Analyse Adieu Appolinaire
ntroduction Apollinaire, étroitement associé aux courants artistiques du début du xxe siècle, est un poète profondément novateur. Ami de Picasso et proche des cubistes, il fait passer dans ses poèmes le souffle de l’esprit nouveau, tout en s’inscrivant – de toute sa sensibilité, souvent blessée – dans le courant de la tradition lyrique. En août 1914, sa mobilisation le sépare de Lou (Louise de Coligny), qu’il connaît depuis peu et dont il s’est épris. Alors qu’il est encore en garnison à Nîmes, dans le sud de la France, Lou le rejoint pour une brève rencontre.
Après son départ, il lui adresse le poème « Adieu lettre originale où il l’assure de l’intensité de son amour, renforcée par les menaces que fait peser sur eux la S. v. p page guerre. . La lettre d’un poète 1. une lettre Le poème d’Apollinai plusieurs des caracté lettre lettre et emprunte nre épistolaire : l’expéditeur – Apollinaire – indique en haut à droite le lieu d’où il écrit et la date à laquelle il écrit Nîmes, 4 février 1915 Dans le cours du poème est aussi signalé l’endroit où se trouve(ra) la correspondante (« ton voyage dans le Nord »).
Il conclut sa « lettre » par un « Adieu » et une formule de prise de congé très sobre, en style presque télégraphique, qui précise de nouveau le moment et le ShAipe to Wew next page lieu de l’énonciation (v. 14 : « Il est neuf heures moins le quart » et v. 15 « Adieu de Nîmes dans le Gard Sa lettre suit le canevas habituel des lettres et cartes postales. Le poète donne des nouvelles de sa vie quotidienne, confie des détails prosaïques, comme ce passage à la confiserie pour adoucir sa peine par une sucrerie : « On va rentrer après avoir acquis du zan » (v. ). Il demande aussi des lettres en retour : « Envoie aussi des lettres… » (v. 4). Il s’exprime alors sur le ton familier habituel dans une lettre à un intime. Il nomme la destinataire (« Ô Lou », v. 2, v. 11), qu’il tutoie (« À toi… v. 9) et réduit la demande qui lui tient tant à cœur à sa plus simple expression : une phrase nominale Lettres Y, v. 4). Au pronom « nous », il préfère l’indéfini « on » (v. ), moins soutenu, et il conclut la strophe par une formule d’insistance rejetée à la fin de la phrase, qui a toute la vivacité d’une vraie conversation je t’en prie v. 6). 2. Mais la lettre d’un poète Cette lettre originale est aussi l’œuvre d’un poète. Elle offre les caractéristiques formelles habituelles en poésie des alexandrins organisés en tercets aux rimes suivies (aaa, bbb, ccc… ). Apollinaire reprend même, en construisant son poème sur le principe de l’acrostiche, une des formes poétiques de la tradition médiévale.
Mais il y introduit la fantaisie et l’originalité de l’esprit nouveau par le jeu d’un nom-calligramme qui 2 OF s il y introduit la fantaisie et l’originalité de resprit nouveau par le jeu d’un nom-calligramme qui formerait à cinq reprises, n portrait cubiste — ou du moins stylisé – de Lou, dont le L représenterait le front, le O les yeux et le IJ couché la bouche. Il. Une lettre d’amour Cette lettre est d’abord une déclaration d’amour : c’est sur ce mot que s’ouvre le poème. 1.
Camour en calligramme Apollinaire répète avec ferveur le nom de Lou, comme une invocation (v. 2 et 11) pleine de vénération. Le procédé de l’acrostiche lui permet d’assurer l’omniprésence de la femme aimée par la reprise du prénom-calligramme qui reproduit, comme visuellement, son visage à la manière cubiste. 2. Le langage du « cœur » Il multiplie les mots de tendresse « ma chérie » (v. 4), « mon cœur » (v. IO) et évoque son amour par la synecdoque habituelle aux amants : « un cœur, le mien » (v. 12).
Mais il renouvelle ce tour qui pourrait être banal, en donnant à son cœur la vie propre d’un fidèle compagnon de Lou dans ses voyages, alors que lui poursuivra sa vie solitaire. Son exaltation lyrique se marque dans la tournure hyperbolique « un cœur, le mien, te suit jusques au bout du monde » (v. 12) ou la déclaration liminaire du poème : « L’amour est libre il n’est jamais soumis au sort en forme de vérité générale grâce au résent et à l’adverbe Intensif « jamais Il fait à Lou les serments les plus solennels («À toi ma vie ! ? toi mon sa 3 OF s intensif « jamais Il fait à Lou les serments les plus solennels («À toi ma vie ! À toi mon sang ! v. 9) : le rapprochement de la première et de la deuxième personne toi « mon ») dans cette double exclamation fiévreuse proclame l’union indéfectible des amants. 3. Le portrait poétique de la femme aimée Le pouvoir, quasi magique, de la jeune femme irradie la nature, qu’elle métamorphose, imprègne de sa grâce : lorsque Apollinaire pense à Lou, « la nuit noire » (v. devient « très douce et très blonde » et « le ciel est pur comme une onde » (v. 10). La fusion des éléments (le ciel est comparé à l’eau, principe féminin) et la personnification de la nuit en créature féminine, tout ramène le poète à Lou, et la strophe s’adoucit avec des rimes féminines et les sonorités assourdies de « blonde « onde » et « monde Ill. Un amour menacé par la guerre Mais cet amour est menacé, et l’intensité du lyrisme le dispute à l’angoisse de la séparation, qui affleure sous les remarques détachées du poète.
Le titre du poème « Adieu » résonne comme n cri désespéré dans le contexte de la guerre. 1. Le simple soldat Sans poser au héros, le poète accepte son devoir militaire et c’est très discrètement qu’il évoque sa situation de simple soldat : s’il mentionne l’arme à laquelle il appartient artillerie b, avec une légère touche patriotique apportée par le possessif « notre », v. ), il se fond dans la foule de 4 OF S touche patriotique apportée par le possessif « notre », v. 5), il se fond dans la foule de ses camarades (recours au pronom personnel indéfini « on h) qui, eux aussi, attendent des nouvelles de leurs proches. . Un « adieu » : l’inquiétude omniprésente Les moments de bonheur des brèves retrouvailles entre le poète et la femme aimée n’ont fait que reléguer à l’arrière-plan la menace qui pèse sur le poète et sur son amour.
Cest pour conjurer le « sort » (v. 1), qu’il revendique la supériorité et la liberté de l’amour. Quand le poète fait allusion à « la mort » (v. 2), quand il offre ? Lou sa « vie son « sang » (v. 9), ces mots prennent un relief prémonitoire : quelques mois plus tard, grièvement blessé, il échappe de peu à la mort mais, affaibli par sa blessure, l succombe lors de l’épidémie de grippe espagnole en novembre 1918.
Le dernier vers, avec le « une deux trois » pourrait évoquer le retour à la caserne du poète lourd de tristesse, afin de ne pas être en retard à l’appel du soir Il est neuf heures moins le quart avant un dernier « adieu ». Conclusion Entre jeu formel et familiarité du ton, entre effusion lyrique et angoisse à peine voilée, Apollinaire évoque avec délicatesse, humour et la plus fine sensibilité quelques-uns des thèmes humains universels, l’amour, la guerre, l’angoisse de la séparation. S OF s