Aux champs

essay B

Guy de Maupassant : Aux champs. Texte publié dans Le Gaulois d u 31 octobre 1882, puis publié dans le recueil Les contes de la bécasse. Texte d’origine : http://vwww. bmlisieux. com/litterature/ maupassant/auchamp. htm AUX CHAMPS A Octave Mirbeau Les deux chaumières étaient côte à côte, au pied d’une colline, proches d’une petite ville de bains. Les deux paysans besognaient dur sur la terre inféconde pour éle ver tous leurs petits. Chaque ménage en avait quatre. Deva e grouillait du matin deux aînés avaient si ; les mariages et, ens naissances, s’étaient ne et l’autre maison. soir org

Sni* to View nextÇEge ns es, toute la marmaill quinze mois environ ultanément dans liu Les deux mères distinguaient à peine leurs produits dans le tas ; et les deux pères confondaient tout à fait. Les huit noms dansaient dans leur tête, se mêlaient sans ce sse ; et, quand il fallait en appeler un, les hommes souvent en criaient trois avant d’arriver au véritable. La première des deux demeures, en venant de la station d’eaux de Rolleport, était occupée par les Tuvache, qui avaient trois filles et un garçon ; l’autre masure abrit ait les Vallin, qui avaient une fille et trois garçons

Tout cela vivait péniblement de soupe, de pomme de terre et d e grand air. A sept heures, le matin, puis à midi, puis à six heures, le soir, les ménagères réunissaient I eurs mioches pour donner la pâtée, assis, par rang d’âge, devant la table en bois, vernie par cinquante ans d’usage. Le dernier mouta rd avait à peine la bouche au niveau de la planche. On posait devant eux l’assiette creuse pleine de pai n molli dans l’eau où avaient cuit les pommes de terre, un demichou et trois oignons ; et toute la ligné e mangeait jusqu’à plus faim.

La mère empâtait ellemême le petit. n peu de viande au potaufeu, I e dimanche, était une fête pour tous, et le père, ce jourlà, s’attardait au repas en répétant : « Je m’y ferais bien tous les jours » Par un aprèsmidi du mois d’août, une légère voiture s’arrêta br usquement devant les deux chaumières, et une jeune femme, qui conduisait ellemême, dit au monsieur assis à côté d’elle : Oh ! regarde, Henri, ce tas d’enfants ! Sontils jolis, comme ça, ? grouiller dans la poussière.

L’homme ne répondit rien, accoutumé à ces admirations qui ét aient une douleur et presque un reproche pour lui. La jeune femme reprit : Il faut que je les embrasse ! Oh ! comme je voudrais en avoir u n, celuilà, le tout petit. Et, sautant de la voiture, elle courut aux enfants, prit un des de ux derniers, celui des Tuvache, et, l’enlevant dans ses bras, elle le baisa passionnément sur ses joue s sales, sur ses cheveux blonds frisés et pommadés de terre, sur ses menottes qu’il agitait pour se déba rrasser des caresses ennuyeuses.

Puis elle remonta dans sa voiture et partit au grand trot. Mais el le revint la semaine suivante, s’asslt ellemême par terre, prit le moutard dans ses bras, le bourra de gâ teaux, donna des bonbons à tous les utres ; et joua avec eu autres ; et joua avec eux comme une gamine, tandis que son mari attendait patiemment dans sa frêle voiture. Elle revint encore, fit connaissance avec les parents, reparut tou s les jours, les poches pleines de friandises et de sous. Elle s’appelait Mme Henri d’Hubières. n matin, en arrivant, son mari descendit avec elle ; et, sans s’a rrêter aux mioches, qui la connaissaient bien maintenant, elle pénétra dans la demeure des paysans. Ils étaient là, en train de fendre du bois pour la soupe ; ils se re dressèrent tout surpris, donnèrent des chaises et attendirent. Alors la jeune femme, d’une voix entrecou pée, tremblante commença Mes braves gens, je viens vous trouver parce que je voudrais bi en… je voudrais bien emmener avec moi votre… votre petit garçon… Les campagnards, stupéfaits et sans idée, ne répondirent pas.

Elle reprit haleine et continua. Nous n’avons pas d’enfants ; nous sommes seuls, mon mari et moi… Nous le garderions… voulez vous ? La paysanne commençait à comprendre. Elle demanda : Vous voulez nous prend’e Charlot ? Ah ben non, pour sûr. Alors M. d’Hubières intervint • Ma femme s’est mal expliquée. Nous voulons l’adopter, mais il eviendra vous vor. Sil tourne bien, comme tout porte à le croire, il sera notre héritier. Si nous a vions, par hasard, des enfants, il partagerait également avec eux.

Mais s’il ne répondait pas à nos s oins, nous lui donnerions, a sa majorité, une somme de vi lui donnerions, a sa majorité, une somme de vingt mille francs, qui sera immédiateme nt déposée en son nom chez un notaire. Et, comme on a aussi pensé à vous, on vous servira jusqu’ à votre mort, une rente de cent francs par mois. Avezvous bien compris ? La fermière s’était levée, toute furieuse. Vous voulez que j’vous vendions Charlot ? Ah ! mais non c’est pas des choses qu’on d’mande ? une mère çà ! Ah ! mais non ! Ce serait abomination.

L’homme ne disait rien, grave et réfléchi ; mais il approuvait sa f emme d’un mouvement continu de la tête. Mme d’Hubières, éperdue, se mit à pleurer, et, se tournant vers son mari, avec une voix pleine de sanglots, une voix d’enfant dont tous les désirs ordinaires sont sat isfaits, elle balbutia : Ils ne veulent pas, Henri, ils ne veulent pas ! Alors ils firent une dernière tentative. Mais, mes amis, songez à l’avenir de votre enfant, à son bonhe ur, ? La paysanne, exaspérée, lui coupa la parole C’est tout vu, c’est tout entendu, c’est tout réfléchi…

Allezvous en, et pi, que jivous revoie point par ici. Cest i permis d’vouloir prendre un éfant comme ça ! Alors Mme d’Hubières, en sortant, s’avisa qu’ils étaient deux to ut petits, et elle demanda à travers ses larmes, avec une ténacité de femme volontaire et gâtée, qui n e veut jamais attendre : Mais l’autre petit n’est pas à vous ? Le père Tuvache répondit : Non, c’est aux voisins ; vous pouvez y aller si vous voulez. Et il rentra dans sa maison, où retentissait la voix indignée de sa femme. Les Vallin étaient à table, en train de