Philosophie Politique Contemporaine

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La philosophie politique contemporaine aux prises avec la Modernité séculière Introduction ‘échec de la philosophie hégélienne à déchiffrer le sens de l’histoire s’est manifestée en deux temps, celui de la Première Guerre mondiale au cours de laquelle se sont affrontées les Etats européens, celui de la chute du totalitarisme communiste qui a mis un terme à tout projet d’affranchissement de l’homme par lui-même. Hegel n’en a pas moins légué un lieu commun à la politique moderne, celui de la relation dialectique entre l’Etat et la société civile.

Dans son interprétation démocrate-libérale, c’est ette dernière qui l’a libérale de la liberté. une conception de la cu des sociétés modern politique d’inspiratio 30 he de la théorie sophique, c’est aussi e l’anthropologie e pensée du s lors éluder, dune part, un état des lieux de la crise de la démocratie libérale contemporaine et d’autre part, les réponses philosophiques ? cette crise, et ce qu’elles proposent comme analyse critique de la sécularisation et de son rapport avec le christianisme.

La critique schmittienne de la pensée libérale est à cet égard très évocatrice: Mais la question est de savoir si le principe pur et rigoureux u libéralisme individualiste peut donner naissance à une idée spécifiquement politique. II faut répondre par la négative. Car si la négation du politique impliquée dans tout Individualisme conséquent conduit bien à une praxispolitique de défiance ? l’égard de toutes les puissances politiques et de toutes les formes d’Etat imaginables, elle n’about Sv. ipe to n’aboutira toutefois jamais à une théorie positive de l’Etat et de la politique qui lui soit propre. Il s’ensuit qu’il existe une politique libérale sous forme d’organisation polémique visant les restrictions de la liberté individuelle par l’Etat, par l’Eglise ou par ‘autres… mais qu’il ny a pas de politique libérale sui generis, il ny a jamais qu’une critique libérale de la politiquel Cette définition négative de la conception libérale de la politique fait du juriste et publiciste, un des théoriciens qui a élaboré l’analyse critique la plus radicale du libéralisme.

Ce qui ne revient pas à accréditer d’emblée les réponses qu’il a apporté en vue d’une recomposition de la sphère publique-politique, question que nous aurons à traiter dans la deuxième partie de ce travail en lien avec sa conception théologico-politique de l’histoire. De plus, Schmitt n’a pas l’apanage de la critique du libéralisme philosophique, et de celle la sécularisation. C’est ce que nous voudrions faire valoir chez quatre penseurs et philosophes politiques contemporains. Deux d’entre eux ont été en discussion avec le juriste rhénan, Leo Strauss et Hans Blumenberg.

S’agissant de Hannah Arendt, de Leo Strauss et de Marcel Gauchet, aussi extérieurs soient-ils aux thèses développées par Schmitt, ils partagent avec ce dernier deux questions fondamentales: la réhabilitation d’une pensée du politique (Arendt et Gauchet) et la réhabilitation du christianisme dans la genèse de la Modernité éculière (Gauchet). Par ailleurs, bien qu’il soit difficile de délimiter une frontière stricte entre ces quatre théoriciens et philosophes politiques, on retiendra deux lignes dominantes.

Hannah Arendt et Leo Strauss ont consacré leur œuvre à la critique de la Modernité polit 2 30 Hannah Arendt et Leo Strauss ont consacré leur œuvre à la critique de la Modernité politique par les ressources de la philosophie grecque, et ce qu’elles nous enseignent comme vérité à entendre sur ce que « politique » veut dire en régime démocratique. Dans cette perspective, Arendt promeut une héorie de la sphère publique et se livre à une critique de l’expression « religions séculières D.

Elle interroge parallèlement la pertinence du lien entre le christianisme et la sécularisation; Leo Strauss, par son analyse critique de la Modernité, se fait l’avocat du retour à la tradition de la philosophie politique pré- moderne et aux Lumières médiévales juives; L’autre dominante conteste le concept de sécularisation pour lui préférer celui de sécularité, ce dernier étant beaucoup plus adapté pour rendre compte de la légitimité propre aux temps modernes.

Telle est la âche philosophique de Hans Blumenberg dans La Légitimité des temps modernes, lorsqu’il récuse, pour contester Carl Schmitt, le théorème de la sécularisation. Selon une autre perspective, la critique de la sécularisation par Marcel Gauchet, procède dune théorie de l’histoire politique de la religion et de la genèse de la démocratie. A la lumière de cette théorie philosophico-historique, le concept d’autonomie est privilégié par rapport à celui de sécularisation, régime philosophico-politique du fondement des démocraties, qui traduit une rupture avec les sociétés ? fondement religieux hétéronomique.

Ces deux lignes de pensée, aussi dissemblables soient-elles, n’en partagent pas moins la nécessité de « revenir dans une autre perspective que les philosophies politiques classiques-modernes, la pensée libérale de Benjamin Constant et la philosophie hégélienne, sur le double 3 30 classiques-modernes, la pensée libérale de Benjamin Constant et la philosophie hégélienne, sur le double héritage grec et biblique comme miroir inversé de la rupture moderne. C’est en vertu de cette rupture que l’histoire est convoquée pour interpréter la Modernité séculière.

Mais avant d’en venir à l’analyse de ces deux ourants philosophiques, il convient tout d’abord de dresser un état des lieux des problèmes soulevés par la Modernité libérale contemporaine. 1) La démocratie libérale contemporaine: une sphère publique- politique en tension Nous retiendrons trois critères: en premier lieu le fondement autonome – séculier des sociétés modernes, opposé à celui hétéronomique des sociétés déterminées par la religions (Dieu, ou les dieux, la Nature et la tradition).

En deuxième lieu, les sociétés séculières ne sont plus déterminées par des convictions unificatrices, celles-ci agissant plutôt à l’intérieur de ommunautés particulières, de façon plus ou moins normatives (c’est particulièrement vrai des religions, à ceci près qu’il faut prendre en considération les courants idéologiques, soit conservateurs, soit libéraux qui les traversent).

En troisième et dernier lieu, comme clé de voûte architectonique par rapport aux deux critères précédents, l’individualisme ultra-contemporain met en cause les modèles fondamentaux de la Modernité classique, que sont la souveraineté de l’Etat, la nation et l’individu – citoyen, au profit des droits Individuels, d’où le bouleversement du rapport entre les sphères privé et publique. Ces trois critères éclairent le problème contemporain posé par la tension entre les pôles collectifs et individuels de la démocratie libérale.

Tension dont on a vu qu’elle s’inscrit dès les fondements de la Mo 4 30 de la Modernité philosophique des XVIIè et XVIIIè siècles. Selon Jean-Marc Ferry, les sociétés modernes se caractérisent par la dissociation de la communauté légale et de la communauté morale. La deuxième renvoie à des communautés de convictions n’ayant pas ou plus de capacités normatives dans la sphère publique-politique; tel est le cas des religions, comme nous enons de le souligner. Cette configuration contemporaine justifie leur appel à participer, sur le mode délibératif, à la formation de la raison publique.

Ferry ne préconise pas un « retour du religieux »; mais la requête du philosophe, à l’instar de celle de Habermas, n’en souligne que plus la crise de la Modernité démocratique- libérale2. Celle-ci a épuisé ses promesses, du moins sous sa forme classique. pour ce motif, la religion, et la première d’entre elles, le christianisme dans le contexte historique de l’Europe, est à nouveau sollicitée dans la sphère publique- politique démocratique. Demeure de s’entendre sur sa modalité de participation à la formation de la raison publique: est elle exclusivement d’ordre moral ou éthique? Est-elle aussi d’ordre politique?

Mais quel contenu nouveau faut-il alors attribuer au concept de politique ? Est-il une mise en cause de sa définition séculière qui accréditerait l’idée de la fin de la « sécularisation » ? Autant de questions que soulèvent les pensées philosophiques et politiques que nous avons convoquées, à commencer par celle de Hannah Arendt. 2) Hannah Arendt: la sphère publique-politique, enjeux philosophiques et religieux On le sait, la philosophie politique d’Hannah Arendt est inexplicable sans l’expérience du totalitarisme. Ce n’est pourtant pas S 30 Arendt est inexplicable sans l’expérience du totalitarisme.

Ce n’est pourtant pas les trois études consacrées aux origines du totalitarismes que nous retiendrons, mais tout d’abord un ouvrage plus tardif, Condition de I’Homme moderne, et une conférence antérieure de quelques années aux essais sur le totalitarisme, à savoir Religion and Politics4_ par l’intermédiaire de ces deux écrits, que nous mettrons en relation avec plusieurs essais publiés dans La crise de la cultures, nous pourrons évaluer a relation ambivalente qu’entretient la philosophie politique de Hannah Arendt avec le christianisme, et la place qu’elle lui attribue dans la genèse de la politique moderne.

Cette « place » a partie liée avec certains thèmes de la philosophie grecque et l’héritage de la Rome antique, elle détermine en outre sa théorie de la sécularisation. Mais l’élucidation de ces trois questions, suppose au préalable l’examen d’un problème nodal dans la pensée de Hannah Arendt, à savoir celui de la dégradation du concept de politique, dégradation qui permet de rendre compte du totalitarisme. Les dégradations du concept de politique Pour Arendt, l’activité politique moderne a perdu sa substance originelle, à savoir la définition qu’en donnait la pensée grecque. un glissement progressif s’est effectué au point de renverser la hiérarchie des activités humaines au profit du « travail Ce renversement s’est produit au cours des siècles médiévaux par la relativisation de la condition politique au profit de la finalité spirituelles. pour ce motif spirituel, au « politique » a été substituée la catégorie de « social 7».

Autrement dit, le christianisme, du moins celui de la chrétienté, est au ommencement de la fonctionnalisation de la politique qui se déve moins celui de la chrétienté, est au commencement de la fonctionnalisation de la politique qui se développera dans la philosophie libérale. Karl Marx en sera l’héritier et non l’inventeur8! Cette indifférenciation croissante entre les sphères privée (familiale) et publique-politique a généré l’impossibilité d’un monde commun.

Aux XIXè et XXè siècles, la promotion du travail, dont le corollaire est l’isolement, en constitue l’expression achevée: « C’est ce qui peut se produire dans un monde où les aleurs majeures sont dictées par le travail, autrement dit où toutes les activités humaines ont été transformées en travail. Dans de telles conditions… le rapport au monde comme création humaine est brisé9 A l’inverse des catégories grecques qui établissaient une hiérarchie entre l’action, l’œuvre et le travail, la société moderne privilégie le travail, dont la finalité est la survie de l’individu et de l’espèce.

Son objet étant la subsistance et la consommation de biens périssables, il en résulte un rapport très appauvri de rhomme au monde. Cet appauvrissement se traduit ar la déstructuration de la famille et de la propriété, qui étaient autant de repères protecteurs dans la conduite de l’existence humaine. Ce constat vaut également pour la déstructuration des classes sociales, notamment dans l’Allemagne de l’après Première Guerre mondiale : « La chute des murs protecteurs des classes transforma les majorités qui somnolaient à l’abri de tous les partis en une seule grande masse informe d’individus furieux10».

C’est cette masse d’individus atomisés et sans repères qui a généré le totalitarisme. Il exprime, par sa démesure, deux problèmes ajeurs au sein de Phistoire européenne et occidentale : d’une part, la suppression de la 30 majeurs au sein de fhistoire européenne et occidentale : d’une part, la suppression de la distinction entre le travail et l’œuvre, d’autre part, la dégradation de l’action.

Sagissant du premier problème, Arendt définit trois critères pour caractériser l’œuvre: la permanence, la stabilité et la beauté. Tous ces critères s’opposent à la finalité et à l’objet du travail, notamment la permanence et la durée : « C’est cette durabilité qui donne aux objets du monde une relative indépendance par apport aux hommes qui les ont produits et qui s’en servent… A ce point de vue, les objets ont pour fonction de stabiliser la vie humaine… 1 Or, le primat de l’industrie sur celui de l’artisanat a eu pour conséquence de supprimer la distinction entre le travail et rœuvre. Cette catégorie de la condition humaine a été absorbée par la logique industrielle du rapport entre la production et la consommation : e processus du faire est lui – même entièrement déterminé par les catégories de la fin et des moyens. L’obJet fabriqué est une fin en ce double sens que le processus de production s’y achève…. t u’il n’est qu’un moyen de produire cette fin. Le travail, certes, produit aussi pour une fin: celle de la consommation;… mais… la fin du processus ne dépend pas du produit fini mais plutôt de l’épuisement de la force de travail 12 La dégradation de l’action préside plus fondamentalement encore à la subversion de la sphère publique – politique. Celle- ci, catégorie permettant de distinguer les sphères privée et publique dans la cité grecque, est renversée, là encore, au profit du travail.

La société moderne en a fait le centre de l’activité politique, celle-ci étant subordonnée à la gestion du « social » et e « l’économique 13 II en re 8 30 politique, celle-ci étant subordonnée à la gestion du « social » et de « l’économique 13 Il en ressortit par l’avènement de la société, la politique comme simple fonction sectorielle au service du processus vital de l’économie.

Pour Hannah Arendt, la société, en lieu et place de la cité, a bouleversé le domaine public et empêche à sa suite la possibilité d’un monde commun: Dans nos conceptions, la frontière s’efface parce que nous imaginons les peuples, les collectivités politiques comme des familles dont les affaires quotidiennes relèvent de la sollicitude ‘une gigantesque administration étrangère… et il s’agit là dune sorte de « ménage collectif »;…

Nous avons du mal à nous rendre compte que pour les Anciens le terme même d’ « économie politique » eût été une contradiction dans les termes… 14 L’intention de Hannah Arendt n’est pas pour autant de revenir purement et simplement au monde de la cité grecque. Mais par le recours aux catégories de travail, d’œuvre et d’action, il s’agit de retrouver la possibilité d’une sphère publique démocratique.

A cet effet, le critère déterminant est celui de « la mise en commun es paroles et des actes thèse fondamentale de la théorie arendtienne de l’action: La pluralité est la condition de l’action humaine, parce que nous sommes tous pareils, c’est-à-dire humains, sans que jamais personne soit identique à aucun autre homme ayant vécu, vivant ou encore à naitre15 Par cette mise en commun est attesté le caractère inséparable de la politique et de la démocratie.

Loin de limiter l’activité politique à un groupe de citoyens, Arendt reconsidère les concepts de liberté et d’égalité pensés par la philosophie politique classique – moderne. La liberté n’est concevable que si l’existen 9 30 hilosophie politique classique – moderne. La liberté n’est concevable que si l’existence humaine est affranchie des nécessités de la vie. Elle suppose la rencontre de ses égaux dans la sphère publique commune à tous. L’égalité n’est donc plus ramenée à la seule dimension économique et sociale, mais elle est avant tout politique.

Le souci philosophique de penser une authentique sphère publique – politique, en dépassant les conceptions de l’Age classique et des lumières de la liberté et de l’égalité, indique que Hannah Arendt recourt plus aux conceptions grecques des sphères privée et publique qu’elle ne préconise n retourl 6. A contrario de la thèse de Benjamin Constant, si la liberté des Anciens ne peut être restaurée, elle n’en permet pas moins de surmonter l’aporie de la liberté et de l’égalité des Modernes.

Surmonter cette aporie suppose que la politique, selon Arendt, soit déterminée par l’amor mundi, c’est-à-dire le retournement en son contraire de ce qui l’a dégradél 7. C’est par cette question centrale que la philosophe rencontre sur son chemin le christianisme. Nous avons fait valoir que pour Arendt, le christianisme a amplement contribué à la relativisation du politique. Si cette thèse est fondée, demeure de vérifier si la sécularisation des sociétés occidentales, démocrates-libérales, n’en est pas la conséquence. ) De l’impossibilité de la « religion séculière la théorie arendtienne de la sécularisation Cette question interroge simultanément, d’une part, le rapport ambivalent de Arendt avec le christianisme, d’autre part, elle fait resurgir le problème de la compréhension du totalitarisme par un autre biais que celui du primat de l’économie et du social, à savoir la totalitarisme comme « religion séculière ». Hann 30