l entrepereneur fran ais 2
L’entrepreneuriat constitue depuis ces vingt dernières annees un sujet d’actualité. Le capitalisme managérial galbraithien s’est métamorphosé en une société entrepreneuriale (Audretsch, 2007) où l’entrepreneur se serait substitué à la technostruture. Dans ce contexte singulier, Pentrepreneuriat social occupe une place partlculière (Bacq et Janssen, 2008, 2008b ; Brouard, 2006 ; Dees, 1998 ; Defourny, 2004 ; SChNlitt, 2008 ; steyaert et Hjorth, 2006).
Nouveau héros du capitalisme en ce début de XXIe siècle, l’entrepreneur social investit des secteurs d’activité élaissés aussi bien par le secteur marchand en raison de leur faiblesse rentabilité, que par le secteur public, qui dans un contexte d’austérité budgétaire cherche à réduire ses dépenses. L’entrepre comme un entrepren r q or 29 des objectifs lucratifs ab • l’entrepreneur répon (Ki zner, 1973), ce qui éralement défini jectifs sociaux sur u non de soclal, ortunités du marché humpeter, 1935).
Or, si nous considérons l’innovation comme une activité de résolution de problèmes à l’image de l’analyse évolutionniste, le développement de l’entrepreneuriat social peut être perçu omme une réponse à un problème posé (réduction des dépenses de l’État, évolution de la famille et des problèmes sociaux en général – exclusion, pauvreté, vieillissement de la population, etc. ).
Dans ces condltions, l’entrepreneur est qualifié de social parce qu’il investit dans des secteurs d’activité ainsi qualifiés, et non parce qu’il a placé l’intérêt général avant le profit individuel. Swipe to vlew next page Cette définition, commune à certains chercheurs, n’est pas cependant partagée par tous. Pourtant, les entrepreneurs répondant à ces critères ne sont pas nés avec la crise de l’État- rovidence, comme en témoigne l’exemple de Jean-Baptiste André GOdin (1817-1888). L’expérience de Godin nous offre l’opportunité de mener une réflexion sur l’entrepreneuriat social dans l’économie capitaliste d’une manière générale. Gadin est un entrepreneur du XIXe siècle, mais son analyse est riche d’enseignements pour définir la place et le rôle de l’entrepreneur social que ce soit aujourdhui ou pendant la première révolution industrielle. Ces deux périodes ont été (ou sont) marquées par des transformations fondamentales sur les plans économque, technique et social.
La révolution industrielle (métallurgie, sidérurgie, chemin de fer) et le développement de la grande entreprise pour Godin, la crise de l’entreprise fordiste, le développement des réseaux et la révolution informationnelle ? l’heure actuelle. 3Nous nous attacherons dans un premier temps à définir l’entrepreneur social d’une manière générale à partir de la littérature contemporaine, car s’il est d’usage courant, il fait aussi l’objet d’une large variété de définitions.
Nous soulignerons du même coup que bien que nous ayons qualifié Godin d’entrepreneur social, ce vocable a tout au plus une vingtaine ‘années (et s’est donc développé dans un contexte historique précis). Godin avait pour ambition, alors que la révolution industrie était la source d’une grande entropie sociale, de concilier efficacité économique et éthique sociale. Ce qui constitue à notre sens les deux ingrédients basiques du vocable « entrepreneur social ».
Mais, l’entrepreneur social est d’abord un entrepr OF ingrédients basiques du vocable « entrepreneur social Mais, l’entrepreneur social est d’abord un entrepreneur. Aussi c’est en revenant aux fondements de la théorie économique de l’entrepreneur que nous formulons notre propre définition e l’entrepreneur social. Nous définissons ce dernier comme un entrepreneur schumpétérien, c’est à-dire comme l’agent économique qui réalise de nouvelles combinaisons de facteurs de production, qu’il s’agisse de la création d’un produit ou d’un service nouveau ou bien encore d’une nouvelle forme d’organisation.
Dans un second temps, nous décrirons dans ses grandes lignes le parcours professionnel de Godin et son œuvre entrepreneuriale. Il ne s’agit pas de tirer des leçons généralisables à toute la population des entrepreneurs sociaux (ou définis comme tels), mais de mieux souligner l’ancienneté de la pratique ? sociale » des entrepreneurs, que la grande variété d’application de ce concept. QU’EST-CE QU’UN ENTREPRENEUR SOCIAL ?
La théorie économique de l’entrepreneur ou les fondements de la fonction entrepreneuriale 4Bien qu’au centre de l’économie capitaliste, l’entrepreneur (paradoxalement) a relativement peu préoccupé les économistes, lesquels se sont principalement focalisés soit sur des analyses macroéconomiques (depuis A. Smith sur la dynamique d’ensemble du capitalisme combinant division du travail et mécanismes autorégulateurs du marché), soit sur des analyses microéconomiques (depuis Walras sur l’individualisme éthodologique) (Boutillier et uzunidis, 1995, 1999, 2003, 2006, 2009).
La théorie economique de l’entrepreneur se dessine avec l’analyse de R. Cantillon au début du XVIIIe siècle qui distingue les « gens à gages certains » et les « gens à gages incertains » 3 OF XVIIIe siècle qui distingue les « gens à gages certains » et les « gens à gages incertains », l’entrepreneur appartenant à la seconde catégorie. Un siècle plus tard environ, J. -B. Say définit l’entrepreneur comme l’intermédiaire entre le savant qui produit la connaissance et l’ouvrier qui l’applique à [‘industrie.
Say introduit de cette façon un élément nodal de la définition de l’entrepreneur. Au début du XXe siècle, Schumpeter développe cette idée pour pallier aux lacunes du modèle walrasien (qu’il admire cependant), incapable d’expliquer le progrès technique, la croissance ou même les crises economiques. L’entrepreneur walrasien est inséré dans un environnement économique où l’information est parfaite (ce qui signifie que l’incertitude et le risque sont absents), et en situation d’équilibre général, le profit est nul. Ce schéma explicatif ne correspond nullement ? a réalité économique.
Schumpeter définit ainsi l’entrepreneur comme l’agent économique qui innove. Mais, quel est le mobile de l’entrepreneur ? Ce n’est pas comme l’affirme Walras la maximisation du profit en tant qu’agent économique rationnel. 5Le mobile de l’entrepreneur schumpetérien réside plutôt dans le défi, le changement. Son objectif est d’aller contre l’ordre économique établi. L’entrepreneur est ainsi instrumentalisé pour expliquer la dynamique du capitalisme ou « l’évolution économique » ‘idée majeure que nous retenons est celle de l’innovation par opportunisme.
L’innovation ne se limite pas pour Schumpeter à la création d’un nouveau bien ou encore par l’introduction de la machine dans les ateliers. L’innovation est, grossièrement, ce qui permet à l’entrepreneur d’accroitre son chiffre d’affaires et sa position de marché. Aussi l’entrepreneur d’accroître son chiffre d’affaires et sa position de marché. Aussi, bien que l’entrepreneur ne soit pas résolument certain de Peffet de sa trouvaille sur le marché, elle peut devenir (en cas de réussite) un moyen de lui conférer provisoirement (en raison des rapports de concurrence) une position de monopole. r le pouvoir de l’innovation, l’entrepreneur délimite son propre marché, il fixe ses propres règles, afin de maitriser l’incertitude propre au fonctionnement du marché. Les mobiles humains ne sont jamais strictement individuels, mais s’inscrivent toujours dans une réalité sociale et historique. En d’autres termes, l’entrepreneur investit dans tel ou tel secteur d’activité parce que l’état de l’économie, de la société, des sciences et des techniques le lui permet, et en apportant ainsl des solutions aux problèmes posés. À partir des années 1980, l’entrepreneur redevient un ujet d’intérêt, alors qu’à la fin de la décennie 1960, Baumol (1968) écrivait qu’il ne constituait plus un sujet d’analyse pour les économistes au profit des managers. L’entreprise et l’entrepreneur occupent aujourd’hui le devant de la scène économique et sociale (Audretsch, 2007). un nouveau champ de recherche se développe celui de l’entrepreneuriat sur la base notamment d’une analyse combinatoire entre les travaux de Schumpeter sur l’innovation et de Kirzner sur la capacité de l’entrepreneur à saisir les opportunités d’investissement (Shane, 2003).
Mais, la saisie des opportunités n’est pas l’unique ondement du processus entrepreneurial, il convient d’y adjoindre la quête de légitimité (Beylier, Messeghem et Sammut, 2008). La légitimité est fondamentale car elle pose la question de la reconnaissance de l’entrepreneur PAGF s OF légitimité est fondamentale car elle pose la question de la reconnaissance de l’entrepreneur par les autres acteurs de l’environnement économique et social dans lequel il est inséré.
La légitlmité peut être ainsi considérée comme une ressource qui va permettre à l’entrepreneur de déjouer les pressions exercées par son environnement. Nous verrons que ce fut particulièrement le as pour Godin en raison de l’originalité de sa démarche. 7Dans les années 1 960, Touraine (2000) montre que le changement social ne vient pas des masses, mais de groupes sociaux minoritaires.
On peut par conséquent considérer que l’émergence progressive depuis le début des années 1980 d’entrepreneurs sociaux est en partie le résultat d’un changement social, comme le montrent notamment Chiapello et Boltstansky (1999). Ces derniers expliquent comment le capitalisme s’est renouvelé en intégrant des valeurs d’autonomie et d’épanouissement personnel issues des mouvements sociaux de la fin des années 1960. L’émergence de l’adjectif « social » a-collé au nom commun « entrepreneur s’inscrit par conséquent dans une évolution beaucoup plus profonde que certains individus sont à même de saisir.
Ce qui nous rapproche de Hayek pour qui la concurrence constitue une « procédure de découverte » des informations nécessaires à la prlse de décision (Hayek, 2006 ; Vivel, 2004). Mais, pour Hayek (2006), contrairement à Walras, l’entrepreneur ne prend pas de décisions dans un environnement économique transparent. Au contraire, car « la connaissance qu’un esprit individuel manipule consciemment n’est qu’une aible partie de la connaissance qui à tout moment contribue au succès de son action » (p. 5). Hayek explique en substance que la somme des connaissance succès de son action » (p. 25). Hayek explique en substance que la somme des connaissances de tous les individus n’existe nulle part de manière intégrée. De plus au fur et à mesure que la connaissance progresse, de nouvelles zones d’ignorance sont découvertes. Dans le même registre, Kirzner décrit l’activité entrepreneuriale comme la découverte d’opportunités de profit que les autres individus n’avaient pas découvertes avant lui.
Il en écoule le concept de « vigilance entrepreneuriale Dans ces conditions, le profit de l’entrepreneur est la récompense obtenue en partie par hasard et grâce à rhabileté de l’entrepreneur à anticiper la manière dont les individus vont réagir face au changement. Kirzner (1973) refuse la problématique de la maximisation du profit. Ou, plutôt, l’entrepreneur n’est pas seulement un agent calculateur, c’est aussi un agent économique attentif aux opportunités. L’entrepreneur kirznerien, contrairement à son homologue schumpetérien, ne crée rien de nouveau, mais est un découvreur d’opportunités qui existent éjà. Nous définissons par conséquent l’entrepreneur comme un agent économique opportuniste qui crée une entreprise parce qu’il a détecté des opportunités d’investissement dans tel ou tel type d’activité où il a décelé un besoin solvable ou potentiellement solvable. Il est inséré dans une société déterminée qui se définit par un ensemble de lois régissant par exemple le droit de propriété, des affaires, du travail, une norme de consommation, de travail, etc. (Shane, 2003), et qui constitue une espèce de cadre normatif, à partir duquel il développe son activité. ??léments de définition historiques : entrepreneuriat social et paternalisme 9Pour cerner l’entrepreneur social d’aujourdhui, no 7 OF historiques : entrepreneuriat social et paternalisme 9Pour cerner l’entrepreneur social d’aujourd’hui, nous devons voir si nous pouvons le rattacher à des catégories sociales existantes ou ayant existé. Les entrepreneurs du XIXe siècle qui pratiquaient des politiques paternalistes étaient-ils des entrepreneurs sociaux ? Nous pouvons le supposer car ils ont construit des écoles, des églises, parfois même des villes entières pour loger leurs ouvriers.
Mais, les objectifs sociaux étaient secondaires, et étaient la contrepartie d’une politique de management des ressources humaines visant à fidéliser et à motiver une main- d’œuvre non encore habituée au travail industriel. Les éléments biographiques des entrepreneurs que nous évoquons montrent des entrepreneurs qui ont développé une activité économque intrinsèquement liée à une démarche sociale (amélioration des conditions de travail et de vie des salariés, éducation des enfants de ces derniers, etc. . 10Que dire de ces entrepreneurs européens comme les frères Michelin qui encadraient très étroitement leur personnel, en prenant en charge toutes les phases de leur existence de la naissance au tombeau ? Les écoles, les églises, les cafés, tout était Michelin. Citroën déclarait avec fierté qu’il avait fait preuve dœuvre sociale pendant la guerre en installant dans son entreprise des chambres d’allaitement pour les ouvrières venues en masse remplacer les hommes pendant cette période.
Les frères Michelin ou Citroën ne sont pas considérés (et à juste titre) comme des entrepreneurs sociaux. Ces entrepreneurs ont cherché à développer de nouvelles méthodes de gestion e ressources humaines, pour accroître la motivation de leurs salariés, sans alourdir la masse salariale 8 OF pour accroître la motivation de leurs salariés, sans alourdir la masse salariale, ou bien encore pour attirer de la main- d’œuvre qualifiée qui faisait gravement défaut à l’époque. Godin a également été confronté à cette question.
Nous pourrons multiplier les exemples en ce sens. Dans ce cas, le vocable d’entrepreneuriat social n’est pas approprié, nous lui substituons celui de paternalisme. Ce qui est bien différent. Et que dire de Henry Ford et de sa politique du « five dollars day » ui avait augmenté de manière conséquente le salaire de ses ouvriers en raison d’un turn over élevé ? La contrepartie de cette augmentation résidait dans un contrôle très étroit de la vie privée des salariés (vie de famille, fréquentation des cabarets et autres lieux de loisirs… . 1 1 L’entrepreneur social se définit d’abord par les objectifs qu’il se fixe : développer une action sociale laquelle répond aux besoins d’une population déterminée. Ce qui le distingue au premier abord est que Factivité d’Owen (Chanteau, 1996 ; Mercklé, 2006 ; Paquot, 2005 ; Vergnioux, 2002), de Citroën ou des Michelin se résente d’emblée comme une activité économique dont la finalité est le profit.
Ce qui n’est pas le cas de rentrepreneur qui se déclare « social » et qui place (tout au moins dans son discours) l’objectlf du profit comme secondaire, voire marginal, au regard des objectifs sociaux qu’il s’est fixé. 12L’entrepreneur social pourrait se définir en fonction du statut juridique de son activité, ainsi le fondateur d’une coopérative ou bien d’une association par exemple, puisque ce type d’organisation est régi selon des critères spécifiques (répartition des profits, principes démocratiques, etc. . L’entrepreneuriat social prend par conséquent de mu PAGF OF (répartition des profits, principes démocratiques, etc. ). L’entrepreneuriat social prend par conséquent de multiples formes au regard de la généralité des critères de définition retenus. Nous remarquons cependant dans les faits qu’un entrepreneur social peut tout aussi bien créer une association, une coopérative, une SARL ou même une société anonyme. Le statut juridique importe peu.
Pourtant depuis les années 1990, de nouvelles formes d’organisation sont apparues, comme en Italie avec la loi votée en 1991 offrant un statut spécifique e « coopérative sociale D, au Portugal avec la « coopérative de solidarité sociale » en 1997, en Espagne en 1999 avec la « coopérative d’initiative sociale D, en France avec la « société coopérative d’intérêt collectif » en 2001 ou en Pologne avec la « coopérative sociale » en 2006, etc. Defourny et Mertens, 2008). 13Ce qui semble en revanche déterminant, c’est fobjectif de l’entrepreneur, et en particulier, si on se réfère à la définition ci- dessus à « l’objectif explicite de service à la collectivité Mais, lorsque G. Eastman crée Kodak, il déclare qu’il souhaite mettre la hotographie à la portée de tous, à la fois sur le plan technique et économique : concevoir et fabriquer un produit facilement utilisable et bon marché.
Le discours de Renault, de Citroën, de Ford ou de Gates, pour l’automobile ou l’informatlque ne diffère guère. Nombre d’entrepreneurs historiques étaient convaincus dœuvrer pour le bien de l’humanité en améliorant l’accessibilité des classes populaires au progrès technique. Et que dire du célèbre milliardaire américain J. Rockefeller (Boutillier, 2008), qui après voir fait fortune, crée une fondation qui porte son nom pour financer diverses activités