chaque civilisation a les ordures qu’elle mérite
Voici une œuvre protéiforme, d’une rare ambition, qui embrasse de nombreux domaines de l’activité humaine (de la marine ? l’agriculture, de l’écriture à la vie sauvage, etc. ) et s’interroge sur le sens de l’existence à travers un personnage – homme nu et dépouillé qui va devoir se reconstruire en trouvant une signification à sa nouvelle vie de solitaire 1. ANALYSE Le titre Le titre révèle le propos du romancier.
Dès lors que le roman source de Daniel Def OF40 Swip ta View next page adventures of Robins C choisit un titre – Vend dl ou I démarque de celui d le romancier modern m d nd strange er, Michel Tournier cifique – qui se dredi à Robinson, n Vendredi (comme le confirme, d’ailleurs, la version pour enfant publiée quatre années plus tard et intitulée Vendredi ou la vie sauvage, 1971 ) au détriment de l’Anglais Robinson. Par ailleurs, le titre Insiste sur l’alternative avec l’expression « ou les limbes du Pacifique » soulignant ainsi le no man’s life d’une personnalité en reconstruction.
Si les limbes sont, par définition, le lieu de séjour des enfants morts sans avoir été baptisés, on aura confirmation que l’île de Speranza figure bien le lieu spatio-temporel de la atence, d’une modification à venir pour Robinson, voire d’un enfantement en germe. Les thèmes Robinson est face à lîle comme Sisyphe devant son rocher. Mais Robinson après l’avoir appelée « île de la désolation » finit par la nommer « Ille Speranza Une différence notable puisque quand run (Sisyphe) ne fait que répéter l’absurde, rautre (Robinson) met l’accent sur l’espoir.
Du point de vue du récit et des personnages, – n’en déplaise ? feu Jean-Paul Sartre (1) – le « romancier démiurge » n’a pas dit son dernier mot. Ainsi Michel Tournier, dès rentame de son livre, crée et trace le destin de son personnage, Robinson. Le roman s’ouvre, en effet, sur une conversation entre le capitaine Pieter Van Deyssel et Robinson Crusoë. (2) Celui-là prédit, en se fondant sur le jeu de tarot de Marseille, à celui-ci son avenir et le récit à venir. Chaque carte tirée et commentée trouve, en effet, sa vérification dans la suite du roman.
Le romancier, tel un démiurge, soumet donc bien sa créature à ce qui lui tiendra lieu de destin. Par ailleurs, la tempête concomitante qui se déchaîne et dévaste l’océan annonce sans doute l’explosion de la grotte de Speranza comme une prémonition de la métamorphose à venir de Robinson. Une métamorphose rendue nécessaire par la solitude de Robinson longtemps privé de toute présence humaine, Vendredi n’intervenant qu’au chapitre VII (sur XI). Dès lors, comment remplir le vide de l’existence sans autrui se demande, avec son personnage, Michel Tournier.
Le sens donné à leur quotidien est pour la plupart des hommes, largement tributaire de leurs semblables. Autrui n’est-il pas, en effet, l’essentiel de ce « divertissement » que Pascal a dénoncé parce qu’il nous détournerait de l’essentiel ? Mais sans « divertissement h, il faut bien parvenir à conjurer l’ennui 40 détournerait de ressentiel ? Mais sans « divertissement », il faut bien parvenir à conjurer Hennui et donner un sens à cette vie. On peut évoquer quelques exemples littéraires.
Le Sisyphe d’Albert Camus [1] condamné à rouler son rocher jusqu’au sommet de la montagne – métaphore de l’absurde dont il fait sa raison de vivre. Ou encore le Langlois d’Un Roi sans divertissement (1947) [2] de Jean Giono, qui, à l’inverse, faute d’une réponse qui le satisfasse, finit en explosion solaire ? Voire l’Abel Reilhan de CEpervier de Maheux (1972) de Jean Carrière vaincu par cela même qui fondait on existence, le creusement de la roche dans la recherche d’une eau devenue mythique ?
Robinson, quant à lui, cherche une raison de survivre qui se révèle peu à peu à travers son évolution psychologique et physique. Face à la solitude insulaire de Speranza et au plus près de la nature, il est en quête d’une vérité qui fonderait sa nouvelle vie. Son premier mouvement est de refuser sa présence sur Ille (qu’il nomme d’instinct Ile de la Désolation) en fixant obsessionnellement la mer pour y apercevoir un navire et l’arrivée de secours. Puis il envisage de la fuir en construisant un radeau.
Ile sur laquelle il a échoué figure alors bien pour lui une prison existentielle dont il faut s’évader à tout prix. Sa vie est d’abord marquée par le refus d’assumer une situation inacceptable à ses yeux et le choix d’une vie animale qui le conduit à la bauge et où il se vautre en essayant d’effacer la conscience d’un présent malheureux par le recours aux souvenirs de l’enfance. Pourtant, le re 3 40 la conscience d’un présent malheureux par le recours aux souvenirs de l’enfance.
Pourtant, le rejet instinctif de cette Ile de la Désolation, synonyme de vacuité présente et future, disparaît suite à Ihallucination qui ui fait voir sa sœur Lucy morte sur un vaisseau approchant Ille. Robinson, craignant pour sa santé mentale, décide aussitôt de tourner le dos à la mer et s’enfonce vers le centre de lîle et de la solitude, signe fort d’une acceptation de son sort et d’un lieu qu’il baptise justement Speranza (p. 42).
Métaphoriquement, après le désir du divertissement – espérer l’arrivée d’un navire et/ou s’évader avec le radeau Robinson accepte enfin sa condition et son existence de naufragé solitaire. Dès lors, la perception de Speranza – figure métaphorique de la condition humaine – par Robinson évolue au cours de quatre ériodes. D’abord, en phase de régression, il en fait une mère et il s’acharne à explorer l’orifice-vagin de la grotte, s’enduit de lait et s’abandonne dans une alvéole en un retour à la matrice originelle et au fœtus qu’il redevient comme s’il s’agissait d’une préparation à une renaissance.
Puis il considère de Speranza comme un champ d’expérimentation à ses volontés de créateur : il Fensemence, en récolte les fruits et l’administre en élaborant une Charte bientôt suivi d’un Code Pénal. Il multiplie les projets : arpenter file ; la cadastrer ; recenser les espèces végétales et nimales, parachever son projet de transformer les marécages en rizière, créer un Conservatoire des Poids et Mesures ; construire une vraie maison, etc. L’île devi 4 0 une vraie maison, etc.
L’île devient même une épouse qu’il féconde dans une combe, dont la prairie vallonnée devient, pour lui, l’image même des lombes de Speranza ; de ces copulations répétées nait un fruit sous la forme d’une mandragore. Robinson renoue ainsi le contact avec la nature mais il ne peut s’empêcher d’éprouver un violent sentiment d’absurdité : pour qui tous ces efforts ? Les trois Speranza – l’île mère, lîle transformée t administrée, l’île femme – ne suffisent pas à lui donner une raison de vivre satisfaisante. Sa métamorphose n’est pas achevée.
L’arrivée de Vendredi devient l’élément déterminant qui va le conduire vers son nouvel être. Cest, en effet, grâce à Vendredi que Robinson passe des valeurs rationnelles du travail, de la productivité et de l’épargne, de la conquête et de la domestication de la nature – qui sont celles de sa civilisation -? celles qu’incarne son compagnon. Porteur d’une vie innocente, frémissante et rapide, Vendredi accepte la nature telle qu’elle est, mène une vie instinctive, expérimente les joies du corps t privilégie la fantaisie — ce qu’admire en lui Robinson.
Au contact de son compagnon qui finit par représenter tous « les Autres » possibles (fils, père, frère, voisin, etc. ) Robinson fait ainsi l’apprentissage du respect d’autrui et de sa différence. Cette ultime phase est celle de la métamorphose solaire : vouant un culte au soleil, il ne se préoccupe plus que de l’instant présent et en arrive même à avoir Pimpression de revivre indéfiniment la s 0 plus que de l’instant présent et en arrive même à avoir l’impression de revivre indéfiniment la même journee, connaissant ainsi une sorte de sentiment d’éternité.
Se transcrit alors en filigrane dans le quotidien de Robinson, jour après jour, une conception du bonheur de vivre faite de l’acceptation et du plaisir d’autrui et de l’absence d’inquiétude métaphysique. On notera que c’est l’arrivée d’un navire venu d’occident qui remet en question (passagèrement ? ) ce nouvel art de vivre construit par Robinson. La fin du roman révèle pourtant que les différences entre Robinson et Vendredi ne se sont pas comblées.
Vendredi, tout à sa fantaisie et à sa capacité d’adaptation, choisit spontanément la nouveauté du bateau salvateur et l’attrait d’une utre vie ; Robinson, à l’inverse, décide de rester cet homme solaire que Ille a engendré au cours de ces vingt-huit années. Possible synthèse de Robinson (homo occidentalis) et de Vendredi (« le bon sauvage», au sens où l’expression était utilisée au XVIIIO siècle pour désigner « Ihomme naturel »), le dernier venu, Jan le mousse – aussitôt nommé Jeudi – incarnera-t-il cet être nouveau, l’homme solaire, créé par le démiurge Robinson ? 2.
NOTES (1) Dans Le Romancier et ses personnages (1933), François Mauriac écrivait que « Le romancier est, de tous les hommes, celui qui ressemble le plus à Dieu. ? dattirant une sévère critique de Jean-Paul Sartre (1939) : « Monsieur Mauriac a écrit un jour que le romancier était pour ses créatures comme Dieu pour les siennes. [… ]. Mais un roman est écrit par un homme pour des homme 6 0 créatures comme Dieu pour les siennes. [… ]. Mais un roman est écrit par un homme pour des hommes. Au regard de Dieu, qui perce les apparences sans s’y arrêter, il n’est point de roman, il n’est point d’art, puisque l’art vit d’apparences.
Dieu n’est pas un artiste; M. Mauriac non plus. » (2) un bref rappel de l’ordre des cartes tirées et des ommentaires n’est donc pas inutile en ce qu’il constitue un véritable résumé de l’œuvre. 1 – Le démiurge : « Il y en vous un organisateur qui lutte contre un univers en désordre qu’il s’efforce de maîtriser avec ses moyens de fortune. Mais son œuvre est illusion, son ordre illusoire. Il l’ignore. Le scepticisme n’est pas son fort. » 2 – Mars : « Le petit démiurge a remporté une victoire apparente sur la nature. Il a triomphé par la force et impose autour de lui un ordre qui est à son image. ? 3 – L ‘Hermite : « Le guerrier a pris conscience de sa solitude. Il s’est retiré au fond de la grotte pour y retrouver sa source riginelle. Mais en s’enfonçant ainsi au sein de la terre, il est devenu un autre homme. Son âme a subi d’intimes fissures. » 4 – Vénus : « Voilà qui va faire sortir l’ermite de son trou. » 5 – Le sagittaire : « Vénus transformée en ange ailé envoie des flèches vers le soleil. » 6 — le Chaos : « La bête de la Terre en lutte avec un monstre de flammes » 7 – Saturne : « Figurant un pendu par les pieds.
Vous voilà la tête en bas. » 8 — Les Gémeaux : « vénus est devenue vote frère jumeau (les Gémeaux sont figurés attachés par le cou aux pieds de l’ange bisexué. Retenez bien cela ! Deux enfants se tiennent p 0 attachés par le cou aux pieds de range bisexué. Retenez bien cela l) Deux enfants se tiennent par la main devant un mur qul symbolise la Cité solaire. De laquelle les habitants ont accédé à la sexualité solaire qui est, plus qu’androgynique, circulaire. Cest le zénith de la perfection humaine. Il semble que vous soyez à vous élever jusque-là. ? 9 — Le Capricorne : « La porte de sortie des âmes, autant dire la mort. » 10 – Jupiter : « Vous êtes sauvé ! Vous coulez à pic et le dieu du ciel vous vient en aide. Il s’incarne dans un enfant d’or, issu des ntrailles de la Terre, qui vous rend les clefs de la cité solaire. » Un dernier commentaire du capitaine : « Gardez-vous de la pureté. Cest le vitriol de rame. » La transition phonétique upiter/Terre ») marque la fin des commentaires du capitaine et le début du naufrage, c’est-à-dire l’entrée dans la vie de Robinson sous la forme d’une aventure personnelle. . RÉSUMÉ DÉTAIL É (par chapitre et par paragraphe) Préambule Sur le vaisseau La Virginie, au large des côtes chiliennes, le Capitaine Pieter Van Deyssel s’ingénie à prédire l’avenir ? Robinson Crusoé à l’aide d’un jeu de tarots. A l’extérieur, une tempête fait rage, qui finit par provoquer le naufrage du navire. Chapitre Premier (p. 15) A demi conscient, Robinson rampe vers la plage et découvre La Virginie brisée sur une chaine de récifs.
Concernant sa situation, il hésite entre deux hypothèses : l’une, favorable, le situe sur Mas a Tierra, une île peuplée ; l’autre, pessimiste, lui fait envisager un ilot inconnu et désert. II décide d’en av 40 peuplée ; fautre, pessimiste, lui fait envisager un ilot inconnu et désert. Il décide d’en avoir le cœur net et commence par s’enfoncer dans la forêt qui couvre le pied d’un promontoire olcanique au sommet duquel il pourra embrasser le paysage et confirmer ou non ses craintes. En chemin il rencontre un bouc sauvage qu’il tue poussé par la peur. Sorti du massif forestier, il découvre une grotte vaste et profonde.
Puis, parvenu au sommet du piton, il comprend que ce ne peut être Mas a Tierra : il est donc sur un ilot inhabité. Peu avant la nuit, il se restaure d’une sorte d’ananas avant de s’endormir. (p. 23) Au réveil, il observe les lieux de son belvédère : seule la côte nord où gît La Virginie est abordable. Il revient sur la grève après s’être chargé du bouc ont il fait un premier repas. Superstitieux, il hésite à s’installer de peur que cela ne soit un signe de renoncement à quitter les lieux. Il prépare un éventuel bûcher pour avertir un éventuel navire de passage et néglige délibérément de compter les jours qui passent.
Obsédé par l’océan, le fixant sans cesse, il finit par voir Ille comme un œil scrutant les profondeurs du ciel. Aussi craint-il de sombrer dans la folie et décide de passer de la contemplation à l’action et de construire une embarcation pour s’échapper de IIIe. A cette fin, il aborde La Virgine pour se procurer les outils écessaires à la réalisation de son projet. A bord, il découvre le cadavre du capitaine et constate que la cargaison renferme des tonneaux de poudre noire qu’il débarque sur Illot et s’approprie la Bible du Second.
Puis i renferme des tonneaux de poudre noire qu’il débarque sur l’îlot et s’approprie la Bible du Second. puis il entreprend la construction de son embarcation qu’il baptise L’Évasion. (p. 25) Chapitre II Précisément, il volt dans la lecture de la Bible et, notamment, du Déluge, une allusion à sa situation. La construction du bateau se fait empiriquement avec des moyens de fortune. Bientôt, sous une pluie diluvienne qui s’abat sur Illot, il passe successivement de la gaieté au pessimisme et au désespoir, invoquant même un signe de Dieu.
C’est alors qu’un arc-en-ciel se dessine, qui marque la fin du déluge. Il retrouve Tenn, le chien du Commandant, qui semble redevenu sauvage. II se demande soudain depuis combien de jours il est sur l’ile et décide aussitôt de compter les jours qui passent. Mais il oublie bientôt sa résolution en se replongeant dans son travail de construction du cotre. (p. 33) Deux crabes occupés l’un à faire tomber de l’arbre une noix de coco t l’autre à la scier le confortent dans l’idée que cette ile lui est étrangère.
Après avoir enduit l’évasion d’une glu de son invention, il se décide à pousser le bateau jusqu’à la mer. Puis il en repousse l’exécution dans la crainte de le voir couler sitôt mis à l’eau. Mais le bateau reste trop lourd à tirer et les solutions envisagées (des rondins pour le faire rouler ou un chenal creusé depuis le rivage) se révèlent impossibles. Il renonce et sombre peu à peu dans une vie de souillure végétative, voire animale, que symbolise le marécage dans lequel, tel un pécari de l’ile, il passe des heures ? ressasser 0 0