interculturelle

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La perspective interculturelle en FLE : des principes didactologiques aux activités de classe (enseignement secondaire autrichien) ln : Travaux de didactique du français langue étrangère 54, IEFE, Montpellier III Margit Eisl Département des langues romanes, Universitat Wien 1. Introduction Souvent, l’école se trouve confrontée à tort ou à raison au reproche d’être en retard par rapport aux évolutions, mais cela ne devrait pas être notre sujet…

Swape nextp g Or il est un fait que le débat autour de la compét langues a tendance ? OF44 banaliser dans les dis , lentement dans les programmes d’ensei ffet, il existe dans le cadre l’enseignement des t n’est apparu que uels scolaires. En d’universités et d’institutions européennes de nombreuses publications théoriques sur le lien étroit entre langue et culture, sur la capacité de rencontrer l’étranger sans préjugés et l’importance d’un savoir-faire interculturel ; des propositions didactiques applicables à la pratique en classe et s’adressant directement aux écoles se font déjà beaucoup plus rares 1 .

En dehors du milieu scolaire, on trouve plus fréquemment des analyses concernant la communication interculturelle, des expériences documentées et nalysées par l’OFAJ (Office Franco-Allemand) qui a une longue tradition dans le travail avec des jeunes ou par des imposée sur le marché du travail comme un atout incontestable. Reste la question de savoir si cette volonté politique et ces efforts pédagogiques d’enseigner plusieurs langues étrangères – ce qui est d’ailleurs une des préoccupations majeures du Cadre de Référence Européen – auront au bout du compte l’effet souhaité de rapprocher les apprenants des cultures cibles.

Dans cet article, nous évoquerons quelques étapes dans l’évolution du rapport langue-culture ui ne cesse d’occuper les didacticien(ne)s et de faire le lien avec les pratiques en classe de langue dans les lycées autrichiens, c’est-à-dire de relever quelques aspects de la « condition scolaire » qui favorisent ou défavorisent un apprentissage dans le domaine de l’interculturel. Nos recherches se concentrent sur l’enseignement du français, deuxième langue étrangère – ce qui est le cas pour la grande majorité des élèves en Autriche.

Dans une deuxième partie, nous tenterons de rassembler des principes didactiques et des stratégies pour la classe allant vers une démarche interculturelle, stratégies repérées dans uelques publications notoires ou bien tirées de notre expérience sur le terrain. 3 Exemple de brochure éditée en 1998 par : Zentrum fur Schulentwicklung des BMIJK, section Ill et adressée aux écoles en Autriche sous le titre « Jugend, Vielfalt, Fremde Il s’agit de la traduction allemande d’une brochure du Conseil de l’Europe de 1995 (de Byram Michael et Zarate Geneviève). Beaucoup de recherches 2 44 ur le travail de « tandem pouvons nous baser sur une longue expérience d’enseignement, en particulier dans le second cycle, mais aussi dans le supérieur, ainsi que dans le domaine de la formation ontinue des enseignants de français. 2. Le rapport langue et culture 2. 1 . Langue vs culture? Certes, vouloir opposer les termes langue et culture semble absurde sinon contre-productif.

Très souvent, en se référant au grand philosophe du 19ème siècle, les didacticien(ne)s depuis 20 voire 30 ans ne cessent d’insister sur le lien étroit entre les compétences communicative et culturelle à la base de tout apprentissage d’une langue étrangère. Chaque nation possédant un fondement socio-economique et historique se réfère à un réseau de significations et à un système de valeurs qui sont communs et semblent évidents aux ocuteurs natifs. Tout écart par rapport aux expériences et valeurs connues risque fort d’être interprété de façon émotionnelle et négative, car ressenti comme comportement anormal.

D’où viennent les quiproquos – que nous connaissons tous — voire même « les chocs culturels » qui peuvent se produire dans la communication entre des personnes appartenant à différents systèmes de référence culturelle. Dans le meilleur des cas, il s’agit, dans la vie quotidienne, de situations humoristiques ou de malentendus sans conséquences réelles. Tout en étant consciente de la généralisation, nous appelons seulement de façon anecdotique quelques incidents entre Germains et Latins nger plus ou moins le bon (Français notamment) qui 3 44 plutôt accueilli favorablement dans un pays ne Pest pas forcément dans l’autre.

Et il faut savoir que plus un étranger maîtrise le système de langue, plus son interlocuteur s’attend aussi à une compétence culturelle ! La mésentente dans le monde des affaires connaît déjà des suites plus graves, un monde qui, lui aussi, a découvert la dimension relationnelle de la communication (dans le sens d’une bonne relation entre deux ou plusieurs personnes), sachant que la sympathie entre les artenaires commerciaux est très souvent d’une importance plus grande que les avantages matériels.

Les nombreux séminaires de PNL4 , dans les entreprises par exemple, comme dans la vie politique, en disent long. Les universités et autres institutions renforcent leurs offres concernant des cours d’entraînement et des séminaires de management interculturel (voir par exemple Bufe : 141 en mettant raccent sur les différentes « cultures d’entreprise », les techniques de négociation, les notions de temps et d’espace et enfin les simples rituels de salutation et de prise de contact, très divergents d’une culture ? l’autre.

Dans un monde « globalisé » où se forment à une vitesse de plus en plus époustouflante des sociétés multiculturelles à tous les niveaux – local, régional, international – allant jusqu’à la cyber-communauté, il faut se poser sérieusement la question de savoir comment réussir la communication, devenue de plus en plus un réel défi, d’autant plus que des mouvements protectionnistes et la peur de erdre « l’identité culturelle » sont ? l’ordre du iour et que sous 4 44 cachent souvent préjugés, méconnaissance de l’autre et xénophobie.

Face à cette situation, récole publique en général, et l’enseignement es langues étrangères en particulier, se trouvent plus que jamais devant un défi, car apprendre une langue étrangère est un instrument politique qui est souvent sous-estimé aussi bien par le monde politique que par les enseignants eux-mêmes. 2,2. La „condition scolaire » et le rôle de l’enseignant(e) En Autriche, comme dans d’autres pays européens, se multiplient les filières qui ont pour vocation de tenir compte de l’ouverture vers l’Europe et d’offrir des formations multilingues. Programmation neurolinguistique Pour citer un exemple intéressant dans ce contexte, notons que dans le domaine des lycées ‘enseignement professionnel, il existe depuis 1994 une filière intitulée « Langues étrangères et économie »5 qui propose, outre des heures d’enseignement d’anglais, de français et d’espagnol, une formation bilingue, spécialisée en anglais et en français économique avec un volet interculturel important.

Mais ces « segments de marché » privilégiés en heures, comme les quelques types de lycée axés principalement sur les langues étrangères, qui existent aussi bien dans le domaine de l’enseignement général que professionnel, facilitant d’office – grâce au niveau d’apprentissage des élèves – une approche culturelle, e sont-ils pas l’exception et peuvent-ils être représent ité quotidienne de 44 que quelques-uns: dans renseignement professionnel, des annees scolaires raccourcies par des stages en entreprise, créant des « pauses » de plusieurs mois ; le nombre d’heures en général avec tendance à la réduction dans les années a venir ; le nombre d’élèves par classe, variable selon les types de lycée. À cela s’ajoutent le mauvais positionnement de la deuxième langue par rapport à la première – manque d’environnement francophone dans la vie quotidienne des élèves – et une situation difficile encore renforcée elon l’école par une concurrence absurde entre les langues latines (français, espagnol, italien) parmi lesquelles le français est bien des fois perdant face aux arguments du genre populiste (langue plus facile, plus belle ou plus utile… ). Et enfin, le choix de la langue étrangère est de plus en plus motivé par les modes, la notion de l’utilité et la loi du marché.

Dans ce contexte, la pratique quotidienne reste trop souvent très traditionnelle, l’enseignement de la langue étrangère se réduisant à l’acquisition de compétences grammaticales, fonctionnelles ou pragmatiques en communication, en fonction e l’enseignant(e) et des usages dans son entourage pédagogique. Nous ne sommes pas les seuls à le constater. « La classe de langue a été définie comme le lieu où s’enseignait plus une technicité linguistique que la relation à l’autre. » (Zarate 1993 : 9) Même si nous prenons en considération toutes les initiatives remarquables de beaucoup de professeurs de langue (au sein de la classe, mais aussi en activités extra-scolaires) ui font reuve d’engagement et d’ouverture d’esprit, nous 6 44 constatation de Geneviève Zarate est toujours valable.

Il se pose donc la question de savoir quel est le rôle de ‘enseignant(e) dans ce débat ? Estil/elle d’abord celui ou celle qui organise l’acquisition de la langue et sous quelle forme – ou est-il/elle médiateur/médiatrlce entre les cultures ? Les réactions que nous avons recueillies au cours des années ont été très variables et vont, dans le pire des cas, du refus presque catégorique du « culturel » au vif regret de manquer de temps pour « faire plus de culturel Débutant dans le métier, l’enthousiasme des jeunes enseignant(e)s est souvent très favorable ? l’enseignement de la culture, d’une culture « jeune » notamment, selon le degré ‘identification avec la langue choisie comme spécialisation.

Mais les impératifs du « carcan » scolaire font que s’installent souvent résignation ou désillusion. Certes, le type de formation y joue un certain rôle, mais nous sommes convaincus qu’a priori le problème est le même dans tous les types d’enseignement. Si les uns prennent comme prétexte les objectifs de langue de spécialité et les impératifs du professionnel, les autres se plaignent souvent du manque de « niveau » ou d’engagement de la part des élèves. Et même les enseignements dispensés dans le domaine du « culturel », littéraire ou « ivilisationniste b, amènent-ils toujours à une meilleure compréhension de la culture cible ?

Nous devons nous interroger sérieusement sur les formations initiale et continue des sur leur savoir-faire 5 intitulée « Internationale Kommunikation in der Wirtschaft depuis quelques années 44 de l’ interculturel – car la simple envie ou la bonne volonté de transmettre « la flamme » ne suffisent pas – sachant que le débat n’a fait que commencer dans les milieux scolaires. 2,3. L’évolution historique et son reflet dans la pratique de l’enseignement Un choix linguistique est aussi un choix idéologique. Quelle langue enseigner ? Quelle image d’un pays offrir ? Quelle culture transmettre ? Une série de questions qui ne cessent de préoccuper les didacticien(ne)s jusqu’à nos jours. « Mehrere Sprachen sind verschledene Ansichten einer Sache… s enneitert Sich für uns der LJmfang des Menschendaseyns, neue Arten zu denken und zu empfinden.  » (cité dans: Roche 2001 : 12)6 Pourtant, ce concept humaniste et éclairé de Humboldt a laissé d’abord peu de traces dans la didactique des langues étrangères. Nous lancer dans un débat autour des définitions du mot « culture » nous mènerait ici trop loin. Mais retenons le fait que pendant longtemps tout enseignement de langue était lié à la transmission de la culture avec un grand « C »7, synonyme du terme « civilisation et désignant exclusivement les mouvements intellectuels, « les monuments littéraires et artistiques Y, le grand héritage d’un patrimoine historique.

Cette conception du terme – décrite par Norbert Elias en 19368 – renfermait l’idée de la suprématie de la culture « civilisée », occidentale, en l’occurrence du français, et une connotation idéologique et politique (issue de la période coloniale). Pendant des décennies, l’œuvre de référence en rançais langue étrangère auger bleu » : pourquoi les citoyens des Nations d’outre-mer et les élites étrangères étudient le français…. C’est d’abord pour entrer en contact avec une des civilisations les plus riches du monde moderne, cultiver et orner leur esprit par l’étude littéraire splendide et devenir des personnes distinguées.

C’est aussi pour avoir à leur disposition la clé d’or de plusieurs continents et parce qu’ils savent que le français, langue belle, est en même temps langue utile. Le français élève, et, en même temps, il sert. » 9 Si, au niveau avancé, les contenus culturels de cette œuvre onnaient un aperçu de la civilisation française, des institutions, de fhistoire et de la littérature, le niveau débutant et intermédiaire présentait des aspects de la vie quotidienne, des habitudes des Français de façon généralisante, les différences sociales ou individuelles étant écartées au profit d’une image simplifiée (De Carlo 1 998 : 25-27).

Cette conception de raccourci pédagogique devrait se maintenir et influencer encore longtemps les méthodes dites « directes « audiovisuelles » et les manuels de langue en général, bien au delà de ces courants didactiques. La simplification de la langue qui naît du souci pédagogique de ne pas demander trop aux élèves du point de vue linguistique – crainte d’ailleurs exprimée encore aujourdhui par de nombreux étudiant(e)s, futurs enseignant(e)s – implique forcément une neutralisation des phénomènes culturels de la langue cible ainsi qu’une hiérarchie des valeurs. Il a fallu attendre les années 70 et 80 pour voir ressurgir de nouvelles définitions du terme « culture b.

Employé par l’ el, il enelobe, à la englobe, à la différence de « civilisation » avec son caractère réducteur, l’espace, l’économie, la société, les entalités collectives (cf. Braudel 1987) ; les anthropologues, à l’encontre de l’attitude ethnocentrique si dominante jusque là, placent les différentes cultures sur un même pied d’égalité . C’est Bourdieu, la voix la plus célèbre des sociologues, qui continue d’influencer la didactique des langues en 6 Plusieurs langues étrangères représentent différents points de vue sur la même chose ; fexistence humaine est ainsi ouverte sur de nouvelles façons de penser et de ressentir. (Notre traduction) 7 Ce qui correspond au terme de „HochkuItuW en allemand. „Über den Prozess der Zivilisation » 1936/1 969, La civilisation des œurs, Presses Pocket, Calmann-Lévy, pans 1990 9 G. Mauger, Préface du Cours de langue et de civilisation françaises, Hachette, Paris 1953, (réédité en 1984) constatant dans La distinction qu’au sein d’une même culture, les individus ne forment pas des blocs homogènes. « Chaque culture comporte une infinité de micro-cultures hiérarchisées et interdépendantes, se traduisant par un ensemble de stratégies, d’habitudes sociales et culturelles ou habitus » (Bourdieu 1979 : chap. 7) Sous les influences de la ps cholin uistique, de la sociolinguistique et de l’a 0 4