou aux compromis négociés et aussi soucieux de mise en œuvre ffective des objectifs assignés ? l’actlon publique que de respect formel de normes juridiques.
Elles sont aujourd’hui au nombre d’environ 40 (1), mais ce chiffre est variable selon la définition que Fon retient. Trois rapports leur ont été récemment consacrés : celui du Conseil d’État en 2001, celui de IOffice parlementaire d’évaluation de la législation en 2006 et celui du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale en 2010. problématique De manière générale, les XAI s’opposent aux établissements publics dans la mesure où elles ne disposent pas de la personnalité morale.
Plus fondamentalement, leur spécificité réside dans leur « indépendance Pourtant, ce terme est accolé dans leur dénomination à celle d’« administrative Dans la mesure où l’existence d’un pouvoir hiérarchique de l’autorité supérieure sur l’autorité subordonnée est Hune des caractéristiques de l’administration, comment peut-on concevoir des autorités administratives qui soient « indépendantes » ? (1) Le site Legifrance recense 38 AAI au 4 septembre 2012 (cf. liste des AAI figurant en annexe).
Plan Bien que les AA fassent partie de l’administration, elles bénéficient pourtant de garanties ‘indépendance Cette indé endance, qui se justifie par la nature de leurs fonctions, PAGF lg pouvoir hiérarchique 1. Les AAI sont des démembrements de l’administration Sauf exception, les AAI ne disposent pas de la personnalité juridique. Par conséquent : Elles agissent au nom et pour le compte de HÉtat ; Elles peuvent engager la responsabilité de rÉtat (CE, 1984, Société Pierre et cristal). Les AAI font donc partie intégrante de l’administration de l’État.
Par exception, certaines autorités administratives disposent de la personnalité morale. C’est le cas notamment de l’AMF (autorité des marchés financiers), de la HAS (haute autorité de santé), du H3C (haut conseil du commissariat aux comptes) ou bien encore de l’ARAF (autorité de régulation des activités ferroviaires). Les dépendent des moyens de l’État. Cette dépendance se manifeste principalement de deux façons : Dépendance financière : les AAI sont rattachées budgétairement à un ministère, qui leur fournit les moyens nécessaires pour assurer leur mission.
Par exemple, la CNIL dépend du Premier ministre (programme « Direction de l’action du Gouvernement ») ; contrôle que rautorité supérieure exerce sur l’autorité inférieure. Il porte tant sur la légalité que sur ‘opportunité de la décision. Le pouvoir hiérarchique a une triple nature : Pouvoir d’instruction : il fixe par ordres de service ou circulaires les conduites à tenir. Pouvoir de réformation des décisions prises par l’autorité subordonnée : fautorlté supérieure prend une décision qui vient remplacer pour l’avenir seulement (pas d’effet rétroactif) la décision prise par l’autorité subordonnée.
Pouvoir d’annulation qui fait disparaître de l’ordonnancement juridique les actes de l’autorité subordonnée. Ils sont réputés n’avoir jamais existé. L’autorité subordonnée n’est pas autorisée à déférer les décisions rises par leur supérieur devant le juge administratif. 3 Or, la règle est la soumission de toute administration au pouvoir hiérarchique, en vertu de l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement dispose de l’administration Cette règle fonde le fait que le pouvoir hiérarchique s’exerce de plein droit, du haut en bas de l’administration, ainsi que rêt CE, 30 1950, et fonctionnelle 1.
Les garanties d’une indépendance organique Les AAI ne peuvent, de manière générale, être créées que par la 101, afin d’assurer leur indépendance vis-à-vis de l’administration (2). L’une d’entre elles, e Défenseur des droits (3), dispose même d’une reconnaissance constitutionnelle (art. 71-1 Par dérogation aux règles régissant l’administration, les AAI ne sont pas soumises au pouvoir hiérarchique. Ainsi, une AAI peut généralement (cela dépend de la loi qui l’institue), de manière autonome (c’est-à-dlre sans passer par le ministre), avoir accès au juge, ce qui n’est pas le cas des services d’un ministère.
Cette double caractérisation des AAI comme « administratives » et « indépendantes » a été admise par le Conseil constitutionnel (CC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence et CC, 7 janvier 1 989, CSA notamment) : le Conseil constitutionnel ne fait aucune objection de prlncipe à la mise en place de ces AAI, dont l’institution peut représenter un élément de protection constitutionnelle des droits fondamentaux. 2. s garanties d’une indépendance fonctionnelle Les garanties de l’indépendance fonctionnelle sont nombreuses : Le fonctionnement des AAI est généralement collégial, ? l’exception, par exemple du Médiateur de la République ; Les nominations pour les AAI les lus importantes seront soumises à l’avis des significatives, échappent à cette règle de création des AAI ar la loi : le Comité consultatif national d’éthique a été créé par le décret du Président de la République du 23 février 1983, puis qualifié d’AAl par l’article 1er de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique ; la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République a été créée par le décret du 8 mars 2001 , puis considérée comme une AAI par l’étude du Conseil d’État de 2001. (3) À compter du 1er mai 2011 , le Défenseur des droits succède au Médiateur de la République, le Défenseur des nfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égallté (HALDE) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). On fait souvent appel à des magistrats (du Conseil d’État, de la Cour des comptes ou de la Cour de cassation en général), à des universitaires, à des élus ou à des personnalités qualifiées. C’est le cas notamment de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, composée de magistrats ; o Les membres de certaines AAI sont désignés par les plus hautes autorités de l’État (cf. composition du CSA sur le modèle de celle du Conseil onstitutionnel, c’est-à-dire trois membres désignés par le Président de la République et trois par le président de chaque assemblée) ; o Il existe parfois des incompatibilités.
Ainsi, les membres du CSA ne peuvent pas être candidats à des fonctions électives et ne peuvent exercer une autre caractère non révocable, voir CE Ass. , 7 juillet 1989, M. Ordonneau : la durée du mandat fixée par le législateur fait obstacle ? l’application de la mise à la retraite d’office dans le corps d’origine, dès lors que la limite d’âge est atteinte. Il est intéressant de noter qu’une solution opposée a été etenue dans le cas des établissements publics ; o Sur l’impossibilité de renouveler un mandat, on peut prendre l’exemple du CSA, dont les membres sont nommés pour un mandat unique de neuf ans, ou bien encore du Défenseur des droits, qui est nommé par le République pour un mandat non renouvelable de six ans.
LA COMPOSITION DU DÉFENSEUR DES DROITS Le Défenseur des droits, qualifié d’ « autorité constitutionnelle indépendante » par l’article 2 de la loi organique na 2011-333 du 29 mars 2011, est assisté par trois adjoints nommés sur sa proposition par le premier ministre ainsi que par trois col èges : n collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant ; un collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité ; un collège chareé de la lut PAGF 7 OF lg iscriminations et de la membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour (10 membres) ; le collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant est composé, outre du Défenseur des droits et de son adjoint, de deux personnalités qualifiées désignées par le président du
Sénat, de deux personnalités qualifiées désignées par le président de l’Assemblée nationale, d’une personnalité qualifiée désignée par le président du Conseil économique, social et environnemental et d’un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour (8 membres) ; le collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité est composé, outre du Défenseur des droits et de son adjoint, de trois personnalités qualifiées désignées par le résident du Sénat, de trois personnalités qualifiées désignées par le président de FAssemblée nationale, d’une personnalité qualifiée désignée par le vice- président du Conseil d’État et d’une personnalité qualifiée désignée par le premier président de la Cour de cassation (10 membres). Les membres de ces collèges sont nommés pour six ans renouvelables, à l’inverse des droits et des fonctions et les pouvoirs qui leur sont confiés 1 . Les domaines d’activité des AAI justifient leur indépendance… On peut distinguer trois domaines d’activité prlncipaux des AAI, dont chacun nécessite u’elles soient indépendantes : La protection des droits et libertés des citoyens contre l’administration.
La nécessité de l’indépendance envers l’administration est flagrante puisqu’il s’agit de contrôler l’administration. De surcroît, l’intervention des AAI est complémentaire de celle du juge dans la mesure où les AAI ont pour mission de prévenir les violations des lois et règlements en vigueur, alors que celle du juge est de les sanctionner. Contrairement au juge, elles peuvent également faire appel à la médiation. Plusieurs exemples peuvent être donnés d’AAl œuvrant dans ce domaine . Le Médlateur de la République, qul fut la premiere des AAI, créé en 1973. Il était chargé, jusqu’au 1er mai 2011, de recueillir les doléances des administrés vis-à-vis de l’administration.
Mais il ne pouvait être saisi que par l’intermédiaire d’un parlementaire et pouvait inten’enir en équité (c’est-à-dire quand l’application stricte des règles de droit se révèle inéquitable) ; o La CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), créée en 1978, qui doit garantir le droit d’accès aux documents administratifs ; o La CNIL créée en 1978, pour concilier la constitution de fichiers notamment de police) et de traitemen de données avec les fondamentaux des personnes privées de liberté (notamment en prison) ; o Le Défenseur des droits, consacré à l’article 71-1 la Constitution lors de la dernière révision constitutionnelle de juillet 2008 (cf. encadré) et dont les attributions et le fonctionnement ont été précisés par la loi organique no 2011333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. L’information et la transparence.
L’indépendance est là encore justifiée par le souci de protéger les citoyens en leur garantissant une information claire et transparente, ndépendante du pouvoir politique. On peut citer : o Le CSA, créé en 1989, afin de réguler le secteur de la télévision et de la radio publiques et privées. Il avait jusqu’il y a peu de temps le pouvoir de nommer les dlrigeants des chaines publiques ; o Différentes PAI chargées de contrôler la transparence de la vie politique • La commission des sondages, créée en 1977 pour assurer l’objectivité des sondages qui entrent dans le contexte d’une élection ; La commission pour la transparence financière de la vie politique (1 988), qui recueille les déclarations de revenus des élus ;