Th Orie Des Relations Internationales
Classification des théories des relations internationales Il existe plusieurs classifications différentes des théories des relations Internationales. La plupart établissent néanmoins une distinction entre les ‘théories générales’, i. e. les trois philosophies qui ont proposé une explication normative, historique et relativement globale des relations internationales – le réalisme, le libéralisme et le marxismel – et les autres théories.
Cette deuxième catégorie regroupe les théories ‘partielles’ propres aux divers champs de sp internationales et les conceptions normatives critiques s t, Sni* to vieu La première partie d héories générales des relations internationales en établissant toutefois une distinction entre les conceptions classiques et néo-classiques du réalisme, du libéralisme et du marxisme, ce qui est peu courant dans les manuels consacrées aux relations internationales.
Par la suite, elle examine deux théories normatives critiques des théories générales classiques et néo-classiques, qui sont inspirées du post-modernisme : le constructivisme et la perspective communautarienne. Les principales théories partielles des relations internationales sont étudiées dans la troisieme et la quatrième parties du livre, onsacrées à la politique étrangère des Etats et aux relations économiques internationales. e pensée à la ‘théorie classique de l’Etat de nature’ et à la ‘théorie moderne de la communauté internationale’. Philippe Braillard parle du marxisme-léninisme plutôt que du marxisme et de la théorie juridico-idéaliste plutôt que de la théorie libérale. Paul Viotti et Mark Kauppi emploient le terme pluralisme pour désigner le libéralisme et le terme globalisme pour désigner le marxisme.
Voir Daniel Colard, Les relations internationales de 1945 à nos jours (Paris : Masson, 1993),’ Braillard, Théories des relations nternationales; Paul R. Viotti et Mark V. Kauppi, International Relations Theory ( Boston/Londres : Allyn and Bacon, 3e éd. , 1999). Le réalisme Selon Braillard, le qualificatif « réalistes » a été attribué aux auteurs qui prétendent considérer l’humain et les rapports sociaux – notamment les relations politiques – tels qu’ils sont et non tels que l’on voudrait qu’ils soient, au nom de quelque idéal 2.
C’est la raison pour laquelle leurs détracteurs les considèrent souvent comme des conservateurs ou des défenseurs du statu quo. En vérité, les réalistes croient que le monde étant ouverné par certaines lois objectives ou caractéristiques naturelles immuables, le changement ou le progrès n’est possible que s’il est fondé sur la connalssance et la prlse en compte de ces contraintes. La préoccupation première des réalistes est donc de comprendre ces contraintes grâce à une observation objective de la réalité.
Dans les faits, toutefois, leur observation ure sélective et imbue de PAGF 38 quintessence de la pensée réaliste : les Etats sont les seuls ou les principaux acteurs des relations internationales; l’Etat est par nature unitaire; l’Etat est ratlonnel et vlse onstamment à maximiser son intérêt national, ce qui implique le recours périodique à la force; la sécurité et les questions politiques constituent l’unique ou la principale finalité de la politique étrangère3. II serait vain, toutefois, de vouloir retrouver l’expression intégrale de ces quatre thèses chez tous les penseurs réalistes.
Comme nous le verrons ciaprès, cette vision classique ou orthodoxe du réalisme s’est construite progressivement au fil des siècles pour trouver sa formulation la plus systématique chez les auteurs des années 1950-1980. Au cours des décennies ultérieures elle a fait ‘objet de diverses remises en questions, reformulations et adaptations par les théoriciens néo-réalistes. 2 Braillard, Théories des relations internationales, 69. 3 V10tti et Kauppi, Internatioal Relations Theory, 55-56.
Les précurseurs du réalisme Plusieurs spécialistes soutiennent que le philosophe grec Thucydides (471-400 av. J. C. ) est le premier précurseur de la tradition réaliste et de l’analyse des relations internationales4. Son célèbre ouvrage Histoire de la Guerre du Péloponèse, en effet, n’est pas uniquement une chronique de la guerre qul a opposé Athènes et Sparte pendant ingt-huit ans, mais une analyse des fondements de la puissance militaire et politique de ces deux Etats et des causes de leurs comportements agressifs l’un vis-à-vis de l’autre, PAGF 8 entrevues avec les protagonistes.
La principale conclusion de son enquête est que la guerre est le résultat de la peur et d’un changement dans l’équilibre des puissances. Sparte a attaqué Athènes parce qu’elle craignait de perdre sa suprématie sur le Péloponèse. Dans un premier temps, Athènes a riposté pour se défendre, mais la dégénérescence de ses institutions démocratiques l’ont amené ? devenir de plus en plus anatique et agressive, Fincitant à poursuivre la guerre contre Sparte dans le but d’usurper à cette dernière sa position hégémonique.
Deux enseignements fondamentaux ont été retenus par les réalistes de l’œuvre de Thucydides premièrement,chaque Etat cherche nécessairement à défendre ou à maximiser sa puissance militaire et politique, ce qui crée des conditions favorables à la guerre; deuxièmement, la guerre est plus probable entre Etats autoritaires qu’entre Etats démocratiques puisque les seconds sont moins impérialistes que les premiers. Les deux philosophes les plus souvent cités comme fondateurs u réalisme demeurent néanmoins l’italien Nicolas Machiavel (1469-1527 ) et l’anglais Thomas Hobbes (1588-1679).
Machiavel est un contemporain de la Renaissance, marquée par 4 Id. , ibid, 57; Michael Doyle, « Thucydides : a Realist? in Richard Ned Lebow et Barry S. Strauss, eds, Hegemonic Rivalry : From Hegemony to the Nuclear Age (Boulder, CO : Westview la rupture de l’ordre juridi de la chrétienté et le qui, exclusivement préoccupés par le désir d’accroitre leur influence, vivent dans un climat permanent d’hostilité et de rivalité.
C’est la loi de la jungle qui régit les rapports interétatiques, le plus ort imposant sa volonté au plus faible. Hobbes est le témoin de la répression sanglante des rébellions irlandaise et écossaise et de l’instauration de la première république anglaise, sous l’égide du dictateur Oliver Cromwell (1648-1658), évènements qui le terroriseront et l’amèneront à s’exiler en France. Ces contextes historiques ne sont pas étrangers à la vision pessimiste de la nature humaine et des rapports interétatiques de Machiavel et Hobbes.
Ces derniers croient, sur la base de leur observation personnelle et nécessairement partielle de la réalité de leur époque, que les hommes sont animes d’un nstinct inné de puissance et de domination qui les porte ? compétitionner entre eux pour l’acquisition de la richesse, du pouvoir, du prestige, etc. Cette utte se traduit inévitablement par la victoire de ceux qui, en raison des attributs de leur naissance (force physique, capacités intellectuelles, milieu familial plus favorisé) ou des chances que leur a procuré l’existence, possèdent des ressources supérieures aux autres.
La nature et la conduite des Etats ne diffèrent pas de celles des hommes qui les dirigent. Les Etats sont animés d’une volonté de puissance ou de conquête qui les incite à rivaliser constamment ntre eux. Dans la mesure où les Etats sont inégaux, certains étant avantagés par la distribution PAGF s 8 plus aptes à utiliser efficacement la force (militaire) et la ruse (diplomatique), cette rivalité conduit à la domination des plus faibles par les plus forts.
C’est dans Le Prince (1513), petit opuscule dédié à Laurent de Médicis, maître de la Cité-Etat de Florence, que Machiavel a exposé le plus clairement sa vision des relations internationales. Celle-ci est dénuée de toute préoccupation religieuse et morale et consacrée essentiellement au triomphe du plus fort qui est, selon lul, « le fat essentiel de ‘histoire humaine ». Pour Machiavel, le désir d’acquérir « est une chose ordinaire et naturelle » et tout Etat doit s’efforcer d’étendre ses possessions. Cette fin justifie l’emploi de tous les moyens.
Pour agrandir son territoire et conserver ses conquêtes, le Prince doit s’inspirer de la ruse du renard ( la diplomatie) et de la force du lion (la puissance militaire). L’infidélité aux engagement pris n’est qu’une nécessité pratique. « un prince doit savoir combattre en homme et en bête. un prince doit se faire une réputation de bonté, de clémence, de pitié, de loyauté et de justice. Il doit ‘ailleurs avoir toutes ces bonnes qualités, mais rester maître de soi pour en déployer de contraires, lorsque cela est expédient.
Je pose en fait qu’un prince, et surtout un prince nouveau, ne peut exercer impunément toutes les vertus de l’homme moyen parce que l’intérêt de sa conservation l’oblige souvent à violer les lois de l’humanité, de la loyauté.. » (Le Prince, chapitre VIII) Machiavel conçoit les Etat monstres froids qui n’ont 8 Cette aspiration naturelle à la souveraineté est la noble cause qui justifie remploi de tous les moyens pour sauvegarder et agrandir la puissance d’un Etat.
Mais elle est également la cause des rivalités et des conflits inévitables et permanents entre les Etats, raison pour laquelle la société internationale ne peut être qu’anarchique. Hobbes approfondira la pensée de Machiavel en montrant, dans Le Léviathan (1 651), qu’il existe une opposition radicale entre la société internationale et les sociétés nationales. Dans celles-ci, en l’absence dun pouvoir organisé, les hommes vivent dans un état d’anarchie où chacun est un concurrent avide de puissance et voit son droit le plus fondamental, le droit à la vie, constamment menacé.
Les hommes peuvent toutefois ortir de cet état naturel de guerre et entrer en société en concluant un ‘pacte’ ou un ‘contrat social’ par lequel ils renoncent à leurs droits et libertés et confient le pouvoir ? un Prince ou à une Assemblée en échange de la protection de leur sécurité. Cependant, un tel contrat social, garant de l’ordre et de la paix, n’est pas possible entre les Etats puisqu’il impliquerait que ces derniers renoncent à leur souveraineté au profit d’un gouvernement mondial unique. La société internationale est donc condamnée ? demeurer anarchique et c r la méfiance et la force PAGF 7 8 fixés sur les autres.
Je veux parler ici des orts, des garnisons, de canons qu’ils ont aux frontières de leurs royaumes, et des espions qu’ils entretiennent continuellement chez leurs voisins, toutes choses qui constituent une attitude de guerre » ( Le Léviathan, chapitre XIII). Comme le soulignent à juste titre Viotti et Kauppi5, la vision des relations internationales de Machiavel et Hobbes est cynique et pessimiste parce qu’elle tient compte uniquement des relations diplomatico-stratégiques des Etats, essentiellement caractérisées par la guerre – latente ou ouverte – à leur époque.
Les précurseurs du réalisme qui ont envisagé les relations internationales du point de ue économique aboutissent à une conclusion plus optimiste. Tel est le cas de Hugo Grotius (1583-1645) diplomate, juriste et historien hollandals contemporain de Hobbes. Etant donné l’importance de la navigation et du commerce pour les Pays-Bas au tournant du XVIIe siècle, Grotius plaide en faveur de la négociation de traités et de conventions internationales destinées à assurer la paix et à garantir la liberté de la navigation et des échanges.
Dans son plus célèbre ouvrage, De jure belli ac pacis, Grotius soutient que la guerre ne peut être la seule forme des rapports entre Etats uisque la puissance de ces derniers ne repose pas uniquement sur la sauvegarde et l’agrandissement de leurs territoires; elle dépend ép r prospérité PAGF E 8 de pacification et de réglementation des relations internationales. Dans la mesure 5 Id. , ibid. 61. où cette thèse a été reprise par les libéraux, Grotius est souvent considéré comme un précurseur du libéralisme autant que du réalisme.
Pourtant, alors que les libéraux croient que Hextension du droit international mènera à la création d’institutions supranationales et à l’instauration d’une paix universelle durable, Grotius envisage les ententes juridiques entre Etats comme une conséquence de l’absence d’autorité centrale au sein de la société internationale et un facteur susceptible de limiter mais non d’éliminer le recours à la force.
Parmi les auteurs qui ont contribué à établir les fondements de la théorie réaliste, il faut également mentionner Carl von Clausewitz ( 1780-1831 Dans son ouvrage De la Guerre, ce dernier a apporté une contribution nodale ? l’explication de la stratégie militaire en expliquant que toutes les décisions prises sur un champs de bataille sont caractérisées par l’incertitude. L’issue de toute guerre est imprévisible, car aucune planification rationnelle des opérations militaires ne peut prévoir tous les obstacles qui sont susceptibles dentraver ou de faire échouer le déroulement de ces opérations.
L’influence de rœuvre de Clauwewitz ne tient pas uniquement, cependant, au fait qu’il a conceptualisé la notion d’incertitude ui deviendra, au XXe siècle, un des éléments militaires d’un Etat, mais sur ses ressources sociales et économiques6. Enfin, il a soutenu que la finalité ultime d’une guerre était la paix, une thèse qui, bien que reprise par récole réaliste, demeurera ncomprise des détracteurs de cette école. 6 Cette thèse sera illustrée de façon magistrale par Paul Kennedy dans The Rise and Fall of the Great Powers (New-York : Vintage Books, 1987).
Les réalistes du XXe siècle7 Compte tenu que le réalisme a constitué le cadre d’analyse dominant des relations internationales au XXe siècle, notamment dans les pays anglo- saxons, une multitude d’auteurs ont contribué à son approfondissement et à sa systématisation. II est évidemment impossible de recenser ici tous leurs travaux. Nous nous attarderons sur trois auteurs qui ont eu une influence particulièrement éterminante. Hans J.
Morgenthau est considéré par plusieurs comme le principal successeur contemporain de Machiavel et Hobbes en raison de sa contribution majeure à la conceptualisation et à la systématisation de la pensée réaliste classique8. Dans son ouvrage le plus célèbre Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace9, il définit ainsl cette théorle « (Le réalisme) croit que le monde, tout imparfait qu’il est d’un point de vue rationnel, est le résultat de forces inhérentes à la nature humaine. Pour rendre le mande meilleur, on doit agir avec ces forces et non co onde étant par