soutenance

essay B

Texte de présentation de soutenance Depuis ma maîtrise sur les canaux de la ville de Paris jusqu’à ma thèse, une question m’a habitée : celle de la nature. Mais qu’elle est cette nature ? Celle que l’on rêve lorsqu’on se promène sur les bords du canal Saint-Martin ? Celle que l’on transforme lorsque l’on coupe les palétuviers pour récupérer les huîtres qui viennent se ficher sur leurs racines ? Ou bien celle que Hon dit frappée de disparition depuis 40 ans et qui pourtant est toujours si prolifique dans le Sni* to View Sud de la Guyane ?

Approchée par l’imag Ire or 13 politique, la nature p efi • Lorsque, en maîtrise, iscours et la r l’imaginaire qu’elle suscite, il m’a semblé qu’elle ne devenait plus qu’un support. Comme un miroir, elle disparaissait sous l’image qu’elle rendait possible. Lorsque j’ai voulu comprendre les pratiques qui la transforment, dans mon DEA je me suis tournée vers les relations sociales qui construisent ces pratlques. A nouveau, elle perdalt consistance ? mesure que je tentais de m’en approcher.

L’objectif majeur de ma thèse a été de construire une recherche sociologique d’où la nature ne se soit pas dérobée. Ma première expérience en Guyane pour la saisir, s’est déroulée ans le village de Kaw qui se trouve dans une réserve naturelle ? 80 Kms de Cayenne. Après y avoir séjourné 1 mois, interrogé les personnes qui soit habitent ce village, soit gèrent la réserve et ses activités humaines, ou encore développent le programme de recherche qui dy déroule, j’avais, sans le savoir encore, posé les bases de mon approche de la question de la nature en Guyane.

Habitants, gestionnaires, scientifiques, l’assemblage de ces trois points de vue à travers le temps, voilà le socle qui m’a amené ? comprendre le processus qui a fait de la nature un point nodal et e ce fait lui confère une existence. Il me fallait outiller sur le plan théorique et méthodologique cette première approche exploratoire. Je me suis alors appropriée le travail de Latour, dont Pintérêt majeur est qu’il analyse dans un même mouvement, recherche scientifique, politique de la nature, constitution et transformation dun collectif.

En effet, sa théorie sociologique s’est construite par une analyse de la science comme pratique professionnelle. Elle la relie ? d’autres activités et la positionne ainsi comme une médiation entre la nature et la société. De ce fait, cette approche ne partage as la nature en différents segments (les représentations qu’elle suscite, les pratiques qui s’y déploient, sa gestion, ou encore les connalssances qui s’y construisent).

Bien au contraire, elle l’insère dans un processus, où la science tient une place de choix, par sa capacité à nouer des liens entre des éléments naturels, des instruments techniques et des acteurs (Latour, 1984 ; Callon, 1986). Selon cette approche, les scientifiques ont la ca 13 acteurs (Latour, 1984 ; Callon, 1986). Selon cette approche, les scientifiques ont la capacité de devenir les porte-parole des êtres qu’ils étudient, qu’ils soient naturels u sociaux. En effet, la qualité de ce qui est représenté ne serait pas déterminante, contrairement au nombre et à runicité des représentants.

Il est vrai que les porte-parole d’êtres naturels et sociaux se comportent de manieres remarquablement similaires. On note par exemple le parallèle entre les propositions de réserves naturelles faites par un botaniste pour la faune et la flore dans les années 70 et les propositions de reserves foncières pour les amérindiens faites par un ethnologue, une décennie plus tard. Quelles que soient les différences entre ceux qu’ils représentent, es deux porte-parole mobilisent une même forme de protection, la réserve.

Mais, si les porte-parole peuvent adopter des comportements similaires, en revanche, la qualité des êtres représentés affecte les modalités possibles du rapport avec le représentant. Un cas emblématique est celui des amérindiens. A partir du milieu des années 80, le porte-parole scientifique, l’ethnologue, est doublé par l’émergence d’un porte-parole politique, amérindien lui-même. De ce fait, les porte-parole de cet objet perdent leur unicité. Le rapport entre représentant et représentés a donc été affecté par la qualité de ces derniers.

De la même manière, l’être naturel mercure amène ses porte- parole au centre des discussions sur le projet de parc. Cela tient ? amène ses porte-parole au centre des discussions sur le projet de parc. Cela tient à ses propriétés Intrinsèques, à savoir, sa capacité à amalgamer l’or et sa toxicité pour le corps humain. Ces propriétés, du fait de leur caractère hybride, vont situer ces porte-parole et le mercure au centre des relations entre être naturels et êtres sociaux et les recomposer.

Là encore, la qualité de ce qui est représenté, affecte le rapport entre représentant et représentés. Ainsi, se centrer sur la pratique scientifique permet de rendre compte de la manière dont l’existence de la nature est construite et consolidée dans notre société, mais ne permet pas d’en saisir la consistance. pourtant, dans tout espace naturel protégé, run des moteurs de l’action est bien le présupposé que la nature s’incarne dans cet espace. Je devais donc associer cet outil théorique à un autre qui redonne sa consistance à la nature (consistance : lat. onsistere : se tenir ensemble). Les travaux de Descola, notamment Par-delà nature et culture, ont alors considérablement complété ceux de Latour. Il définit en effet comment la manière d’inclure la nature dans notre existence indlviduelle et collective, affecte celle-ci. Le choix collectif de circonscrire un espace et de lui attribuer le rôle de maintenir intact la nature, c’est-à-dire mener une politique de protection d’espace naturel, est bien la manière dont la nature du sud de la Guyane est censée s’inclure dans le collectif guyanais.

Cela revient à créer une césure, spatialement 3 est censée s’inclure dans le collectif guyanais. Cela revient à créer une césure, spatialement marquée, entre nature et culture. Cela semble en adéquation avec ce que Descola nous dit du concept de nature, tel qu’il s’est forgé en Occident. Il serait en effet basé sur l’idée de détachement entre deux ensembles : les êtres humains d’un côté, définis par leur intériorité exclusive et singulière, et de l’autre, tous les autres êtres définis uniquement par leur physicalité.

Descala définit ainsi la discontinuité entre homme et nature comme étant à la base de l’ontologie naturaliste, schème occidental d’intégration de l’expérience individuelle et collective, qu’il met en regard de 3 autres ontologies. Dans cette analyse, la nature a des contours et un contenu stabilisés, ce qui fut pour ma recherche un point d’appui constant. Mais, le processus de création d’un espace naturel protégé suppose, une action humaine et donc un lien, une continuité, entre nature et culture. C’est là toute l’ambigulté et Vintérêt du projet de parc national.

Cette ambiguïté questionne l’ontologie naturaliste et m’a amenée à m’interroger sur les recompositions dans cette ontologie, du fait de la mise en œuvre d’une politique de la nature. Je me suis donc dotée d’un double équipement : la théorie atourienne qui éclate la nature dans les relations sociales et celle de Descola, redonnant corps à l’unité du concept de nature, et de ce fait, retraçant la manière dont nous abordons sa matérialité. Je pouvais ainsi analyser, PAGF s 3 de ce fait, retraçant la manière dont nous abordons sa matérialité.

Je pouvais ainsi analyser, à la fois l’existence sociale de la nature, et sa consistance spécifique. Il me fallait bien un tel équipement pour me déplacer de mon terrain exploratoire sur la réserve naturelle de Kaw à un terrain plus dense en problématiques et acteurs qu’était celui du projet e Parc National. 30 ans de négociations, 50 acteurs présents aux comités de pilotages, l’avenir de 2 millions d’ha de forêt tropicale humide en jeu, ce projet était un terrain prometteur pou analyser la nature comme point nodal.

Il fut également, bien entendu, riche en difficultés. Lors de mon année de terrain en 2003, la mission pour la création du parc national était interdite de communication externe et personne n’était alors en mesure d’affirmer que le parc allait effectivement se créer. Chacun des acteurs que je rencontrais émettait une argumentation générale prolixe sur la politique de la nature t les échecs du parc, mais n’abordait jamais sa position et la mise en œuvre du projet à laquelle il avait pris part.

Vis-à-vis des scientifiques du vivant je peinais à construire la crédibilité qu’ils n’accordaient pas d’emblée à ma dlscipline et à mes outils de travail (entretien, observation et prise de note). Afin de dépasser les limites et hésitations du recueil de données par observation et entretien, je décidais de m’atteler à reconstituer l’existence écrite du projet de parc. Cette méthode d’observation par l’analyse de sources écrites m 6 3 l’existence écrite du projet de parc.

Cette méthode d’observation par l’analyse de sources écrites mises en série, était nouvelle pour moi et une fois dépassé son abord aride par rapport à la méthode des entretiens, elle m’est apparue très fructueuse. Ce choix méthodologique m’amenait à reconstituer la continuité de ce projet entre différents domaines d’action et à travers le temps. Je pus également redonner corps à ce qui a nourri le projet de parc : c’est-à-dire l’évolution des institutions et pratiques de recherche, le processus d’institutionnalisation de la protection de la nature, et l’évolution des représentants des habitants.

La stabilité des sources écrites, m’a permis de cerner comment s’étaient construits les éléments qui nourrissent le projet, et les transformations qu’ils ont subis, en entrant dans le projet de parc. Cet ensemble de sources écrites, complété par les entretiens et observations, m’a amene à chercher un outil théorique pour aborder le passage d’un projet agrégeant plusieurs individualités à un projet d’envergure nationale et internationale. Les travaux de la sociologie pragmatique, analysant la formation des causes collectives, m’ont été d’un grand secours.

J’ai alors revisiter mes atériaux en me demandant : Comment passe-t-on d’un cas singulier à la mobilisation collective ? Ce sont les travaux de Boltanski qui ont fait le plus grand écho ? mon sujet, en raison de son analyse du rôle de la dénonciation. En effet, la création du parc national passe par la construc 7 3 analyse du rôle de la dénonciation. En effet, la création du parc national passe par la construction d’un argumentaire de dénonciation d’une menace, pesant sur les êtres existants dans l’espace projeté du parc.

Sans cette dénonciation centrée sur une menace, le parc ne passe pas au stade de l’action politique, l reste au stade de la mise en débat d’un projet. La dénonciation d’une menace est donc un outil de généralisation. La réflexion sur le passage du particulier au général, appuyée sur les travaux de Boltanski, m’a permis de déconstruire certains mécanismes fondamentaux du projet de parc. L’un de ceux-là est le rôle de l’objet mercure dans l’évolution du projet de parc durant les 10 dernières années.

Avant que des scientifiques se saisissent du mercure comme objet de recherche, l’orpaillage consistait en un problème de concurrence d’espace. Les espaces définis comme ayant une « forte biodiversite » se uperposaient avec ceux ayant de fortes potentialités aurifères dans la région centrale de la Guyane (chaine montagneuse de l’Inini Camopi). Protéger la nature et l’exploiter à des fins de profits, étant considérés par Pensemble des acteurs comme opposé, le comité de pilotage du parc se trouvalt face à un dilemme.

A ce dilemme s’ajoutait la concurrence d’appropriation de l’espace entre orpailleurs et amérindiens, dans la région du Haut et Mayen Maroni. Les orpailleurs noirs marrons développant une activité d’orpaillage sur des territoires que les amérindiens de la région, les wayanas, cons 3 ctivité d’orpaillage sur des territoires que les amérindiens de la région, les wayanas, considèrent comme les leurs. Cette approche par différents usages d’un même espace est entierement modifiée par les recherches sur le mercure.

Des scientifiques établissent que le mercure introduit par les orpailleurs dans le cycle naturel de la forêt, contamine ensuite la chaine alimentaire, jusqu’à certains poissons que les amérindiens consomment. Ils ingèrent alors ce métal, toxique pour l’organisme humain, causant notamment des malformations chez les fœtus des femmes enceintes. Le problème de l’orpaillage devient alors e problème mercure, conçu comme un problème de santé. par l’avènement de l’objet mercure, on est passé d’une concurrence d’espace, problème singulier et localisé, à un problème global.

Cet objet a produit un agrandissement des enjeux. La dénonciation de la menace que constitue le mercure, amène une généralisation. Dès lors le problème mercure sera au cœur des derniers débats pour la création du parc. On retrouve là le rôle de la dénonciation dans la généralisation d’une cause tel que Boltanski l’a analysé. Mais, cette question du mercure, revêt une autre dimension. En effet le mercure crée un lien organique entre différents objets et, de ce fait, réagence les liens antérieurs entre ces objets.

Les objets faune, flore et amérindiens ne sont plus seulement connectés les uns aux autres à l’intérieur du projet de parc, ils deviennent interdépendants. Les propriétés intrinsèques de PAGF 13 l’intérieur du projet de parc, ils deviennent interdépendants. Les propriétés intrinsèques de l’un (accumulation du méthyle mercure dans le système digestif Piraie) a des conséquences irréversibles sur les caractéristiques de l’autre (la toxiclté du ercure pour l’homme), les pratiques des uns (la pêche) sont rendues dépendantes de la pratique des autres (l’orpaillage).

Ces interdépendances se construisent entre des éléments de la réalité, quelle que soit leur appartenance à la nature et à la culture. Ce n’est donc plus leur appartenance à l’un ou l’autre de ces concepts qui est déterminant mais, ce en quoi consiste leur lien. par exemple le lien entre le chargé de mercure, être naturel puisqu’il s’agit d’un poisson, et l’amérindien qui le consomme, est un lien de destruction. Ce lien peut amener l’amérindien à passer de l’état de vivant à celui de non-vivant.

Aussi, la dénonciation de la présence du mercure a amené une généralisation des enjeux du projet de parc, mais cette généralisation est basée sur des liens à la fois organiques et destructeurs entre des êtres qui ont perdu leurs répartitions habituelles entre nature et culture. Dès lors, les objets constitués par ces êtres menacés deviennent, de manière irréversible, des objets politiques. Ce processus, a pu être analysé grâce au choix de ma problématique centrée sur la mutation d’objets scientifiques en objets politiques au cours du processus de création du parc national de Guyane. Sur la base de cette problématique