Un flibustier français à l’assaut de la mer du sud
Raveneau de Lussan, un flibustier français à l’assaut de la mer du Sud Patrick Villiers* Rarissimes sont les documents authentiques décrivant les explo•ts des Flibustier et autres aventuriers dans la mer des Antilles, l’Atlantique sud ou le Pacifique. L’histoire des Aventuriers qui se sont signalés dans les Indes Exquemelin dont la 1ère édition publié Americaensche Zee- d’édition internationa st tou Exquemelin a bien ex ‘Histoire des Pirates sous le titre De tement un succès lus publié.
Si Johnson, auteur de Issement dans l’ile de la Providence jusqu’à présent n’est autre que Daniel Defoé, uteur de Robinson Crusoé, autre livre mythique s’il en fut. Le manuscrit d’Exquemelin a disparu, en revanche, le manuscrit de Raveneau de Lussan est consewé dans le fonds Marine des Archives nationales. C’est ce qui rend le témoignage de Raveneau de Lussan.
Notre objet n’est pas de résumer ce manuscrit qui vient d’être réédité 1 mais de montrer que Raveneau de Lussan, un des premiers aventuriers français à s’aventurer dans le Pacifique s’inscrit dans une longue filiation d’aventuriers français naviguant aux Antilles et sur les côtes de l’Amérique Latine. Commençons cependant par essayer de préciser les termes souvent confondus de pirates, flibustiers, boucaniers et de corsaires. flibustiers, boucaniers et corsaires à l’assaut des mers nouvelles? uelques définitions: Les termes de pirates, corsaires, flibustiers, boucaniers, engagés sont le plus souvent utilisés à tort et à travers. Alexandre- Olivier Exquemelin, l’auteur du livre le plus célèbre sur la flibuste fa intitulé Histoire des Aventuriers qui se sont signalés dans les Indes. Il a ainsi proposé la définition la meilleure de la flibuste. Des années 1520 aux années 1730, l’Atlantique et lus particulièrement les Caraïbes et l’Amérique latine virent débarquer des milliers d’Européens poussés par des motivations très diverses qu’il ne faut pas confondre.
Le pirate, une mort annoncée Contrairement à ce que trop de romanciers, y compris les plus contemporains laissent entendre, corsaires, flibustiers, boucaniers et autre engagés ne sont pas des pirates. Ce qui, pour moi est essentiel dans le pirate, c’est la pulsion de mort. Quelque part dans son inconscient, le pirate sait que sa vie est courte et qu’elle finira par une mort violente. La mort se trouve également ans l’épopée des autres groupes sociaux mais la recherche de la richesse est la motivation première des corsaires, flibustiers, boucaniers et des engagés.
Cette recherche peut se résumer en un mot el dorado, le lieu mythique où l’or est en quantité illimitée. Alors que le pirate est présent depuis la plus haute antiquité et encore de nos jours, pillant les banques ou attaquant les porte- conteneurs dans les détroits asiatiques, le corsaire correspond ? une 31 les porte-conteneurs dans les détroits asiatiques, le corsaire correspond à une période historique bien précise: de la fin du oyen âge à la guerre de Sécession.
Le corsaire, un auxiliaire de la marine légale, autofinancé par ses prlses Le corsaire était en effet, du point de vue même de ses ennemis, un marin auxiliaire d’une marine légale. Il ne pouvait donc être pendu, les coutumes de la guerre, puis les lois internationales, interdisant progressivement au Moyen Age de condamner à mort un soldat ennemi vaincu. II en découla des conditions « objectives » pour bénéficier des « prérogatives corsaires »: – il fallait que les princes, villes-états ou les natlons respectifs fussent en état de guerre ouverte.
Si le corsaire continuait son ctivité après la cessation des hostilités, il devenait pirate. S’il attaquait un navire neutre, le problème devenait rapidement très complexe et se réglait par voie diplomatique, et/ou judiciaire. – le corsaire devait être reconnu « corsaire » par un prince ou un Etat et légitimé par une lettre de marque ou une commission en guerre. Le navire corsaire était donc un bâtiment marchand faisant une guerre sur mer que le suzeraln était Incapable d’entreprendre, faute de navires, d’hommes et/ou et de capitaux.
Quelle que fût la taille du navire, le principe de la guerre de course était cependant ue le navire fut armé par des civils, se substituant au prince ou ? l’État. Là réside la raison d’être de la course, et ultérieurement de la flibuste. Elle permit à des princes, des villes 3 1 raison d’être de la course, et ultérieurement de la flibuste. Elle permit à des princes, des villes-états, voire des nations pauvres ou sans tradition maritime, de se constituer une flotte menant une action de guerre contre fennemi sans avoir à en apporter le capital.
De son côté, l’investisseur, en contrepartie de la mise de fonds initiale, recevait le produit des rançons et de la vente des prises, éduction faite des frais de l’armement et des taxes seigneuriales ou nationales, était partagé entre les actionnaires, les officiers et l’équipage selon un barème fixé avant le départ de la campagne. Chez les Français, les ordonnances en matière de course se succédèrent (1443, 1484… ), reprises dans leurs grandes lignes par les états européens.
Les nations europeennes définirent notamment que tout navire devait avoir un pavillon de nationalité et être en règle en matière d’entrée et de sortie d’un port, d’où la naissance du « passeport ». La piraterie dans les eaux européennes t atlantiques fut alors définie comme un armement en guerre non autorisé et attaquant n’importe quel navire sans distinction. Le mythe du naufrageur Il exista, sur les côtes française de l’Atlantique et de la Manche, des naufrageurs et de petites communautés pirates. L’état de guerre endémique du XVe au XVIe siècle favorisa cette forme de piraterie.
Le pillage d’épaves varia également selon les régions. On le trouva surtout le long des côtes qui bénéficiaient de conditions géographiques particulières (courants, bancs de sable, h 1 côtes qui bénéficiaient de conditions géographiques particulières courants, bancs de sable, hauts-fonds rocheux), d’une densité importante de population et de la proximité de routes commerciales. Le pilleur-naufrageur relève surtout d’un mythe forgé à l’époque romantique. L’image du feu allumé pendant la tempête pour attirer les navires relève de Fimaginaire. Il faut attendre le XIXe siècle pour qu’il y ait des phares dignes de ce nom.
Dans une tempête, un feu allumé sur une plage, ou même sur une éminence, était, le plus souvent, invisible du large. Le mauvais état du navire, l’incompétence du capitaine et de son équipage, les difficultés de la navigation et la violence naturelle es éléments suffisent à expliquer la quasi totalité des naufrages. Le corsaire du nouveau monde, une légitimité contestée Le corsaire ne pouvait exister que si les deux camps en reconnaissaient l’existence. Dès 1455, les Portugais firent reconnaître par le pape Nicolas V leurs droits sur la côte d’Afrique.
Par le traité de Tordesillas, Portugais et Espagnols recoururent au pape Alexandre VI Borgia pour se partager le Nouveau Monde, partage que les Français et les Anglais refusèrent. Les Ibériques décrétèrent que tout navire navigant dans les eaux atlantiques à l’ouest des Açores seraient traités en pirates et exécutés. En1516, les Français établis au Brésil furent exterminés. François 1 er accorda des lettres de représailles à Ango, premier armateur de Dieppe. En 1519, son capitaine, Jean Fleury s’empara des caravelles qui PAGF s 1 Ango, premier armateur de Dieppe.
En 1519, son capitaine, Jean Fleury s’empara des caravelles qui ramenaient en Europe le trésor de Montezuma. Charles-Quint, humilié, mit à prix la tête de Fleury qul fut capturé enl 527 et exécuté. Les archives espagnoles prouvent que Charles-Quint n’ignorait rien du statut corsaire de Fleury, mais pour les Espagnols, Fleury, en navigant à l’Ouest du éridien de Ille de Fer n’était qu’un pirate. Chaque camp multiplia alors les exactions et à partir du milieu du XVIe siècle, les navires espagnols allant ou venant des Amériques naviguèrent en convoi.
Les Anglais, menés par Hawkins en 1 562, puis par Drake suivirent bientôt les Français pratiquant indifféremment traite des noirs, contrebande ou razzias. Le développement du protestantisme dans les ports de la mer du Nord et de la Manche puis sur la côte atlantique, notamment à la Rochelle, stimula les expéditions vers l’Amérique. En 1 555, le Rochellais Jacques de Sorre eut le premier ‘idée d’attaquer et de piller une ville de l’Amérique espagnole, La Havane en l’occurrence. Baptisé pirate et hérétique par les Espagnols, il se revendiquait d’abord comme protestant2.
Les gueux de mer, insurgents ou terroristes? En 1566, refusant de mettre fin aux persécutions religieuses dans le Pays-Bas du Sud, la catholique Marguerite de parme déclencha la révolte. Les rebelles, qu’elle avait dédaigneusement traité de gueux, se nommèrent eux-mêmes gueux de terre et gueux de mer. En dépit d’une répression sanglante conduite par le duc d’Al b 1 gueux de terre et gueux de mer. En dépit d’une répression anglante conduite par le duc d’Albe, les gueux de mer remportèrent leurs premiers succès.
Guillaume de Nassau et son frère Ludovic distribuèrent à partirent de 1569 leurs premières lettres de marque. L’Espagne refusa toute égitimité aux gueux de mer, les baptisant de pirates et de terroristes mais la Rochelle les accueillit. Coligny et la reine de Navarre leurs distribuèrent des lettres de marque. En 1 573, les Gueux de mer s’emparaient du port de Brielle, à l’embouchure de la Meuse. Dès lors, ils ne cessèrent de se développer formant progressivement la marine des Provinces-unies.
Ce n’est qu’à partir de 1580-1585 que les Espagnols acceptèrent de traiter les « gueux de mer » en corsaires. Le droit des valncus à être traités en prisonniers de guerre s’imposa très lentement de 1 590 à 16093. Si la guerre entre l’Espagne et les Provinces-LJnies dura 80 ans, dès 1596, les Hollandais se tournèrent vers l’Atlantique sud et l’océan indien, attaquant les possessions espagnoles comme portugaises. En une dizaine d’années, les armateurs des Provinces-Unies, regroupés en une compagnie à monopole: la V. O. C. ’emparèrent du monopole des épices dans l’océan indien. Les Espagnols ripostèrent en faisant d’Ostende et surtout de Dunkerque la base d’une armada et d’une flotte corsaire. Les pertes des marchands espagnols furent très lourdes, mais une marine corsaire n’a jamais gagné une guerre et l’Espagne en 1609 sign une très de 12 ans. Les gueux de mer, « terroristes » et 7 1 gagné une guerre et l’Espagne en 1609 sign une très de 12 ans. Les gueux de mer, « terroristes » et « pirates » se virent reconnaitre le statut de corsaires et d’une marine officielle.
En Angleterre, Ellsabeth 1ère légitima ses marginaux, notamment Drake, en les faisant entrer dans la Royal Navy. La défaite de [‘invincible armada leur donna également un statut officiel. En 1621, l’Espagne reprit les hostilités contre les Provinces-Unies. Les Hollandais créèrent alors sur le modèle de la V. O. C. , la W. I. C, compagnie des Indes occidentales, lui accordant le monopole de la traite des noirs et de la guerre en Amérique latine. Les Hollandais remportèrent des succès spectaculaires s’emparant de Bahia au Brésil et implantant des plantations sucrières.
En 1 628, à Matanzas, l’amiral Piet Heyn s’emparait de la flotte des galions d’argent espagnols. La vente permit à la WIC de distribuer ses premiers bénéfices. Devant une telle menace, l’Espagne se retira de la plupart des petites îles des Antilles. Des boucaniers aux flibustiers Marginaux français et anglais attirés autant par l’or que par des terres disponibles et par la liberté débarquèrent alors à Saint- Christophe, à la Guadeloupe, à la Barbade, à Saint-Martin, ? Saint-Eustache et à la Martinique de 1 623 à 1630.
Sur les côtes abandonnées par les Espagnols, ils prospérèrent en chassant les porcs et les bovidés amenés originellement par les Espagnols. Ils apprirent à fumer sur des claies appelées boucan la viande des porcs sauvages et à préparer les peaux de bœufs tr fumer sur des claies appelées boucan la viande des porcs auvages et à préparer les peaux de bœufs très recherchés en Europe, d’où leur nom de « boucaniers ». Pendant la décennie 1630-1640, arrivèrent des colons, surtout Anglais et Français, venus d’Europe, tirant leurs revenus du tabac et du coton.
Quelques uns débarquèrent sur la côte ouest et nord de Saint- Domingue, notamment à Ille de la Tortue. Devant cette menace, les Espagnols cherchèrent à exterminer les boucaniers, qui, au départ, ne recherchaient nullement à les attaquer. Les boucaniers se transformèrent alors en flibustiers attaquant les plantations espagnoles et s’emparant des esclaves. Hollandais, Anglais et Français recherchèrent alors ces combattants aguerris pour les enrôler dans leur lutte contre l’Espagne et distribuèrent libéralement des lettres de marque. Les flibustiers sont ainsi les « corsaires des Antilles ».
Le mot flibustier dérive directement du hollandais ‘Vrij Butter », libre faiseur de butin, terme employé en Hollande pour définir les corsaires. Roc « le Brésilien » un des héros d’Exquemelin n’était pas né au Brésil mais à Groningue. Jusqu’en 1640-1650, ces boucaniers et flibustiers étaient en nombre très réduits, quelques centaines tout au plus. La paix conclut entre les Provinces-Unies et l’Espagne reconnaissait Findépendance des Hollandals mais ces derniers, exclus du Brésil se réfugiaient aux Antilles apprenant aux Anglais puis aux Français part de cultiver le sucre.
Avec la paix, une vague de marginaux débarqua aux Antill PAGF 31 Français l’art de cultiver le sucre. Avec la paix, une vague de marginaux débarqua aux Antilles. Au même moment, la guerre civile en Angleterre poussait à l’émigration contestataires ou persécutes religieux. catholiques comme protestants. Si certains étaient indiscutablement des colons, d’autres étaient ndiscutablement des marginaux voire des hors-la-loi Le développement des engagés fut une des causes essentielles du développement de la flibuste.
Raveneau de Lussan comme Exquemelin ou Morgan étaient des engagés. Les engagés: des colons ou des flibustiers? En France comme en Angleterre la colonisation des Antilles reposa sur finitiative privée par le bials des compagnies à charte. A cette date, le prix du transport d’une rive à l’autre de l’Atlantique était exorbitant. Les émigrants chassés d’Europe par la misère étaient incapables d’en assurer le financement. Ainsi naquit la pratique de l’engagement.
LJn armateur ou un capitaine avançait le prix du voyage à l’émigrant moyennant l’engagement de travailler gratuitement pendant neuf ans chez le Anglais, six ans puis trois ans chez les Français. A l’issue de ce servage, l’engagé recevait un lopin de terre, d’un hectare environ et cent livres pesant de tabac. La vente de ce tabac constituait le capital de départ. En 1640, on estimait à 6000 le nombre de Français à Saint- Christophe, mille à la Martinique et cinq cents à la Guadeloupe pour seulement mille esclaves pour ces trois îles. Le prix de revient d’un engagé à cette date étant très inférieur à celu