Chapitre 6

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PARTIE Le siècle des totalitarismes La première moitié du XXe siècle est marquée par l’apparition de trois régimes politiques singuliers • l’URSS de Staline, l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie. Pour les caractériser, les historiens ont crée un nouveau concept, celui de totalitarisme, dont la définition, l’étendue, voire la validité ont été débattues depuis sa création – voir supra et la problématique or62 de cette double page r 17„:- – Sni* to des aspects que le pr les caractéristiques d face aux démocraties et leur disparition. Doc. 1 .

L’embrigadement des masses r trois udier e Cette photographie a été prise en 1938 lors du Congrès du parti nazi à Nuremberg. Ces congrès, ou Reichsparteitag, étaient organisés pour exalter l’idéologie et les réalisations du régime nazi. Cette photographie permet d’aborder différents aspects du totalitarisme mis en place par Hitler. D’abord, l’importance de la propagande : ici, elle passe par des manifestations de masse, organisées dans un lieu construit à cet effet par Albert Speer, architecte du régime, mais aussi par la diffusion ? large échelle d’images de ces manifestations.

Ce document témoigne aussi de l’embrigadement de ne autre forme d’encadrement de la société, que permet le recours a la violence. En effet, au premier plan de la photographie se tiennent des membres de la SS, reconnaissables à leur uniforme. Ici, pourtant, rien ne permet de comprendre leur rôle : c’est donc l’occasion de réfléchir avec les élèves sur les démarches ? adopter pour analyser un document, dans l’optique des nouvelles épreuves du baccalauréat.

Dans le même cadre, il peut être intéressant d’étudier ce que la photographie ne montre pas, et qui pourc Nathan 2011, Histoire 1re coll. Sébastien Cote MANUEL S 188-261 ant permet d’expliquer Yattitude de la foule : le rôle et la place du chef dans ce type de régime. Doc. 2. L’alliance des totalitarismes contre les démocraties Cette photographie montrant Hitler et Mussolini a été prlse à l’occasion de la visite de Hitler à Rome en mai 1938.

Elle montre l’alliance de ces deux régimes, et son renforcement à la fin des années 1930. Analyser ce document demande d’étudier la scénographie de cette cérémonie : les deux chefs côte à côte et au premier plan, leur entourage en uniforme, fascistes et nazis mêlés, la prise de vue en contre-plongée. Pour comprendre pleinement cette image, il faut s’interroger sur ce qui unit ces réglmes, en premier lieu leurs idéologies, fondées sur une détestation commune de la démocratie et sur des projets impérialistes.

Ce document doit permettre de faire comprendre aux élèves la nécessité, pour analyser un document, de maîtriser le contexte dans lequel il est nce des PAGF OF les menaces qu’ils font peser sur les démocraties se renforcent. DOC. 3. La fin de FURSS Ce document permet d’aborder la disparltion de ces régimes totalitaires, par l’exemple de la fin de l’URSS. La photographie montre une statue e Staline abattue, servant de banc à des enfants.

Elle permet de comprendre que la sortie des totalitarismes passe par la destruction des signes mis en avant par ces régimes : occupation de l’espace public par la propagande, culte du chef… Cette photographie peut alors être mise en relation avec le processus de dénazlfication mis en œuvre en Allemagne dès 1 945, par une comparaison avec le document 1 page 246 qui montre des soldats soviétiques déplaçant un emblème nazi dans les ruines de Berlin. C’est alors l’occasion de faire s’interroger les élèves sur ce qui distingue ces eux cas de figure : les temporalités différentes et les acteurs. 9 • CHAPITRE 6 Les régimes totalitaires MANUEL S 190-223 RAPPEL DU PROGRAMME Genèse et affirmation des régimes totalitaires (soviétique, fasciste et nazi) : les régimes totalitaires dans l’entre- deux-guerres – genèse, points communs et spécificités. 3 OF l’entre-deux-guerres. Il s’agit donc, dans ce chapitre, d’étudier trois régimes politiques au travers d’un même concept, celui de totalitarisme, créé par des philosophes et des politologues, mais qui a suscité de nombreuses controverses chez les historiens.

L’histoire de ses acceptions et de ses usages est complexe et passionnante, mais n’est pas l’objet de ce chapitre (pour cela, se rapporter à l’ouvrage d’Enzo Traversa, Le totalitarisme, le XXe siècle en débat, Seuil, 2001 En revanche, il est nécessaire de comprendre qu’aborder les réglmes soviétique, fasciste et nazi au travers d’un même concept signifie que l’on considère leurs points communs suffisamment nombreux pour les ranger dans la même catégorie.

Dans le même temps, comme pour tout concept historique, il est fondamental de comprendre que celui de « totalitarisme » ne peut en aucune anière suffire à définir, à décrire entièrement les régimes de Staline, Mussolini et Hitler. Le concept de « totalltarisme » permet de comprendre différents faits en les classant, en les comparant, mais ne permet en aucun cas de les confondre, de les assimiler. Le programme, en demandant d’étudier les points communs et les spécificités . 0 de ces régimes, s’inscrit donc dans une visée épistémologique. Mais, davantage que d’autres concepts, celui de totalitarisme demande à être manié avec précautions. Son usage, surtout s’il est exclusif, peut se révéler insuffisant à décrire le réel qu’il entend éfinir. Il faut donc toujours avoir à Vesprit les limites de ce concept, et s’em la er à le définir avec rigueur. Dans ce cadre, plusieurs points points majeurs sont à rappeler.

Tout d’abord, la Première Guerre mondiale peut être perçue comme un élément fondateur dans la genèse des régimes totalitaires. Par sa violence, elle a crée une rupture dans la maniere de considérer le combat et la mort, radicalisant par contrecoup les conflits sociaux et politiques. Ce concept de brutalisation des sociétés est en particulier développé par George Masse dans De la Grande Guerre aux totalitarismes, la brutalisation des sociétés européennes (2003). Il faut néanmoins nuancer cette analyse, ou du moins la confronter ? d’autres.

Ainsi la France, pourtant partie prenante de cette guerre, n’a pas connu une telle évolution : la société française ne semble pas avoir été autant « brutalisée » que les sociétés russe, allemande ou italienne. Il faut par conséquent considérer d’autres facteurs. Ainsi, à l’inverse de la France, Allemagne et Italie sont, ou se disent, des perdants de cette guerre. L’Allemagne s’est vue imposer le Tralté de Versailles, et l’Italie, bien que ans le camp des vainqueurs, ne se satisfait pas du règlement de la guerre qui la prive de certains des territoires austro-hongrois qu’elle réclame – les terres irrédentes.

De plus, les régimes totalitaires se développent dans des contextes de crises – économiques et sociales en Italie et en Allemagne, guerre civile et famine en Russie. Autre point fondamental : il ne faut pas faire des totalitarismes des régimes contrôlant entièrement tous les aspects de la vie des sociétés. Il ne s’agit pas d’un état de fait, mais plutôt d’une visée, d’une volonté de contrôle, d’un processus que l’on ne eut, à aucun moment de son histoire, considérer comme achevé.

L’historio PAGF s OF que l’on ne comme achevé. L’historiographie récente a permis @ Nathan 2011, Histoire 1re coll. Sébastien Cote Chapitre 6 — Les régimes totalitaires de préciser ce propos. En effet, après avoir étudié les régimes totalitaires « par le haut à partir des discours et des actes des structures de pouvoir et de contrôle, les historiens ont davantage considéré ces régimes « par le bas », en évaluant leur impact sur les sociétés.

Ils ont ainsi pu mettre en évidence, aux côtés de l’enthousiasme, de l’enrôlement ou e l’acceptation, des espaces d’autonomie, qui permettent la discussion, la critique, voire la dissidence. Enfin, le concept de totalitarisme ne permet pas de rendre la complexité du réel qu’il entend décrire il gomme les spécificités des différents régimes, et en particulier la singularité du nazisme. En effet, ce concept se borne à décrire, pour l’essentiel, des outils et des techniques de domination.

Dans ce cadre, un totalitarisme peut être défini comme un régime qui réclame un contrôle entier sur la société, au nom de la réalisation d’une idéologie qui doit permettre la création d’un homme ouveau qui lui soit dévoué. Son chef y détient un pouvoir sans partage, qui s’appuie sur une propagande mobilisant sans cesse les masses, chargée de convaincre de la justesse et de la nécessité de l’action du régime.

Enfin, cette politisation de tous les aspects de la société se double de l’omniprésence d’un pouvoir policier arbitraire qui transforme en opposition tout comportement dissident, faisant régner une terreur sans p anele de PAGF 6 OF précédent. Cet angle de vue masque d’autres aspects de ces régimes. En effet, il ne dit rien de leurs idéologies : leurs objectifs affirmés — et on les réalités de leur mise en œuvre – sont pourtant différents, et c’est là que s’inscrit la singularité du nazisme.

La question de la terreur permet de la mettre en évidence. Dans l’Italie fasciste, si le recours à la violence peut être affirmé par le régime comme une nécessité, les morts sont, comparés aux autres régimes, peu nombreux. La violence stalinienne, bien plus importante, touche tous les Soviétiques, membres du parti communiste inclus : tous sont susceptibles, à un moment ou à un autre, d’être accusés dactions ou de sentiments anticommunistes. La violence nazie est tout autre.

Si elle s’abat sur les opposants au régime, elle se concentre essentiellement sur un groupe que l’idéologie raciste développée par Hitler désigne comme des ennemis par nature, par essence de la « race supérieure » des Aryens : les Juifs, dénoncés comme membres d’une « race inférieure Cette distinction fondaC Nathan 2011, mentale est particulièrement mise en valeur par l’étude de la finalité des systèmes concentrationnaires. Dans l’URSS de Staline, le goulag doit permettre à la fois la « reéducation » des hommes et, par leur travail forcé, l’accélération de la mise n place d’une société communiste moderne.

Dans ce cadre, la mort n’est pas la finalité du système concentrationnaire. En revanche, la volonté d’extermination des juifs distingue absolument le système nazi. Pour permettre cette étude nuancée des régimes totalitaires, le manuel pro d’études. PAGF 7 OF régimes totalitaires, le manuel propose une série d’études. Les trois premières abordent la genèse de chacun d’entre eux : la Révolution russe, puis l’échec de la démocratie en Italie et en Allemagne. Le manuel s’intéresse ensuite à leurs bases idéologiques.

Il raite d’abord de leur projet commun, la création d’une société nouvelle, avant de s’intéresser plus particulièrement à la volonté exprimée par Staline de transformer à la fois l’économie et la société soviétiques, et au racisme et à Pantisémitisme nazis. Enfin, trois autres études abordent l’exercice du pouvoir totalitaire par l’angle du culte du chef, de l’encadrement de la jeunesse et, pour l’URSS et l’Allemagne, de la mise en œuvre d’une politique de terreur. Chacun de ces groupes de trois études est suivi par un cours qui approfondit les éléments essentiels à leur compréhension.

Une double page Histoire des arts les complète : elle permet d’étudier comment l’architecture et l’urbanisme sont mis au service de l’idéologie du régime fasciste. Cet ensemble s’accompagne d’une double page Méthode qui présente la manière d’expliquer une affiche de propagande. Enfin, dans l’optique de la préparation aux nouvelles épreuves du baccalauréat, une analyse de documents est proposée, dont l’objectif est d’aborder la manière de confronter deux documents qui se complètent.

Bibliographie – La Revue des deux mondes, « Les totalltarismes, communisme et nazisme dans les années 1930 » Christian-aourgois, 2010 – Burrin Philippe, Fascisme, nazisme, autoritarisme, Seuil, 2000 De Felice Renzo, Les inter rétations du fascisme, Editions des Syrt PAGF E OF Editions des Syrtes, 2000 – Gentile Emilio La voie italienne du totalitarisme, le parti et l’État sous le régime fasciste, Édltions du Rocher, 2004 91 . Gentile Emilio, Qu’est-ce que le fascisme Folio Histoire, 2004 – Grosset Michel, Werth Nicolas, Le règne de Staline, Editions du Chêne, 2007 – Culllot Adelin, Restellini patrlck, L’art nazl, Complexe, 1996 – Kershaw Ian, Hitler, tomes 1 et 2, Flammarion 1998. Kershaw Ian, L’opinion allemande sous le azisme, Bavière 1933-1945, CNRS éditions, 2002 Kershaw Ian, Qu’est-ce que le nazisme ? , Folio Histoire, 1992. King David, Le commissaire dispara-t, la falsification des photographies et des œuvres d’art dans la Russie de Staline, Calmann-Lévy, 2005 King David, Sous le signe de l’étoile rouge, Gallimard, 2009 Klemperer Victor, L Tl, la langue du Ille Reich, Pocket Agora, 2002 Milza Pierre, Les fascismes, Seuil, 1991 – Mosse George, De la Grande Guerre au totalitarisme : la brutalisation des sociétés européennes, Hachette, 2003 – Richard Lionel, Le nazisme et la culture, Complexe, 2006 Rousso Henri (dir. ), Stalinisme et nazisme. histoire et mémoire comparées, Complexe, 1999.

Traverso Enzo, Le totalitarisme le XXe siècle en débat, seuil, 2001. PAGF q OF deux photographies permettent d’aborder deux des aspects qui caractérisent les régimes totalitaires : l’encadrement de la société par le recours à des manlfestations de masse, la répression par la mise en place d’un système concentrationnaire. Doc. 1. Discours de Mussolini à Turin (1939) Cette photographie montre une cérémonie collective à Turin en 1939. Elle est organisée par le Parti national fasciste. Les différents espaces . 92 sont nettement séparés.

Devant la tribune où se tient Mussolini, les membres des organisations fascistes, dont le parti national fasciste, sont alignés de manière toute militaire. Le parti unique est en effet organisé à l’image d’une armée. Ses membres portent un uniforme qui donne son nom à la milice du parti – les Chemises noires. Leur alignement révèle les principes d’organisation du parti : l’ordre, l’obéissance et la hiérarchie. Face à eux, la tribune où sont prononcés les dlscours : par sa structure, par sa position, par les slogans u’elle porte, elle expose certains des traits de l’idéologie fasciste.

Elle prend la forme d’un aigle stylisé, qui rappelle un des symboles de l’Empire romain : elle dévoile ainsi la référence constante du fascisme à l’Antiquité romaine. Mussolini se présente en effet comme l’héritier de la Rome impériale, comme le fondateur d’un nouvel Empire qui, comme son prédécesseur, a vocation à régner sur la Méditerranée. Cet aspect est renforcé par le recours au mot latin Dux, et non à son équivalent italien Duce, et par la référence au « fondateur de l’empire ». La lace de Mussolini comme seul ch sciste