développement territorial
Quel « tournant territorial » de l’économie mondiale globalisée ? Bernard PECQUEUR Institut de Géographie Alpine, Université Joseph Fourier, Grenoble, France bernard. pecqueur@ujf-grenoble. fr Une attention nouvelle est portée aujourd’hui aux dynamiques régionales voire locales dans les tourmentes de la globalisation. Toute une tradition d’analyse de l’entrepr local et du développe en d’économie et de gé ag, Sni* to View Québec 1 explore déj s’est renouvelée lors ux travaux squels [‘attention les années 70, au début de la longue crise du fordisme, les italiens (G.
Beccattini 1979) aisaient redécouvrir au monde les « districts industriels ». Une langue période d après crise se décante aujourd’hui. Elle concernait un mouvement des structures tant strictement économiques qu’institutionnelles, législatives volre sociétales visant à dépasser la société fordiste et à nous faire passer de l’exacerbation extrême de l’industrie à un monde d’après industrie qui ne nie pas cette dernière mais qui replace cette activité dans un contexte d’économie cognitive (B.
Walliser 2000) où les processus de construction des ressources cognitives par les acteurs prennent ne place prépondérante. d’autres termes, la globalisation sans uniformiser les conditions de production, les fait entrer dans une même échelle. Quelque soit le lieu, les facteurs de production (travail, capital et matière première) sont les mêmes, seul le cocktail varie. On a donc une différenciation spatiale (difficilement niable au regard des inégalités visibles) mais pas de différenciation géographique. utre part, pourtant, les analyses de révolution du capitalisme font état d’une imbrlcatlon plus complexe des niveaux « local » et « global D. Cohen (2004) dans une nalyse récente de la mondialisation, concède : « le terme de « mondialisation » ne se comprend bien que si l’ saisit qu’ scelle I unité de deux termes qui semblent contradictoires : enracinement dans le local et déracinement planétaire Il y aurait alors émergence d’ modèle dialectique local/global.
C’est dans ce contexte où nous privilégions la divergence sur la convergence, que nous proposons l’hypothèse selon laquelle le local n’est plus seulement un lieu légitimé d’action économique mais plus encore un niveau crucial d’adaptation au global, une modalité centrale de la régulation du capitalisme contemporain. Nous développerons notre argumentation en deux temps.
Dans une première partie nous montrerons comment dans les faits empiriques, la régulation par le local s’opère et rend une place croissante dans reanisation de la PAGF î 0 pensons à l’ensemble de la communauté universitaire québecquoise qui s’est exprimée lors du colloque ACFAS de mai 2004 et qui de Montréal à Laval en passant par Rimouski, Chicoutimi ou Sherbrooke témolgne d’une grande vitalité sur ces thèmes. Voir comme production synthétique récente : A. Joyal ( 2002) ou encore I. M. Fontan, I. L. Klein et 3. Lévesque (2003). 0) La variété des formes d’ organisation territoriale De manière srylisée, on observe ce que l’ pourrait appeler l’ exaspération du nomadisme des firmes illustré par les mouvements accélérés de délocalisation2 des entreprises à la recherche de ressources banales (main d’œuvre abondante et bon marché, conditions faciles d’ accès aux matières premières, proximité de nouveaux marchés, etc. ). Un tel mouvement questionne les territoires d ancienne prospérité devenus incapables de rivaliser avec ces nouveaux « territoires du faible coût de production ».
Les premiers doivent réagir. Lorsque les producteurs de chaussures du choletais (district industriel de l’ ouest de la France connu pour ses performances dans la chaussure et le prêt ? porter) nous disaient3 que leurs concurrents d’ Asie du Sud-Est mettaient leurs chaussures sur le marché français au prix où, eux les choletais, achetaient le cuir ! on atteint là les limites de la comparabilité. En d’ PAGF 0 naiVe mais très répandue des délocalisations prétend ainsi que les pays à bas salaires constituent un piège mortel pour les économies développées.
Cependant, nos productions de chaussures confrontées au problème ci-dessus, n’ sont plus ? hercher à rivaliser avec leurs concurrents sur les mêmes produits car cela reviendrait ? travailler à main d’œuvre et coûts de fabrication gratuits Dans ce cas comme dans beaucoup d’ autres dans l’ économie contemporaine, la sortie du problème consiste ? différencier le produit pour qu’ devienne « spécifique » et donc échappe à la concurrence.
Les fabricants du choletais ont donc cherché tout d’ abord à monter en gamme pour permettre une augmentation des prix, puis dans un second temps ? maitriser la mode en amont du produit afin de faire ainsi un produit complètement différent de la haussure standard importée. C dans ce contexte que l’ observation rétrospective des tissus économiques des pays d’ ancienne industrie (mais aussi finalement les autres,… montre l’ existence de formes organisation de type territorial très nombreuses et très efficientes. 1 . 1 De la forme district aux multiples configurations territoriales • Au commencement de cette jeune histoire, il y a la (re)découverte des districts industriels marshalliens par les écon s autour de la figure de G. de croissance des firmes avec des concentrations de petites entreprises non dominées par une grande. Cet ensemble, ar un effet d’ atmosphère industrielle » produisait des externalités.
La version italienne du District Industriel marshallien met en évidence deux caractéristiques centrales de cette forme d’ organisation : en premier lieu, les Dl démontrent une remarquable capacité d’ adaptation et une réactivité aux mouvements du marché dans un monde globalisé. La présence de multiples PME et TPE dans un espace de communication restreint exacerbe le double mouvement de concurrence-émulatian et de coopération. Les entreprises sont à la fois Même s’ convient de relativiser l’ ampleur du mouvement au regard de maginaire de la mondialisation qul amplifie la perception du phénomène très au delà de sa réalité.
D. Cohen (2004) cite notamment l’ économiste J. Frankel pour qui « l’ économie américaine représente environ un quart de l’ économie mondiale. Si elle était parfaitement intégrée au monde, au sens trivial où ses achats et ses ventes seraient totalement indifférents ? origine ou à la destination de son partenaire commercial, elle achèterait ou vendrait trois uarts de ses biens ? PAGF s 0 plasturgistes d’ Oyonnax coopéraient au niveau du transfert des techniques et savoir-faire et ngageaient dans une concurrence sans faille au niveau du partage de la clientèle.
En second lieu, les Dl consacrent la rencontre des firmes et des hommes sur un espace concret. G. Beccattini (1979) définit le Dl comme « une entité socio-territoriale caracterisée par la présence active d’ communauté de personnes et d’ population d’ une entreprises dans un espace géographique et historique donné. Dans le district, à l’ inverse de ce qui se passe dans d’ autres types d’ environnements, comme par exemple les villes manufacturières, il tend ? y avoir osmose parfaite entre communauté locale et entreprises ? (souligné par nous).
Autour de la forme originelle du Dl, différentes déclinaisons ont été proposées en fonction des analyses diverses mais aussi des contextes di organisation. Ainsi, le GREMI (Groupe de Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs) en filiation avec les travaux pionniers de Ph. Aydalot (1986) illustre plus précisément les modalités proprement territoriales du processus de l’ innovation.
On y trouve une filiation schumpeterienne mais avec un glissement de la figure isolée de entrepreneur (vertu nécessaire mais non expli leu » entrepreneur et 0 district technologique » (B. Pecqueur et N. Rousier 1992 et C. Antonelli 1995) dans une tentative de compréhension du phénomène technopolitain. plus globalement, le SPL (Système Productif Localisé) propose une généralisation des situations du district dans laquelle on trouve deux types de coordination des acteurs : le marché et la réciprocité (C.
Courlet 2001) qui constituent deux systèmes d’ échange intriqués l’ dans l’ autre. 4 En introdulsant ainsi la relation don/contre-don de type maussien dans la coordination des acteurs économiques, on aboutit à une anthropologie du territoire plus complexe que celle de omo oeconomicus, mais plus utile aussi pour comprendre les effets de cette fameuse « atmosphère industrielle » marshallienne constitutive des externalités territoriales.
Dans le recensement des formes d’ organisation spatiale dans la proximité des producteurs, on trouve également les SYAL (Systèmes Agroalimentaires Localisés)5 qui sont définis comme : « des organisations de production et de services (unités de production agricoles, entreprises agro-alimentaires, commerciales, de service, de restauration,… ) associées de par leurs caractéristiques et leur fonctionnement à un territoire spécifique ? (CIRAD-Sar 1996). Plus qu’ simple application du SPL le SYAL démontre que la territorialisation de la production ne se limite pas à l’ industrie traditionnelle ou 7 0 consommateurs.
La spécificité de la matière première vivante, périssable, hétérogène et, par nature, saisonniere. Le lien avec les caractéristiques du milieu et la gestion des ressources naturelles. 4 La relation de marché a, pour nous, au moins trois caractéristiques, elle est nan obligatoire, immédiate et traduite par un prix tandis que la relation de réciprocité est obligatoire (obligation sociale) et le retour n’ pas récis dans le temps et peut se traduire par d autres formes de contre-don (service, considération, pouvoir,etc. . Nous reprenons là en l’ adaptant, la position de K. Polanyi (1957) pour qui, il existe trois formes d’ intégration de la société (ou trois modes de coordination entre acteurs : la réclprocité, la redistribution et l’ échange. La notion est née dans l’ équipe TERA du CIRAD autour di rapport CIRAD-Sar (1996) et des papiers divers, encore en littérature grise, mais dont on espère qu’ sortiront dans des revues scientifiques ; voir par exemple : C. Cerdan et D. Sautier (1998).
On lira également avec intérêt une illustration systématique pour l’ agriculture andine dans le cas des froma eries de Cajamarca au Pérou, dans la thèse de F. Boucher (20 D. combinant créent une offre composite particulière au lieu. On est alors en présence d’ modèle dit du « panier de biens » (B. Pecqueur 2001). Ce modèle reflète la constitution d’ une offre de biens et services qui est co-construite par interaction entre offreurs et demandeurs dans laquelle ces derniers jouent un rôle très actif.
Par son ancrage territorial, il se distingue de la simple différenciation par la qualité ou des odèles de biens combinés. Il repose sur trois piliers qui en font la spécificité par rapport aux autres formes de différenciation et de concurrence monopolistique : Les attributs structurels et environnementaux qui contribuent ? qualifier le territoire, ? construire son image et qui conditionnent la demande complexe d’ utilité du consommateur. En ce sens, le contexte territorial de la consommation joue un rôle essentiel dans la définition de l’ attribut de ce qui est consommé.
Les biens et services mixtes ne sont pas un simple assortiment de biens et sewices privés ? aractère commercial, mais résultent d’ une association positive de biens et services publics et privés, ce qui suppose l’ existence d’ une stratégie publique qui peut varier d’ un territoire à un autre. Le panier de biens et services terrltorialisés est proposé au consommateur qui va jouer un rôle actif pour construire la réponse globale à son « problème de consommation » (Cf. Ph. Moati 2001).
Ce panier est donc une co PAGF 30 plexe divers éléments organisationnelle ensuite. Ces systèmes empruntent à la sphère de l’ homme (facteurs technico-économico-anthropiques) et à la sphère de la nature facteurs éco-climato-pédologiques). Ces différentes caractéristiques aboutissent à l’ que ce ne sont pas seulement les produits idée et les services qui se vendent localement, mais, à travers les contributions de tous les acteurs (y compris les acteurs publics) et l’ intégration des aménités environnementales (paysages, climats, etc. , c’est le territoire lui-même qui est le produit vendu, c’ lul qui constitue l’ offre composite. Ainsi, l’ avantage qui peut se dégager de ce passage de la somme des produits locaux à la production territoriale, constitue un effet de rente dite ? de qualité territoriale » ( A. Mollard 2001). Enfin, dans notre énumération, n’ omettons pas une forme générale décrite tant au Nord qu’ Sud.
La littérature anglo-saxonne6 a, en effet, développé également cette jonction entre espace local et développement. P. Krugman (1995) propose idée d’ externalité locale (« local external economies ») évoquée dans la première partie de ce texte. Ces externalités se concrétise par des « clusters b. L’ de « cluster » issue des districts industriels italiens va être plus précisément définie ar M. Porter (2000) : « a cluster is a geoeraphicallv proximate