vanité

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Vanités « Divertir l’œil sans égarer l’esprit » Olivier Le Bihan, « La peinture hollandaise du XVIIe et du XVIIe siècles au Musée des beaux-arts de Bordeaux 1990. p. 158 Ce document conçu par Isabelle Beccia, (responsable du service culturel du musée des beaux-arts de Bordeaux), est une synthèse de plusieurs ouvrages sur le thème. pour tout renseignement : i. beccia@mairie-bordeaux. fr Gysbrechts Cornelis La vanité représente symboliques destiné mettre en évidence s développe en tant que 4 p g n de motifs agilité.

Elle se genre pictural indépendant au début du XVIIe siècle et elle est étroitement liée au entiment de précarité qui se répand en Europe à la suite de la guerre de Trente Ans et des épidémies de peste. Dans de nombreuses œuvres conservées au musée de Bordeaux nous admirons la virtuosité technique, la maîtrise parfaite de la mise en page des natures mortes. Il s’agit de donner la vision parfaite scrupuleuse de la réalité concrète que l’on imite fidèlement. On recherche le sens de la perfection dans le rendu du velouté des fruits ou l’exécution de gouttes de rosée.

Nous observons le souci de fragilité de l’existence et des biens La pensée négative de la mort est sublimée par l’annonce que la ie de bien est couronnée par la vie éternelle. Les thèmes : la méditation sur la mort, la rédemption, les vanités du monde, la notion du temps et de l’éphémère, la quête d’une vie intérieure vertueuse par la maitrise de la vie extérieure. Memento mori Cette tradition de représentation de la mort s’explique par le fait que la Réforme, qui s’étendait en Europe du Nord accordait une valeur importante ? l’idéologie chrétienne.

La vue d’un memento mori forçait tout chrétien à réfléchir sur la vanité de son activité et sur la fugacité des plaisirs terrestres et l’invitait à se concentrer ur sa vie de l’audelà. Nous lisons dans L’Ecclésiaste 7, 40 : « in omnibus operibus tuis memorare novissima tua, et in aeternam non peccabis dans tout acet, souviens toi de l’au-delà et tu ne pêcheras pas L’historien de l’art l. Bergstrôm, a divisé en trois groupes les tableaux qui « expriment » la vanité du monde et l’espoir de la résurrection.

Le premier groupe évoque la vanité des biens terrestres : Livres, instruments scientifiques, art, font allusion à la vanité du savoir. Argent, bijoux, pièces de collection, armes, couronnes et sceptres font référence à la vanité des richesses et du pouvoir. Pipes, vin, instruments de 2 4 ux évoquent la vanité des les bougies et lampes à l’huile et fleurs. Le troisième groupe contient les symboles de la résurrection et de la Vie éternelle : épis de blé, couronnes de laurier. ? Vanitas vanitum, omnia vanitas » Wouter Kloek, conservateur en chef des peintures du Rijkmuseum rappelle que « la pensée des hommes du XVIIe siècle était imprégnée de certains concepts, tels que la remontrance, la temporance ou la fuite du temps, « Vanitas vanitum, omnia vanitas », « vanité des vanités, tout n’est que vanité Il ajoute : « Ces paroles bibliques issues e l’EcccIésiaste étaient souvent citées et constituaient le thème principal de nombreuses natures mortes.

Un crâne, la flamme d’une lampe ? l’huile venant juste d’être éteinte ou la fragilité d’un verre posé en équilibre instable » (dans l’objet d’art, L’âge d’or de la nature morte néerlandaise, juin 1999).

Christine Debrie explique que « Bien que moins courantes dans les Pays-Bas du Sud que dans ceux du Nord, les allégories de la Vanité attestent la communauté de pensée entre les protestants et les catholiques : même approche du message moral et religieux, même sens de la vérité de la nature, même confiance ans la capacité des objets à matérialiser le symbole Au XVIIe siècle, les natures mortes à implication philosophique, où tous ces objets représentatifs des richesses de la nature et des activités humaines sont juxtaposés ? des éléments évocateurs e la Mort, étaient autant 3 4 Pays-Bas du Sud, en France et en Italie, où la ferveur religieuse de la Contre- Réforme incitait plus que jamais à méditer sur la mort et à réfléchir sur la vanité des choses de ce monde. 2 Le pain Il fait allusion à l’hospitalité, la charité et à reucharistie. Dans l’Ancien Testament (Ecclésiaste, IX, 7), il est le signe de la rovidence divine, dans l’Évangile il devient aliment divin par excellence.

Dans les écrits exégétiques médiévaux, le pain est la grâce spirituelle concédée à qui pratique la contemplation la plus élevée, et il est le Christ lui- meme. Il représente la charité, la consolation de celui qui a faim au sens physique et spirituel, la compréhension des Saintes Écritures. Il figure dans les représentations de repas auxquels Jésus-Christ prend part, il y fait référence à l’eucharistie. Panier empli de miches de pain Il est l’emblème des œuvres pies ou bonnes œuvres. es gâteaux Chez de nombreux peuples les gâteaux marquent les étapes de la Ils figurent dans les représentations d’épisodes évangéliques comportant un repas.

Le lait et le beurre Is représentent la maternité ainsi que l’humanité de Jésus-Christ. Le beurre rappelle les significations du lait, représentant aussi la maternité et la pureté, mais en tant que ransformation, il renvoie 4 54 aussi un symbole des riches vertus spirituelles. Le fromage Il fait allusion à la maternité et à la rectitude. Dans l’exégèse biblique, le fromage représente la fermeté de l’esprit et la rectitude du raisonnement. La gelée de fruits Elle fait référence à la douceur de la vie conjugale. Le miel évoque la douceur, la divinité, la sagesse spirituelle. II représente la douceur des préceptes de Dieu et la figure du Sauveur.

Mais le miel peut être aussi un symbole négatif et représenter la recherche des plaisirs charnels. Les œufs Ils évoquent la renaissance et résurrection Cœuf est la nourriture permise en temps de carême. La signification symbolique de renaissance, datant de l’Antiquité et christianisée dans l’exégèse biblique, s’exprime dans les œufs de Pâques, nourriture de la fête de ‘Ascension depuis le Moyen Âge. Dans le contexte d’une scène religieuse, les œufs préfigurent symboliquement la fécondation virginale de Marle : selon les textes exégétiques, de même que l’œuf 3 chauffé par le soleil éclôt et donne le jour au poussin, de même la Vierge fécondée par les rayons de l’Esprit-Saint engendre L’Enfant Jésus.

L’œuf, réceptacle de vie symbolise l’espérance d’une naissance nouvelle, c’est-à-dire de la Résurrection, rendue possible ar le sacrifice du Rédempteur. s 4 messagers divins en souvenir de Jésus-Christ qui dans le sermon sur la montagne (Matthieu, V, 3), appelle ses disciples « les sels de la terre Préservant les aliments de la décomposition, il est considéré comme un signe de protection contre le mal et c’est pourquoi il est de mauvaise augure de le renverser sur la table. Le sucre Originaire d’Outre-Atlantique, le sucre est porteur de la séduction de l’exotisme. II est aussi le symbole de la pureté enfantine et de la féminité.

Fruits, légumes et plantes De nombreux fruits autrefois dévolus à l’évocation de l’amour profane prennent dans le contexte sacré de nouvelles résonances symboliques. L’abricot Il est associé à la planète Vénus et à la sexualité. Le fruit peut aussi bien représenter la Sainte-Trinité en raison de ses différentes couches : la peau, le noyau, la graine, de même que la vertu et la rédemption. Cail Apprécié dès l’Antiquité à la fois comme aliment et pour ses vertus thérapeutiques, l’ail est considéré au moyen âge comme doté du pouvoir talismanique d’éloigner le Malin. Il est l’emblème de la rusticité, de la protection contre le mal et le péché.

Il peut personnifier la vie austère. Son goût acide peut induire Fimage de la vie amère. Dans la symbolique de l’exégèse biblique, l’ail représente la corruption de l’esprit et l’âcreté u péché car plus on en m st nocif en raison de sa 6 4 leur arbre prodigue largement. L’association de l’amande avec la pureté trouve son origine dans le mythe grec d’Attis. Un nombre impair d’amandes est offert comme porte-bonheur dans les mariages. L’amande est aussi un symbole biblique de l’arrivée rapide de la vieillesse. Cananas Il illustre la perfection car il est beau, bon et odorant. 4 L’artichaut Nourriture aphrodisiaque, découverte botanique.

Il est absent de l’exégèse biblique, mais il figure dans les traités botaniques du XVIe siècle, où il représente emblématiquement l’espèce rare, la écouverte botanique, la primeur naturelle chère au goût maniériste pour l’exotique et l’extravagant : c’est pourquoi il a la valeur symbolique d’un caprice de la nature, curieux par son aspect et attirant par sa saveur. Pour les Egyptiens, il était Ihiéroglyphe de la fragilité humaine. L’asperge Pline l’Ancien rapporte une légende selon laquelle les asperges étaient le produit de cornes de bélier enterrées dans la terre. Cet animal étant l’un des symboles de la puissance sexuelle ; les érudits antiques attribuèrent très tôt ? l’asperge de puissantes vertus aphrodisiaques. La calebasse

Elle est un des éléments clés dans la représentation allégorique de l’Espérance et de 4 terre, pousse très vite et perd de sa force et de sa vitalité aussi rapidement, ainsi que les vaines espérances et les joies de courtes durées. La carotte La carotte est un symbole fort érotique. Associée avec des poissons et certaines variétés de légumes comme le chou, elle cherche à prévenir et ? avertir robservateur contre tout excès. Fruits, légumes, gibiers entassés sans ordre Ils illustrent l’abus inconsidéré des plaisirs des sens. Les cerises par leur couleur rouge, les cerises renvoient à la future Passion de Jésus-Christ. La cerise représente le sang du Rédempteur à cause de son intense couleur rouge. Elle symbolise aussi les bonnes œuvres en raison de sa douceur. Elle est ainsi un emblème du Paradis.

Elle peut symboliser l’Éden auquel l’homme peut de nouveau aspirer grâce au sacrifice du Rédempteur. Dans l’iconographie chrétienne, la cerise représente un fruit du paradis, antidote à la pomme, cause du péché originel. Comme fruit printanier, elle représente l’Annonciation et le Couronnement du Christ Dans le paradis des sens, la cerise à l’instar de la fraise et de la framboise et du aisin, représente la nourriture des amants : elle est le symbole de la sensualité et de la volupté, corruptrice de la vertu. Souvent associées au corail dans les maternités du Quattrocento, les cerises conservent dans les corbeilles de fruits la valeur rédemptrice.

Céleri 54 significatif dans l’allégorie de la 5 Stérilité, sous les traits d’une femme assise sur une mule, tenant une coupe de vin, un rameau de saule et portant une couronne de céleri et d’herbes. La tige de céleri passait pour contenir des petits vers, qui une fois ingérés pouvaient rendre stériles ceux qui les avaient mangés. Dans les natures mortes, parce qu’il était un des aphrodisiaques les plus connus et les plus consommés en Europe, le céleri a pu revêtir une symbolique érotique et être une allusion à la luxure et à la débauche. La châtaigne Elle est l’emblème de la simplicité, de la providence divine et de la chasteté. Pour l’exégèse biblique, la châtaigne symbolise la continence car son nom latin castanea est étymologiquement lié à celui de castillas.

Associée pour cette raison ? Marie, elle peut faire référence à la conception virginale de Jésus- Christ. Elle est aussi une métaphore du bon chrétien, qui montre des épines ? ‘extérieur mais est plein de vertus intérieures tout comme la bogue piquante enveloppe un fruit savoureux et nourrissant. Elle représente également la pauvreté, aussi bien parce qu’elle est une nourriture humble que parce qu’elle est laide au-dehors et pleine de qualités au-dedans. Fruit d’hiver, la châtaigne est un s mbole de prévoyance. La châtaigne est liée aux d’incarnat tenant un panier plein de nèfles, de noix et de châtaignes et personnifiant le mois d’octobre et le signe du scorpion. champignon Parasite, le champignon envahit les troncs d’arbre dans certaines œuvres. Pourtant, es destructeurs périront à leur tour et redeviendront poussière. Le chou « Les anciens Ioniens invoquaient le chou dans leur serment. Pour les Grecs et les Romains la création du chou est liée à l’histoire légendaire et tragique d’un prince Thrace, roi du peuple des Edoniens, Lycurgue qui défendit victorieusement sa terre envahie par le Dieu de la Vigne Dionysos et ses séides alors que ceux-ci cherchaient à y introduire le vin. Dionysos, chassé et humilié, se réfugia sous la mer auprès de Thétis et réclama vengeance. Rhéa, mère des Dieux et déesse de la Terre, punit Lycurgue en le rendant fou.

Dans sa démence, le roi des Edoniens, prenant son fils Dryas pour un pied de vigne, le massacra à coup de hache. Maitrisé par les siens, il fut torturé à mort et de ses larmes de souffrance naquirent les choux. De cette légende est vraisemblablement née la croyance populaire qui voulait que le chou, ainsi que le laurier soient nuisibles au bon développement de la vigne » (voir Anne Guérin, Marie Christine Hervé). La religion chrétienne recommandait de le servir lors du repas de carême. Nourriture rudimentaire et austère et un des composants de base du menu quotidien, le chou est considéré comme une all galité et de la simplicité. 0 Ss