Jugement 1
AZ-50562427 COUR SUPRÊME DU CANADA RÉFÉRENCE : A. C. c. Manitoba (Directeur des services ? l’enfant et à la famille), 2009 CSC 30, [2009] 2 R. C. S. 181 p g DATE : 20090626 DOSSIER . 31955 ENTRE : Appelants Directeur des sen,’ice Intimé – et Procureur généra Colombie-Britanniqu 67 r général de la l’Alberta et Justice for Children and Youth Intervenants TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CORAM : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Abella, Charron et Rothstein MOTIFS DEJUGEMENT : (par. là 122) La juge Abella (avec l’accord des juges LeBel, Deschamps et Charron) MOTIFS CONCORDANTS : (par. 23 à 161) DU MANITOBA -3- Droit constitutionnel — Charte des droits — Liberté et sécurité de la personne — Justice fondamentale — Traitement médical — Enfant de moins de 16 ans refusant des transfusions sanguines parce que sa religion lui interdit de recevoir du sang — Nécessité de la transfusion pour éviter des conséquences graves pour la santé de l’enfant pour les enfants de moins de 16 ans, la législation provinciale sur les services à l’enfant et à la famille autorise le tribunal à ordonner les traitements qu’il juge ?tre dans l’intérêt de l’enfant — Dans le cas des enfants de 16 ans ou plus, le tribunal ne peut ordonner de traitement médical sans leur consentement, à moins d’être convaincu que l’enfant ne peut comprendre les renseignements qui lui permettraient de prendre une décision au sujet du traitement ou les conséquences de celle-ci — La législation est- elle arbitraire du fait qu’elle prive les enfants de moins de 16 ans de la possibilité de démontrer leur capacité?
La législation porte-t-elle atteinte au droit de l’enfant à la liberté et à la sécurité en iolation des principes de justice fondamentale? — Charte canadienne des droits et libertés, art. 7 — Loi sur les services à renfant et à la famille, C. P. L. M. ch. C80, art. 25(8), 2 67 conséquences graves pour la santé de renfant — Pour les -4comprendre les renseignements qui lui permettraient de prendre une décision au sujet du traitement ou les conséquences de celle-ci — La législation porte- t-elle atteinte au droit de l’enfant à Pégalité? — Charte canadienne des droits et libertés, art. 15 Loi sur les services à l’enfant et à la famille, C. P. LM. ch. C80, art. 25(8), (9).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Liberté de religion — Enfant de moins de 16 ans refusant des transfusions sanguines parce que sa religion lui interdit de recevoir du sang — Nécessité de la transfusion pour éviter des consequences graves pour la santé de l’enfant — Pour les enfants de moins de 16 ans, la législation provinciale sur les services à l’enfant et à la famille autorise le tribunal à ordonner les traitements qu’il juge être dans Pintérêt de l’enfant — Dans le cas des enfants de 16 ans ou plus, le tribunal ne peut ordonner de traitement médical sans leur consentement, ? moins d’être convaincu que l’enfant ne peut comprendre les renseignements qui lui permettraient de prendre 3 67 La législation porte-telle atteinte à la liberté de religion de l’enfant? — Dans l’affirmative, cette atteinte estelle justifiable? Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2a) — services à l’enfant et à la famille, C. P. L. M. ch. C80, art. 5(8), Droit des personnes — Protection de l’enfant — Soins des enfants appréhendés — Maturité — Ordonnance judiciaire autorisant le traitement — Pour les enfants de moins de 16 ans, la législation provinciale sur les services ? ‘enfant et à la famille autorise le tribunal à ordonner les traitements qu’il juge être dans « Flntérêt » de l’enfant Dans le cas des enfants de 16 ans ou plus, le tribunal ne peut ordonner de traitement médical sans leur consentement, à moins d’être convaincu que l’enfant ne peut -Straitement ou les conséquences de celle-ci — Une personne de moins de 16 ans a-t-elle le droit de démontrer qu’elle a une maturité suffisante pour prendre des décisions en matière de traitement médical? — Interprétation du critère de « l’intérêt » de l’enfant — Loi sur es services à l’enfant et à la famille, C. P. L. M. ch. C80, art. 5(8), C était âgée de 14 ans et 10 mois lorsqu’elle a été admise ? l’hôpital pour des saignements du tractus gastro-intestinal inférieur causés par la maladie de Crohn. Fervent témoin de Jéhovah, elle a 4 67 ois auparavant, rédigé recevoir de transfusion de sang. Son médecin pensait que les saignements internes créaient un risque imminent et grave pour sa santé et peut-être sa vie. Elle a refusé de recevoir du sang. Le soir qui a suivi son admission, elle a subi une brève évaluation psychiatrique. Le directeur des services ? ‘enfant et à la famille Fa appréhendée en tant qu’enfant ayant besoin de protection et a demandé au tribunal de rendre une ordonnance de traitement en vertu du par. 5(8) de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille du Manitoba, selon lequel le tribunal peut autoriser les traitements qu’il juge être dans l’intérêt de renfant. e paragraphe 25(9) de la Loi présume que l’intérêt de l’enfant qui a au moins 16 ans sera le mieux servi si ses opinions jouent un rôle déterminant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant ne comprend pas la décision ou ne peut évaluer ses conséquences. Il n’existe toutefois pas une telle présomption pour les moins de 1 6 ans. Le juge des requêtes a ordonné que C reçoive des transfusions sanguines, concluant que, dans le cas d’un enfant de moins de 16 ans, aucune restriction législative ne s’applique au pouvoir du tribunal d’ordonner les traitements médicaux qu’il juge être dans « l’intérêt » de l’enfant.
C et ses parents ont interjeté appel de l’ordonnance, soutenant que le régime législatif est Inconstitutionnel parce qu’il porte indûment atteinte aux droits conférés à C par l’al. 2a) et les art. 7 et 15 de la Charte S 67 onfirmé la constitutionnalité des dispositions contestées et de l’ordonnance de traitement. Arrêt (le juge Binnie est dissident) : Le pourvoi est rejeté. Les paragraphes 25(8) et (9) de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille sont constitutionnels. Les juges LeBel, Deschamps, Abella et Charron : Si l’interprétation de l’intérêt supérieur de la jeune personne tient suffisamment compte de sa capacité d’exercer son jugement de façon mature et indépendante dans le contexte des décisions médicales, la constitutionnalité de la disposition en cause est préservée.
Bien interprété de manière ? rendre en considération la maturité de fadolescent, le régime législatif établit un équilibre constitutionnel entre deux valeurs que la loi a constamment défendues : d’une part, le droit fondamental de la personne de prendre seule des décisions qui concernent son corps et, d’autre part, la protection des enfants vulnérables. Le critère de « l’intérêt » de l’enfant prévu au par. 25(8) permet d’effectuer rexamen selon une échelle variable, l’opinion de l’enfant devenant de plus en plus déterminante selon sa maturité. Plus la décision est de nature sérieuse et plus elle risque d’avoir une ncidence grave sur la vie ou la santé, plus l’examen doit être rigoureux. Cette interprétation du par. 25(8) produit comme résultat que les adolescents de moins de 16 ans ont le droit de démontrer qu’ils possèdent une maturité suffisante our être capables de prendre des décisions médicales. l’adolescent sont ainsi protégées. 3] [22] [30] [1 15] Les adolescents matures ont des revendications sérieuses en matière d’autonomie, mais celles-ci s’opposent au devoir de protection de l’État, qui est justifié par la difficulté à définir et à déterminer « maturité Pour régler ette opposition, il faut tenir acompte de sa complexité. Lorsque le tribunal est saisi d’une demande présentée en vertu de l’art. 25 de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille ? l’égard d’un enfant de moins de 16 ans, c’est l’ineffabilité inhérente au concept de « maturité » qui Justifie que l’État conserve le pouvoir suprême de décider s’il est réellement dans l’intérêt supérieur de l’enfant de lui permettre d’exercer son autonomie dans une situation donnée.
Mais « l’intérêt supérieur » doit être, à son tour, être interprété de manière à refléter et à respecter e droit croissant de l’adolescent à l’autonomie. Plus le tribunal est convaincu que l’enfant est capable de prendre lui-même des décisions de façon véritablement mature et indépendante, plus il doit accorder de poids à ses opinions dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire prévu au par. 25(8). Si, après une analyse approfondie et complexe de la capacité de la jeune personne d’exercer son jugement de façon mature et indépendante, le tribunal est convaincu qu’elle a la maturité nécessaire, il doit respecter ses opinions. [82] [84] [86-88] 67 du par. 5(8), le uge doit tenir compte des ?léments suivants : la nature, le but et l’utilité du traitement médical recommandé, ainsi que ses risques et bénéfices; la capacité intellectuelle de l’adolescent et le discernement requis pour comprendre les renseignements qui lui permettraient de prendre la décision et d’en évaluer les conséquences possibles; l’opinion bien arrêtée de l’adolescent et la question de savoir si elle reflète véritablement ses valeurs et croyances profondes; l’impact que pourraient avoir le style de vie de l’adolescent, ses relations avec sa famille et ses affiliations sociales sur sa capacité d’exercer tout seul son ugement; l’existence de troubles émotionnels ou psychiatriques et les incidences de la maladie de radolescent sur sa capacité de décider. Il faut aussi prendre en considération les renseignements pertinents -8fournis par des adultes qui connaissent l’adolescent. [96] Si le critère de « Flntérêt » est correctement interprété, le régime législatif créé par les par. 25(8) et (9) de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille n’enfreint pas les art. 7 et 15 et l’al. 2a) de la Charte, parce qu’il n’est pas arbitraire, ni discriminatoire, ni contraire au droit à la liberté de religion.
Selon l’article 7 de la Charte, même s’il peut être arbitraire de présumer qu’aucune personne de moins de 16 ans n’a la capacité de décider de son traitement médical, il n’est as arbitraire de donner à ces jeunes la possibilité de 8 67 s’acquitter d’une telle tâche. [98] [107] Pour ce qui est de l’art. 1 5, si l’on permet aux adolescents de moins de 16 ans de prouver qu’ils ont une maturité suffisante pour prendre des décisions médicales, on se trouve en fin de compte à calibrer leur aptitude à décider du traitement médical en fonction de leur maturité et non de leur âge, et aucun préjudice ou téréotype désavantageux fondé sur l’âge n’entre en jeu. [1 1 1] De même, étant donné qu’une jeune personne a le droit de prouver qu’elle a une maturité suffisante, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à ses convictions religieuses selon Fa’. 2a).
La Loi prescrit que le Juge doit notamment prendre en considération le « patrimoine religieux » de l’enfant pour déterminer ce qui est dans son « intérêt » selon le par. 25(8); en considérant les volontés religieuses d’une jeune personne comme un facteur de plus en plus déterminant au fur et ? mesure de sa maturité, on apporte ne réponse proportionnée à ses droits religieux et aux objectifs de protection du par. 25(8). [28] [1 12] [1 13] -9En interprétant le critère de l’intérêt supérieur de manière ? accorder au jeune une certaine autonomie et une certaine intégrité physiques en fonction de sa capacité d’exercer son jugement de fa on mature et indépendante, on concilie le droit de 9 67 » énoncé au par. 5(8) suit l’évolution de la common law et est conforme aux principes internationaux, et cette interprétation permet d’établir un juste équilibre entre l’objectif législatif de protection et le respect du droit des adolescents atures de participer de maniere significative aux décisions concernant leur traitement méditai. [108] La juge en chef McLachlin et le juge Rothstein : La Loi sur les services ? l’enfant et à la famille constitue un code complet en matière de décisions médicales prises par les mineurs appréhendés ou en leur nom. Selon ce code, le juge doit être convaincu que l’ordonnance de traitement est dans Vintérêt de l’enfant en procédant à une analyse indépendante des circonstances et facteurs pertinents énumérés au par. (1)de la Loi, notamment les besoins, la maturité intellectuelle et affective et es préférences de renfant. Ce critère aux multiples facteurs de « l’intérêt de l’enfant » requis par le par. 25(8) n’est pas inconstitutionnel dans le cas d’un enfant de moins de 16 ans qui a la capacité de décider de son traitement et qui comprend la nature du traitement et ses conséquences. [123] [126] [132-135] Le paragraphe 25(8) de la Loi sur les services à renfant et à la famille ne viole pas l’art. 7 de la Charte. Cette disposition, même si elle prive un enfant de moins de 16 ans de la « liberté » de décider de son traitement médical et peut empiéter sur la « sécurité 00F 16,1