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essay A

‘imaginaire (littéraire et artistique) de Nathalie Roelens (2014-2015) Paris « Mais Paris est un véritable océan Jetez-y la sonde, vous n’en connaitrez jamais la profondeur. Parcourez-le, décrivez- le ! quelque soin que vous mettiez à le parcourir, à le décrire ; quelque nombreux et intéressés que soient les explorateurs de cette mer, il s’y rencontrera toujours un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des monstres, quelque chose d’inouï, oublié par les plongeurs littéraires.

La Maison Vauquer est une de ces monstruosités curieuses » (Balzac, e père Gori Le paris que vous ai ‘est pas celui que n et nous nous dirigeo 8 p g vers celui que nous oublierons Topographie ! Itinéraires ! Dérives à travers les villes ! Souvenir des anciens horaires ! Que la mémoire est difficile ! Et sans un plan sous les yeux vous ne nous comprendrez plus car tout ceci n’est que jeu et l’oubli d’un temps perdu. Raymond Queneau, Saint-Glinglin, 1948) formes et dans leurs attitudes, comme pour révéler que c’était une main du moyen-âge qui les avait écrites là, surtout le sens lugubre et fatal qu’elles renferment, frappèrent vivement l’auteur. Il se demanda, il chercha à deviner quelle pouvait être l’âme n peine qui n’avait pas voulu quitter ce monde sans laisser ce stigmate de crime ou de malheur au front de la vieille église. Depuis, on a badigeonné ou gratté (je ne sais plus lequel) le mur, et l’inscription a disparu. Car c’est ainsi qu’on agit depuis tantôt deux cents ans avec les merveilleuses églises du moyen-âge.

Les mutilations leur viennent de toutes parts, du dedans comme du dehors. Le prêtre les badigeonne, l’architecte les gratte ; puis le peuple survient, qui les démolit. Ainsi, hormis le fragile souvenir que lui consacre ici l’auteur de ce livre, il ne reste plus rien aujourd’hui du mot mystérieux gravé ans la sombre tour de Notre-Dame, rien de la destinée inconnue qu’il résumait si mélancoliquement. L’homme qui a écrit ce mot sur ce mur s’est effacé, il y a plusieurs siècles, du milieu des générations, le mot s’est à son tour effacé du mur de l’église, l’église elle-même s’effacera bientôt peut-être de la terre.

C’est sur ce mot qu’on a fait ce livre. Février 1831 Note ajoutée à l’édition de 1832 C’est par erreur qu’on a annoncé cette édition comme devant être augmentée de plusieurs chapitres nouveaux. Il fallait dire inédits. En effet, si par nouveaux on entend nouvellement faits, es chapitres ajoutés à cette édition ne sont pas nouveaux. Ils ont été écrits en même temps que le reste de 2 OF se ajoutés à cette édition ne sont pas nouveaux.

Ils ont été écrits en même temps que le reste de l’ouvrage, ils datent de la même époque et sont venus de la même pensée, ils ont toujours fait partie du manuscrit de Notre-Dame de Paris. Ily a plus, l’auteur ne comprendrait pas qu’on ajoutât après coup des développements nouveaux à un ouvrage de ce genre. Cela ne se fait pas à volonté. Un roman, selon lui, naît, d’une façon en quelque sorte nécessaire, avec tous ses chapitres ; un drame aît avec toutes ses scènes. Ne croyez, pas qu’il y ait rien d’arbitraire dans le nombre de parties dont se compose ce tout, ce mystérieux microcosme que vous appelez drame ou roman.

La greffe ou la soudure prennent mal sur des œuvres de cette nature, qui doivent jaillir d’un seul jet et rester telles quelles. Une fois la chose faite, ne vous ravisez pas, n’y retouchez plus. Une fois que le livre est publié, une fois que le sexe de l’œuvre, virile ou non, a été reconnu et proclamé, une fois que l’enfant a poussé son premier cri, il est né, le voilà, il est ainsi fait, père ni mère ‘y peuvent plus rien, il appartient à l’air et au soleil, laissez-le vivre ou mourir comme il est. Votre livre est-il manqué ? tant pis. N’ajoutez pas de chapitres à un livre manqué.

Il est incomplet ? il fallait le compléter en l’engendrant. Votre arbre est noué ? Vous ne le redresserez pas. Votre roman est phtisique ? votre roman n’est pas viable ? Vous ne lui rendrez pas le souffle qui lui manque. Votre drame est né boiteux ? Croyez-moi, ne lui mettez pas de Jambe de bois. L’auteur attache donc un prix par 3 OF se boiteux ? Croyez-moi, ne lui mettez pas de jambe de bois. L’auteur attache donc un prix particulier à ce que le public sache bien que les chapitres ajoutés ici n’ont pas été faits exprès pour cette réimpression.

Sils n’ont pas été publiés dans les précédentes éditions du livre, c’est pour une raison bien simple. A l’époque où Notre-Dame de paris s’imprimait pour la première fois, le dossier qui contenait ces trois chapitres s’égara. Il fallait ou les récrire, ou s’en passer. L’auteur considéra que les deux seuls de ces chapitres qui eussent quelque importance par leur étendue, étaient des chapitres d’art et d’histoire qui n’entamaient n rien le fond du drame et du roman, que le public ne s’apercevrait pas de leur disparition, et qu’il serait seul, lui l’auteur, dans le secret de cette lacune. Il prit le parti de passer outre.

Et puis, s’il faut tout avouer, sa paresse recula devant la tâche de récrire trois chapitres perdus. Il eût trouvé plus court de faire un nouveau roman. Aujourd’hui, les chapitres se sont retrouvés, et il saisit la première occasion de les remettre à leur place Voici donc maintenant son œuvre entière, telle qu’il l’a rêvée, telle qu’il l’a faite, bonne ou mauvaise, durable ou fragile, mais telle qu’il la veut. Sans doute ces chapitres retrouvés auront peu de valeur aux yeux des personnes, d’ailleurs fort judicieuses, qui n’ont cherché dans Notre-Dame de Paris que le drame, que le roman.

Mais il est peut-être d’autres lecteurs qui n’ont pas trouvé inutile d’étudier la pensée d’esthétique et de philosophie cachée dans ce livre, qul ont bi 4 OF se d’étudier la pensée d’esthétique et de philosophie cachée dans ce livre, qui ont bien voulu, en lisant Notre-Dame de paris, se plaire à démêler sous le roman autre chose que le roman, et à suivre, qu’on nous passe ces expressions un peu ambitieuses, le système e l’historien et le but de l’artiste à travers la création telle quelle du poète.

C’est pour cela surtout que les chapitres ajoutés à cette édition complèteront Notre-Dame de Paris, en n’admettant que Notre- Dame de Paris vaille la peine d’être complétée. L’auteur exprime et développe dans un de ces chapitres, sur la décadence actuelle de l’architecture et sur la mort, selon lui aujourd’hui presque inévitable, de cet art-roi, une opinion malheureusement bien enracinée chez lui et bien réfléchie. Mais il sent le besoin de dire ici qu’il désire vivement que l’avenir lui donne tort un jour.

Il sait que l’art, sous toutes ses formes, peut tout espérer des nouvelles générations dont on entend sourdre dans nos ateliers le génie encore en germe. Le grain est dans le sillon, la moisson certainement sera belle. Il craint seulement, et l’on pourra voir pourquoi au tome second de cette édition, que la sève ne se soit retirée de ce vieux sol de l’architecture qui a été pendant tant de siècles le meilleur terrain de l’art.

Cependant, il y a aujourd’hui dans la jeunesse artiste tant de vie, de puissance et pour ainsi dire de prédestination, que, dans nos écoles d’architecture en particulier, à Iheure qu’il est, les rofesseurs, qui sont détestables, font, non seulement à leur insu, mais même tout à fait malgré eux, des élèves s OF se sont détestables, font, non seulement à leur insu, mais même tout à fait malgré eux, des élèves qui sont excellents ; tout au rebours de ce potier dont parle Horace, lequel méditait des amphores et produisait des marmites.

Currit rota, urceus exit. Mais dans tous les cas, quel que soit l’avenir de l’architecture, de quelque façon que nos jeunes architectes résolvent un jour la question de leur art, en attendant les monuments nouveaux, consentons les monuments anciens. Inspirons, s’il est possible, ? la nation l’amour de Parchltecture nationale. C’est là, l’auteur le déclare, un des buts principaux de ce livre ; c’est là un des buts principaux de sa vie.

Notre-Dame de Paris a peut-être ouvert quelques perspectives vraies sur l’art du moyen âge, sur cet art merveilleux, jusqu’? présent inconnu des uns, et ce qui est pis encore, méconnu des autres. Mais l’auteur est bien loin de considérer comme accomplie la tâche qu’il s’est volontairement imposée. Il a déjà plaidé dans plus d’une occasion la cause de notre vieille architecture, il a déjà dénoncé à haute voix bien des profanations, ien des démolitions, bien des impiétés. Il ne se lassera pas. Il s’est engagé à revenir souvent sur ce sujet, il y reviendra.

II sera aussi infatigable à défendre nos édifices historiques que nos iconoclastes d’écoles et d’académies sont acharnés à les attaquer. Car c’est une chose affligeante de voir en quelles mains l’architecture du moyen âge est tombée et de quelle façon les gâcheurs de plâtre d’à présent traitent la ruine de ce grand art. C’est même une honte pour nous autres, hommes intel 6 OF se d’à présent traitent la ruine de ce grand art. Cest même une onte pour nous autres, hommes intelligents qui les voyons faire et qui nous contentons de les huer.

Et Pon ne parle pas ici seulement de ce qui se passe en province, mais de ce qui se fait à Paris, à notre porte, sous nos fenêtres, dans la grande VIIIe, dans la ville lettrée, dans la cité de la presse, de la parole, de la pensée. Nous ne pouvons résister au besoin de signaler, pour terminer cette note, quelques-uns de ces actes de vandalisme qui tous les jours sont projetés, débattus, commencés, continués et menés paisiblement à bien sous nos yeux, sous les yeux u public artiste de Paris, face à face avec la critique, que tant d’audace déconcerte.

On vient de démolir l’archevêché, édifice d’un pauvre goût, le mal n’est pas grand ; mais tout en bloc avec l’archevêché on a démoli l’évêché, rare débris du quatorzième siècle, que l’architecture démolisseur n’a pas su distinguer du reste. II a arraché l’épi avec l’ivraie ; c’est égal. On parle de raser l’admirable chapelle de Vincennes, pour faire avec les pierres je ne sais quelle fortification, dont Daumesnil n’avait pourtant pas eu besoin.

Tandis qu’on répare à grands frais et qu’on restaure e palais Bourbon, cette masure, on laisse s’effondrer par les coups de vent de l’équinoxe les vitraux magnifiques de la Sainte- Chapelle. Il y a, depuis quelques jours, un échafaudage sur la tour de Saint-Jacques-de-la-goucherie ; et un de ces matins la pioche s’y mettra. Il s’est trouvé un maçon pour bâtir une maisonnette blanche entre les vénérables tours du Palais de Just OF se s’est trouvé un maçon pour bâtir une maisonnette blanche entre les vénérables tours du Palais de Justice.

Il s’en est trouvé un autre pour châtrer Saint-Germain-des-Prés, la féodale abbaye ux trois clochers. Il s’en trouvera un autre, n’en doutez pas, pour jeter bas Saint-Germain-l’Auxerrois. Tous ces maçons-là se prétendent architectes, sont payés par la préfecture ou par les menus, et ont des habits verts. Tout le mal que le faux goût peut faire au vrai goût, ils le font. A l’heure où nous écrivons, spectacle déplorable ! ‘un d’eux tient les Tuileries, l’un d’eux balafre Philibert Delorme au beau milieu du visage, et ce n’est pas, certes, un des médiocres scandales de notre temps de voir s’épater tout au travers d’une des plus délicates façades de la renaissance ! Paris, 20 octobre 1832. ) « Guerre aux démolisseurs 1825, Revue des Deux Mondes2 Il serait temps enfin de mettre un terme à ces désordres, sur lesquels nous appelons l’attention du pays. Quoique appauvrie par les dévastateurs révolutionnaires, par les spéculateurs mercantiles et surtout par les restaurateurs classiques, la France est riche encore en monuments français.

Il faut arrêter le marteau qui mutile la face du pays. Une loi suffirait ; qu’on la fasse. Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d’un édifice historique et monumental ne doit pas être permise à ces gnobles spéculateurs que leur intérêt aveugle sur leur honneur ; misérables hommes, et SI Imbéciles, qu’ils ne comprennent même pas qu’ils sont des barbares ! Il y a deux choses dans un édifice • son usage et sa beaut se même pas qu’ils sont des barbares ! Ily a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté.

Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ; c’est donc dépasser son droit que le détruire. « Guerre aux démolisseurs 1832, Revue des Deux Mondes3 A Paris, le vandalisme fleurit et prospère sous nos yeux. Le vandalisme est architecte. Le vandalisme se carre et se rélasse. Le vandalisme est fêté, applaudi, encouragé, admiré, caressé, protégé, consulté, subventionné, défrayé, naturalisé. Le vandalisme est entrepreneur de travaux pour le compte du gouvernement. II s’est installé sournoisement dans le budget, et il le grignote à petit bruit, comme le rat son fromage.

Et, certes, il gagne bien son argent. Tous les jours il démolit quelque chose du peu qui nous reste de cet admirable vieux Paris. Le vandalisme a pour lui les bourgeois. Il est bien nourri, bien renté, bouffi d’orgueil, presque savant, très classique, bon logicien, fort héoricien, joyeux, puissant, affable au besoin, beau parleur, et content de lui. II donne de grands prix d’architecture. Il envoie des élèves à Rome. II porte habit brodé, épée au côté et culotte française. Il est de rlnstitut. Il va à la cour.

Il donne le bras au roi, et flâne avec lui dans les rues, lui soufflant les plans à l’oreille. Vous avez dû le rencontrer. Depuis la Révolution de juillet, les profanations continuent, plus funestes et plus mortelles encore, et avec d’autres semblants. Au prétexte dévot a succédé le prétexte national, libéral, patriote, hilosophe, voltairien, On ne restaure plu a succédé le prétexte national, libéral, patriote, philosophe, voltairien, On ne restaure plus, on ne gâte plus, on n’enlaidit plus un monument, on le jette bas.

Et l’on a de bonnes raisons pour cela. Une église, c’est le fanatisme ; un donjon, c’est la féodalité. LIVRE TROISIÈME book Notre-Dame de Paris Victor Hugo Librairie Ollendorff 1904 [volume 1] Roman, tome II. LIVRE TROISIÈME Hugo Œuvres complètes, Impr. nat. , Roman, tome Il. djvu Hugo – Œuvres complètes, Impr. nat. , Roman tome Il. djvu/15 85-110 0 8