Picasso
La palette de couleur est assez restreinte. Les couleurs chaudes, du rose pâle à l’ocre rouge, dominent, notamment dans les corps des femmes. Cependant, des couleurs froides, blancs, gris, bleus, qui composent l’essentiel des draperies, offrent un violent contraste. Les formes sont fréquemment soulignées par des contours blancs ou noirs qui accentuent leur déstructuration. Picasso, qui dessinait remarquablement, refusait brusquement de reproduire la nature et en faisait ressortir le côté « primitif’: Toutes les formes sont grossières et anguleuses, comme taillées à coups de serpe.
Les visages des deux femmes situées à droite ont subi a déformation la plus frappante et leurs masques grimaçants ont presque perdu toute humanité. Dès 1906, Picasso s’était intéress intéressé aux arts dits « primitifs », à la suite entre autres d’une grande rétrospective de Gauguin et de visites au musée d’ethnographie de Chaillot. Il avait été particulièrement fasciné par les sculptures sur bois africaines, leurs formes épurées et leur symbolique directe, à tel point qu’il en acheta plusieurs.
Et comme si souvent dans sa vie, Picasso, en traitant quelque chose découvert par hasard, se l’appropria, et parvint ainsi une expression artistique entièrement nouvelle. Picasso passa neuf mois à peindre ce tableau dont il subsiste plus de huit cents études. A l’origine, il s’agissait d’une scène de maison close. Le titre, Les Demoiselles d’Avignon, faisait allusion à un bordel de la Calle d’Avignon, à Barcelone « El Burdel de Aviffén ». Dans la version définitive, toute connotation narrative a disparu.
Picasso à détruit toute harmonie et décomposé l’espace perspectif en facettes géométriques. En effet, ce sont les couleurs qui distribuent l’idée de profondeur et le positionnement du point de fuite. La couleur froide du fond permet l’idée d’éloignement quand au contraire, a couleur chaude des corps les ramène vers ravant. En fin de compte, si ce tableau traite deux thèmes classiques en peinture (le nu et la nature morte), il s’écarte volontairement de toutes les règles traditionnelles de cet art.
On remarque dans ce tableau une lutte en faveur d’un langage pictural entièrement nouveau, qui n’a rien perdu de sa force révolutionnaire aujourd’hui. Cette toile ouvre la voie à un nouveau courant artistique, le cubisme (1908-1914), dont l’apparition et le développement, vont déterminer une révolution esthétique en France et qui « change complètement la face de l’art européen ». Le terme cubisme est d’ailleurs employé par dérision par le criti 2 l’art européen ».
Le terme cubisme est d’ailleurs employé par dérision par le critique Louis Vauxcelles, lors d’une exposition consacrée à Georges Braque en 1908, pour dénoncer la « simplification terrible » des paysages et la réduction de tous « les sites, figures et maisons à des schémas géométriques, à des cubes. » Ce tableau est considéré par les contemporains comme une véritable rupture dans la représentation. Après avoir détesté es Demoiselles d’Avignon, Apollinaire, ami de Pablo Picasso, est acquis.
Il écrit en 1908 dans la revue berlinoise Der Sturm « Le cubisme si l’on veut s’exprimer avec précision est un art qui consiste dans la recherche de la composition nouvelle avec des éléments formels empruntés ou non à la réalité mais à la réalité de la conception. » Il ajoute plus loin » la légitimité d’une telle peinture ne peut être discutée. Chacun comprendra facilement que la chaise de quelque côté qu’on la regarde, ne cessera jamais d’avoir ses quatre pieds, son dos et son siège et que si on lui enlève un de ces éléments, on enlève l’essentiel de sa réalité ».