Qu’est-ce que l’Investissement Socialement Responsable ?

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Résumé Cet article étudie l’évolution des formes et des objectifs de l’Investissement Socialement Responsable (ISR) aux Etats-Unis et en Europe des années 1920 jusqu’à nos jours. En s’intéressant à la fois aux fondements théoriques et aux caractéristiques des fonds ISR au cours du temps, il dresse un panorama des différents types de fonds en fonction de leur appartenance à un référentiel sociétal ou économique. En montrant la comple diversité de l’ ISR d’ r Sni* to View comprendre les enj définition et de légiti professionnels du se gestion d’actifs. ermet de mieux Ilement par les Mots-clefs : Développement Durable – Fonds éthiques — Investissement Socialement Responsable (ISR) – Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) Abstract This article studies the Socially Responsible Investment (SRI)S forms and purposes from the 1920s until today in the United States and Europe. Studying both SRI Bunds’ theoretical background and features, it provides an overview of the different types of SRI funds Hirsch 95021 Cergy-Pontoise Cedex 2, France and ECOLE POLYTECHNIQUE, 91 1 28 Palaiseau cedex, France (diane-laure. arjalies@essec. edu) 1 1.

Introduction Phénomène à la fois économique et sociétal, l’Investissement Socialement Responsable (ISR) rencontre depuis plusieurs années un intérêt croissant tant de la part des académiques que des professionnels. Style d’investissement en plein essor, notamment favorisé par l’émergence du concept de développement durable, l’ISR consiste à intégrer dans les processus dinvestissements des critères extra-financiers censés révéler la responsabilité sociale des entreprises. Son succès récent conduit certains à le juger comme un phénomène de mode, mais il n’en n’est rien.

L’ISR existe depuis près de cent ans et a su évoluer et s’adapter à la ociété et à ses attentes pour traverser le siècle et les continents. pourtant, l’ISR reste encore aujourd’hui un concept polysémique et peu stabilisé comme le montre rabsence de consensus autour de sa définition. Cest pour mieux comprendre cette diversité de réalités complexes et mouvantes offertes par l’ISR, qu’est proposé ici un éclairage des modalités d’émergence et des objectifs de ce mouvement. Parce qu’elle en fait sa richesse, c’est cette multiplicité des formes prises par l’ISR au cours du temps que cet article se propose d’étudier.

Afin de mieux saisir ce qu’est l’ISR aujourd’hui et l’évolution de ses aractéristiques, cet article s’intéresse plus particulièrement à la façon dont la société et l’ISR se sont façonnés historique, cette typologie se structure autour des deux principaux référentiels conceptuels dans lesquels prend place l’ISR, à savoir un référentiel sociétal et économique. un référentiel sociétal d’abord, puisque jusqu’aux années 1990, l’ISR doit principalement sa légitimité au système de valeurs individuelles et/ou collectives auquel il fait référence.

Remettant alors en cause la prééminence de l’approche économique, l’ISR est marginalisé et exclu, de fait, de la finance onventionnelle. IJn référentiel économique ensuite, puisque aujourd’hul, son intégration récente dans une logique économique visant la performance financière lui octroie une nouvelle légitimité qui contribue à sa reconnaissance par le secteur financier. Dans chacune des deux parties ou référentiels, sont développés, dans un premier temps, les fondements théoriques sous-jacents à la démarche ISR contemporaine.

Ce n’est que dans un second temps que Pintérêt est porté aux types de fonds ISR correspondants et ? leurs caractéristiques. hal-00482436, version 1 – IO May 20102 2. Des origines de l’ISR à aujourd’hui: la prégnance d’un référentiel sociétal 2. 1. Les deux premières générations des fonds éthiques : contribuer à rendre la société plus morale religion juive permet aux ju fs de s’accorder des prêts sans intérêt entre eux, et d’accorder des prêts avec intérêts aux non-julfs, alors que chez les chrétiens et les musulmans, le prêt, avec ou sans intérêt, est interdit.

Ce n’est donc pas par hasard si les premiers fonds ISR dits « éthiques » trouvent leurs origines dans la tradition morale de ces trois grandes religions monothéistes. Accompagnant a monétarisation et la financiarisation du monde, la religion trouve dans les fonds d’investissement un nouveau moyen de donner corps à ses principes. En intégrant des dimensions éthiques – reflets de leurs croyances religieuses – dans leurs choix d’investissement, les premiers investisseurs des fonds éthiques visent donc à intégrer une dimension morale dans la finance.

Reléguant la recherche de la performance financiere au second plan, les fonds éthiques de première génération, qui font leur apparition sous la forme moderne du capitalisme financier dans les années 1920, posent lors la question de la finalité morale de l’acte individuel d’investissement. Dans une perspective plus globale, les fonds éthiques reflètent également les préoccupations fondamentales de la société sur le bien-fondé de ses actions et des objectifs ? poursuivre.

Ainsi, le système capitaliste véhiculerait-il depuis toujours la question de son sens et ne se serait jamais contenté de ses seuls objectifs capitalistiques. Dans une perspective téléologique, l’ISR éthique peut alors participer à la construction d’un système économique plus durable. On retrouve ici des théoriciens comme Giddens (1984), Bauman ci des théoriciens comme Giddens (1984), Bauman (1 993), Fukuyama (2000) et Putnam (2000) qui ont contribué à une école de pensée qui suggère que les sociétes du capitalisme avancé font face à un déclin du « capital social b.

Le déclin du capital social est un terme relativement nouveau pour un ancien problème qui fait référence ? la perte de consensus sociétal autour des notions de morale ou de politique, phénomène qui contribue, selon eux, à l’émergence d’une société plus indlvidualiste où la culture du risque et de la consommation se développe. Face à ces transformations, les nouvelles idéologies et ormations sociales, telle que l’ISR, permettent, dans une certaine mesure, de combler ce vide hal-00482436, version 1 – IO May 201 oconsensuel (Mccann et al. , 2003).

En contribuant à la création d’un consensus sociétal, l’ISR représente ainsi les débuts d’un capitalisme plus socialement conscient. Alors légitimé par son rôle de prescripteur de valeur morale dans une société à la recherche de sens, [‘ISR éthique est une étape et un moyen dans la construction d’un capitalisme plus moral. Les fonds ISR dit « éthiques » correspondant à cette approche théorique morale revêt en réalité deux catégories de fonds ‘SR. Ces derniers se développent principalement aux Etats- Unis, des années 1920 aux années 1970. 2. 1. 1.

La première génération des fonds éthiques: le reflet de l’Amérique puritaine et prospère des années 1920 Le concept d’ISR trouve se s le mouvement refusant d’investir dans des activités tirant leurs profits de la souffrance d’êtres humains. Si cette approche de Pinvestissement correspond à celle préconisée par les fonds éthiques, la forme moderne des fonds d’investissement éthiques se développe réellement dans les Etats- Unis des années 1920. Correspondant à l’approche morale de l’argent telle que développée récédemment, les premiers fonds ISR sont portés par des congrégations religieuses.

Un des fonds les plus connus est le Pioneer Fund de Boston qui propose des investissements excluant les sin stocks c’est-à-dlre les valeurs dites du péché (alcool, tabac, armement, pornographie et jeux). L’approche adoptée ici est « négative » (exclusion) dans le sens où l’investisseur perçoit ces critères comme tels en raison de la valeur morale négative ou inférieure attachée ? la pratique ou à l’activité (de Brito et al. , 2005). Cet appel à la croyance et à l’éthique par les investisseurs prend place dans une Amérique puritaine et rospère.

Néanmoins, si pour certains, ces fonds ISR sont l’illustration de la prise en compte de valeurs morales dans les investissements, ils sont, pour d’autres, le reflet d’une société hypocrite et vénale, comme le revendiqueront les écrits de Mencken et Lewis ou comme l’illustrera plus tard la provocation faite par Morgan qui créera le premier vice-fund en 1979. Il décidera alors de contrebalancer cette approche qu’il trouve hypocrlte en investissant uniquement dans les secteurs dits du.. vice, ne privilégiant que les valeurs du péché qui étaient précédemment exclues.