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essay B

Séance nos : Reprise de Hexposé sur l’ensemble « Solitaire Analyse basée sur le travail proposée par Marie-Françoise Leudet. l/ Le dessin de Man Ray (1936) Deux mains vides, isolées du corps, émergent de manchettes de dentelle, les longs doigts effilés jouant avec un fil : le graphisme est épuré. À ce dessin de mains féminines, situé dans la première partie du recueil, répond en une vue symétrique, comme en écho dans la deuxième partie, un autre dessin aux mains vides, masculines, tissant cette fois-ci une toile d’araignée… « L’Attente ».

On sait par ailleurs que le dessin de Man Ray a connu une premiere version en ‘existait pas encore. n r or 8 la passion de Man Ra Où Svage to View dessous). 1925 1930 1935 Autoportrait, 1933 des Mains Libres cette esquisse es exemples ci- En outre, la position de la main dressée, ouverte et vide, est souvent employée par Man Ray. Cet essai (ci-contre) pour la couverture de Photographs by Man Ray 1920 Paris 1934 (1) (première rétrospective de ses que celle de « Solitaire puisqu’elle est unique, mais elle renvoie bien aux motifs récurrents chez Man Ray.

En 1971, dans une série de dix bronzes inspirés des dessins des Mains libres, nous retrouvons les deux mains avec leur manchette de dentelle La sculpture en ronde-bosse, que l’on peut faire tourner, présente l’avantage sur le dessin de pouvoir changer le point de vue du spectateur sur les mains de la femme qui tisse ces fils ténus, alors que le dessin fixe son regard et sa position. Mais à y regarder de plus près, il est frappant de constater entre les deux mains en bronze… u vide : pas de fils… rien… juste assez de place pour enserrer un visage ou une tête par exemple. Ces mains en bronze accordent plus de place à l’imaginaire, car même vides, elles sont ouvertes : que peuvent-elles recevoir, dès lors qu’elles ne sont plus liées ni entravées par les ficelles ? Il s’agit bien des mêmes mains, le doute n’est guère permis, mais elles prennent une signification tout autre.

Il convient alors de s’intéresser aux mains positlonnées alnsl dans le recueil et on s’aperçoit qu’il existe quatre dessins similaires . « Le mannequin » (les mains sont alors libres), « Le temps qu’il faisait le 14 mars » (la femme se tient alors le visage), « Histoire de la science » (les mains de la femme enserrent une boule) et bien sûr « l’attente » (la toile d’araigné science » (les mains de la femme enserrent une boule) et bien sûr « l’attente » (la toile d’araignée remplace ici les fils).

On remarque lors que les mains ainsi placées se réfèrent systématiquement dans le recueil à la femme : soit il s’agit de femme soit les mains sont à la recherche d’une femme comme dans « l’attente » Dans le dessin, ces mains sont vides, mais elles ont pourtant une activité… Comme dans le « jeu des ficelles », jeu particulièrement créatif où l’on tresse des ficelles très fines pour créer des formes multiples, de leurs doigts minces, ces mains jouent avec un fil. La multitude des figures fait d’ailleurs penser au goût de Man Ray pour les recherches mathématiques.

Que signifie ce fil représenté par des lignes prêtes à se briser ? La fragilité du lien qui existe entre les êtres ? La fragilité de la vie ? Ou bien la finesse des multiples possibilités de la création ? Rappelons-nous « Des nuages dans les mains où les mains vides soutiennent des nuages, autre forme de légèreté et d’insaisissable. Le titre donne une orientation de lecture, mais en l’absence de données fiables sur celui qui l’a choisi, Man Ray ou Eluard, l’interprétation du dessin peut être différente.

Ce titre « Solitaire » engage en effet explicitement la lecture sur un jeu qui distrait l’être de sa solitude, tout en exprimant symboliquement sa fragilité. Sans ce titre, istrait l’être de sa solitude, tout en exprimant symboliquement sa fragilité. Sans ce titre, les mains jouant avec ce fil peuvent tout aussi bien évoquer le geste créateur : la création du « jeu des ficelles » fait naitre une forme visuelle, un tissu qui rappelle celui d’un texte.

Nous retrouverons cette possible interprétation dans le dessin « L’attente », dont la toile d’araignée est elle aussi polysémique. Toutefois, on peut aussi s’interroger sur le lien entre les mains et le fil. Il ne s’agit peut-être pas uniquement d’une occupation. Sont-elles reunies grâce à ce fil, ce qui tendrait à contredire le itre de l’ensemble ? Ou, au contraire, sont-elles enfermées sur elles-mêmes ? Il pourrait alors s’agir d’une réflexion sur la liberté et en l’occurrence, sur son absence et sur l’enfermement que constituerait la solitude.

En outre, ces deux mains se font face l’une l’autre sans pour autant se rencontrer : il est possible que Man Ray propose ainsi une réflexion sur sa création commune avec Éluard et affirme la nécessité d’être réunis pour créer. Il/ Du dessin au poème Solitaire J’aurais pu vivre sans toi Vivre seul Qui parle Qui peut vivre seul Sans toi Qui Être en dépit de tout Être en dépit de soi La nuit est avancée Comme un bloc de cristal je me mêle à la nuit. Paul Éluard retient, de ces deux mains entrelaçant un fil, le thème de PAGF Je me mêle à la nuit. de la solitude, source d’angoisse dans toute l’œuvre du poète.

Si dans le dessin, les deux mains pouvaient suggérer l’isolement et la solitude, il s’agit de deux mains de femme ; or dans le poème, l’adjectif « solitaire » qualifie le poète, confronté à la solitude, ? l’absence de la femme aimée, c’est l’Autre dont il risque d’être séparé qu’il voit dans le dessin. Plus qu’une thématique générale, le titre appelle une voix, une voix « solitaire » qui va ouvrir et ermer le poème : « Je Le poème est une sorte de dialogue à la fois avec la femme aimée, « toi », mais surtout avec lui-même, dialogue intérieur sur la relation amoureuse.

La construction du poème rend compte de cet étrange dialogue . 7 syllabes 3 syllabes Strophe 1 : vers 1-2 : deux vers, affirmation presque insolente de l’éventualité de l’absence de l’autre. L’affirmation est toutefois atténuée par le conditionnel passé « j’aurais pu » et aussitôt réfutée par l’indicatif présent des vers suivants. 2 syllabes 5 syllabes 1 syllabe Strophe 2 : vers 3 à 6 : réfutation sous la forme interrogative. Le poète s’offusque d’une telle éventualité… t engage un dialogue avec lui-même, non signalé par la ponctuation mais perceptible par le changement de personne : « Qui parle » ? Le pronom « qui » la ponctuation mais perceptible par le changement de personne : « Qui parle » ? Le pronom « qui » est répété 3 fois pour bien marquer l’absurdité d’une telle éventualité. Ce « qui » ne peut – ou ne doit décidément pas – être le « je » ! La rupture est nette. Marquant nettement l’opposition et la rupture, cette deuxième strophe est construite en chiasme avec la première

J’aurais pu Conditionnel passé vivre sans toi vivre seul Qui peut Indicatif présent vrvre seul et comme si le simple fait d’y penser lui coupait le souffle : « qui parle » (deux syllabes), il reformule l’interrogation plus longuement (5 syllabes « Qui peut vivre seul D) avant de retomber à l’idée du néant. La strophe se rétrécit jusqu’au dernier vers, qui n’est plus qu’un monosyllabe. 6 syllabes Strophe 3 : vers 7-8 : réponse. L’effacement de soi est nécessaire dans une relation à l’Autre.

La double occurrence de « en dépit de » « Être en dépit de tout / Être en dépit de soi » vec ses allitérations en occlusives : dentales [d/t] et bilabiales [p], martèle cette nécessité : ne pas tenir compte de soi. La quasi- répétition du vers à l’identique donne une dimension volontariste à ces deux sentences à l’infinitif, qui répondent en quelque sorte au poème « Narcisse », qui commet l’erreur de « N’être que soi/ Guide égaré Strophe 4 poème « Narcisse qui commet l’erreur de « N’être que soi/ Strophe 4 : vers 9.

L’angoisse revient avec « la nuit Strophe 5 : vers 10 et 11. Cangoisse revient mais avec elle, la volonté de lutter comme un « bloc de cristal Le pronom « je » ui ouvrait le poème le referme dans un sentiment mêlé car « qui peut vivre seul » ? La solitude est bien l’angoisse du poète. La construction du poème semble donc épouser le resserrement de l’angoisse, pour se stabiliser une fois la réponse énoncée. La solitude peut-elle être vaincue ? Le poème progresse vers la nult.

Or, les poèmes de Paul Eluard montrent qu’il a développé une phobie de la nuit dans la mesure où celle-ci représente la mort et l’isolement. Cependant, on peut penser que la dernière strophe est plus positive et qu’il est possible aussi d’y vivre, à condition d’apporter oi-même sa lumière ; et c’est « comme un bloc de cristal » que le poète se « mêle à la nuit » : le cristal est solide et lumineux, inaltérable, il symbolise la durée de l’éclat, l’illumination de l’amour.

Ainsi Éluard écrit-il aussi dans un poeme intitulé « Nusch » Confiance de cristal Entre deux miroirs La nuit tes yeux se perdent Pour joindre l’éveil au désir. (5) En acceptant l’effacement pour vaincre la solitude, le poète peut acquérir cette force lumine acceptant l’effacement pour vaincre la solitude, le poète peut acquérir cette force lumineuse et invincible du bloc de cristal, ymbole d’une fragilité pure, mais indestructible.

Le poème d’Éluard rend sensible l’imposslbilité pour le poète d’être seul, l’absence de l’autre lui fait perdre jusqu’à son identité propre, ce dont rendent compte les interrogations de la deuxième strophe. Le poète stigmatise celui qui s’enferme en lui-même comme Narcisse, son « masque de poix » n’est qu’opacité, au contraire du bloc de cristal. Par ailleurs, on remarquera que l’ensemble qui suit « Solitaire » est « Burlesque » où la femme est appelée « fille de glace » et associée par le poète à la « confiance » en soi.

La main, dédoublement de la femme, dans ce dessin, semble d’ailleurs tenir une perle, qui nous rapporterait à ce « bloc de cristal On obseNe donc une continuité du motif des mains séparés dans le recueil et « Solitaire » incarne les différentes problématiques de l’œuvre : on peut y voir le regret de l’absence de l’autre, de la femme désirée, comme une réflexion sur la création à quatre mains. Par ailleurs, les deux auteurs semblent établir une équivalence entre la solitude et l’absence de liberté, laissant entendre que la collaboration ne peut être que fertile.