Conrad Souvenirs Personnels Postface
Joseph Conrad Souvenirs personnels Fin 1 907, Joseph Conrad, désormais quinquagénaire, entame un nouveau roman, un livre destiné à le replonger dans un monde perdu : celui de son père, homme de lettres et révolutionnaire polonais, adversaire malheureux de fautocratie tsariste. « Cela s’appellera Razumov, écrit-il quelques mois plus tard (en français) au traducteur Henry D. Davray, et sera russe – très russe en vérité.
Absolutisme et révolution – et les affres morales du susdit Razumov – étudiant tranquille – qui en meurt. Voilà tout. » La Swipe to page rédaction de ce Razu e dit déprimé, fatigu littéraire J. B. Pinker achevé, sans pour au années office de « ba PACE 1 or7 to View retard. Conrad ent à son agent ux doigts d’être ‘t depuis plusieurs vain, dont la dette envers lui commence a prendre des proportions inquiétantes, à tel point qu’il lui adresse un ultimatum pour la mi-août 1908. Conrad le rejette.
Il n’hésite pas à laisser de côté le manuscrit de Razumov pour s’impliquer dans le lancement, par son collaborateur et ami Ford Madox Ford, d’une ambitieuse revue littéraire. Et en septembre, Conrad annonce à Pinker qu’il a ccepté de rédiger plusieurs articles autobiographiques destlnés à la English Review, payables au comptant – ce qui ne l’empêche pas de lui emp unter davantage d’argent encore. Ces pages autobiographiques deviennent une diversion bienvenue au cours d’une phase d’écriture compliquée.
Ni Ni leur ton, plutôt enjoué, ni leurs qualités littéraires ne témoignent d’une baisse de forme. La période est faste pour Conrad, qui a publié depuis une huitaine d’années Lord Jim (1 900), Jeunesse (1902), Typhon (1903), Nostromo (1904), Le Miroir de la er (1906), L’Agent secret (1907), et enfin en 1908 Six nouvelles, mal accueilli par une critique à laquelle, aussi, il veut réagir. Il a bondi en lisant l’article fielleux de Robert Lynd, dans le Daily News du 6 août : « M.
Conrad, comme chacun sait, est polonais et écrit en anglais par choix personnel, pour ainsi dire, plutôt que par nature. De l’avis de beaucoup, ce choix est une bonne chose Pour certains d’entre nous, cela parait une chose regrettable, même du point de vue de la littérature anglaise. Sa vision de l’homme, néanmoins, est la vision d’un cosmopolite, d’un agabond sans feu ni lieu. » Quelques semaines plus tard, Conrad affirme à Pinker vouloir évoquer son passé polonais, montrer qu’il n’a « rien d’un renégat ».
Il s’apprête à retracer quelques étapes qui l’ont conduit à se placer sous pavillon anglais. Il sera beaucoup question de la Pologne dans ses souvenirs, publiés sous la forme de « réminiscences » dans la English Review, en sept livraisons, entre octobre 1 908 et juin 1909. Une Pologne qui n’est pas ou peu envisagée sous l’angle des rapports violents avec l’autocratie russe, douloureuse question au centre de Razumov. Une Pologne un peu floue, mise à distance, reléguée dans un passé sentimental.
Son enfance, ses parents y sont ? peine esquissés, même si Conrad reviendra en 1919, dans une Note de l’Auteur ajoutée PAG » rif 7 parents y sont à peine esquissés, même si Conrad reviendra en 191 9, dans une Note de l’Auteur ajoutée à ses Souvenirs personnels, sur la figure de son père. D’autres personnages les supplantent. Des silhouettes secondaires, entrevues lors d’un décevant retour en Pologne en 1893, ou un aïeul fantasmé, son grand-oncle Nicholas, vétéran de l’Empire. Seul un proche se détache avec précision des souvenirs polonais de Conrad, son oncle Tadeusz Bobrowski.
Il a parrainé son émancipation, lui a assuré pendant des années un soutien financier. Il ra envoyé encore adolescent à Marseille, lui a procuré des recommandations pour devenir marin. Il a su accompagner son irrépressible envie de prendre le large. En 191 1, Conrad voudra intituler ces souvenirs The Double Call, « Le Double appel Le premier était celui de la mer. L’autre, ce fut son attirance pour l’Angleterre, le monde britannique. L’appel à devenir un ?crivain anglais, plutôt que polonais ou même français.
Car Conrad a perdu, très jeune, son père et sa mère. Il a vu l’échec du soulèvement patriotique polonais, et ce qu’il en a coûté à sa famille. Il ne possédait pas la « nationalité » polonaise, il était sujet russe. Le polonais, et le français, langue de l’aristocratie polonaise, se chargeaient peut-être du poids de cette tristesse. Et puis, outre ses raisons de rompre, de vouloir changer d’air, Conrad se sentait inexorablement attiré par l’Angleterre. Elle est la patrie qu’il s’est reconnue.
Il place bien en évidence dans ses Souvenirs es premières lectures de Shakespeare, les premiers Anglais qu’il aperçut, et le premier pavillon r PAGF3C,F7 lectures de Shakespeare, les premiers Anglais qu’il aperçut, et le premier pavillon rouge. Avec cette scène si particulière, le moment où pour la première fois sa main entre en contact avec le flanc d’un navire anglals. Enfance en Pologne, adolescence prolongée à Marseille dont on ne sait pas grand-chose, et puis une vie qui commence vraiment quand il embarque sur des navires britanniques, s’installe en « Anglemer n.
Tours de Grande-Bretagne, allers-retours en Londres et l’Australie, Londres et l’Extrême-Orient. Epreuves successives des grades de la marine marchande anglaise, une validation supplémentaire. Mais une fois qu’il a atteint son rêve d’être capitaine, Conrad n’exerce que quelques mois, paraissant ne plus rien avoir à prouver. En l’espace d’une année (1894), il démissionne de la marine, son oncle meurt, il se met à écrire, et on le publie. Début du deuxième acte : devenir un écrivain anglais. En octobre 1908, ce but semble atteint. Dans une lettre ? Pinker, il se félicite — un brin ironiquement ? d’être publié dans la English Review : « Cest peut-être, pour ainsi dire, la chance de ma vie, car c’est maintenant un fait : je suis reconnu comme écrivain anglais. » Il lui livre donc ces sept chapitres de réminiscences. Puis il considère qu’ils constituent le premier volume de ses souvenirs, envisageant d’en composer un second. Mais les clrconstances en décident autrement. Il se brouille avec Ford à ‘été 1909 et cesse décrire pour la English Review. Ses Souvenirs restent longtemps dans un tiroir, jusqu’à l’été 1911. Razumov reprend ses droits et devient Sous les yeux de l’Occident,