le langage sms
INTERACÇÔES NO. 16, PP. 110-121 (2010) LE LANGAGE SMS: SOUS-PRODUIT DE L’ORAL ET DE L’ECRIT OU VERITABLE LANGAGE ECRIT? Zouhour Messili-Ben Aziza Université Tunis El Manar Institut Supérieur des Sciences Humaines de zouhourbenaziza@yahoofr Résumé Le langage SMS : sou langage écrit ? Ce travail analyse les langage SMS et du français utilisé par le immigrée. Tous deux or21 Snipe to View unis ‘écrit ou véritable plications du baines d’origine provoquent des réactions opposées, les unes en défense de la langue, contre sa « corruption », et d’autres qui les tiennent pour des facteurs d’enrichissement de la angue.
Néanmoins ces deux langages, amplement utilisés par les jeunes – bien que par un groupe d’âge différent dans le premier cas – non seulement suivent des règles reconnaissables, mais agissent comme un facteur d’identification et de cohésion de groupes sociaux. Il en ressort une sorte de jeu du chat et de la souris, dans lequel les jeunes créent de nouvelles expressions au fur et à mesure que les plus anciennes se s’applique à la langue orale pourrait aussi s’appliquer à la langue écrite, ce qui impliquerait des changements didactiques de l’enseignement de l’écrit.
Ces langages très innovants ont donc e mérite de renouveler la langue française, même si les termes ou les techniques n’en sont pas permanentes. Cela signifie que les éducateurs chargés d’intéresser les élèves non francophones à la langue et à la culture française doivent être sensibles à la langue des banlieues et au langage SMS pour leur permettre une véritable communication avec les jeunes français de toutes les origines. Mots-clés : Langages ; Jeunesse ; Immigration ; Banlieues urbaines ; Enseignement de l’écriture. http://www. eses. t/interaccoes 11 MESSILI-BEN AZIZA Resumo A linguagem de SMS: subproduto da lingua oral e escrita ou erdadeira linguagem escrita. Este trabalho analisa as caracteristicas e implicaçbes da linguagem de SMS e do idioma francês utilizados pelos jovens de origem imigrante das periferias urbanas. Ambas as respostas à indagaçao provocam reaçôes apostas, urnas em defesa da lingua, contra a sua « corrupçào », e outras que a consideram como fatores de enriquecimento da line s duas linguaeens, PAGF 91 criam novas expressôes à medida que as mais antigas se disseminam ao ponto de serem utilizadas pelos meios de comunicaçào de massa.
No caso da linguagem de SMS, que visa a abreviar e simplificar a redaçao, poderia ser uma ontribuiçao a uma eventual reforma ortogréfica. A lingu(stica reconhece hé muito tempo a existência de diferentes nrveis de linguagem que se empregam conforme a situaçào e o destinatârio da mensagem. O que se aplica à l(ngua oral poderiam também aplicar-se à l(ngua escrita, o que implicaria em mudanças didâticas do ensino da escrita_ Portanto, essas linguagens muito inovadoras tem o mérito de renovar a lingua francesa, mesmo se os termos ou as técnicas nao sejam permanentes.
Isso significa que os educadores encarregados de interessar os alunas nao francéfonos na lingua e na cultura francesa devem ser sensiveis às Il’nguas das eriferias e ? linguagem de SMS para Ihes permitir uma efetiva comunicaçào com os Jovens franceses de todas as origens. Palavras-chave: Linguagens; Juventude: Imigraçâo; Periferias urbanas; Ensino da escrita. Abstract SMS language: byproduct of the oral and written language or an actual written language?
This paper analyses the features and implications of the SMS language and the French language, both used by youths descendents of immigrants and residents in urban ghettoes. Both alter pposite reactions, either enrichment factors. Nevertheless, these two languages, widely used by youths, although by LE LANGAGE SMS 112 ifferent age groups in the case of the former, not only follow recognizable rules, but also as an identification and cohesion factor for social groups.
As in a cat-mouse game, youths create new expressions to the extent that the alder ones become so disseminated that the mass media use it. SMS language aims to abbreviate and simplify writing, contributing eventually to an orthographic reform. Linguistics has regarded since a long time that different levels of language are employed according to the situation and the receivers. As in oral language, the same prlncples could be applied to the written language, With changing implications in riting teaching.
Therefore, these very innovative languages contribute to the French language renewal, even when expressions or techniques are not stable. This means that educators responsible by non-francophone learners and pursuing to attract their attention to the French language and culture must be sensitive to the ghetto languages and to the SMS languages, so that they can effectively communicate With all the French youth ethnical groups. Keywords: Languaees; Yo PAGF a 1 n; Urban ghettoes; TaBa, le premier livre en langage SMS, qui osait faire descendre de son piédestal académique la langue rançaise.
Si le succès n’a peut être pas été totalement au rendez- vous, cette initiative aura eu au moins l’avantage de mettre en avant, en plein Salon du livre de Paris, un phénomène qui rencontre un engouement exceptionnel chez les jeunes : le langage SMS. Ce langage fait peur à la fois par l’ampleur de sa propagation et surtout parce que les amoureux de la langue française, la classe intellectuelle notamment et surtout francophile, ne tolèrent pas ce « semblant de langue » qu’est le langage SMS, et ce, ? l’instar du langage des cités.
Mais le fait est indéniable : en quelques annees, la ommunication par SMS est passée du rang de simple procédé technique au rang de Au Salon de l’éducation de 2004, l’écrivain Phil Marso promouvait la première classe SMS en plein Salon de l’éducation (CP SMS – Editions Megacom-ik, 2005), ce qui provoqua bien sûr l’indignation et la désapprobation des défenseurs de la langue française. Cf. http://vuww. profsms. fr/lesonol. tm 113 véritable phénomène de société et au statut de langage à part entière, au même titre PAGF s 1 ont opposé les détracteurs et les défenseurs de ce « nouveau français Nous rappellerons très rapidement les arguments phares des uns et des autres. our les uns, ce nouveau langage ne peut que nuire à la pureté de la langue française qui se trouve entachée par les emprunts pour la plupart d’origine arabe, gitane, africaine… ais aussi anglaise ; pour les autres, la langue française ne peut que s’enrichir des apports nouveaux de ce langage parce que les jeunes font preuve d’innovations lexicales, morphologiques, syntaxiques, sémantiques… d’autant plus que ce langage, grâce au rap notamment, a largement dépassé les frontières de la banlieue et se retrouve aujourd’hui, en partie, dans n’importe quelle conversation entre jeunes (tout court) mais ussi et surtout dans les médias et la littérature qui jouent un véritable rôle de transmetteur.
Ce rapide constat nous amène à la conclusion pédagogique suivante les enseignants de langue française et notamment de français langue étrangère (FLE) ne peuvent pas ignorer ce phénomène. Le FLE appris à l’école ne serait-il pas « décalé » parce que trop puriste ? Ne faudrait-il pas enseigner également ce langage des jeunes afin de rnleux preparer nos apprenants à un bain linguistique réel ?
En effet, ce langage ? l’origine codé est devenu une laneue un pe hensible chaque iour et PAGF 1 formation inguistique que l’on retrouve à l’origine de la langue des banlieues: la troncation par apocope5 ; la troncation par aphérèse6 ; le redoublement syllabique7 , la restriction ou l’élargissement de sens ; le changement de sens par métaphore 8 ; le changement de 2 Ce terme de « jeunes de banlieues » désigne en fait les « jeunes issus de l’immigration Ce langage est appelé également « langue rebeu b, « verlan langue ou langues des cités « parler ou parlers des cités parler wesh, etc. Bien sûr, un véritable jeu du chat et de la souris s’installe entre les jeunes de banlieue et le reste de la ociété française. Dès qu’une technique perd de son hermétisme, les jeunes en créent une nouvelle afin de préserver leur langage. Le verlan étant compris et usité par de nombreux français, le veul l’a remplacé. qui consiste à tronquer la fin d’un mot pour renforcer son impact. qui consiste à couper le début d’un mot pour obscurcir la signification. 7 Le brouillage est encore plus total lorsqu’un mot, tronqué par aphérèse, est accompagné d’un redoublement syllabique de type hypocoristique, comme pour le mot zonzon, qui signifie prison. 8 par exemple, cramé, (dénoncé), que lion trouve depuis 1940, a ubi un changement de sens par métaphore par rapport au sens initial de brûlé.
PAGF 7 1 suffixation10 ; les formes verbales non conjuguéesl 1 ; les changements de construction avec des verbes transitifs construits intransitivement (il assure, ça craint) ; les changements de catégories comme grave, trop, ou genre ; et bien sûr le verlan, argot conventionnel consistant à inverser les syllabes de certains mats (ex. laisse béton pour laisse tomber, féca (café), tromé (métro), ripou (pourri), Zouhour, 2004).
Toutefois le verlan n’est pas une invention nouvelle, les jeunes de anlieue ont repris à leur compte ce qui existait bien avant eux et Comme pierre Merle (1999) le précise dans le Dictionnaire du français branché, « Cette formation du langage à «lienvers» appartient, nien déplaise à personne, à une fort ancienne tradition plus ou moins voyoute. Au 16e siècle on appelait les Bourbons les Bonbours, et au 18e siècle Louis XV fut nommé Sequinzeouil . Le verlan était pratiqué dans les bagnes du 19e siècle, où Toulon était Lontou.
Au cours des années 50, la mode s’établit dans le milieu de la prostitution et dans le monde carcéral. (… ) On parlait de meuf (femme) dans les risons des sixties, bien avant que le mot ne vienne aux lèvres des écoliers ». Le langage des jeunes a tout d’abord été considéré comme un véritable argot puisqu’à l’origine ce langage a cherché à être hermétique pour un certain type de locuteurs 12. Cette fonction cryptique poussée à l’extrême a amené à la verlanisation du verlan appelée veu113.
Mais au-delà de l’amusement linguistique, le langage des jeunes est une forme de r olitique d’une culture en langage des jeunes est une forme de revendication politique d’une culture en marge du reste de la société française, celle de la communauté banlieusarde. our J. Marie Klinkenberg (Cerquiglini et al, 2000): « [Les argots] expriment la cohésion du groupe qui en use, et, en échange, signifient son altérité par rapport à la société globale ».
Le langage des jeunes s’apparente totalement à un sociolecte. 9 Comme blaze, nom de personne, depuis 1885, qui est formé par changement de sens par métonymie par rapport à blason, ensemble des signes distinctifs et emblèmes d’une famille noble, et qui a aussi subi une troncation par apocope. 10 Par exemple, mitard, lexicalisé depuis 1884, a été formé par suffixation sur l’argot mit(t)e, tout en ayant gardé le
Il manque souvent l’infinitif, la terminaison en « er Cest le cas de « fèche » (faire chier), qui ne s’utilise que sous la forme faire + V, ou de « bédave » (fumer) et « rodave » (surveiller), infinitifs en « ave », qui ont la même forme lorsqu’ils sont conjugués 12 Petit Robert, 2003 : « De tout temps on a forgé des parlers subrogés qui permettent de déguiser les mots selon des règles instaurées pour des initiés. Nous avons eu le «javanais», le «loucherbem» (prononcé [lu! b »m], aujourd’hui le verlan, qui présente les mots à l’envers. ‘ 13 Le verlan étant compris et ombreux français, le veul PAGF g 1 evenue « çàcomme » en verlan, s’est transformée en « asmeuk » en veul. 15 Ce langage des banlieues n’est pas le seul phénomène linguistique qui remette en cause la « pureté » de la langue française. Un autre débat, et tout aussl animé, enflamme les passions : celui de la réforme de l’orthographe.
Le français a une orthographe difficile et surtout trop souvent incompréhensible. Certains prônent une simplification de cette orthographe et d’autres, au contraire, s’insurgent contre la moindre remise en cause d’une règle orthographique. Mais ces spécialistes ne seraient-ils pas enfermés dans leur tour dlvoire ou sont-ils veuglés au point de ne pas réaliser qu’une réforme est en train de se faire sans eux. Et par qui ?
Les jeunes, tous les jeunes quelle que soit leur origine géographique ou sociale. Cette révolution (n’ayons pas peur des mots ! ) est née avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication et notamment à travers les SMS 14, appelés également textos. 200 milliards de SMS par mois seraient envoyés dans le monde et on parle aujourd’hui de «langage SMS ». Cette appellation désigne également les échanges par Internet ? travers les messageries in forums, les sites sociaux