Une nouvelle méthode de géomarketing pour le marché

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Parmi les nombreuses difficultés figure en bonne place celle de omprendre et d’accéder à la clientèle des riches Chinois, et plus généralement de définir une stratégie commerciale en adéquation avec les spécificités du marché chinois du luxe. pour contribuer à pallier ces difficultés est proposée ici une nouvelle méthode consistant à partir de l’habitat des riches, et notamment des enclaves résidentielles fermées et sécurisées ou gated communities (en chinois : haohua ou shehua bieshu qu, littéralement « zones de villas de luxe ») (Giroir, Pow, Wu).

Une partie des riches connaissance de cet habitat permet d’appréhender le monde des riches dans sa distribution patiale, mais aussi l’ensemble de ses aspects (pratiques récréatives, goûts esthétiques, imaginaire… ). L’hypothèse est qu’il s’agit là d’un puissant outil de géomarketing. Au fond, elle reprend l’adage bien connu : « Dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es Au final, il paraît donc possible d’optimiser la connaissance générale du monde du luxe en Chine à travers l’expertise des gated communities, et donc d’optimiser la stratégie de vente des entreprises de luxe sur le marché chinois.

Cette étude reprend certains passages d’un texte à paraître en 012 dans les actes des Journées de Recherche en Marketing Horloger, « Asian Dream », Neuchâtel (Suisse), 2-3 novembre 2011 (cf. bibliographie). Email : ggluxchinal @gmail. com 28 variable, mais on peut avoir de véritables private cities avec plus de 10 000 villas comme Fenghuangcheng près de Canton (avec toute une géographie interne des niveaux de luxe des villas) (Girolr, 2008).

Globalement, ces lotissements ont une emprise territoriale non négligeable : à Pékin, leur superficie cumulée dépasse 100 km2, soit autant que Paris intra- muros ou davantage que les quatre arrondissements centraux de pékin (87 km2). Ces lotissements de luxe ont généré autour d’eux d’autres micro-territoires de luxe comme des go fs, des clubs d’équitation ou encore des écoles internationales (pour les enfants de riches). Ces gated communities chinoises ont ainsi pu être qualifiés de « clubs dans un système de clubs » (Giroir, 2003) (carte 1).

Globalement, les gated communities forment ainsi une sorte d’archipel de territoires de luxe aux portes des grandes villes chinoises. Carte 1 : L’archipel des territoires de luxe autour des gated communities, Pékin. Source : G. Giroir (2003) « Gated communities, clubs in a club system. The case of Beijing (China) », actes de l’International Conference on Gated communities de Glasgow, septembre 2003. Consultable sur le site web du Department of Urban Studies, Université de Glasgow (Grande-Bretagne), Centre of Neighborhoods: vww. la. ac. ak / departments / urbanstudies / gated / gatedpaps / gatedconfpaps. html Le niveau de luxe varie beaucoup d’un lotissement à un autre. Dans le cas des gated communities hyper-luxueuses, les résidents disposent de plusieurs milliers de m2 de surface habitable, parfois d’un thé usée personnels. Une 2E ces ghettos pour riches sont englobés dans des golfs : on parle alors de gated golf ommunities. C’est le cas par ex. de Mission Hills près de Shenzhen, qui constitue le golf le plus vaste du monde avec 20 km2 ! photo 1) 2 Photo 1 : une gated golf commuity : Mission Hills (Shenzhen). G. Giroir es prix peuvent être tout à fait extravagants (surtout dans le contexte chinois) : la villa la plus chère de Chine a été ainsi vendue 130 millions de yuan Shanghai Ziyuan (Giroir, 2011) (photos 2 et 3). Photo 2 : La gated community la plus chère de Chine (vue d’en haut) : Shanghai Ziyuan, Shanghai. G. Giroir Photo 3 : La gated community la plus chère de Chine (entrée) • Shanghai Ziyuan, Shanghai. G. Giroir Carchitecture est dans sa très large majorité de style occidental.

On y observe la prédominance de l’architecture de type nord-américain (ex. Portman, Californie…. ), mais aussi français (ex. Villas Le Château ou Fontainebleau Villas, près de Shanghai) (Giroir, 2006), italien (ex. Venice Villas ou Marco Polo près de Pékin), anglais, canadien, australien ou méditerranéen (ex. Dizhonghai bieshu près de Shanghai), plus rarement japonais. Certaines de ces enclaves pour riches sont de st le contemporain (photos 4 4 28 dans le style chinois traditionnel sont apparues.

Elles ont adopté l’architecture de type siheyuan (maisons à cour carrée du vieux Pékin) comme les complexes Guantang et Yijun à l’est de la capitale (Giroir 2008). II peut s’agir de villas plus ou moins vastes. Mais, les gated communities peuvent aussi se composer de véritables mini-châteaux ou de palais (Caifu Gongguan ; Junting… ) (Giroir, 2011) (photos 8 à 10). Dans un cas, la gated community constitue un ensemble de 250 châteaux serrés les uns contre les autres, avec un style architectural similaire ! 4 Photo 8 : Une gated community de châteaux (vue de rextérieur) : Palais de Fortune, Pékin.

G. Giroir. Photo 9 : Intérieur d’une gated community de châteaux : Palais de Fortune, Pékin. G. Une gated community de châteaux (vue d’ensemble) : Junting, Photo 11 : Une gated community de châteaux (détail) : Junting, Il peut s’agir de résidences principales, mais aussi de résidences secondaires (ex. Suzhou pour les Shanghaïens). Un certain nombre de villas sont louées aux expatriés. D’autres sont réservées aux Chinois pour des raisons fiscales. Parfois, des villas abritent une seconde épouse (ernai), n 28 Canton et Shenzhen.

Un The Purple Jade Villas (Beijing), a golden ghetto in red China) (Giroir, 2006)2 pour souligner leur caractère politiquement très sensible dans un pays encore officiellement communiste. Plusieurs questions se posent alors : comment aborder des territoires mis au secret ? Quelles sont les méthodes de collecte des informations concernant ces gated communities ? Quelles sont les données auxquelles cette méthode aboutit et quelle peut être Cexpression « golden ghetto in red China » avait déjà été utilisée par G. Giroir lors de la conférence de Mainz (Allemagne) consacrée au même sujet en juin 2002. leur qualité dans un contexte aussi contraignant ? Quelles sont es limites de cette méthode ? Pour essayer de cerner ces micro-territoires très discrets, voire tabous, une méthodologie hybride a été développée. – Enquêtes de terrain Elle repose en premier lieu sur de multiples enquêtes de terrain effectuées depuis l’an 2000 dans les immenses banlieues des villes, qu’il s’agisse des mégapoles comme Pékin ou Shanghai surtout, mais aussi des villes de taille moins Importante comme Canton, Shenzhen, Suzhou… De telles investigations ne sont pas sans difficultés.

Elles supposent des déplacements dans les banlieues parfois très lointaines et isolées des métropoles chinoises, ais aussi des villes moyennes. L’entrée dans ces zones de villas de luxe est loin d’être 6 8 informations qu’on peut collecter sur place sont loin d’être homogènes et utiles. Elles peuvent revêtir plusieurs formes : documents commerciaux et/ou publicitaires, parfois ouvrages complets (notamment sur l’architecture du projet), entretien avec le responsable des ventes, photos, site Internet (le plus souvent en chinois)…

Au total, pour la majorité d’entre elles, un ensemble de données uniques et de première main a pu être accumulé. Dans certains cas, plusieurs visites ont été effectuées à des ates différentes pour obtenir un suivi de révolution de tel ou tel complexe résidentiel et l’actualisation des données. – Base de données multicritère Un second grand type d’approche a consisté à élaborer une base de données sur un ensemble de zones de villas de luxe en recoupant plusieurs sites chinois. ce jour, près de 3000 gated communities sont ainsi référencées. À partir de ces sources, a été effectué un minutieux travail de correction, d’extraction et d’homogénéisation de données pour élaborer une base de données multicritère : prix au m2, style architectural, nombre de villas, ocalisation (avec adresse), superficie totale, présence de services (club house, écoles, supermarchés… ), nom du gestionnaire de la zone de villas…

Au total, le croisement des deux approches donne lieu à un outil d’analyse unique et forte valeur ajoutée. À partir de cette méthodologie hybride, quels sont les types de résultats en terme de géomarketing ? Globalement, cet outil permet de produire deux grands types d’applications géomarketin : cartographiques et statistiques d’une part, qu part. 1. 3 Trois types de données et résultats Ces enclaves résidentielles de luxe se comptent désormais par illiers.

Elles occupent des portions importantes des banlieues des grandes villes en Chine. L’étude de leur distribution spatiale permet de répondre avec une grande précision à la question simple : où sont situés les riches en Chine ? C’est une question apparemment anodine mais essentielle pour les entreprises de produits et de services de luxe car il est stratégique pour elles de connaitre la distribution spatiale des riches afin de pouvoir réaliser ou optimiser leurs ventes.

Grâce à cette méthode innovante, il est possible de réaliser une cartographie des riches Chinois à échelle fine. Données cartographiques 6 En effet, la représentation cartographique classique des riches en Chine s’avère bien imprécise jusqu’à présent. C’est notamment ce qui ressort des rapports annuels de Hurun Report concernant les 960 000 individus disposant d’une fortune personnelle de plus de 10 millions yuan (équivalent à 1,5 million de $ ou 1,1 million E) et les 60 000 personnes avec plus de 100 millions yuan3.

Japrès le rapport 2011 la répartition des riches dans les principales régions et villes chinoises en 2011 s’établit comme suit – Pékin : 170 000 (17,7 – Guangdong : 157 000 (16,4 % Shanghai : 132 000 (13,8 existantes réalisées sur cette question trois grands résultats et tendances ressortent : – la concentration des riches en Chine orientale, notamment dans les provinces du Guangdong et du Zhejiang, laboratoires du capitalisme à la chinoise – leur sur-représentation dans les mégapoles de Pékin, Shanghai et Canton (capitale du Guangdong), – leur sous-représentation relative dans les provinces de l’intérieur pourtant très peuplées (Sichuan… ) Mais cette approche cartographique suscite deux séries de critiques. D’abord, l’échelle de représentation reste sommaire. Elle ne donne pas la distribution concrète des riches dans l’espace, mais seulement à Féchelle des régions et des mégapoles chinoises.

Quand les données en restent à l’échelle des provinces chinoises, il est évident que savoir le nombre total de riches dans des espaces régionaux qui comptent souvent plus d’habitants que certains États européens avance à peu de chose. C’est encore le cas pour des mégapoles telles que Pékin ou Shanghai compte tenu de l’immensité des espaces bâtis de ces monstres urbains. La question qui reste sans réponse est alors : où les riches se situent-ils dans Pékin ou Shanghai ? Mais, la question scalaire n’est pas la seule à poser des difficultés. La méthodologie peut aussi faire l’objet de critiques. Le principe de comptabilisation du nombre de riches se heurte à la question de la fiabilité des sources. II y a beaucoup de sous- déclaration des riches en Chine, compte tenu des risques politi ues à se dire riche. En outre, l’une des difficultés des riche en Chine.

II est clair que, par définition, la détermination d’un tel seuil, s’avère largement arbitraire ; surtout qu’une partie de la fortune des riches Chinois est investie en actions et ue les variations des bourses chinoises occasionnent parfois des corrections brutales de la valeur des patrimoines. Donc, ce type de rapport ne permet pas aux entreprises de luxe de toucher directement leur clientèle. La méthodologie préconisée ici pour contribuer à pallier ces difficultés passe par la cartographie des riches Chinois à l’échelle beaucoup fine et concrète des gated communities (communautés résidentielles fermées et sécurisées). L’idée est donc d’appréhender la distribution spatiale des riches de manière indirecte, à travers leur habitat.